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CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 5 décembre 2014

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 5 décembre 2014
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 2
Demande : 13/09753
Date : 5/12/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 15/05/2013
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2014-033252
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4991

CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 5 décembre 2014 : RG n° 13/09753

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que la société SOCOA, professionnel de l'immobilier chargé d'effectuer le mesurage de l'appartement dans les conditions édictées par la loi Carrez, peut être recherchée par ses clients à raison des erreurs commises dans le travail réalisé, qu'il s'agisse d'erreurs juridiques ou matérielles ; […]

Considérant que c'est en vain que la société SOCOA entend s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir qu'elle a procédé à ses opérations sans avoir connaissance du règlement de copropriété et du statut de parties communes des parties de salon sous verrière et qu'elle aurait été trompée par ses clients qui lui ont remis un certificat de mesurage erroné établi par un cabinet d'architectes le 20 mars 2002 ;

Qu'il lui appartenait en effet, face à la configuration des locaux dont elle reconnaissait le caractère complexe (appartement en duplex intégrant le palier du 4e étage et l'ancien escalier de l'immeuble et existence de verrières couvrant une partie du salon), de ne se prononcer qu'en connaissance du règlement de copropriété ; qu'elle ne démontre pas avoir sollicité en vain la remise de ce document à Mme X. le jour de sa visite et qu'elle ne peut faire grief à celle-ci de lui avoir communiqué le certificat de mesurage qui lui avait été remis huit années auparavant, lors de sa propre acquisition, la venderesse n'ayant aucune connaissance du caractère erroné de celui-ci et le rôle du technicien étant précisément de réclamer les documents nécessaires à ses opérations et de vérifier les éléments qui lui étaient donnés ; que la mention portée in fine de ses conclusions « sous réserve de vérification de la consistance du lot » ne lui permet pas de s'affranchir de l'obligation qui était la sienne de vérifier cette consistance avant d'établir un certificat dont elle connaissait la portée et les conséquences dans le cadre de l'opération de vente en cours de réalisation, les surfaces incluses dépassant très largement 1/20e de la surface déclarée ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 2

ARRÊT DU 5 DÉCEMBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/09753. Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 avril 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 11/03694.

 

APPELANTE :

SOCIÉTÉ DE CONSEILS EN ORGANISATION ADMINISTRATIVE ou SOCOA

agissant en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Frédéric I. de la SELARL I. & T. - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055 ; Assistée de Maître Emmanuel B., avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

Représenté par Maître Nicolas B., avocat au barreau de PARIS, toque : J001 ; Assistée de Maître Patrick G., avocat au barreau d'ANGERS

Madame Y. épouse X.

Représentée par Maître Nicolas B., avocat au barreau de PARIS, toque : J001 ; Assistée de Maître Patrick G., avocat au barreau d'ANGERS

SCP A. - D. - D.

Représentée par Maître Marc P., avocat au barreau de PARIS, toque : P0025 ; Assistée de Maître Maela P., de l'AARPI PPH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0025

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Anne VIDAL, présidente de chambre, chargée d'instruire le dossier.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Anne VIDAL, présidente de chambre, Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère, Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Déborah TOUPILLIER

ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Anne VIDAL, président et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. et Mme X. ont confié à la société Conseils en Organisation Administrative SOCOA la réalisation des diagnostics techniques et du métrage de leur appartement sis [adresse] en vue de sa mise en vente. Le relevé de mesurage établi le 29 janvier 2010 et concluant à une superficie habitable de 127,30 m² a été annexé à la promesse de vente conclue le 19 février 2010 par M. et Mme X. au profit de M. A. et Mme B. moyennant le prix de 1.205.000 euros outre 20.000 euros pour les meubles. À la suite de l'envoi par la société SOCOA d'un premier rectificatif puis d'un nouveau mesurage pour 104,30 m² (la différence provenant de la prise en compte de terrasses, parties communes à usage privatif, closes par des vérandas), les parties à la vente sont convenues d'une diminution du prix de 65.000 euros.

