CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 3 février 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5033
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 3 février 2015 : RG n° 12/02058
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-002150
Extrait : « En application de l'article R. 211-6 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable au litige, « préalablement à la conclusion du contrat et sur la base d'un support écrit, portant sa raison sociale, son adresse et l'indication de son autorisation administrative d'exercice, le vendeur doit communiquer au consommateur les informations sur les prix, les dates et les autres éléments constitutifs des prestations fournies à l'occasion du voyage ou du séjour tels que : (...) 10°) les conditions d'annulation de nature contractuelle. » Il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il a exécuté son obligation d'information. […]
La preuve que les conditions particulières de GO VOYAGES contenant les conditions et barèmes d'annulation ont été remises au client, préalablement à la conclusion du contrat, comme exigé par l'article R. 211-6 du code du tourisme, n'est pas rapportée par la clause de style précédant la signature du client. En effet les termes employés : « conditions générales de vente de voyage », « brochure et/ou devis, programme, proposition de l'organisateur contenant les conditions particulières de vente », outre qu'ils sont particulièrement généraux, ne correspondent en aucune façon au document que la Sarl CYG VOYAGES prétend avoir remis au client et dont elle produit une copie en pièce 3. Les dispositions de l'article 11 des conditions particulières invoquées par la Sarl CYG VOYAGES au soutien de sa demande ne peuvent donc recevoir application.
La seule information effectivement portée à la connaissance du signataire du contrat étant que les billets d'avion ne sont pas remboursables, c'est à bon droit que le tribunal a condamné les époux Y. à régler la somme de 924 euros correspondant à la facture émise par GO VOYAGES le 19 décembre 2006 en remplacement de celle émise le 20 novembre 2006. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/02058. Appel d'un jugement (R.G. n° 07/03871) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 5 mars 2012 suivant déclaration d'appel du 24 avril 2012.
APPELANTE :
SARL CYG VOYAGES
au capital de 900.000 euros, immatriculée au RBS de LYON sous le n° 450 XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Jean-Damien MERMILLOD-BLONDIN de la SARL JURISTIA - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Maître BARDOU, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Monsieur Y.
Représenté par Maître Éric FICHTER, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Maître TAMBÉ, avocat au barreau de GRENOBLE
Madame X. épouse Y.
Représentée par Maître Éric FICHTER, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Maître TAMBÉ, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Dominique FRANCKE, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier,
DÉBATS : À l'audience publique du 6 janvier 2015 Madame JACOB a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 10 juillet 2006 M. Y. a signé avec la Sarl CYG VOYAGES, exerçant sous l'enseigne AILLEURS VOYAGES, un contrat de vente de forfaits touristiques à destination de New York, pour le compte de son épouse et de ses deux enfants, du 22 décembre 2006 au 2 janvier 2007. Il a versé un acompte de 2.480 euros.
L'organisateur « VAC FABULEUSES » avait mis une réserve sur la disponibilité de l'hôtel choisi. L'hébergement sollicité n'ayant pu être fourni, l'offre est devenue caduque.
Le 20 juillet 2006, M. Y. a signé un autre contrat auprès de la même agence, pour la même destination, aux mêmes dates, l'organisateur étant « GO VOYAGES ».
Le 20 septembre 2006, M. Y. a informé l'agence qu'il annulait ce voyage car son fils devait passer des examens à cette période. Il a confirmé l'annulation par lettre recommandée du 13 novembre 2006.
Par acte du 22 août 2007, la Sarl CYG VOYAGES a assigné M. Y. et son épouse, Mme X., devant le tribunal de grande instance de Grenoble en paiement de la somme de 5.629,60 euros au titre des frais d'annulation, outre des dommages et intérêts.
