CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 14 janvier 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5018
CA PARIS (pôle 5, ch. 4), 14 janvier 2015 : RG n° 12/18716
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que les moyens tirés du déséquilibre significatif généré par les dispositions du contrat, tirés du défaut de savoir-faire et de la violation des dispositions de l'article L. 122-6 du Code de la consommation n’ont pas à être examinés, compte tenu des motifs retenus pour annuler le contrat ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 5 - CHAMBRE 4
ARRÊT DU 14 JANVIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/18716. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 octobre 2012 - Tribunal de Commerce de PARIS - 8e chambre : R.G. n° 2011077363.
APPELANTE :
SAS ERA GLOBAL MANAGEMENT FRANCE
immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 522.XX, ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, en l'espèce la SELARL EMJ (prise en la personne de Maître Didier COURTOUX), ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS ERA GLOBAL MANAGEMENT France, représentée par : Maître Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
INTIMÉE :
SARL REQ2PAY
immatriculée au RCS de ROUEN sous le n° 493.ZZZ, ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par : Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, ayant pour avocat plaidant : Maître Olivier TIQUANT de la SCP THREARD BOURGEON MERESSE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166
PARTIE INTERVENANTE :
SELARL EMJ
ès qualités de mandataire liquidateur de la société ERA GLOBAL MANAGEMENT France, demeurant [adresse], prise en la personne de Maître Didier COURTOUX, y domicilié, représentée par : Maître Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur, Madame Irène LUC, Conseillère, Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, qui en ont délibéré ; Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise COCCHIELLO dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET
ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Rappel des faits et de la procédure :
La société Era Global Management Limited exploite, par le biais d'un réseau d'agents, en France un concept reposant sur des prestations de conseil et d'accompagnement auprès des entreprises en matière de réduction de leurs coûts et frais généraux dans tous les départements.
Le 8 novembre 2006, M. X. a signé avec la société Era Global Management Limited un contrat de licence pour exploiter cette activité sur les régions Nord-Pas de Calais, Picardie, Haute et Basse Normandie. Était subrogée dans les droits de Monsieur X. la société Req2Pay immatriculée au registre du commerce de Rouen le 2 février 2007.
La société Era Global Management Ltd a transféré l'accord de licence à la société par actions simplifiée Era Global Management France à compter du premier octobre 2010.
Considérant que la société Era ne remplissait pas ses obligations contractuelles, la société Req2pay a suspendu le règlement des redevances du contrat de licence à partir du 30 mars 2010.
Malgré plusieurs échanges de correspondances et réunions, les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 avril 2010, la société Era a résilié le contrat de licence, a demandé le paiement des redevances impayées et a sollicité l'application de la clause de non concurrence.
En juin 2011, la société Factea, société réseau de sociétés de conseils spécialisées par thématique d'achats a annoncé la signature d'un contrat de franchise avec la société Req2Pay.
La société Era l'a assignée en référé par acte du 7 octobre 2011 en paiement d'une provision au titre des redevances impayées et des redevances dues jusqu'au terme du contrat, en respect de l'obligation de non-concurrence.
La société Req2pay faisait assigner à bref délai le 26 octobre 2011 la société Era afin de faire prononcer la nullité du contrat.
Par ordonnance de référé du 9 novembre 2011, le président du tribunal de commerce de Paris a condamné la société Req2pay à payer par provision à la société Era la somme de 15.735,96 euros au titre des redevances impayées. Il a renvoyé pour le surplus de la demande les parties à se pourvoir au fond.
Par jugement du 2 octobre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- prononcé la nullité du contrat de franchise du 8 novembre 2006,
- condamné la Société Era à payer à la Société Req2pay :
- la somme de 106.258,30 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'investissement personnel,
- la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, déboutant pour le surplus ;
- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à titre de concurrence déloyale,
- dit que les intérêts se capitaliseront selon les dispositions de l'article 1145 du code civil ;
- condamné la Société Era à restituer à la Société Req2pay les rapports de situation et recommandations réalisés au titre de l'exécution du contrat de franchise dans les 8 jours de la signification du présent jugement avec astreinte de 100 euros par jour de retard, déboutant pour le surplus, pour une période de 60 jours avec possibilité de renouvellement, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit ;
- débouté la Société Era de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné la Société Era à payer à la Société Req2pay la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire à charge pour la Société Req2pay de fournir une caution bancaire couvrant en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel toutes les sommes versées en exécution du présent jugement outre les intérêts éventuellement courus sur ces sommes,
- Débouté les parties de leurs demandes autres.