Suivant actes d'huissier en date respectivement des 16 février 2011 et 13 février 2012, M. et Mme X. ont fait assigner la société SOCOA, à titre principal, et la SCP A., D., D., leur notaire, à titre subsidiaire, devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et indemnisation de leur préjudice chiffré à la somme de 65.000 euros et subsidiairement à la somme de 52.000 euros correspondant à la perte de chance de vendre le bien au prix convenu.

Par jugement en date du 9 avril 2013, le tribunal de grande instance de Paris a retenu que la société SOCOA avait commis une faute à l'origine de la perte de possibilité pour M. et Mme X. de vendre leur appartement au prix convenu et l'a condamnée à leur payer une somme de 65.000 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice matériel et celle de 2.000 euros en réparation de leur préjudice moral. Sur la demande reconventionnelle de la société SOCOA en paiement de ses honoraires, il a condamné M. et Mme X. à lui régler la somme de 310,96 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2012. Il a mis les dépens de l'instance principale à la charge de la société SOCOA et l'a condamnée à payer à M. et Mme X. une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a débouté la SCP A., D., D. de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile mais dit que M. et Mme X. devraient conserver à leur charge les dépens de sa mise en cause.

Il a assorti ces dispositions de l'exécution provisoire.

La société SOCOA a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 15 mai 2013.

 

La société SOCOA, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 19 novembre 2013, demande à la cour de :

Rejeter la demande de radiation sur le fondement des dispositions de l'article 526 du code de procédure civile,

À titre principal,

Dire que la société SOCOA n'a pas commis de faute et que M. et Mme X. n'ont pas subi de préjudice réparable pouvant donner lieu à indemnisation,

Infirmer en conséquence le jugement et, retenant que la responsabilité de la concluante ne peut être engagée, débouter M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions et les condamner à lui restituer les sommes perçues en exécution du jugement,

À titre subsidiaire,

Dire que les époux X. ont commis une faute exonératoire de sa responsabilité ou justifiant à tout le moins un partage de responsabilité,

Infirmer en conséquence le jugement, débouter M. et Mme X. de leurs prétentions et à tout le moins limiter la condamnation de la concluante à la somme de 32.500 euros et les condamner à lui restituer les sommes perçues au-delà de ce montant en exécution du jugement,

À titre très subsidiaire,

Dire que le préjudice allégué par M. et Mme X. réside dans une perte de chance de vendre leur bien au même prix si une mention de superficie Carrez moindre avait été portée sur le certificat annexé à la promesse de vente et que cette perte de chance ne peut excéder 50 % de la réduction de prix concédée,

Infirmer en conséquence le jugement, réduire sa condamnation à la somme de 32.500 euros et condamner M. et Mme X. à lui restituer les sommes perçues au-delà de ce montant en exécution du jugement,

Dans tous les cas,

Dire que le préjudice moral n'est fondé ni dans son principe ni dans son montant, infirmer le jugement, débouter M. et Mme X. de leur demande en dommages et intérêts pour préjudice moral et les condamner à lui restituer les sommes perçues en exécution du jugement,

À titre reconventionnel,

Condamner in solidum M. et Mme X. à lui payer la somme de 310,96 euros au titre de la facture impayée ainsi qu'une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

En tout état de cause,

Condamner M. et Mme X. à lui verser une somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir, pour l'essentiel, les moyens et arguments suivants en critique du jugement contesté :

