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CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 26 février 2015

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 26 février 2015
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 2e ch.
Demande : 12/05260
Date : 26/02/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/09/2012
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5063

CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 26 février 2015 : RG n° 12/05260 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Si cette clause laisse au bailleur le choix de réclamer au locataire le paiement des loyers échus, et/ou d'une indemnité de résiliation et/ou d'une clause pénale, il n'en demeure pas moins que la cause première de ces indemnités réside dans l'inexécution par le locataire de ses obligations ; en conséquence cette clause n'est pas nulle puisqu'elle fait dépendre le paiement de ces sommes non seulement de la volonté du bailleur mais aussi de l'inexécution par le locataire de ses obligations ;

Cette clause qui impose au locataire de prendre en charge les loyers restant à courir constitue à la fois un moyen de le contraindre à l'exécution de ses obligations mais aussi une évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le bailleur du fait de l'accroissement de ses frais et risques en raison de l'interruption des paiements prévus et constitue ainsi une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès ; Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré que cette clause était une clause pénale ;

Son raisonnement sera adopté en ce qu'il a écarté l'application de l'article L. 442-6-I-2° et condamné monsieur X. au paiement de la somme totale de 18.227,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2009 ».

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/05260. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 mai 2012 (R.G. 2011F00659) par la 7ème Chambre du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 25 septembre 2012.

 

APPELANT :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représenté par Maître Vianney LE COQ DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉE :

La SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE venant aux droits de la SA COFACE SERVICES

dont le siège social est situé [adresse], représentée par Maître Alexandra BAUDOUIN de la SCP TONNET - BAUDOUIN - OTHMAN-FARAH - BECHAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 décembre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Edith O'YL, Présidente chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Edith O'YL, Présidente, Monsieur Thierry RAMONATXO, Conseiller, Monsieur Stéphane REMY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

- Vu le jugement du tribunal de commerce de BORDEAUX en date du 25 mai 2012 qui a :

* débouté M. X. de son exception d'incompétence,

* reçu en ses demandes la société COFACE SERVICES venant aux droits de la société GE CAPITAL ÉQUIPEMENT FINANCE et condamné M. X. à lui payer la somme de 18.227,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2009,

* débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes,

* condamné M. X. à payer à la société COFACE SERVICES la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

 

- Vu la déclaration d'appel de monsieur X. en date du 25 septembre 2012

- Vu ses conclusions déposées et signifiées le 21 décembre 2012 par lesquelles il demande à la cour de :

* réformer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

à titre principal,

vu l'article 122 du code de procédure civile,

* juger que la cession de créance lui est inopposable et en tout état de cause pour un montant limité,

* juger que la demande de la société COFACE SERVICES est irrecevable pour défaut de droit d'agir,

à titre subsidiaire,

vu l'article 1170 et suivants du code civil,

* juger que l'article 10 des conditions générales de vente est nul étant une clause potestative,

* débouter la COFACE SERVICES de ses demandes liées à cette clause,

* juger que la résiliation du contrat doit être requalifiée à juin 2007, ou à défaut à février 2008, en tout état de cause à une date où M. X. ne devait pas de loyer en retard,

à titre infiniment subsidiaire,

vu l'article 1152 du code civil,

vu l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,

* juger que l'indemnité de résiliation est une clause pénale manifestement excessive,

* juger qu'il y a lieu de la réduire à 1 euro,

* ou juger que le contrat de location longue durée institue un déséquilibre entre les droits et obligations des parties et débouter la COFACE SERVICES de toutes ses demandes,

en tout état de cause, vu l'article 700 du code de procédure civile,

* juger que compte tenu de la situation économique et personnelle de M. X., l’équité commande que la demande de la COFACE SERVICES soit rejetée,

en cas de débouté du demandeur,

* condamner la COFACE SERVICES à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

 

- Vu les conclusions déposées et signifiées le 6 février 2013 par la SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE venant aux droits de la SA COFACE SERVICES qui demande à la Cour de :

vu les conditions générales,

vu l'article 1689 et suivants du code civil,

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que M. X. était tenu à la dette souscrite auprès de la société INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE AG venant aux droits de la société COFACE SERVICES,

* réformer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit le quantum des demandes de la société INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE AG,

en conséquence,

* débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

* le condamner au paiement de la somme principale de 21.155,33 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 août 2008 jusqu'au jour du règlement effectif,

* le condamner au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

- Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 décembre 2014

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Monsieur X. qui exerçait une activité de charcutier avait par contrat du 10 août 2006, pris en location longue durée auprès de la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, une vitrine froid ventilé de type « SUMMER 200 GL » de marque SEDA pour une durée de 60 mois moyennant des loyers mensuels de 423,89 euros ;

Il a cessé son activité le 6 juin 2007 et a pris contact avec la société GE CAPITAL ÉQUIPEMENT FINANCE pour demander l'arrêt des prélèvements précisant que la vitrine réfrigérée était à sa disposition pour reprise ; il ne s'est plus acquitté des loyers à compter du mois de février 2008 ;

Par courriers des 11 février 2008 la société GE CAPITAL ÉQUIEMENT FRANCE lui donnait son accord pour mettre fin à la location avant son terme moyennant le versement d'une indemnité de 16.960,51 euros et le règlement des arriérés ; cette proposition était renouvelée le 22 avril suivant ; par LRAR du 30 août 2008, la société GE CAPITAL ÉQUIPEMENT FINANCE mettait en demeure monsieur X. de s'acquitter des loyers impayés dans les 8 jours sou peine de résiliation a résilié le contrat que la liait à M. X. ;

Le 17 décembre 2008, la société GE CAPITAL ÉQUIPEMENT FINANCE a cédé à la société COFACE SERVICES un portefeuille de créances au nombre desquelles figure la créance sur M. X.