Par jugement du 5 mars 2012, le tribunal a :
- déclaré non écrite la clause inscrite au recto du contrat de vente de forfaits touristiques en date du 20 juillet 2006 selon laquelle le client certifie avoir pris connaissance des conditions générales de vente du voyage,
- condamné la Sarl CYG VOYAGES à payer aux époux Y. la somme de 1.556 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la Sarl CYG VOYAGES à payer aux époux Y. à la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
La Sarl CYG VOYAGES a relevé appel de cette décision le 24 avril 2012. Par conclusions notifiées le 23 juillet 2012, elle demande à la cour, au visa des articles 1134 du code civil et R. 211-4 du code du tourisme, de :
- infirmer le jugement,
- condamner solidairement les époux Y. à lui payer 5.629,60 euros au titre des frais d'annulation, avec intérêts à compter du 13 novembre 2006,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus,
- condamner solidairement les époux Y. à lui verser la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et mauvaise foi dans l'exécution du contrat et celle de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.
Elle fait valoir que :
- les époux Y. étaient parfaitement informés des conditions générales et particulières de vente et d'annulation du voyage,
- le contrat renvoyait aux conditions d'annulation dans la brochure d'achat,
- aucune contestation n'a eu lieu,
- du fait des exigences des époux Y., le contrat a été modifié, tout comme les conditions d'annulation et de modification qui conduisaient à ce que les billets soient non modifiables ni remboursables,
- il leur a été remis les conditions particulières de vente auxquelles il est fait référence au verso du contrat de vente,
- lors de la signature du second contrat, les conditions de la société GO VOYAGES ont été remises manuellement à M. Y., qui a signé la mention selon laquelle il en avait pris connaissance,
- le tribunal a considéré à tort que cette mention, nominative et encadrée, était réputée non écrite, alors qu'elle est conforme au modèle de bulletin d'inscription du Syndicat National des Agents de Voyages,
- la somme réclamée correspond à ce qui a été effectivement payé à la société GO VOYAGES, selon les conditions de cette dernière,
- les époux Y. ont fait preuve de résistance abusive qui lui a causé un préjudice important.
Par conclusions notifiées le 19 septembre 2012, les époux Y. demandent à la cour de :
- juger l'appel mal fondé,
- constater que la Sarl CYG VOYAGES a violé son obligation d'information, lors de la conclusion du contrat, en ce qui concerne les conditions de vente et les conditions générales et particulières de l'organisateur,
- dire que les conditions de vente et les conditions générales et particulières de l'organisateur ne sont pas opposables à M. Y.,
- dire qu'elles contiennent des clauses abusives en ce qui concerne l'annulation de la prestation par le consommateur,
- dire qu'elles sont réputées non écrites,
- débouter la Sarl CYG VOYAGES de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement, constater que la Sarl CYG VOYAGES ne fait état d'aucun préjudice concernant l'annulation de la prestation et annuler la pénalité demandée,
- en conséquence condamner la Sarl CYG VOYAGES à leur payer la somme de 2.480 euros en remboursement de l'acompte perçu, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2006,
- condamner la Sarl CYG VOYAGES à leur verser la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Ils font valoir que :
- la Sarl CYG VOYAGES a violé son obligation d'information, lors de la conclusion du second contrat,
- elle n'a pas expliqué à M. Y. que l'organisateur du voyage et les conditions d'annulation et de modification du voyage avaient changé,
- il n'a jamais pris connaissance des conditions particulières et générales des organisateurs,
- les conditions de vente notées au verso du contrat ne pas inscrites de manière assez apparente au regard des dispositions légales,
- l'agence n'a pas particulièrement attiré son attention sur la clause d'annulation, qui est différente de celle du premier contrat, et a entretenu la confusion par la signature des deux contrats,
- les clauses relatives aux conditions d'annulation et à l'information donnée par l'agence sur les conditions générales de vente et les conditions d'annulation sont des clauses préimprimées en petits caractères qui n'établissent pas la preuve que l'agence a concrètement transmis les documents d'information,
- ces clauses ainsi que la mention « billets non remboursables » doivent être réputées non écrites en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation,
- la clause d'annulation, qui prévoit une pénalité de 100 % du vol et de 90 % du prix de hôtellerie, présente un déséquilibre significatif et doit être déclarée non écrite, car abusive,
- subsidiairement, son montant est excessif au regard de l'acompte versé, qui représentait 30 % du prix, et de l'annulation trois mois avant le départ,
- la Sarl CYG VOYAGES ne fait état d'aucun préjudice concernant l'annulation de la prestation, les billets d'avion et la prestation hôtelière ayant été facturés après l'annulation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application de l'article R. 211-6 du code du tourisme, dans sa rédaction applicable au litige, « préalablement à la conclusion du contrat et sur la base d'un support écrit, portant sa raison sociale, son adresse et l'indication de son autorisation administrative d'exercice, le vendeur doit communiquer au consommateur les informations sur les prix, les dates et les autres éléments constitutifs des prestations fournies à l'occasion du voyage ou du séjour tels que : (...) 10°) les conditions d'annulation de nature contractuelle. »
Il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il a exécuté son obligation d'information.