L'obligation contractuelle de la société SOCOA n'est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyens, s'agissant de la fourniture de prestations intellectuelles dans laquelle le créancier a, au surplus, un rôle actif puisqu'il produit les documents de travail du mesureur ;

la société SOCOA n'a pas commis de faute : le calcul de superficie CARREZ permet d'intégrer une partie de pièce sous véranda sous réserve de la configuration des lieux et de la présentation matérielle des locaux et la société SOCOA n'a pas commis de faute en intégrant la partie du séjour sous véranda faisant partie intégrante de cette pièce, en l'absence de communication du règlement de copropriété et en cohérence avec le document remis par Mme X. ; il ne peut lui être reproché d'avoir établi un nouveau certificat, modifié en fonction des éléments fournis par le notaire et qui, n'ayant pas été annexé à la promesse de vente, est sans incidence sur la réduction de prix consentie ; en outre, le certificat de mesurage a été établi sous réserve de vérification de la consistance du lot et sous réserve de vérification du certificat de propriété que M. et Mme X. ne lui avaient pas remis ;

le préjudice allégué par M. et Mme X. n'est pas réparable, s'agissant d'une diminution du prix au regard de la moindre superficie de l'appartement, et ne peut donner lieu à garantie de la part du professionnel de mesurage ; au demeurant, le dommage n'était pas prévisible et il n'existe pas de lien de causalité direct entre la prétendue faute et la diminution de prix, M. et Mme X. ayant délibérément, dans le cadre d'un accord transactionnel, décidé de réduire le prix, non pas uniquement en raison de la diminution de superficie mais aussi en raison de différents vices affectant l'appartement (notamment résultant de l'absence d'autorisation des travaux de fermeture partielle de la terrasse du 5e étage) ;

M. et Mme X. ont commis une faute, en violation avec leur obligation de collaboration et de loyauté contractuelle, en lui fournissant un certificat de mesurage erroné ;

le préjudice allégué réside dans la perte de chance de vendre l'appartement au même prix avec un certificat de mesurage présentant une superficie moindre et cette perte de chance n'est réparable que si elle est sérieuse et ne peut correspondre à la partie de prix restituée ; la chance de vendre au prix de 1.225.000 euros un appartement de 92,70 m² est très hypothétique compte tenu du prix au m².

M. et Mme X., en l'état de leurs écritures signifiées le 3 octobre 2013, concluent au principal à la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile en raison de l'inexécution de la totalité des dispositions du jugement et demandent subsidiairement à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a limité la liquidation de leur préjudice moral à la somme de 2.000 euros et condamner la société SOCOA à leur verser de ce chef une somme de 2.500 euros à chacun en réparation de leurs préjudices moraux respectifs,

- dire que la société SOCOA est responsable du préjudice résultant pour eux de la diminution du prix de vente de leur bien immobilier sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil et subsidiairement de l'article 1382 du code civil,

- liquider leur préjudice à la somme de 65.000 euros, ou subsidiairement à celle de 52.000 euros au titre de la perte de chance de vendre le bien au prix initialement convenu, et à celle de 5.000 euros au titre de leur préjudice moral total et condamner la société SOCOA à leur payer la somme de 69.689,04 euros ou subsidiairement 56.689,04 euros après déduction de la facture qui lui est due,

- dans l'hypothèse où la cour estimerait que la société SOCOA n'a pas commis de faute, dire que la SCP A., D., D. est responsable du préjudice subi et découlant de la diminution du prix de vente de leur bien immobilier, et la condamner à leur payer la somme de 70.000 euros ou subsidiairement celle de 57.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter la société SOCOA et la SCP A., D., D. de leurs demandes reconventionnelles,

- condamner la société SOCOA ou subsidiairement la SCP A., D., D. à leur payer la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils développent l'argumentation suivante :

la société SOCOA a commis une erreur en intégrant la partie du salon sous véranda dans le mesurage, le droit de jouissance exclusive d'une partie commune ne donnant pas lieu à mesurage même si elle est couverte d'une véranda close et couverte ; la configuration des lieux devait l'amener à vérifier le régime juridique des parties sous véranda ;

