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6132 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée indéterminée

Nature : Synthèse
Titre : 6132 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée indéterminée
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6132 (4 novembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

DURÉE DU CONTRAT - CONTRAT À DURÉE INDÉTERMINÉE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Validité de principe. Un contrat successif est à durée indéterminée lorsqu’il lie les parties sans limite de temps. Tant en droit commun qu’en droit de la consommation, rien n’interdit à un professionnel de conclure avec un consommateur ou un non-professionnel un tel contrat.

Pour une illustration du rappel de ce principe : il n’y a pas d’incompatibilité entre un contrat de dressage à durée indéterminée par le vendeur et le droit de propriété sur l’animal de l’acheteur, dès lors que celui-ci peut librement en disposer et donc confier l’exercice de certains attributs de ce droit à un tiers, même pour une durée indéterminée. CA Paris (pôle 4 ch. 9), 27 mars 2014 : RG n° 12/08631 ; Cerclab n° 4756 ; Juris-Data n° 2014-007594.

Prohibition des transformations en contrat à durée déterminée. La clause autorisant le professionnel à transformer un contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminée est irréfragablement présumée abusive en application de l’art. R. 212-1-3° C. consom. (V. Cerclab n° 6105).

A. PROHIBITION DES CONTRATS PERPÉTUELS

1. PRINCIPE

Prohibition des contrats perpétuels : principe. Si les contrats à durée indéterminée sont licites, cette validité est toutefois soumise à une condition : le maintien pour chaque partie de la possibilité d’y mettre fin par sa seule volonté indépendamment de tout motif, légitime ou pas. À défaut, le contrat serait perpétuel et à ce titre entaché de nullité. La règle a été très clairement posée dès 1804, pour le louage de services (contrat de travail) à l’art. 1780 C. civ. « On ne peut engager ses services qu'à temps, ou pour une entreprise déterminée. [alinéa 1] Le louage de service, fait sans détermination de durée, peut toujours cesser par la volonté d'une des parties contractantes. [alinéa 2] » Le texte était historiquement fondamental, dès lors qu’il rendait impossible l’institution d’un « servage » contractuel (V. aussi implicitement l’art. 2003 C. civ. pour le mandat qui prend fin à la mort du mandant ou du mandataire et l’art. 1838 C. civ. limitant la durée des sociétés à 99 ans). Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, la solution a désormais un fondement légal général. Selon le nouvel art. 1210 C. civ. « Les engagements perpétuels sont prohibés. [alinéa 1] Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. [alinéa 2] ».

V. pour un rappel du principe : le contrat à exécution successive dans lequel aucun terme n’est prévu n’est pas nul, mais constitue une convention à durée indéterminée que chaque partie peut résilier unilatéralement, à condition de respecter un juste préavis. Cass. com., 8 février 2017 : pourvoi n° 14-28232 ; arrêt n° 205 ; Bull. civ. ; Dnd. § Pour les juges du fond : CA Rennes (2e ch.), 12 février 2016 : RG n° 12/06947 ; arrêt n° 78 ; Cerclab n° 5506 (garde meubles gratuit après un déménagement ; s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, il peut y être mis fin unilatéralement par une des parties, moyennant le respect d'un préavis, en l’espèce d’un mois), sur appel de TGI Quimper, 5 juin 2012 : Dnd.

Nature et régime de la sanction. Toute clause interdisant à l’une des parties, notamment au consommateur, de mettre fin au contrat est donc illicite. Si le principe est incontesté, sa mise en œuvre soulève plusieurs difficultés et l’ordonnance du 10 février 2016 a peut-être modifié les données du problème.

* Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016. Sous l’empire du droit antérieur, un contrat perpétuel pouvait être annulé. S’agissant tout d’abord de la nature de la nullité, la solution traditionnelle était de considérer qu’il s’agissait d’une nullité absolue (V. par exemple : Cass. civ. 3e, 15 décembre 1999 : Bull. civ. III, n° 42 ; Dnd), pouvant être invoquée par tout intéressé et le ministère public et insusceptible de confirmation.

La prescription de l’action en revanche posait problème. Avant la réforme de la prescription, la nullité absolue pouvait être exercée pendant trente ans à compter de la conclusion du contrat. Depuis cette réforme, la prescription était celle de droit commun d’une durée de cinq ans (art. 2224 C. civ.). Compte tenu de la nature du manquement, celui-ci ne pouvait a priori être ignoré par la partie qui en était la victime : le point de départ de la prescription quinquennale était donc normalement fixé à la date de conclusion du contrat. Or, selon la jurisprudence, si l’exception de nullité était perpétuelle, la solution ne jouait plus lorsque le contrat avait reçu un commencement d’exécution. Avant la réforme, le point de savoir si cette limitation (contrat exécuté) concernait aussi les nullités absolues était discuté. Mais, dans l’affirmative, la combinaison de ces principes aboutissait à rendre inattaquable un contrat perpétuel plus de cinq ans après sa conclusion. Une telle solution était tout à fait inacceptable. Pour l’éviter, il aurait été possible de considérer que le vice de perpétuité était permanent, ce qui repoussait indéfiniment le point de départ de la prescription (la troisième Chambre civile avait écarté en son temps l’inexistence, qui pouvait pourtant constituer une autre façon de régler le problème).

* Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016. Il n’est pas sûr que le nouvel art. 1210 C. civ. ait conservé cette solution. La sanction de la prohibition semble être désormais, en quelque sorte, une requalification « d’office » du contrat perpétuel en contrat à durée indéterminée, offrant à chaque partie le droit d’y mettre fin dans les conditions de l’art. 1211 C. civ. (« lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable »). Le texte n’évoque plus la nullité du contrat dans son ensemble (laquelle impliquait l’anéantissement rétroactif du contrat depuis le départ et pouvait provoquer des restitutions réciproques). Il va de soi que le système mis en place ne se comprend que si la faculté de résiliation est d’ordre public et toutes les clauses contraires devront être considérées comme illicites. La disposition nouvelle devrait du même coup résoudre la question de la prescription : le contrat étant légalement réputé contrat à durée déterminée dès sa conclusion, chaque contractant peut y mettre fin et l’écoulement de la prescription fait obstacle à l’exécution du contrat et non à une action en annulation de celui-ci.