Le 12 janvier 2009, M. X. a été avisé de cette cession ainsi que du montant de la somme restant due s'élevant à 20.243 euros en principal ;

La SA COFACE SERVICES a cédé le 25 novembre 2011à SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE son portefeuille de créances incluant celle détenue à l'encontre de monsieur X. ;

 

* Sur la recevabilité de la demande :

Monsieur X. fait valoir que tant la COFACE SERVICES que la SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE n'ont pas respecté les dispositions de l'article 1690 du code civil et que leurs demandes sont en conséquence irrecevables ;

Le cessionnaire n'est aux termes de l'article 1690 du code civil saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur ; mais la signification de ce transport n'est soumise à aucune condition de forme ;

C'est par une lettre simple en date du 12 janvier 2009 que la SA COFACE SERVICES a informé monsieur X. qu'elle était devenue propriétaire de la créance détenue à son encontre par la société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE d'un montant total de 21.153,53 euros ; cette lettre simple dont il n'est pas justifié qu'elle ait été reçue par son destinataire n'établit certes pas que monsieur X. ait alors su que la SA COFACE SERVICES venait aux droits de la société GE CAPITAL EQUIPEMENT ; mais l'assignation qu'elle lui a délivrée en paiement le démontre ; c'est en conséquence à bon droit que le premier juge a déclaré sa demande recevable ;

La SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE n'a adressé aucun courrier informant monsieur X. de ce qu'elle venait aux droits de la SA COFAC SERVICES ; en revanche elle est intervenue volontairement à l'instance en cause d'appel faisant valoir qu'elle venait aux droits de la SA COFACE SERVICES et a communiqué toutes les pièces en justifiant ; elle est donc recevable ;

Par ailleurs le fait que la somme réclamée soit supérieure à celle mentionnée en principal dans l'acte de cession de créance en date du 17 décembre 2008 s'explique par le fait que les intérêts ont continué à courir, la cession de créance n'ayant pas pour effet de céder une créance figée mais une créance avec ses accessoires et intérêts ;

 

* Sur le fond :

Le contrat de location a été résilié le 30 août 2008 à la suite de la mise en demeure de la SA COFACE SERVICES à la suite de la non-exécution de ses obligations et non comme le soutient M. X. à la date de la cessation de son activité, événement extérieur au contrat ;

La SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE demande la condamnation de monsieur X. à lui payer la somme de 21.155,33 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 août 2008 incluant les sommes de :

- 2.967,23 euros au titre des échéances impayées

- 217,23 euros au titre des frais de recouvrement

- 152,09 euros au titre de la clause pénale

- 1.032,64 euros au titre des intérêts de retard

- 16.786,34 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;

Monsieur X. fait valoir que la clause de l'article 10 relative à l'indemnité de résiliation, potestative, est nulle ; à titre subsidiaire il estime qu'elle doit s'analyser comme constitutive d'une clause pénale ;

L'article 10 du contrat de location est ainsi rédigé « le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur sans adresser de mise en demeure ou accomplir de formalité judiciaire en cas d'inexécution d'une seule condition de la location notamment en cas de non-paiement d'un seul loyer ; la résiliation entraîne pour le locataire l'obligation de restituer immédiatement le matériel en un lieu donné par le bailleur...Le bailleur se réserve également la faculté d'exiger outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dues jusqu'à la date effective de restitution effective du matériel le paiement :

- en réparation du préjudice subi d'une indemnité de résiliation égale au montant total des loyers HT postérieurs à la résiliation

- pour assurer la bonne exécution du contrat une pénalité égale 10 % de l'indemnité de résiliation » ;

Si cette clause laisse au bailleur le choix de réclamer au locataire le paiement des loyers échus, et/ou d'une indemnité de résiliation et/ou d'une clause pénale, il n'en demeure pas moins que la cause première de ces indemnités réside dans l'inexécution par le locataire de ses obligations ; en conséquence cette clause n'est pas nulle puisqu'elle fait dépendre le paiement de ces sommes non seulement de la volonté du bailleur mais aussi de l'inexécution par le locataire de ses obligations ;

Cette clause qui impose au locataire de prendre en charge les loyers restant à courir constitue à la fois un moyen de le contraindre à l'exécution de ses obligations mais aussi une évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le bailleur du fait de l'accroissement de ses frais et risques en raison de l'interruption des paiements prévus et constitue ainsi une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès ;

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré que cette clause était une clause pénale ;

Son raisonnement sera adopté en ce qu'il a écarté l'application de l'article L. 442-6-I-2° et condamné monsieur X. au paiement de la somme totale de 18.227,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2009 ;

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé ;

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE à hauteur de 1.000 euros ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,

- confirme le jugement déféré

- condamne monsieur X. à payer à la SA INTRUM JUSTICIA DEBT FINANCE une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-le condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Edith O'YL, Présidente, et par Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.