M. et Mme X. n'ont pas manqué à leur obligation de collaboration en remettant en toute bonne foi au technicien le certificat de mesurage qui leur avait été donné lors de l'acquisition de l'appartement et il ne leur a jamais été demandé le règlement de copropriété ou l'état descriptif de l'immeuble ; la société SOCOA a commis une faute en ne les avisant pas de la difficulté concernant le régime juridique de la partie sous véranda (alors qu'il s'agit de particuliers néophytes en matière immobilière), en ne leur demandant pas les documents nécessaires (alors que le professionnel est tenu de recueillir les éléments de sa propre initiative) et en établissant son document « sous réserve de vérification de la consistance du lot » (cette clause devant être considérée comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et ne lui permettant pas de s'exonérer de son obligation d'alerte) ;

Il convient que le notaire apporte toutes ses explications sur les échanges de mail avec la société SOCOA l'ayant amené à modifier son certificat après la signature de la promesse de vente, étant rappelé qu'il est tenu d'une obligation de conseil à l'égard des vendeurs sur le mécanisme de la loi Carrez et qu'il devait les alerter avant de signer la promesse de vente sur les doutes existant sur l'exactitude du certificat ;

La jurisprudence ne conteste pas l'existence d'un préjudice pour le vendeur lié à la perte de chance de vendre le bien dans les conditions financières conformes à celles prévues dans l'acte initial, le prix n'étant pas uniquement proportionnel à la superficie de l'immeuble vendu ; en l'espèce, les acquéreurs savaient que les 20 m² de salon sous véranda étaient une partie commune à usage privatif et exclusif et avaient accepté le prix de 1.225.000 euros ; la réduction de prix n'a dû s'appliquer qu'en raison de l'erreur dans la qualification juridique de cette partie dans le certificat de mesurage qui n'a modifié ni ses caractéristiques ni sa valeur mais qui a enclenché le mécanisme de réduction de prix ; ainsi la perte de chance était quasi certaine, ce qui justifie la condamnation au paiement de la somme de 65.000 euros et à tout le moins, sur la base d'un taux de 80%, d'une somme de 52.000 euros à laquelle doit s'ajouter la réparation du préjudice moral des vendeurs résultant de la nécessité de discuter avec les acquéreurs et d'accomplir de multiples démarches ;

Le lien de causalité entre l'erreur de mesurage et la diminution de prix est avéré, les autres éléments énoncés par la société SOCOA n'ayant jamais donné lieu à la moindre discussion financière de la part des acquéreurs mais ayant été évoqués dans la transaction pour compléter leur information ; en outre, les vendeurs étaient contraints de négocier, sous peine de voir amplifier leur préjudice dans le cadre d'une diminution judiciaire du prix.

 

La SCP A., D., D., aux termes de ses conclusions signifiées le 7 octobre 2013, demande à la cour de :

À titre principal,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la SCP A., D., D. n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité,

L'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et condamner M. et Mme X. à lui payer la somme de 3.500 euros pour avoir porté atteinte à l'image de la société notariale,

À titre subsidiaire,

Infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le préjudice allégué par M. et Mme X. constituait un préjudice réparable et en ce qu'il leur a alloué une somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts et dire que ce préjudice ne peut donner lieu à indemnisation,

Encore plus subsidiairement,

Dire que le préjudice allégué par M. et Mme X. réside dans la perte de chance de vendre leur bien au prix initial lequel ne pourra être évalué à la totalité du montant de la réduction de prix consentie,

En tout état de cause,

Condamner toute partie succombante à lui verser une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle souligne que l'obligation de conseil du notaire en matière de superficie porte sur l'information des parties sur les dispositions légales mais ne lui impose pas de s'assurer de la superficie ou de la consistance du bien vendu ; que l'acte mentionne qu'elle a satisfait à cette obligation ; qu'elle n'a pas à s'expliquer sur une conversation téléphonique avec la société SOCOA qui n'a jamais eu lieu. Elle ajoute qu'aux termes d'une jurisprudence constante la diminution de prix résultant de l'application de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 issu de la loi du 18 décembre 1996 ne constitue pas un préjudice indemnisable ; que la preuve d'une perte de chance de vendre le bien au prix initialement convenu n'est pas rapportée ; qu'en tout état de cause, la réparation de la perte de chance ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 18 septembre 2014.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant que c'est en vain que M. et Mme X. demandent à la cour de prononcer la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution par l'appelante des dispositions du jugement assorties de l'exécution provisoire en invoquant l'article 526 du code de procédure civile, la décision de radiation pour inexécution relevant des pouvoirs du conseiller de la mise en état, dès qu'il est saisi, et non de la cour ;