V. confirmant cette évolution : les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat mais chaque contractant peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. Cass. com., 21 septembre 2022 : pourvoi n° 20-16994 ; arrêt n° 515 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 9889, pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 9), 22 mai 2020 : Dnd.

N.B. La solution est heureuse, car en l’absence d’art. 1210 C. civ., les défauts du système antérieurs se seraient maintenus. Tout d’abord, l’art. 1179 C. civ. qui fixe le critère de répartition entre les nullités, réserve les nullités absolues à la violation de règles ayant pour objet « la sauvegarde de l’intérêt général » et les nullités relatives à celles ayant « pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé ». Il ne fait pas de doute que la prohibition d’un contrat perpétuel protège la partie qui est prisonnière du contrat, sans possibilité d’y mettre un terme. Néanmoins, le vice de perpétuité relève sans doute aussi de l’intérêt général (protection des libertés, de la concurrence, etc.) et sa sanction n’a donc pas pour « seul » objet la sauvegarde de l’intérêt d’une partie. La solution d’une nullité absolue aurait donc été conservée. Elle est indispensable pour qu’un tiers intéressé ou le ministère public puisse attaquer l’acte perpétuel qu’une partie en position de faiblesse n’oserait pas contester (art. 1180 C. civ. nouveau) et aucune confirmation de la clause ne saurait être tolérée (comp. art. 1181 C. civ. nouveau, pour les nullités relatives).Ensuite, la solution jurisprudentielle antérieure concernant les conditions de l’exception de nullité ont été reprises par le nouvel art. 1185 C. civ. : « L'exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution ». Le risque d’impossibilité d’attaquer un contrat perpétuel exécuté plus de cinq ans après sa conclusion aurait donc perduré ;

Notion de contrat perpétuel. En pratique, le vice de perpétuité prend souvent une forme différente, notamment lorsqu’un contrat à durée déterminée se renouvelle indéfiniment sans possibilité de rupture. § Loin de se borner à mettre en lumière l’aspect lésionnaire du contrat d’affrètement « coque nue » et le caractère abusif de certaines de ses clauses, la cour d’appel, procédant à l’interprétation de la clause du contrat intitulée « durée » que ses termes ambigus rendaient nécessaire, a estimé que l’affréteur pouvait mettre fin chaque année au contrat sans que son cocontractant ait la même possibilité ; en l’état de cette appréciation dont il résultait que le terme du contrat dépendait de la volonté de l’affréteur seul, la cour d’appel a pu retenir que le contrat d’affrètement était contraire à l’article 10 de la loi du 18 juin 1966, et que le cocontractant n’avait donné son consentement au contrat que par suite d’une erreur sur un élément substantiel de son engagement. Cass. com., 29 avril 2002 : pourvoi n° 00-10708 ; Bull. civ. IV, n° 77 ; Cerclab n° 5196, rejetant le pourvoi contre CA Poitiers, 3 novembre 1999 : Dnd§ Pour une décision contestable : jugé que n’est pas perpétuelle la constitution de servitude pour l’installation d’un transformateur, dès lors que la convention stipulait qu’elle était conclue à EDF « pour la durée de son exploitation dans la commune » concernée et que cette dernière pouvait, en application du cahier des charges, racheter le droit d’exploitation concédé avec la faculté de se substituer de plein droit à EDF pour l'exécution de la convention litigieuse. CA Paris (pôle 4 ch. 1), 13 octobre 2017 : précité, infirmant TGI Bobigny, 16 juillet 2015 : RG n° 13/08664 ; Dnd (caducité de la convention qui ne pouvait être perpétuelle ; N.B. La position adoptée par l’arrêt semble contestable ; en effet, la perpétuité doit s’apprécier du côté du propriétaire privé, pour lequel la substitution de contractant reste sans influence sur la durée du contrat, et non du côté d’EDF et de son droit potentiellement limité dans le temps).

Rappr. pour l’hypothèse : absence d’avantage excessif dans la clause d’un contrat prévoyant que pendant une durée de 10 ans, renouvelable une fois sauf dénonciation, une société devra faire appel, en cas de sinistre, aux services de sa cocontractante en vue de l’évaluation de son dommage. CA Paris (25e ch. B), 19 décembre 1997 : RG n° 95/26819 ; arrêt n° 304 ; Cerclab n° 1106 (clause pénale fixée à la moitié des honoraires qui aurait été dus et jugée comme ne présentant pas un caractère manifestement excessif au sens de l’ancien art. 1152 [1231-5] C. civ.), sur appel de T. com. Paris (15e ch.), 8 septembre 1995 : RG n° 92/27844 ; Cerclab n° 291 (question non examinée), cassé pour un motif procédural concernant un autre moyen, préalable, par Cass. civ. 1re, 26 avril 2000 : pourvoi n° 98-14212 ; Cerclab n° 2044. § N.B. Si, lors du sinistre suivant, un nouveau contrat est conclu et qu’il contient la même clause, le contrat est perpétuel et, au minimum, la clause doit être annulée. En l’espèce, la référence à la possibilité d’un renouvellement unique, sauf dénonciation, semblait pouvoir écarter ce grief (sous réserve de contrôler la connaissance et la clarté de la clause de dénonciation, et le cas échéant l’imposition discrète d’une nouvelle clause d’exclusivité). § Ne constitue pas un contrat perpétuel, un contrat de location financière conclu pour 36 mois et reconductible tacitement pour un an, sauf dénonciation neuf mois avant le terme, délai réduit à six mois pour les contrats reconduits. CA Paris (pôle 5, ch. 11), 14 novembre 2014 : RG n° 12/14728 ; Cerclab n° 4924 ; Juris-Data n° 2014-028300 (N.B. les motifs de l’arrêt poursuivent la justification de cette solution par l’affirmation curieuse selon laquelle le contrat après reconduction, devient à durée indéterminée pour le bailleur, solution qui pourrait s’expliquer en cas d’absence de faculté de dénonciation symétrique accordée au bailleur, mais qui, dans cette analyse, pourrait s’avérer très contestable au regard de l’art. L. 442-6-I-2° C. com. en permettant au bailleur de mettre fin à tout moment à un contrat à durée déterminée pour le locataire), sur appel de T. com. Paris, 29 mai 2012 : RG n° 2010066348 ; Dnd.

