CASS. CIV. 2e, 5 mars 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5071
CASS. CIV. 2e, 5 mars 2015 : pourvoi n° 14-13130 ; arrêt n° 322
Publication : Legifrance
Extrait : « Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui n’avait pas à interpréter une clause qui n’était pas ambiguë, qui n’était pas liée par une pratique contractuelle antérieure et qui n’avait pas à répondre au moyen tiré de l’existence d’un usage, qui n’était qu’alléguée, a pu décider que l’assureur, en respectant par ailleurs le taux de rémunération minimum garanti de 4,5 %, avait pu, sans faute, fixer une répartition des bénéfices destinée à harmoniser la rémunération des adhérents des différentes générations du contrat ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 5 MARS 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 14-13130. Arrêt n° 322.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Ssociété Prédica
Mme Flise (président), président. Maître Ricard, SCP Boulloche, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2013), que M. X. a adhéré le 4 février 1994 à un contrat collectif d’assurance sur la vie souscrit auprès de la société Predica (l’assureur), prévoyant le bénéfice d’une double rémunération composée d’un taux minimum annuel garanti de 4,5 % pendant toute la durée du contrat ainsi que d’un taux complémentaire de participation aux bénéfices techniques et financiers déterminé au 31 décembre de chaque année ; que, contestant la répartition inégalitaire de la participation aux bénéfices opérée, à compter du 1er novembre 2000, entre les adhérents à ce contrat, et invoquant l’inexécution par l’assureur de ses obligations contractuelles ainsi qu’un manquement à son devoir d’information et de loyauté, M. X. l’a assigné en paiement de dommages-intérêts ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que M. X. fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices financier et moral, alors, selon le moyen :
1°/ que les entreprises d’assurance sur la vie ou de capitalisation doivent faire participer les assurés aux bénéfices techniques et financiers qu’elles réalisent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l’économie et des finances ; que l’exercice de cette obligation doit respecter le principe, à valeur constitutionnelle, d’égalité devant la loi ; qu’en considérant qu’il n’existait pas de dispositions légales imposant à l’assureur une répartition égalitaire des bénéfices, la cour d’appel a violé l’article L. 331-3 du code des assurances, ensemble le principe d’égalité devant la loi ;
2°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en considérant d’un côté que le contrat ne contenait aucune disposition pouvant donner lieu à interprétation et, de l’autre, que l’assureur n’avait pas donné des informations claires et précises sur la répartition des bénéfices au moment de la souscription du contrat, la cour d’appel s’est contredite, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible ; qu’elles s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; qu’en l’espèce, M. X. a soutenu qu’aux termes du contrat conclu avec l’assureur, ce dernier avait l’obligation de répartir la participation aux bénéfices de manière égalitaire entre tous les souscripteurs du contrat Florige ; que l’assureur, selon les propres constatations de la cour d’appel, n’a pas donné d’informations claires et précises sur la répartition des bénéfices, de sorte qu’il en résultait une ambiguïté sur le point de savoir si le taux de participation aux bénéfices devait être ou non égal pour tous les souscripteurs du contrat ; qu’en décidant que l’assureur n’était pas tenu de procéder à une répartition égalitaire des bénéfices, la cour d’appel, qui devait interpréter le contrat dans le sens le plus favorable à M. X., a violé l’article L. 133-2 du code de la consommation ;
4°/ que l’étendue des obligations contractuelles peut résulter de la manière dont ils appliquent cette convention ; qu’en l’espèce, l’assureur a, de 1993 à 2000, procédé à une répartition de la participation aux bénéfices sur une base égalitaire entre tous les souscripteurs du contrat Florige ; qu’en retenant, en dépit de cette exécution du contrat sur une base égalitaire, que l’assureur pouvait décider de ne plus procéder à une telle répartition, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