Considérant que M. et Mme X., mettant en vente leur appartement sis [...], ont sollicité la société SOCOA pour procéder aux diagnostics techniques et au mesurage préalables à la vente ; que la société SOCOA leur a remis, le 29 janvier 2010, un certificat de mesurage faisant ressortir un total de superficies privatives Loi Carrez de 119,30 m² (comprenant 70,70 m² pour le 4e étage et 48,60 m² pour le 5e étage dont 20 m² sous verrière incorporée au séjour) et une surface habitable de 127,30 m² ; que ce certificat a été annexé à la promesse de vente conclue par M. et Mme X. avec Mme B. et M. A. le 19 février 2010 prévoyant un prix de 1.225.000 euros dont 20.000 euros pour les meubles ;

Que, sur interrogation du notaire des acquéreurs, la société SOCOA lui a adressé un mail le 22 février 2010 expliquant n'avoir pas eu en mains le règlement de copropriété lui permettant de déterminer l'allotissement de la partie sous verrière du séjour et indiquant que, dans le cas où cette superficie ne serait qu'une jouissance privative, le calcul des superficies privatives Loi Carrez serait de 99,30 m² au lieu de 119,30 m² ; qu'il a ensuite envoyé un nouveau certificat de mesurage, le 25 février 2010, concluant, après consultation du règlement de copropriété, à une superficie privative de 104,50 m² excluant les 20 m² de séjour sous verrière mais intégrant 5,20 m² de palier et débarras préalablement exclus ;

Qu'à la suite de ces multiples tergiversations de la société SOCOA, M. et Mme X. ont fait appel au cabinet L. qui a établi un certificat de mesurage le 4 mars 2010 concluant à une superficie privative de 92,70 m² pour une surface totale habitable de 118,20 m², ce cabinet excluant la terrasse de 24,10 m² non close, la partie du séjour sous verrière de 22,40 m² réputée partie commune, le balcon de 1,30 m² et le palier d'ascenseur du 4ème étage de 3,10 m² non décrit dans les définitions des lots ;

Que, suite à la signification du dernier certificat de mesurage, Mme B. et M. A. ont fait connaître à leurs vendeurs qu'ils entendaient procéder à la signature de l'acte dans les termes de la promesse de vente, se réservant de saisir le tribunal pour obtenir une réduction de prix en conséquence de la superficie déclarée ; qu'un protocole transactionnel était signé entre eux le 9 juillet 2010 aux termes duquel il était acté que les acquéreurs acceptaient la régularisation de la vente sur la base d'une surface privative de 92,70 m² et d'une surface totale habitable de 118,20 m² (conformément au certificat L.) moyennant une réduction du prix de l'immeuble de 65.000 euros ;

Que c'est dans ces conditions que M. et Mme X. ont mis en cause la responsabilité de la société SOCOA pour erreur de mesurage et réclamé l'indemnisation de leur préjudice qu'ils évaluent à la baisse de prix consentie ;

Considérant que la société SOCOA, professionnel de l'immobilier chargé d'effectuer le mesurage de l'appartement dans les conditions édictées par la loi Carrez, peut être recherchée par ses clients à raison des erreurs commises dans le travail réalisé, qu'il s'agisse d'erreurs juridiques ou matérielles ;