La souscription d’obligations TSDI (titres subordonnés remboursables à durée indéterminée) ne constitue pas un contrat perpétuel, mais un contrat à durée indéterminée, dès lors que les titres peuvent faire l'objet d'un remboursement anticipé, soit par la banque émettrice soit par le client par rachat en bourse. CA Grenoble (1re ch. civ.), 1er mars 2016 : RG n° 13/03623 ; Cerclab n° 5536, sur appel de TGI Grenoble, 13 juin 2013 : RG n° 10/03966 ; Dnd.

Refus d’appliquer l’art. L. 132-1 aux relations unissant une société civile d’attribution en temps partagé et un de ses associés pour déclarer une clause abusive des statuts (clause excluant le retrait si l’associé ne dispose pas de l’ensemble des parts pour la jouissance pendant toute l’année d’une unité d’habitation). CA Grenoble (1re ch. civ.), 25 octobre 2004 : RG n° 03/00760 ; arrêt n° 633 ; Cerclab n° 3129 ; Juris-Data n° 271085 (clause jugée valable, comme conforme aux dispositions en vigueur - code de la consommation, code de la construction, code civil, et comme ne constituant pas un engagement perpétuel du fait de la possibilité d’une cession), confirmant TGI Grenoble (6e ch.), 14 novembre 2002 : RG n° 2001/01608 ; jugt n° 299 ; Cerclab n° 3168.

2. ILLUSTRATIONS DE CLAUSES

Clauses interdisant le droit de rupture unilatérale : caractère illicite. Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, les clauses supprimant le droit de mettre unilatéralement fin au contrat sont illicites, comme contraires à l’art. 1210 C. civ.

Clauses interdisant le droit de rupture unilatérale : caractère abusif. Depuis le décret du 18 mars 2009, une clause écartant toute faculté unilatérale de résiliation peut aussi être condamnée sur le fondement de l’art. R. 212-1-8° C. consom. (reprenant l’ancien art. R. 132-1-8° C. consom. dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, sous réserve de l’extension aux non-professionnels qui figure désormais à l’art. R. 212-5 C. consom.), qui dispose qu’est de manière irréfragable présumée abusive et dès lors interdite, la clause ayant pour objet ou pour effet de « reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au non-professionnel ou au consommateur » (solution déjà préfigurée par le point 1.f de l’annexe à l’art. L. 132-1 C. consom., abrogée à compter du 1er janvier 2009, mais toujours présente dans la directive, qui visait les clauses ayant pour objet ou pour effet d’autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire si la même faculté n’est pas reconnue au consommateur).

Il faut toutefois noter que, littéralement, l’art. R. 212-1-8° C. consom. ne vise que des clauses de résiliation discrétionnaire, ce qui ne recouvre pas, par exemple, les clauses de résiliation pour manquement du consommateur, mais peut être étendu à une faculté de résiliation unilatérale, sans motifs, dans un contrat à durée indéterminée. Dès lors, si un contrat à durée indéterminée contient une clause de résiliation unilatérale pour le professionnel (ce qui est toujours le cas en pratique) et refuse cette faculté au consommateur, deux griefs sont encourus. D’une part, la clause interdisant toute résiliation au consommateur est abusive (en l’absence de clause, cette faculté découlerait implicitement du droit commun). D’autre part, la clause de résiliation discrétionnaire accordée au seul professionnel est également abusive, faute de réciprocité, et elle est également réputée non écrite. Dans les deux cas, comme il est impossible de lier de façon perpétuelle une partie, l’élimination de la clause entraîne un retour au droit commun et donc à la faculté pour chaque partie de résilier unilatéralement, avec préavis.

Pour une illustration de clause réciproque, non abusive : cassation de l’arrêt retenant le caractère abusif d’une clause de résiliation, alors que celle-ci conférait à chacune des parties le même droit de mettre fin au contrat. Cass. civ. 1re, 8 novembre 2007 : pourvoi n° 05-20637 et 06-13453 ; arrêt n° 1230 ; Cerclab n° 2810 (fourniture d’accès internet ; cassation sans renvoi avec affirmation directe dans le dispositif de l’arrêt de cassation de l’absence de caractère abusif de la clause), cassant sur ce point CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 15 septembre 2005 : RG n° 04/05564 ; Cerclab n° 3146 ; Juris-Data n° 2005-283144 ; Lamyline (clause de résiliation réciproque, satisfaisante au regard de l’ancien art. 1134 [1103] C. civ. et de la prohibition des engagements perpétuels, mais pas au regard des dispositions particulières du droit de la consommation qui imposent de veiller à la protection du consommateur, dès lors la clause permet au professionnel de mettre fin, sans motif précis, à tous les contrats d’abonnement conclus quels qu’ils soient, en privant discrétionnairement le consommateur du service qu’il avait choisi à des conditions auxquelles il a adhéré, créant à raison de sa généralité ou son imprécision une situation de précarité pour le consommateur), confirmant TGI Nanterre (1re ch. sect. A), 2 juin 2004 : RG n° 02/03156 ; site CCA ; Cerclab n° 3993 (la réciprocité des droits et obligations des contractants ne s’apprécie pas de façon égalitaire mais au regard des dispositions protectrices du Code de la consommation ; la résiliation sans motif ou pour des cas d’inexécution d’obligations imprécises du consommateur ne peut être ouverte au professionnel car elle créerait un déséquilibre manifeste au détriment du consommateur qui se verrait priver sans raison valable d’un service offert sur le marché et qu’il avait choisi des conditions qui lui convenaient et donc le confronter à un refus de vente ou de prestation).

Clauses restreignant le droit de rupture unilatérale du consommateur. Les clauses restreignant le droit de rompre un contrat à durée indéterminée peuvent aussi être déclarées illicites et, à tout le moins, abusives.

* Limitation des motifs. Le contrat peut tout d’abord limiter le droit de résilier du consommateur en exigeant qu’il justifie d’un motif légitime ou de quelques motifs limitativement énumérés. Une telle stipulation peut être déclarée illicite en ce qu’elle constitue un moyen détourné de réintroduire une certaine perpétuité du contrat. Elle peut aussi être déclarée abusive si elle contrevient à l’art. R. 212-1-8° C. consom., puisque le droit accordé reste même dans ce cas différent de celui dont dispose le professionnel. Si la résiliation est offerte aux deux parties pour motif légitime, l’art. R. 212-1-8° C. consom. n’est plus applicable, mais le caractère abusif peut quand même être retenu le cas échéant (cas trop limités, atteinte à la liberté contractuelle, voire à la libre concurrence entre professionnels).

* Prohibition des sanctions financières. Le contrat peut aussi prévoir en théorie que l’exercice du droit s’accompagne d’une quelconque indemnité financière. Cette possibilité est désormais explicitement condamnée par l’art. R. 212-1-11° C. consom. (reprenant l’ancien art. R. 132-1-11° C. consom., dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, sous réserve de l’extension aux non-professionnels qui figure désormais à l’art. R. 212-5 C. consom.), qui dispose qu’est de manière irréfragable présumée abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de « subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel ».

Sur le domaine du texte : l’ancien art. R. 132-1-11° [R. 212-1-11°] C. consom. n’est pas applicable à un contrat à durée déterminée. CA Paris (pôle 4, ch. 9), 7 mai 2014 : RG n° 11/22968 ; Cerclab n° 4786 (location avec promesse d’achat d’une voiture ; N.B. l’arrêt avait jugé au préalable le texte inapplicable à un contrat conclu en 2007), sur appel de TI Paris (14e) 1er décembre 2011 : RG n° 11-10-0000464 ; Dnd.

N'est pas nulle la clause qui n’interdit pas aux parties de résilier unilatéralement le contrat, sans avoir à justifier de motif, même si elle assortit cette faculté d’une « pénalité d'éviction », dès lors que cette dernière n'aboutit pas à priver les parties de leur droit de rompre, qui est d'ordre public. CA Bordeaux (4e ch. civ.), 18 mai 2022 : RG n° 20/00736 ; Cerclab n° 9598 (entreprise souscrivant un contrat de retraite complémentaire pour ses cadres par le biais d’un courtier en assurance ; arrêt estimant que, compte tenu de la surface financière de l’entreprise, le montant même dissuasif de la clause ne la privait pas du droit de rompre), sur appel de T. com. Bordeaux, 9 janvier 2020 : RG n° 2018F00933 ; Dnd.

Rappr. pour l’hypothèse : CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 21 novembre 2017 : RG n° 16/02008 ; Cerclab n° 7146 (arrêt n’ayant pas contesté la clause prévoyant qu’un droit d’entrée élevé dans un club de golf n’était pas abusif en ce qu’il n’était pas restituable et que seule une cession du contrat pouvait libérer l’adhérent, alors que cette cession était conditionnée à un nombre de membres déterminé, qui n’a jamais été atteint en raison du montant trop élevé de ce droit d’entrée, l’avocat ayant sollicité la nullité du contrat initial et invoqué le seul déséquilibre de l’avenant proposé), sur appel de TGI Draguignan, 7 janvier 2016 : RG n° 14/07471 ; Dnd - CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 21 novembre 2017 : RG n° 16/02011 ; Cerclab n° 7147, sur appel de TGI Draguignan, 7 janvier 2016 : RG n° 14/07474 ; Dnd (idem).

Clauses restreignant le droit de rupture unilatérale du professionnel. La protection contre les contrats perpétuels concerne a priori les deux parties et peut donc être invoquée aussi par le professionnel. Cependant dans certains cas, comme le contrat de bail, le législateur a tenu compte de la spécificité de la situation pour restreindre les possibilités de rupture offerte à l’un des contractants (N.B. dans la loi du 6 juillet 1989, il ne s’agit pas d’un contrat à durée indéterminée, mais de l’impossibilité de s’opposer à la reconduction ou au renouvellement du contrat).

La Commission des clauses abusives a parfois repris cette idée, dans la situation voisine des contrats d’hébergement de personnes âgées. L’extrême fragilité de ces consommateurs et l’existence fréquente d’une demande supérieure à l’offre peut aboutir à conférer au professionnel un pouvoir tout à fait exorbitant dans le choix des pensionnaires. Pour l’expression de cette idée : la Commission recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de résilier un contrat à durée indéterminée pour des motifs autres que sérieux et légitimes, notamment si le consommateur est de mauvaise foi, ne répond plus aux critères fixés contractuellement lors de son admission ou est absent de l’établissement plus de quatre mois par an. Recomm. n° 85-03/B-7° : Cerclab n° 2155 (hébergement de personnes âgées ; considérant n° 24 ; la commission indique que le fait d’accorder un droit de résiliation aux deux parties procède d’un équilibre des droits purement formel, dès lors que la clause peut mettre le consommateur dans une situation de précarité totale, avec de grandes difficultés pour retrouver un équivalent, alors que de son côté le professionnel n’aura aucun mal à lui substituer un autre consommateur ; considérant n° 26, motifs jugés non légitimes, vagues et formulés avec imprécision : « absence injustifiée », « mauvais esprit » manquement « à l’une quelconque de ses obligations »).

B. MISE EN OEUVRE DU DROIT DE RÉSILIATION UNILATÉRALE

Ordonnance du 10 février 2016. Selon le nouvel art. 1211 C. civ., « Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable ». Il appartiendra à la jurisprudence de déterminer si l’exigence d’un préavis d’une durée raisonnable est une règle supplétive ou pas, ce qui rendrait illicite toute clause supprimant le préavis (outre son caractère abusif). Pour les autres dispositions, seule la protection contre les clauses abusives peut a priori être invoquée.

Forme de la résiliation. Le contrat peut sans doute prévoir un formalisme destiné à s’assurer de la preuve de la résiliation, de sa date et du respect du préavis. L’exigence n’est pas abusive si elle reste raisonnable : dans cet esprit, une lettre recommandée avec accusé de réception échappera sans doute à la critique, alors que l’exigence d’un acte d’huissier sera source de déséquilibre. Néanmoins, le développement des moyens modernes de communication peut parfois conduire à imposer la possibilité de les utiliser dans des circonstances particulières : faible coût du contrat, contractant résidant dans un autre pays, alors que les parties communiquent régulièrement par courriel, ou au contraire proximité des parties (ex. quittance de la remise des clefs dans un contrat de bail soumis au seul Code civil).

N.B. La clause imposant un formalisme plus contraignant pour le consommateur que pour le professionnel pourrait être présumée abusive par l’art. R. 212-2-8° C. consom.si on interprète le texte au sens large ou sinon déclarée abusive sur le fondement direct de l’art. L. 212-1 C. consom. § V. déjà : la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées les clauses permettant de soumettre la faculté de résiliation du contrat à des conditions plus strictes pour l’abonné que pour la société. Recomm. 95-01/7° : Cerclab n° 2163.

Clause relatives aux préavis : présentation. En droit commun, la résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée suppose la délivrance d’un préavis, reportant d’une durée raisonnable la prise d’effet de la rupture. En droit de la consommation, plusieurs types de clauses peuvent se rencontrer : une clause imposant au consommateur un préavis d’une durée excessive, une clause dispensant le professionnel d’un préavis ou autorisant un préavis d’une durée courte, une combinaison de clauses imposant des délais différents au professionnel et au consommateur, une clause interdisant la suppression du préavis au bénéfice du consommateur.

Clause dispensant le professionnel d’un préavis. Sur l’éventuel caractère illicite de la clause au regard du nouvel art. 1211 C. civ., V. ci-dessus.

* Annexe. Ce type de stipulation a été initialement visé par le point 1-g) de l’annexe à l’ancien art. L. 132-1 C. consom. (créée par la loi du 1er février 1995 en application de la directive du 5 avril 1993 où elle figure toujours, alors qu’elle a été abrogée en droit interne à compter du 1er janvier 2009,) qui mentionnait comme susceptible d’être abusive la clause autorisant « le professionnel à mettre fin sans un préavis raisonnable à un contrat à durée indéterminée, sauf en cas de motif grave ». § Pour une illustration : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’autoriser le professionnel à rompre le contrat à durée indéterminée sans un délai raisonnable de préavis, à moins qu’il n’existe des motifs légitimes pour ce faire. Recomm. n° 01-02/4° : Cerclab n° 2196. § V. aussi pour les juges du fond : si, dans une formule d’accès libre à internet, la grande souplesse conférée au client peut avoir pour contrepartie la possibilité pour le fournisseur d’accès qui constate que ses services sont immobilisés pendant une durée de six mois sans être utilisés et en conséquence sans qu’il perçoive de rémunération, de résilier le contrat à l’issue de cette durée, la clause est abusive en ce que, prévoyant une résiliation de plein droit dérogatoire au droit commun sans avertissement préalable attirant l’attention du client et assortie d’un préavis. TGI Nanterre (6e ch.), 9 février 2006 : RG n° 04/02838 ; Cerclab n° 3994.

Décret du 18 mars 2009 (art. R. 132-2-4° C. consom.). Selon l’art. R. 132-2-4° C. consom., dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, la clause ayant pour objet ou pour effet d’accorder « au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable ». Le texte a été transféré à l’art. R. 212-2-4° C. consom., sous réserve de l’extension aux non-professionnels qui figure désormais à l’art. R. 212-5 C. consom. Cette disposition appelle deux remarques :

1/ Contrairement à l’annexe, le texte n’est pas explicitement limité aux contrats à durée indéterminée, ce qui étend son domaine d’application à d’autres situations (rupture d’un contrat instantané, échelonné, ou à durée déterminée, avec ou sans manquement ; dénonciation d’un contrat à durée déterminée pour éviter sa reconduction).

2/ Contrairement aussi à l’annexe, le texte n’évoque pas la suppression du préavis en cas de motif grave. Néanmoins, cette différence est sans importance puisque l’art. R. 212-2-4° C. consom. ne pose qu’une présomption simple de caractère abusif et que la preuve par le professionnel d’un motif grave réalisera sans difficulté un tel renversement. § N.B. Il est permis de s’interroger sur cette solution. Normalement, l’exécution effective du contrat n’a pas à être prise en compte pour l’appréciation du caractère abusif d’une clause (V. Cerclab n° 6010). Dès lors, le fait que le professionnel ait résilié sans préavis pour un motif grave n’est pas à même de justifier l’absence de préavis pour les autres hypothèses.

* Exceptions en faveur du professionnel. L’art. R. 212-2-4° C. consom. connaît des exceptions en faveur du professionnel.

Selon le nouvel art. R. 212-4 al. 2 C. consom., dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016 : « Le 8° de l'article R. 212-1 et le 4° de l'article R. 212-2 ne font pas obstacle à l'existence de clauses par lesquelles le fournisseur de services financiers se réserve le droit de mettre fin au contrat à durée indéterminée unilatéralement, et ce sans préavis en cas de motif légitime, à condition que soit mise à la charge du professionnel l'obligation d'en informer la ou les autres parties contractantes immédiatement. » § La disposition reprend les termes de l’ancien art. R. 132-2-1-III C. consom., dans sa rédaction résultant du décret du 18 mars 2009, qui disposait « le 8° de l’article R. 132-1 et le 4° de l’article R. 132-2 ne font pas obstacle à l’existence de clauses par lesquelles le fournisseur de services financiers se réserve le droit de mettre fin au contrat à durée indéterminée unilatéralement, et ce sans préavis en cas de motif légitime, à condition que soit mise à la charge du professionnel l’obligation d’en informer la ou les autres parties contractantes immédiatement. § N.B. Une limitation similaire existait au point II-a) de l’annexe qui précisait que « le point g ne fait pas obstacle à des clauses par lesquelles le fournisseur de services financiers se réserve le droit de mettre fin au contrat à durée indéterminée unilatéralement, et ce, sans préavis en cas de raison valable, pourvu que soit mise à la charge du professionnel l’obligation d’en informer la ou les autres parties contractantes immédiatement ». Elle avait pour effet à l’époque d’atténuer les exigences en remplaçant le « motif grave » par une « raison valable ». Depuis le décret, elle conduit seulement à écarter la présomption de caractère abusif en cas de motif légitime.

Selon le nouvel art. R. 212-3 C. consom., dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016, le 4° de l'art. R. 212-2 n’est pas applicable : « 1° Aux transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est lié aux fluctuations d'un cours, d'un indice ou d'un taux que le professionnel ne contrôle pas ; 2° Aux contrats d'achat ou de vente de devises, de chèques de voyage ou de mandats internationaux émis en bureau de poste et libellés en devises. » § Le texte reprend les termes de l’ancien art. R. 132-2-1, I, a) et b) C. consom. (D. n° 2009-302 du 18 mars 2009), qui disposait aussi que le 4° de l’art. R. 132-2 C. consom. n’est pas applicable « aux transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est lié aux fluctuations d’un cours, d’un indice ou d’un taux que le professionnel ne contrôle pas », ni « aux contrats d’achat ou de vente de devises, de chèques de voyage ou de mandats internationaux émis en bureau de poste et libellés en devises ». § Ces exclusions étaient déjà présentes dans l’annexe 2.c), qui précisait que le point g, n’est pas applicables aux : - transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est lié aux fluctuations d’un cours ou d’un indice boursier ou d’un taux de marché financier que le professionnel ne contrôle pas (annexe 2.c, alinéa 1, conforme à la Directive 93/13/CEE) - contrats d’achat ou de vente de devises, de chèques de voyage ou de mandats-poste internationaux libellés en devises (annexe 2.c, alinéa 2, conforme à la Directive 93/13/CEE).

* Illustrations. Sont présumées abusives, sauf au professionnel à apporter la preuve contraire, les clauses ayant pour effet de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable ; est abusive la clause d’une convention de découvert qui ouvre à la banque le droit, si bon lui semble, sans formalité ni mise en demeure, de résilier la convention et de rendre immédiatement exigibles les sommes dues, en ce qu’elle dispense le professionnel de tout préavis ou mise en demeure. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 5 mars 2015 : RG n° 14/03672 ; arrêt n° 2015/138 ; Cerclab n° 5075 ; Juris-Data n° 2015-005029 ( (N.B. l’arrêt n’évoque pas l’ancien art. R. 132-2-1-III, qui aurait pu écarter ce texte si le contrat était à durée indéterminée et si la banque pouvait invoquer un motif légitime), sur appel de TI Nice, 7 janvier 2014 : RG n° 11-13-000149 ; Dnd. § La banque ne rapporte pas la preuve contraire, dès lors qu’elle ne justifie pas avoir adressé une mise en demeure, alors que la convention prévoit que l’emprunteur pourra résilier le contrat à tout moment mais en informant le prêteur de son intention par écrit. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 5 mars 2015 : précité (N.B. référence implicite à une absence de réciprocité, qui pouvait relever aussi de l’ancien art. R. 132-2-8° C. consom.).

Clause instituant des durées asymétriques. Selon l’art. R. 212-1-10° C. consom. (reprenant l’ancien art. R. 132-1-1° C. consom., dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, sous réserve de l’extension aux non-professionnels qui figure désormais à l’art. R. 212-5 C. consom.), est de manière irréfragable présumée abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de « soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un délai de préavis plus long pour le consommateur que pour le professionnel ». § Sur l’admission de déséquilibre en cas de prérogatives accordées aux deux parties, mais à des conditions différentes, V. plus généralement Cerclab n° 6024.

V. déjà en ce sens, pour la Commission : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de soumettre la résiliation, dans les contrats à durée indéterminée, à un délai de préavis plus long pour le consommateur que pour le professionnel. Recomm. n° 01-02/5° : Cerclab n° 2196.

Clause octroyant au professionnel un préavis court. Le nouvel art. 1211 C. civ. impose de respecter un « délai raisonnable », mais ce texte réserve la possibilité de fixer contractuellement la durée du préavis. Seule la protection contre les clauses abusives permet de contrôler la durée de ce dernier. Une clause autorisant le professionnel à résilier dans un délai trop bref est présumée abusive par l’art. R. 212-2-4° C. consom., puisque cette disposition exige un « préavis d’une durée raisonnable ».

V. par exemple : un préavis de trois mois est un délai raisonnable au sens de l’ancien art. R. 132-2-4°C. consom. [R. 212-2-4° C. consom. ancien]. CA Grenoble (1re ch. civ.), 1er octobre 2012 : RG n° 09/01314 ; Cerclab n° 3984 (location d’emplacement pour mobile home ; N.B. l’arrêt ne précise pas si le contrat est à durée indéterminée, mais cette solution semble pouvoir se déduire de l’absence de toute allusion à une durée déterminée, qui aurait pu rendre la clause abusive dans le principe même de la résiliation et d’une autre stipulation selon laquelle tout mois commencé est dû qui n’a pas de sens pour un contrat à durée déterminée), sur appel de TGI Bourgoin-Jallieu, 5 février 2009 : RG n° 07/205 ; Dnd.

Pour la Commission des clauses abusives : la Commission recommande que soient éliminées des contrats proposés par les fournisseurs de service de réseautage social les clauses ayant pour objet ou pour effet de reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat de fourniture de service de réseautage social à durée indéterminée, sans préavis d’une durée raisonnable. Recomm. n° 2014-02/36° : Cerclab n° 5002 (réseau social ; considérant n° 36 ; clauses de résiliation discrétionnaire sans préavis d’une durée raisonnable).

Clause imposant au consommateur un préavis excessif. L’essentiel des décisions recensées concernent le contrôle de la durée du préavis imposé au consommateur.

* Situation postérieure au décret du 18 mars 2009. Depuis le décret du 18 mars 2009, la clause risque de tomber sous le coup de la prohibition posée par l’art. R. 212-1-10° C. consom. [R. 132-1-10° ancien] L’appréciation ne se pose de façon autonome que si un délai identique est imposé aux deux parties.

* Situation antérieure au décret du 18 mars 2009. Pour des clauses jugées valables, V. par exemple : ne crée pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties à un contrat de location de box, une durée de préavis de 15 jours, relativement brève. Jur. Proxim. Blois, 31 janvier 2007 : RG n° 91-07-000065 ; jugt n° 11/2007 ; Cerclab n° 1377 (clause prévoyant qu’à défaut de dénonciation au moins 15 jours avant la fin du mois, le mois suivant était dû, mois pendant lequel, en l’espèce, le locataire a en définitive, en l’espèce, occupé les lieux),pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 28 mai 2009 : pourvoi n° 08-11894 ; Cerclab n° 2841 (problème non examiné). § Absence de caractère abusif d’une clause d’un contrat de télévision par câble à durée indéterminée prévoyant un délai de préavis d’une durée qui n’est pas déraisonnable. TGI Le Mans (1re ch.), 23 novembre 1993 : RG n° 92/00832 ; Cerclab n° 369 (résiliation prenant effet à la fin du mois en cours si elle est reçue avant le 15 du dit mois, à la fin du mois suivant si elle est reçue après le 15).

N’est pas abusive la clause prévoyant, sauf dans les cas de décès ou d’hospitalisation brusque, un préavis d’un mois, sanctionné en cas de non-respect par l’absence de restitution du dépôt de garantie lui-même fixé à un mois de pension, dès lors que les contraintes de gestion d’un établissement d’hébergement pour personne âgées ne permettent pas nécessairement de pourvoir rapidement au remplacement d’un locataire partant, ce qui justifie la compensation financière prévue. TGI Rennes (1re ch. civ.), 19 juillet 1994 : RG n° 93002894 ; jugt n° 424 ; Cerclab n° 1770. § Comp., en cas de résiliation pour manquement : est abusive, la clause stipulant que l’établissement peut mettre fin à la convention moyennant un préavis d’un mois « si le comportement du pensionnaire était de nature à perturber la bonne marche de l’établissement ou la quiétude des pensionnaires qui y séjournent, dès lors que, si l’inexécution par le pensionnaire de son obligation d’user paisiblement des locaux constitue effectivement une cause de résiliation, cette clause procure un avantage excessif en raison d’un délai de préavis trop bref s’agissant de pensionnaires âgés, de l’absence d’information du pensionnaire sur le motif exact et précis retenu et donc de l’impossibilité qui lui est offerte de le contester. TGI Rennes (1re ch. civ.), 19 juillet 1994 : précité (jugement évoquant par comparaison les garanties offertes par la loi du 6 juillet 1989).

Clause interdisant une prise d’effet immédiate de la résiliation du consommateur. Les textes précités autorisent parfois le professionnel à se dispenser d’un préavis, notamment lorsqu’il peut justifier d’un motif grave (annexe) ou légitime (art. R. 212-4 C. consom., anciennement art. R. 132-2-1-III C. consom.). Or, un consommateur peut lui aussi se prévaloir dans certains cas de la nécessité d’une prise d’effet immédiate de sa décision de rupture.

La situation a notamment été évoquée par l’annexe dans le cas des comptes joints, où une mésentente en titulaires du compte (séparation de fait ou de droit) ou les abus commis par l’un d’eux peut justifier une résiliation immédiate du compte, afin d’éviter que l’autre titulaire ne profite du délai pour « vider » le compte. Selon l’annexe 1.r) à l’ancien art. L. 132-1 C. consom., abrogée à compter du 1er janvier 2009, pouvaient être regardées comme abusives, si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. et à condition, en cas de litige, que le demandeur apporte la preuve de ce caractère abusif, les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre à une banque ou un établissement financier de ne pas rendre effective immédiatement la dénonciation d’un compte joint par l’un des cotitulaires du compte.

N.B. Ce point de l’annexe 1.r) a été créé par l’art. 85 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008. Cette disposition est assez délicate à interpréter. Il semble a priori plutôt absurde d’ajouter un point supplémentaire à une annexe que par ailleurs la même loi abroge à compter du premier janvier 2009 ! Ce point étant absent de la Directive 93/13/CEE, il ne dispose donc plus d’aucun support légal. A l’inverse, il est possible de considérer qu’en introduisant un point nouveau, tout en sachant que ce dernier n’aurait d’effet que pour quelques mois, le législateur a au contraire voulu stigmatiser une telle stipulation, d’une certaine manière « in extremis » (et peut-être dans l’attente du futur décret), ce qui rend ce signalement encore plus significatif. Comment comprendre toutefois que cette clause n’ait pas ensuite été introduite dans la liste des clauses noires ou grises ? Première explication institutionnelle, l’art. 85 émane du Parlement alors que ces listes résultent d’un décret dont le contenu n’était pas connu lors du vote de la loi. C’est donc le décret qui est surtout critiquable. Seconde explication, les clauses des art. R. 212-1 et 2 sont toutes de portée générale et ne comprennent aucune allusion à un secteur particulier. Elle est un peu courte cependant, dès lors que l’ancien art. R. 132-2-1 C. consom. (art. R. 212-3 et 4 nouveaux) a spécifiquement abordé certaines clauses propres au secteur bancaire dans un sens favorable au professionnel : il est difficile de voir ce qui empêchait de faire la même chose en faveur du consommateur fut-ce dans un art. R. 132-2-2 ou R. 132-3 (ou R. 212-5 ou 6 après la réforme...).

C. SUITES DE LA RÉSILIATION UNILATÉRALE

Remboursements de sommes payées d’avance. La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de prévoir que l’établissement de crédit ne sera pas tenu de restituer, prorata temporis, la cotisation versée par le client au titre des conventions de services résiliées par l’effet de la clôture du compte. Recomm. n° 05-02/12 : Cerclab n° 2171 (comptes bancaire de dépôt ; considérant n° 6-12 ; clauses empêchant la restitution prorata temporis de la cotisation en cas de résiliation du compte, alors que le service ne peut plus être exécuté en raison de sa caducité liée à la clôture du compte).

Clause d’accession mobilière. La Commission des clauses abusives recommande, lorsque la télésurveillance est liée à la conclusion avec un autre professionnel d’un contrat de location portant sur le matériel, l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de rendre le bailleur propriétaire de plein droit et sans indemnité des pièces d’équipement et accessoires incorporés par le consommateur au matériel pris en location. Recomm. n° 97-01/B-24-g : Cerclab n° 2166. (télésurveillance ; considérant n° 35 ; l’absence d’indemnité pour le locataire a pour effet d’enrichir indûment le professionnel). § La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses abusives ayant pour objet ou pour effet de refuser au locataire le droit de reprendre les adjonctions ou les améliorations de la chose à condition qu’il remette celle-ci en état. Recomm. n° 86-01/B-2 : Cerclab n° 2178 (location avec promesse de vente).

Restitution du dépôt de garantie : délai octroyé au professionnel. Sur le caractère abusif des clauses prévoyant des délais trop longs. Les modalités de restitution du dépôt peuvent aussi être contestées lorsque le professionnel s’octroie le droit d’amputer le montant de la somme restituée en considération de manquements non établis du consommateur ou appréciés discrétionnairement par le professionnel (V. Cerclab n° 6054).

Délai de restitution. Est abusive la clause ayant pour effet de faire éventuellement supporter par l’abonné les dommages résultant d’un vice de la chose ou du transport, en mettant à sa charge la preuve qu’il n’est pas responsable des dommages affectant le matériel loué. TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 21 février 2006 : RG n° 04/02910 et 04/08997 ; jugt n° 2 ; site CCA ; Cerclab n° 4024 (accès internet), infirmé par CA Paris (25e ch. B), 13 février 2009 : RG n° 06/06059 ; Cerclab n° 3145 (arrêt estimant que la clause avait été modifiée ou supprimée avant le jugement).

Lieu de restitution du bien. La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses abusives ayant pour objet ou pour effet d’abandonner à l’établissement de crédit, au moment de la restitution, le choix du lieu où doit être rendue la chose louée. Recomm. n° 86-01/B-9 : Cerclab n° 2178 (location avec promesse de vente ; exercice de l’option du bailleur pouvant contribuer à alourdir les charges du consommateur compte tenu du coût du transport de certains biens, comme par exemple un bateau).

Détérioration du bien. La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses abusives ayant pour objet ou pour effet d’imposer la restitution de la chose en fonction de l’état apprécié par le seul bailleur. Recomm. n° 86-01/B-10 : Cerclab n° 2178 (location avec promesse de vente ; clause abusive en ce qu’elle laisse au seul bailleur le droit d’apprécier l’état de la chose et de contraindre le locataire à supporter le coût des réparations qu’il décide unilatéralement). § … Ou, s’agissant d’un véhicule, sa restitution suivant les normes Argus. Recomm. n° 86-01/B-10 : Cerclab n° 2178 (location avec promesse de vente ; clause exigeant une indemnité en cas de kilométrage supérieur à la norme Argus abusive, dès lors qu’elle intervient alors que l’amortissement financier du bien est réalisé ou qu’en cas de résiliation du contrat, elle conduit à majorer l’indemnité légale due par le locataire).

Est abusive la clause prévoyant la nécessité pour le locataire de procéder à des raccords de peinture lors de son départ, sous peine, faute d’en justifier, de payer une indemnité forfaitaire de 650 euros retenue sur le dépôt de garantie, dès lors qu’une telle stipulation exonère le bailleur de la justification de la nécessité de tels travaux et qu’au surplus, la mise en place d’une indemnisation forfaitaire prive le locataire de la possibilité de constater que le bailleur a dû effectivement supporter ces charges. CA Montpellier (1re ch. B), 14 octobre 2008 : RG n° 07/02664 ; Cerclab n° 2668 (location en meublé). § Est abusive la clause prévoyant que la restitution du dépôt de garantie s’effectue déduction faite des éventuels coûts justifiés liés à une remise en état des matériels imputables au client, dès lors que le professionnel n’expose pas le mode de calcul de ces frais de remise en état, en précisant notamment au préalable le coût des matériels mis à la disposition du client et qu’aucune précision n’est apportée sur l’appréciation de l’imputabilité au client des désordres constatés par le seul professionnel, alors même qu’aucun état des lieux contradictoire lors de la restitution n’est prévu. TGI Paris (4e ch. 1re sect.), 15 septembre 2009 : RG n° 07/12483 ; jugt n° 2 ; Cerclab n° 3185 (clause aboutissant à laisser exclusivement au professionnel l’appréciation du caractère justifié de la retenue pour remise en état).