5°/ que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ; que dans ses conclusions d’appel, M. X. a soutenu qu’il était d’usage en France qu’aucun contrat d’assurance sur la vie ne prévoie une répartition inégalitaire de la participation aux bénéfices entre les souscripteurs et que s’agissant plus particulièrement du contrat Florige, de 1993 à 2000, date de l’abaissement du taux minimum garanti de 4,5 % à 0,2 %, la répartition de la participation aux bénéfices a toujours été faite sur une base égalitaire entre tous les souscripteurs ; qu’en jugeant que l’assureur a pu décider d’une répartition des bénéfices non égalitaire, sans répondre à ce moyen invoquant l’existence d’un usage, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l’arrêt, qui constate tout d’abord que le contrat d’assurance sur la vie souscrit par M. X. ne renferme pas de stipulation imposant à l’assureur une répartition égalitaire des bénéfices techniques et financiers qu’il réalise, et que ce dernier a réparti la participation aux bénéfices en fonction de ses résultats techniques, à savoir le taux de rendement de ses actifs, et financiers, selon les taux contractuellement garantis, retient ensuite exactement qu’aucune disposition légale ou réglementaire spécifique n’impose à l’assureur une règle de répartition de ces bénéfices entre les adhérents d’un même contrat, et que l’assuré ne bénéficie pas d’un droit individuel à l’attribution d’une somme déterminée à ce titre ; qu’il retient encore, sans contradiction, que le contrat ne contient aucune disposition pouvant donner lieu à interprétation mais qu’il existe un manquement de l’assureur à son devoir d’information pour ne pas avoir donné des indications claires et précises sur la répartition des bénéfices ;
Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui n’avait pas à interpréter une clause qui n’était pas ambiguë, qui n’était pas liée par une pratique contractuelle antérieure et qui n’avait pas à répondre au moyen tiré de l’existence d’un usage, qui n’était qu’alléguée, a pu décider que l’assureur, en respectant par ailleurs le taux de rémunération minimum garanti de 4,5 %, avait pu, sans faute, fixer une répartition des bénéfices destinée à harmoniser la rémunération des adhérents des différentes générations du contrat ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X. aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X., le condamne à payer à la société Prédica la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quinze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen de cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. X. de sa demande de condamnation de la société PREDICA au paiement de 562.938 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier et de 50.000 € au titre du préjudice moral ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Aux motifs que « le contrat d’assurance-vie FLORIGE souscrit le 4 février 1994 par M. X. stipulait que « l’assuré bénéficie d’une double rémunération :
- un taux minimum garanti pour l’année en cours déterminé au 1er janvier de chaque année, en tout état de cause, ce taux ne pourra être inférieur à 4, 5 % pendant toute la durée de votre contrat (…) et
- un taux complémentaire déterminé en fin d’exercice, au 31 décembre de chaque année appelé taux de participation aux bénéfices (…) »
Considérant qu’en ce qui concerne la répartition des bénéfices, le contrat ne contient que la clause selon laquelle l’assureur s’engage à répartir 100 % des résultats financiers nets, au lieu des 85 % prévus par le code des assurances, que par ailleurs, aucune disposition légale ou règlementaire spécifique n’impose à l’assureur une règle de répartition des participations aux bénéfices aux adhérents d’un contrat ;
Considérant que M. X. expose que s’il devait être considéré que les modalités de répartition de la participation aux bénéfices relevaient de la décision discrétionnaire de la société PREDICA, cela aurait pour effet de conférer à celle-ci un droit potestatif ;
Mais considérant qu’alors que la société PREDICA répartit la participation aux bénéfices en fonction de ses résultats techniques, à savoir le taux de rendement de ses actifs, et financiers selon les taux contractuellement garantis, sa volonté n’est pas discrétionnaire mais dépend d’éléments économiques objectifs ce qui exclut l’exercice d’un droit potestatif ;
Considérant de même que la clause de participation aux bénéfices contenue dans le contrat FLORIGE qui n’attribue pas à la société PREDICA, qui s’est engagée à redistribuer 100 % de ses bénéfices, des droits disproportionnés par rapport à ses obligations ne peut être qualifiée de léonine ;
Considérant que la clause ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dès lors que M. X. a bénéficié et continue de bénéficier d’une rémunération de son épargne au taux minimum garanti de 4,5 % ;
Considérant qu’alors que le contrat ne contient aucune disposition pouvant donner lieu à interprétation, que l’assuré ne bénéficie pas d’un droit individuel à l’attribution d’une somme déterminée au titre de la participation aux bénéfices, et qu’il n’existe pas de dispositions légales ou de stipulation contractuelle lui imposant une répartition égalitaire, la société PREDICA a pu, en respectant par ailleurs le taux de rémunération minimum garanti de 4,5 %, décider d’une répartition des bénéfices destinée à harmoniser la rémunération des adhérents des différentes générations du contrat FLORIGE sans qu’il puisse lui être imputé à l’encontre de l’appelant une faute à ce titre ;
II - Sur le manquement au devoir d’information ;
Considérant par contre qu’il existe un manquement de la société PREDICA à son devoir d’information pour ne pas avoir donné des informations claires et précises sur la répartition des bénéfices au moment de la souscription du contrat ou de la modification de la répartition qui est à l’origine d’un préjudice, qui n’est pas égal au préjudice financier invoqué par l’appelant mais qui consiste dans la perte de la chance de souscrire un contrat comprenant des dispositions contractuelles conformes à ses souhaits, qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;
III - Sur le préjudice moral
Considérant qu’alors que les manœuvres dolosives imputées à la société PREDICA ne sont pas établies, M. X. ne justifie pas du préjudice moral qu’il invoque » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1 - Alors que les entreprises d’assurance sur la vie ou de capitalisation doivent faire participer les assurés aux bénéfices techniques et financiers qu’elles réalisent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l’économie et des finances ; que l’exercice de cette obligation doit respecter le principe, à valeur constitutionnelle, d’égalité devant la loi ; qu’en considérant qu’il n’existait pas de dispositions légales imposant à la société PREDICA une répartition égalitaire des bénéfices, la cour d’appel a violé l’article L. 331-3 du code des assurances, ensemble le principe d’égalité devant la loi ;
2 - Alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en considérant d’un côté que le contrat ne contenait aucune disposition pouvant donner lieu à interprétation et, de l’autre, que la société PREDICA n’avait pas donné des informations claires et précises sur la répartition des bénéfices au moment de la souscription du contrat, la cour d’appel s’est contredite, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
3 - Alors que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible ; qu’elles s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; qu’en l’espèce, M. X. a soutenu qu’aux termes du contrat conclu avec la société PREDICA, cette dernière avait l’obligation de répartir la participation aux bénéfices de manière égalitaire entre tous les souscripteurs du contrat FLORIGE ; que la société PREDICA, selon les propres constatations de la cour, n’a pas donné d’informations claires et précises sur la répartition des bénéfices, de sorte qu’il en résultait une ambiguïté sur le point de savoir si le taux de participation aux bénéfices devait être ou non égal pour tous les souscripteurs du contrat ; qu’en décidant que la société PREDICA n’était pas tenue de procéder à une répartition égalitaire des bénéfices, la cour d’appel, qui devait interpréter le contrat dans le sens le plus favorable à M. X., a violé l’article L. 133-2 du code de la consommation ;
4 - Alors que l’étendue des obligations contractuelles peut résulter de la manière dont elles appliquent cette convention ; qu’en l’espèce, la société PREDICA a, de 1993 à 2000, procédé à une répartition de la participation aux bénéfices sur une base égalitaire entre tous les souscripteurs du contrat FLORIGE ; qu’en retenant, en dépit de cette exécution du contrat sur une base égalitaire, que la société PREDICA pouvait décider de ne plus procéder à une telle répartition, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
5 - Alors que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ; que dans ses conclusions d’appel, M. X. a soutenu qu’il était d’usage en France qu’aucun contrat d’assurance-vie ne prévoie une répartition inégalitaire de la participation aux bénéfices entre les souscripteurs et que s’agissant plus particulièrement du contrat FLORIGE, de 1993 à 2000, date de l’abaissement du taux minimum garanti de 4,5 % à 0,2 %, la répartition de la participation aux bénéfices a toujours été faite sur une base égalitaire entre tous les souscripteurs ; qu’en jugeant que la société PREDICA a pu décider d’une répartition des bénéfices non égalitaire, sans répondre à ce moyen invoquant l’existence d’un usage, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.