Qu'il ressort des éléments produits aux débats que l'appartement à vendre est un duplex comprenant deux lots de copropriété, le lot 8 situé au 4ème étage (comportant 4 chambres, une salle de bains, deux salles d'eau et un WC) et le lot 16 situé au 5e étage (créé en 1984 comme constitué du palier du 4e étage, de l'escalier entre le 4e et le 5e étage et du palier du 5e étage et comportant la cuisine et le séjour) reliés par un ascenseur intérieur ; que les terrasses situées au 5e étage, l'une côté rue, l'autre traversante, ont été fermées par une véranda en verre et aluminium dans le style de l'immeuble ; que ces terrasses sous verrière représentent une superficie mesurée par la société SOCOA de 20 m² (22,40 m² pour le cabinet L.) ; qu'il s'agit, au regard du règlement de copropriété, de parties communes à usage privatif (pages 13 et 14) ;

Que, dans son certificat du 29 janvier 2010, la société SOCOA a inclus la partie du salon sous verrière (soit 20 m² selon ses calculs) dans les surfaces privatives loi Carrez, portant ainsi celles-ci à 119,30 m² ; que ce faisant, elle a commis une erreur juridique puisque la superficie des parties communes dont la jouissance privative est attachée à un lot n'a pas à être prise en considération pour l'application de la « loi Carrez » ; qu'il importe peu à cet égard que cette partie du séjour bénéficie du clos et du couvert, se trouve dans la continuité de la surface privative et jouisse des mêmes prestations de second œuvre ;

Considérant que c'est en vain que la société SOCOA entend s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir qu'elle a procédé à ses opérations sans avoir connaissance du règlement de copropriété et du statut de parties communes des parties de salon sous verrière et qu'elle aurait été trompée par ses clients qui lui ont remis un certificat de mesurage erroné établi par un cabinet d'architectes le 20 mars 2002 ;

Qu'il lui appartenait en effet, face à la configuration des locaux dont elle reconnaissait le caractère complexe (appartement en duplex intégrant le palier du 4e étage et l'ancien escalier de l'immeuble et existence de verrières couvrant une partie du salon), de ne se prononcer qu'en connaissance du règlement de copropriété ; qu'elle ne démontre pas avoir sollicité en vain la remise de ce document à Mme X. le jour de sa visite et qu'elle ne peut faire grief à celle-ci de lui avoir communiqué le certificat de mesurage qui lui avait été remis huit années auparavant, lors de sa propre acquisition, la venderesse n'ayant aucune connaissance du caractère erroné de celui-ci et le rôle du technicien étant précisément de réclamer les documents nécessaires à ses opérations et de vérifier les éléments qui lui étaient donnés ; que la mention portée in fine de ses conclusions « sous réserve de vérification de la consistance du lot » ne lui permet pas de s'affranchir de l'obligation qui était la sienne de vérifier cette consistance avant d'établir un certificat dont elle connaissait la portée et les conséquences dans le cadre de l'opération de vente en cours de réalisation, les surfaces incluses dépassant très largement 1/20e de la surface déclarée ;

Que les critiques formulées par la société SOCOA à l'encontre du certificat de mesurage établi par le cabinet L. sont sans incidence sur l'appréciation de son erreur résultant de la prise en considération dans la surface privative vendue de la partie de salon sous verrière ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la société SOCOA avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. et Mme X. ;

Considérant que le tribunal a justement analysé les correspondances échangées entre les vendeurs et les futurs acquéreurs ainsi que les courriers des notaires pour retenir que c'était l'importance de la différence de superficie privative entre le certificat du 29 janvier 2010 annexé à la promesse de vente (119,30 m²) et celle résultant du mesurage du cabinet L. (92,70 m²) ou même du dernier certificat de la société SOCOA du 25 février 2010 (104,30 m²) qui était à l'origine de la diminution de prix négociée dans le protocole du 9 juillet 2010 ;

Que, contrairement à ce que soutient l'appelante, M. et Mme X. n'ont pas accepté cette diminution de prix de manière libre et délibérée ; qu'en effet, Mme B. et M. A. avait manifesté leur intention, à défaut d'accord transactionnel, de poursuivre l'action en réduction de prix ouverte par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 ce qui aurait emporté une diminution bien supérieure à celle accordée, au regard du métrage excédentaire (15 m² au minimum) et du prix au m² (supérieur à 10.000 euros) ;