Il n'est pas contesté que M. Y. a signé, le 20 juillet 2006, la première page du contrat de vente de forfait touristique n° 51002625/4, contrat établi sur deux pages.
La page 1/2 comporte différents renseignements sur le voyage, notamment le nom de l'organisateur (GO VOYAGES), le refus des assurances multirisques, annulation et rapatriement, et, dans l'encadré intitulé « conditions d'annulation et modification », ces seuls termes :
« Du fait du client (sur le prix total du voyage et par personne) La résiliation du présent contrat devra être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception auprès de l'agence BILLETS NON MODIFIABLES ET NON REMBOURSABLES ».
Au bas de cette page, est apposée la signature du client avec la mention manuscrite « lu et approuvé » sous la mention préimprimée suivante :
« Je soussigné M. et Mme Y., agissant pour moi-même et pour le compte des personnes inscrites, certifie avoir pris connaissance des conditions générales de vente de voyage et avoir reçu la brochure et/ou devis, programme, proposition de l'organisateur contenant les conditions particulières de vente. Contrat établi en 2 exemplaires originaux dont un remis au signataire de ce contrat ».
Au verso sont reproduits, sous le titre « CONDITIONS DE VENTE », les articles 95 à 103 du décret n° 94-490 du 15 juin 1994 pris en application de l'article 31 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours.
Le dernier paragraphe en italique est intitulé « CONDITIONS DE PAIEMENT » et est ainsi rédigé : « Les conditions particulières de vente applicables au contrat sont celles définies par chaque prestataire de service choisi par le client ».
La preuve que les conditions particulières de GO VOYAGES contenant les conditions et barèmes d'annulation ont été remises au client, préalablement à la conclusion du contrat, comme exigé par l'article R. 211-6 du code du tourisme, n'est pas rapportée par la clause de style précédant la signature du client.
En effet les termes employés : « conditions générales de vente de voyage », « brochure et/ou devis, programme, proposition de l'organisateur contenant les conditions particulières de vente », outre qu'ils sont particulièrement généraux, ne correspondent en aucune façon au document que la Sarl CYG VOYAGES prétend avoir remis au client et dont elle produit une copie en pièce 3.
Les dispositions de l'article 11 des conditions particulières invoquées par la Sarl CYG VOYAGES au soutien de sa demande ne peuvent donc recevoir application.
La seule information effectivement portée à la connaissance du signataire du contrat étant que les billets d'avion ne sont pas remboursables, c'est à bon droit que le tribunal a condamné les époux Y. à régler la somme de 924 euros correspondant à la facture émise par GO VOYAGES le 19 décembre 2006 en remplacement de celle émise le 20 novembre 2006.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné la compensation entre cette somme et l'acompte versé (2.480 euros) et a, par conséquent, condamné la Sarl CYG VOYAGES à restituer aux époux Y. la différence de 1.556 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre une indemnité de procédure.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Y. les frais, non compris dans les dépens, exposés en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- Condamne la Sarl CYG VOYAGES à payer aux époux Y. la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamne la Sarl CYG VOYAGES aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître FICHTER qui en a demandé le bénéfice.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Monsieur FRANCKE, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
- 6039 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clauses usuelles
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6337 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence de voyages (1) - Formation du contrat