Les sociétés Era Global Management France et Era Global Management Ltd ont interjeté appel de cette décision le 18 octobre 2012.
Le désistement d'appel de la société Era Global Management Ltd a été constaté par ordonnance du 18 janvier 2013.
Par conclusions du 5 août 2013 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et moyens, la Selarl EMJ en la personne de Maître Didier Courtoux, mandataire liquidateur de la société Era Global Management France demande à la cour de :
- réformer le jugement de première instance en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande dommages intérêts de la société Req2pay au titre à titre de concurrence déloyale,
Et, en conséquence,
- dire et juger le contrat de franchise valable ;
- dire et juger que la résiliation de l'accord de licence du 8 novembre 2006 par la société Era est valablement intervenue aux torts exclusifs du licencié le 11 avril 2011,
En conséquence,
- condamner la société Req2pay à payer à la société ERA France les sommes suivantes :
1 - au titre du paiement des sommes dues dans le cadre de l'exécution du contrat :
1.1 Sur les redevances impayées facturées jusqu'à octobre 2010
- prendre acte que par ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris en date du 23 novembre 2011 la société Req2pay a été condamnée à verser les 15.735,96 euros réclamés au titre des redevances impayées facturées jusqu'à octobre 2010 :
- à la société Era LTD la somme de 8.559,96 euros TTC et
- à la société Era France la somme de 7.176 euros TTC,
- juger la créance bien fondée, certaine, liquide et exigible,
1.2 Sur les redevances impayées partir de novembre 2010
- ordonner la communication par la société Req2pay de ses déclarations des encaissements depuis janvier 2010 en application de l'article 19.2 (4) du contrat, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner sur cette base la société Req2pay à verser à la société Era France les redevances contractuelles selon la formule suivante :
- 3 % + 15 % des montants encaissés chaque mois par le licencié, avec intérêts au taux légal depuis l'encaissement desdits montants,
- à défaut, condamner la société Req2pay à verser à la société Era France les sommes de :
- 17.441,62 euros TTC au titre des redevances jusqu'à la résiliation du contrat, et
- 9.568 euros TTC depuis la résiliation jusqu'au terme initial du contrat,
- avec intérêts au taux légal depuis la mise en demeure par ERA du 23 février 2011,
2 - au titre des sommes dues dans le cadre de la période post-contractuelle :
- ordonner la communication par la société Req2pay de ses missions effectuées auprès de clients ERA depuis la résiliation du contrat et des sommes perçues à ce titre, en application de l'article 26.2 (6) du contrat, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner sur cette base la société Req2pay à verser à la société Era France les cotisations dues au titre du contrat selon la formule suivante : 15 % des montants encaissés par le licencié, avec intérêts au taux légal depuis l'encaissement desdits montants,
- à défaut, condamner la société Req2pay à verser à la société Era France la somme forfaitaire de 63.558 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
3 - au titre du dénigrement infligé à Era et de la déstabilisation du réseau :
- juger que la société Req2pay s'est rendue coupable de dénigrement envers Era et de tentative de déstabilisation du Réseau,
- condamner la société Req2pay à verser à Era la somme de 30.000 euros HT, à titre de dommages-intérêts ;
4 - au titre de l'inexécution de l'obligation post-contractuelle de non concurrence :
- condamner la société Req2pay à respecter la clause de non concurrence post contractuelle prévue à l'article 26.6 du contrat de licence,
- en conséquence, condamner la société Req2pay à cesser immédiatement d'exercer son activité au sein du groupe Factea,
- en conséquence, condamner la société Req2pay à cesser immédiatement tout contact avec les membres du réseau ERA France autrement qu'en tant qu'intervenant tiers au réseau, dans ce cas, condamner la société Req2pay à respecter les obligations de déclaration et de paiement à sa charge,
- et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du jour de l'ordonnance à intervenir,
- à défaut, condamner la société Req2pay à verser à la société Era France la somme de 15.000 euros HT à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
5 - sur l'article 700 du Code de procédure civile, les dépens et l'exécution provisoire :
- condamner la société Req2pay aux entiers dépens et à verser à la société Era France la somme de 10.000,00 euros HT au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 3 juin 2013 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et moyens, la société Req2pay demande à la cour de :
à titre principal :
- dire et juger que le jugement du 2 octobre 2012 est définitif et que le principe de la nullité du contrat aux torts de la société Era Global Management Ltd est acquis,
- par conséquent, débouter la société Era Global Management France de l'intégralité de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,
à titre subsidiaire :
- prononcer la nullité du contrat dit « Accord de licence » conclu le 8 novembre 2006 entre la société Req2Pay dirigée par Monsieur X. et la société Era Global Management France pour vice du consentement et défaut de cause,
À titre encore plus subsidiaire,
- prononcer la résiliation du contrat litigieux aux torts exclusifs de la société Era Global Management France,
En tout état de cause :
- débouter la société Era Global Management France de l'intégralité de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,
- dire et juger que la société Era Global Management France et Era Global Management Ltd ont agi de concert et doivent être condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par Req2Pay,
vu l'article 1382 du code civil,
vu l'article 330-3 du code de commerce
- dire et juger que Monsieur X. n'a pas bénéficié une information précontractuelle loyale et pertinente lui permettant de s'engager en connaissance de cause,
- dire et juger que la clause de non concurrence insérée dans le contrat de franchise est nulle,
- débouter la société Era Global Management France de l'intégralité de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,
en conséquence, sur le préjudice et en tout état de cause,
- fixer la créance de la Société Req2Pay au passif de la Société Era Global Management France aux sommes suivantes :
- droit d'entrée d'un montant de 50.000 euros,
- 2.765.06 euros au titre des factures impayées,
- redevances mensuelles à hauteur de 47.772.73 euros HT de royalties,
+ 8.485,57 euros HT de fond marketing,
- 200.000 euros de dommages intérêts.
- 5.000 euros de préjudice moral,
Vu l'article 420-11 du code de commerce
- dire et juger que la société Era Global Management France s'est rendue coupable d'un acte de concurrence déloyale au préjudice de Req2Pay,
- fixer la créance de la Société Req2Pay au passif de la Société Era Global Management France à la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- fixer la créance de la Société REQ2PAY au passif de la société Era Global Management France à la somme de 10.000 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux frais privilégiés de procédure,
- condamner la société Era Global Management France à restituer à Req2pay dirigée par Monsieur X. l'ensemble de ses rapports de situation et de recommandation, dans les 48 heures du jugement, sous astreinte définitive de 10.000 euros par jour de retard,
- dire et juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal avec application de l'article 1154 du Code civil à compter de l'assignation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
I. Sur les demandes de la société Req2pay dirigées à l'encontre de la société Era Global Management Ltd :
Considérant que le désistement d'appel de la société Era Global Management Ltd a été constaté ; que les demandes de la société Req2pay contre celle-ci sont irrecevables.
II. Sur la nullité du contrat :
A. Sur le caractère définitif de la décision du premier juge :
Considérant que la société Req2pay soutient que cette décision ne peut être remise en cause alors que la société Era Global Management Ltd n'a pas interjeté appel,
Considérant que le premier juge a condamné la société Era, à payer diverses sommes à la suite de l'annulation du contrat qu'il a prononcée, après avoir exposé que l'activité de la société Era Global Management Ltd avait été transférée à la société Era Global Management France ;
Considérant que la société Era Global Management Ltd a interjeté appel de cette décision mais qu'elle s'est désistée de son recours, ce qui a été constaté par ordonnance du 18 janvier 2013 ; qu'il n'est pas contesté que cette société a transféré ses contrats à la société Era Global Management France en 2010 ; que de la sorte, la société Era Global Management France peut remettre en cause la décision du premier juge ; que dès lors, l'autorité de la chose jugée ne peut être sérieusement invoquée pour s'opposer à la demande de l'appelante,
B. Sur le fond :
Considérant que la société Req2Pay soutient :
- que c'est un contrat de franchise et non un contrat de licence que les parties ont conclu ;
- que ces deux sociétés Era Global Management Ltd et Era Global Management France ont agi de concert et que la société Era Global Management France ne peut limiter sa responsabilité vis-à-vis des franchisés dont elle a racheté le contrat, à la situation postérieure ; que la cession de contrat ne lui est pas opposable, n'ayant pas accepté de renoncer à ses droits antérieurs,
- que l'information donnée avant la conclusion du contrat doit être loyale et transparente et que des informations essentielles lui ont été cachées avant la conclusion du contrat ; que le droit positif opère un renversement de la charge de la preuve, dans un souci d'efficacité et qu'il appartient à la société Era de rapporter la preuve que son consentement n'a pas été vicié ; que le fait pour la société Era de ne pas avoir accompli consciencieusement ses obligations lui fait interdiction de reprocher quoi que ce soit au licencié notamment de ne pas s'être renseigné,
- qu'ainsi, a été caché le parcours judiciaire de Monsieur Y. responsable du réseau franchise en France, qui est de nature à permettre d'apprécier l'expérience professionnelle du concédant et dont la dissimulation suffit à justifier l'annulation du contrat pour dol,
- qu'aucun élément pertinent ne lui a été donné sur le marché local et national,
- qu'aucun élément sérieux n'a été donné sur la physionomie du réseau qui en réalité était en cours de constitution en 2006, sur la personne du développeur régional (area developer : AD) délégué du concédant,
- qu'il lui était indiqué pouvoir faire une performance, minimale de 30.000 euros HT la première année, ce qui a influencé nécessairement le consentement du licencié, alors que la rentabilité est très éloignée de ce chiffre,
- que le savoir-faire, réitération de la réussite, n'existait pas et ne pouvait ainsi être transmis de sorte que la société Era n'a pu assurer la formation ni le coaching des membres du réseau ; que le contrat souscrit soumettait ainsi le franchisé à des obligations significativement déséquilibrées, au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
- que le réseau Era constituait une organisation pyramidale illégale en violation des dispositions de l'article L. 122-6 du Code de la consommation,
Considérant que la société Era Global Management France soutient qu'elle ne peut être tenue pour responsable des manquements antérieurs à la substitution ; qu'elle rappelle que les dispositions de la loi Doubin ont été parfaitement respectées, qu'elles étaient de nature à éclairer le candidat sur ses engagements et qu'elle n'avait pas à fournir des informations que les textes n'imposent pas ; que leur méconnaissance ne peut justifier l'annulation de la convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement du cocontractant et que la société Req2Pay, qui a la charge de la preuve, ne le justifie pas, ayant contracté en raison de la notoriété du réseau ; qu'elle rappelle que Monsieur X. commerçant indépendant doit accomplir les diligences inhérentes à cette qualité, qu'il doit se renseigner notamment quant à l'état de la concurrence ; qu'elle estime que le licencié n'a pas à s'immiscer dans la gestion et la stratégie du concédant, qu'elle indique lui avoir donné un objectif de performance et ne lui a jamais promis de réaliser le chiffre d'affaires qu'il invoque de 30.000 euros dès la première année,
1. Sur la responsabilité de la société Era Global Management France :
Considérant que l'opération par laquelle les contrats souscrits par Era Global Management Ltd ont été transférés à la société Era Global Management France n'est pas expliquée par les parties, qu'aucune pièce ne traduit ce transfert qui toutefois n'est pas contesté dans son existence ; que faute par la société Era Global Management France de justifier de ce qu'elle n'aurait été investie que pour l'avenir des obligations afférentes aux contrats transférés, elle ne peut prétendre opposer une limitation de ses obligations ;
2. Sur l'information précontractuelle :
Considérant tout d'abord que le contrat conclu est, peu important les termes employés par les parties dans la convention, un contrat de franchise ; que les échanges postérieurs des parties elles-mêmes, de leurs conseils dans les courriers et les écritures, l'exécution du contrat le traduisent ;
Considérant que l'article 11 du contrat stipule un engagement quasi-exclusif de la part du candidat pour l'exercice de son activité ; qu'ainsi, les dispositions relatives à l'information pré-contractuelle précisée par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce s'appliquent ;
Considérant que le document d'information pré-contractuelle rappelle l'origine et fait l'historique du réseau au niveau planétaire et au niveau européen, que, pour décrire le réseau français, est donnée la référence d'une succursale de Era Global Management ouverte à Paris en septembre 2005, avec une domiciliation bancaire à la Barclays Bank, puis dans l'annexe 9 les coordonnées de deux franchisés, l'un dans la région Sud-Est, l'autre dans l'Ouest ; qu'il est donné des éléments sur la marque, sur l'appartenance de Era à l'Association Internationale de la Franchise, dont le siège est à Washington ; que l'équipe de direction est composée de M. Y., directeur du développement ERA Europe, de B. Z., directeur des opérations Era Europe, et de C. Z., directeur administratif et financier Era Europe ; qu'en ce qui concerne Monsieur Y., il est précisé : 54 ans, expert-comptable britannique et MBA de la London Business School. Il demeure et travaille en France et à Paris depuis 1978. Il a rejoint le réseau Era en 1994 comme master licencié national pour la France. Il construit avec succès un réseau de plus de 50 licenciés ERA sur le territoire français. Il quitte Era en 2001, suite à un changement de propriété des droits d'exploitation d'ERA au niveau européen. Il poursuit d'autres activités dans le secteur de la franchise. Il rejoint à nouveau Era en 2005 pour développer le réseau européen ; que le DIP décrit le marché, comme suit : « Notre marché s'étend à la plupart des secteurs d'activités : le commerce, l'éducation, la finance, les loisirs, le conseil, le transport, les services, les industries, la santé, les associations, l'état, les institutions... En résumé, toutes les organisations qui dépensent de l'argent. Nos entreprises-cibles réalisent un chiffre d'affaires de plus de cinq millions d'euros mais nous pouvons intervenir auprès d'entreprises qui emploient au moins 20 salariés. Elles dépensent pour les postes que nous auditons entre 10 et 20 % de leur chiffre d'affaires.... L'étendue des catégories de dépenses que nous auditons chez nos clients fait qu'à ce jour nous sommes très certainement l'unique réseau de consultants qui propose en France l'ensemble de ces services sous une même entité... La plupart de nos concurrents se sont spécialisés dans quelques catégories de dépenses comme les taxes fiscales (...) mais très peu interviennent effectivement sur l'ensemble des frais généraux... » ; que le document d'information précontractuelle (DIP) expose en ce qui concerne les perspectives du marché et de l'activité du consultant Era : « La réduction des coûts est devenue l'une des préoccupations majeures des entreprises et des organisations.... l'augmentation ou le maintien des profits sont devenus de plus en plus difficiles à atteindre et une gestion des coûts plus rigoureuse devient l'un des paramètres-clé influant sur les bénéfices de l'entreprise. La gestion des budgets des administrations, des associations et autres organisations devient elle aussi de plus en plus complexe.... Toutes ces raisons nous amènent à penser que nos services devraient être de plus en plus sollicités en particulier grâce à notre approche, pas d'économies, pas d'honoraires... » ; que le DIP donne ensuite des précisions sur le contrat, les investissements financiers (droit d'entrée, ce qu'il comprend, le fonds de roulement, les frais opérationnels) ;
Considérant que les annexes versées aux débats comportent un tableau sur les entreprises en France qui emploient 20 salariés ou plus (annexe 1), un tableau des régions Era en France (annexe 2), le descriptif de la procédure de prospection (annexe 3), les statistiques concernant Era Australie et Era USA (annexes 4 et 5), la liste des principaux concurrents en France établie, à partir des connaissances personnelles d'Era et de recherches sur le réseau Internet qui ne prétend pas être « exhaustive », qui ne peut engager la responsabilité d'Era en cas d'erreur de transcription ou omission et rappelle : « Il est de la responsabilité du candidat de valider ces informations et d'approfondir ses recherches par tout moyen à sa convenance (annexe 6), la procédure d'accréditation (annexe 7), la liste des bureaux Era dans le monde (annexe 8), la liste des franchisés Era en France (annexe 9) »
* sur les activités de Monsieur Y. :
Considérant, selon les pièces versées aux débats :
- que, lorsque Monsieur Y. poursuivait « d'autres activités dans le secteur de la franchise », il dirigeait la société BFS Fastway, société spécialisée dans le transport de plis et petits colis, titulaire d'une master franchise pour l'activité Fastway en France reposant sur des « développeurs régionaux » (« AD »), que la liquidation judiciaire de la société Fastway France a été prononcée le 7 juillet 2004 et que le fondateur de la franchise, B. Y. justifiait l'échec par le fait que son concept n'était pas appliqué ;
- que la société Era Global Management Ltd a, avant la conclusion du contrat de licence, caché la réalité et le résultat effectif de l'activité de Monsieur Y., en laissant finalement croire qu'il avait développé encore plus ses capacités en matière de franchise, tout particulièrement pour la gestion du réseau ;
- que certes la loi n'exige pas de « transmettre le casier judiciaire de chaque personne concernée par la franchise, ni même l'état de condamnation » ; que la loi demande au cocontractant d'être loyal et en l'espèce, compte tenu de l'organisation du réseau qui devait être mise en place, reposant quoi qu'en dise la société Era, sur une « master franchise régionale » qui, selon « Franchise Magazine » des mois d'octobre-novembre 2003, était un succès aux Etats-Unis et un échec en France et supposait une sélection rigoureuse du « développeur régional » pour ses capacités professionnelles et financières, l'information sur l'échec de la master franchise Fastway en France, même dans un domaine d'activité différent, l'échec de Monsieur Y. à cet égard était un élément que devait connaître tout candidat, fut-ce même sous un contrat de licence, dès lors que la fonction de « directeur » de Monsieur Y., qui lui a d'ailleurs permis de signer le contrat au nom du concédant, donnait à penser qu'il avait la responsabilité et les compétences requises pour assurer le développement et l'animation du réseau et pour choisir les développeurs compétents,
* sur le marché local et national :
Considérant que la présentation du marché national reste imprécise ; qu'il n'y a aucune présentation du marché local et l'appelante explique à cet égard : « la remise d'un état local au sens classique est... sans pertinence en considération du concept lui-même » puis que « chaque licencié a la faculté de travailler et exploiter le concept à l'intérieur du territoire qui est l'Europe » ; que la société Era expliquera alors pourquoi selon les termes du contrat « l'activité... doit se trouver dans la région » octroyée même sans exclusivité, en l'espèce, le Nord, Pas-de-Calais, la Haute Normandie et la Basse Normandie,
* sur la physionomie du réseau :
Considérant qu'il apparaît que le réseau existait dans les années 1990 mais qu'il a connu une période « chaotique » et qu'en 2006, il était en cours de constitution, avec deux licenciés pour les régions du Sud-Est et de l'Ouest ; qu'aucun renseignement n'était donné sur le réseau tel qu'il était constitué, que le flou était consacré sur le rôle du « développeur régional » dont la rémunération allait alourdir les charges des franchisés,
* sur les performances :
Considérant qu'il est indiqué en fin de contrat :
« Chiffre d'affaire minimum année 1 : 30.000 euros »
« Chiffre d'affaire minimum année 2 : 70.000 euros »
« Chiffres d'affaires années 3 à 5 : 100.000 euros par an »,
Considérant que ces chiffres caractérisent un objectif de performance, que rien ne permet de dire qu'ils constituent un engagement de la part du franchiseur,
Considérant que le DIP et ses annexes ne donnaient pas une vision exacte, sincère et loyale du dirigeant, du marché et des perspectives de l'entreprise dans laquelle Monsieur Erchadour à qui a été substituée la société Req2Pay s'engageait ; que son consentement a été vicié par un ensemble d'informations tronquées, vagues et confuses ; que la société Era Global Management Ltd aux droits de laquelle se trouve désormais la société Era Global Management France a commis une faute civile ; que l'annulation du contrat s'impose ; que le jugement sera confirmé,
Considérant que les moyens tirés du déséquilibre significatif généré par les dispositions du contrat, tirés du défaut de savoir-faire et de la violation des dispositions de l'article L. 122-6 du Code de la consommation n’ont pas à être examinés, compte tenu des motifs retenus pour annuler le contrat,
Considérant, de même, que les développements sur la résiliation du contrat n'ont pas d'objet,
III. sur les réparations demandées par la société Req2Pay à la suite de l'annulation du contrat :
Considérant que la société Req2Pay expose que « que ce soit sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (en cas de nullité du contrat) ou sur le fondement de l'article 1149 du même code (en cas de résiliation) l'indemnisation du préjudice s'entend toujours de la perte subie et du gain manqué », qu'elle détaille ensuite les différents postes de préjudices dont elle demande réparation,
Considérant qu'il ne saurait être donné effet à la convention alors que l'annulation en est prononcée, que l'indemnisation pour gain manqué faite par la société Req2Pay ne saurait être accueillie,
Considérant en revanche que les restitutions doivent remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la signature de la convention : que la demande concernant le paiement du droit d'entrée, les redevances versées (47.772,73 euros) et le fond marketing (8.485,57 euros) payés en application de l'article 5 du contrat est fondée ; qu'il en va de même des sommes versées pour le développeur régional alors qu'il n'était pas désigné, ainsi que des factures émises les 12 novembre 2010 (1.932,62 euros) et 25 mai 2011 (832,44 euros),
Considérant que la société Req2Pay expose que la société Era Global Management France l'a exclue « cavalièrement » du réseau et l'a présentée comme un partenaire déloyal et demande réparation du préjudice moral qui en a résulté pour elle ; qu'elle justifie que par un courriel du 12 avril 2011, les membres du réseau étaient informés de la sortie du réseau de la société Req2Pay pour défaut de paiement des honoraires et non-respect des obligations contractuelles, qu'elle justifie également de l'étonnement des membres du réseau le 12 avril 2011 ; que cette présentation des faits par la société Era Global Management France a fait, comme l'a retenu le premier juge, planer un doute sur le comportement de la société Req2Pay et lui a causé un préjudice moral ; qu'il lui sera alloué des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros ; que le jugement sera confirmé,
IV. Sur la « concurrence déloyale » :
Considérant que la société Req2Pay expose aussi qu'en mettant un terme au contrat et en appelant les autres « franchisés » à la boycotter, la société Era l'a évincée du marché et a usé d'une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce, qu'elle expose avoir été également dénigrée ; que son préjudice doit être réparé par l'allocation d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts,
Considérant que la société Req2Pay obtient réparation pour le préjudice moral subi du fait des agissements de la société Era Global Management France dont elle a été victime en raison des circonstances ci-dessus exposées ; que le fait pour Era d'avoir mis fin au contrat n'est pas constitutif des actes prévus par l'article L. 420-1 du Code de commerce, que la société Req2Pay sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts,
V. Sur les restitutions de rapports et documents :
Considérant que la société Req2pay demande la restitution de ses documents de travail, estimant que la société Era Global Management France ne peut « piller » les ressources des « franchisés » et les déposséder de leur travail ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande, que le jugement sera confirmé,
VI. sur les demandes de la société Era Global Management France :
Considérant que cette société demande le paiement de factures de diverses redevances et droits, la réparation du préjudice subi en raison de la violation des obligations de non-concurrence et de loyauté prévues au contrat,
Considérant que cette société ne peut demander l'exécution des clauses du contrat annulé, qu'elle sera déboutée de ses demandes et que le jugement sera confirmé,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
- constate l'irrecevabilité des demandes de la société Req2pay à l'encontre de la société Era Global Management Ltd,
- infirmant sur les réparations accordées,
- fixe la créance de la société Req2Pay au passif de la procédure collective de la société Era Global Management France à :
- la somme de 50.000 euros pour le droit d'entrée,
- la somme de 47.772,73 euros et 8.485,57 euros pour redevances et fond marketing,
- la somme de 2.765,06 euros au titre de factures,
- la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- déboute la société Req2Pay pour le surplus de ses demandes de dommages-intérêts,
- confirme le jugement pour le surplus,
- dit n’y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles,
- condamne la selarl EMJ ès-qualités aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
V. PERRET F. COCCHIELLO