Que la société SOCOA prétend également en vain que la réduction de prix convenue dans le protocole ne serait pas en lien de causalité exclusif avec la différence de superficie ; qu'en effet, l'article 1er du protocole prévoit expressément que la réduction du prix de vente de l'immeuble de 65.000 euros est opérée « compte tenu de l'erreur commise par la société SOCOA et du fait que le certificat inexact de cette dernière avait été annexé à la promesse de vente » et que les autres points abordés aux articles 2 à 5 visent seulement à actualiser les modalités de réitération de l'acte et à clarifier la situation des vérandas à la suite notamment des délibérations de l'assemblée générale de la copropriété validant les travaux de transformation des terrasses réalisés en 1987 et 1983 et la composition du lot 16 ;

Qu'il doit donc être retenu que la baisse de prix de 65.000 euros consentie par M. et Mme X. est bien en lien de causalité direct et certain avec l'erreur de mesurage commise par la société SOCOA dans son certificat du 29 janvier 2010 ;

Considérant que M. et Mme X. réclament l'indemnisation du préjudice subi à hauteur de la somme de 65.000 euros correspondant à la diminution de prix à laquelle ils ont dû consentir du fait de l'erreur de mesurage commise par la société SOCOA, outre une somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

Que, cependant, cette diminution de prix ne constitue pas un préjudice indemnisable ; que celle-ci a seulement fait perdre à M. et Mme X. la chance de vendre le bien au même prix pour une superficie moindre, perte de chance dont la réparation ne peut être égale au montant de l'avantage qu'aurait procuré cette chance ;

Qu'au cas d'espèce, il convient de retenir que Mme B. et M. A. avaient accepté le prix de 1.225.000 euros au vu du certificat de mesurage de 119,30 m², en pleine connaissance de la configuration des lieux née de la fermeture des terrasses par une véranda, rappelée dans la promesse ; que les caractéristiques très particulières du bien et ses qualités hors du commun justifiaient qu'ils acceptent de payer un prix supérieur au prix moyen du m² ; que l'erreur de mesurage n'était pas de nature à modifier leur appréciation de la valeur du bien et qu'ils ont confirmé, après avoir revisité l'appartement, leur intention de l'acheter, profitant cependant de l'erreur de superficie commise qui leur ouvrait l'action en réduction de prix pour obtenir une minoration de celui-ci dont ils ont accepté cependant qu'elle soit fixée à un montant moindre que celle à laquelle ils auraient pu prétendre judiciairement ;

Qu'il se déduit de ces éléments que Mme B. et M. A. étaient très attachés à l'acquisition de ce bien et que M. et Mme X. avaient une forte chance de leur vendre celui-ci au prix initialement fixé, même si la surface déclarée avait été moindre ; que le préjudice né pour eux de cette perte de chance et du désagrément d'avoir dû discuter avec leurs acquéreurs, les notaires et la société SOCOA, à réception des certificats rectifiés de cette dernière, sera réparé par l'attribution d'une somme de 55.000 euros ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société SOCOA à payer à M. et Mme X. les sommes de 65.000 euros et 2.000 euros en réparation de leurs préjudices, la condamnation étant ramenée à la somme globale de 55.000 euros ;

Considérant que la cour n'a pas à se prononcer sur la responsabilité de la SCP A., D., D., recherchée uniquement à titre subsidiaire ;

Que les notaires n'établissent pas que leur mise en cause par M. et Mme X. aurait été fautive et leur aurait occasionné un préjudice autre que celui né de leur obligation de se défendre en justice ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à réduire à la somme globale de 55.000 euros le montant des condamnations prononcées contre la société SOCOA au profit de M. et Mme X. en réparation des préjudices résultant de son erreur de mesurage de l'appartement ;

Y ajoutant,

Condamne la société SOCOA à payer à M. et Mme X. d'une part, à la SCP A., D., D. d'autre part, une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT