CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. B), 5 mars 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5075
CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch. B), 5 mars 2015 : RG n° 14/03672 ; arrêt n° 2015/138
Publication : Jurica
Extrait : « En particulier sont présumées abusives sauf au professionnel à apporter la preuve contraire les clauses ayant pour effet de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable. En l'espèce la clause 15 de la convention de découvert qui ouvre à la banque le droit, si bon lui semble, sans formalité ni mise en demeure de résilier la convention et de rendre immédiatement exigibles les sommes dues, présente le caractère d'une clause abusive en ce qu'elle dispense le professionnel de tout préavis ou mise en demeure adressés au non-professionnel pour sa mise en œuvre conduisant à la résiliation du contrat.
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE n'apporte aucune preuve contraire sur ce point à la procédure ne prétendant et ne justifiant pas d'avoir adressé une mise en demeure préalable à l'emprunteur avant de résilier le contrat, alors que la convention prévoit dans son article 9 que l'emprunteur pourra résilier le contrat à tout moment mais en informant le prêteur de son intention par écrit.
La clause 15 de la convention s'en trouve non écrite et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE ne peut en conséquence se retrancher derrière son application. »
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
ONZIÈME CHAMBRE B
ARRÊT DU 5 MARS 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/03672. Arrêt n° 2015/138. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de NICE en date du 7 janvier 2014 : R.G. n° 11-13-149.
APPELANTE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE
pris en la personne de son Président domicilié es qualité au dit siège, demeurant [adresse], représentée par la SCP C. G. M. D. G., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉ :
Monsieur X.
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représenté par Maître Patrick L., avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 2 février 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Jacques BAUDINO, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre, Mme Anne CAMUGLI, Conseiller, M. Jean-Jacques BAUDINO, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 5 mars 2015
ARRÊT : Contradictoire ; Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 mars 2015 ; Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte d'huissier en date du 10 janvier 2013 M. X. a fait citer la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE devant le tribunal d'instance de Nice pour obtenir au visa de l'article L. 313-1 du code de la consommation, sa condamnation à faire procéder, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à la levée de son inscription au FICP et à lui payer :
- 1.387,46 euros avec intérêts au taux légal à compter de la citation au titre des frais bancaires indus
- 6.000 euros de dommages -intérêts
- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a exposé que le 5 décembre 2001 la banque lui avait accordé un découvert de 762 euros renouvelé par tacite reconduction sur son compte courant.
Il a reproché à la banque :
- de ne pas avoir respecté son engagement contractuel ;
- de lui avoir prélevé des frais indus (commissions d'intervention et autres) ;
- d'avoir commis une erreur en annulant sans motif légitime une remise de chèque de 322,66 euros.
Il a soutenu que ce comportement lui avait causé un préjudice.
Il a ajouté que les frais de forçage ou commissions d'intervention devaient être inclus dans le taux effectif global par la banque.
Il a considéré que la banque avait commis une faute en supprimant unilatéralement son autorisation de découvert sans l'en informer au préalable ce qui lui a en outre causé un préjudice moral.
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE s'est opposée aux demandes de M. X. et a réclamé une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a affirmé que M. X. avait été interdit bancaire et qu'elle n'a fait qu'appliquer l'article 15 de la convention de découvert liant les parties.
Elle a estimé n'avoir commis aucune faute et que c'est à juste titre qu'elle a prélevé les commissions d'intervention contractuellement acceptées.
Elle a relevé que les commissions d'intervention rémunéraient un service particulier et n'étaient pas liées à une opération de crédit en sorte qu'elles n'entraient pas dans la détermination du TEG et que le compte de M. X. étant débiteur son inscription au FICP était légitime.
Par jugement en date du 7 janvier 2014 le tribunal d'instance de Nice a :
- constaté que dans l'exécution de la relation contractuelle ayant liée les parties la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE a commis une faute à l'origine des préjudices subis par M. X.
- condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE à payer à M. X. :
* 1.387,46 de dommages-intérêts correspondant à son préjudice matériel correspondant aux frais et commissions prélevés entre 2007 et 2011 sur le compte de M. X.
* 3.000 euros en réparation de son préjudice moral
- constaté que M. X. ne rapportait pas la preuve du caractère illégitime de son inscription au FICP.
- débouté M. X. de sa demande de défichage sous astreinte
- condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE à payer à M. X. la somme de 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Le tribunal d'instance a considéré que :
- très rapidement dès février 2002 le montant du découvert autorisé le 5 décembre 2001 a été dépassé régulièrement
- le 28 février 2002 M. X. était interdit bancaire.
Le tribunal d'instance a jugé qu'il ne pouvait ainsi être reproché à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE d'avoir résilié la convention de découvert et prélevé des commissions.
Pour autant le tribunal d'instance a relevé que par la suite en laissant pendant 9 ans fonctionner le compte de façon débitrice et en prélevant des commissions dont il n'est pas justifié que M. X. en ait accepté le prix postérieurement à 2002, la banque a commis une faute qui a aggravé le débit du compte et causé un préjudice à M. X.
Le tribunal d'instance en a déduit que la banque mutualiste avait manqué à son devoir de loyauté, de conseil et d'information.
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE a interjeté appel du jugement le 21 février 2014.
Par conclusions en date du 15 mai 2014 elle demande infirmation du jugement en ce qu'il a mis à sa charge les sommes de 1.387,46 euros à titre de dommages -intérêts en réparation du préjudice matériel et 3.000 euros en réparation du préjudice moral outre 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle demande confirmation du jugement pour le surplus et une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle s'oppose à toutes les demandes de M. X.
Elle soutient que la convention de découvert a été légitimement résiliée du fait de la position débitrice du compte.
Elle allègue que c'est à bon droit qu'elle a sollicité le paiement du solde restant dû et perçu des commissions d'intervention sur comptes courants prévues au contrat d'ouverture du compte par la suite.
Elle remarque que M. X. a fait l'objet d'une seconde inscription au FICP à l'initiative d'un autre établissement bancaire.
Elle conteste l'existence de manquements fautifs à ses obligations contractuelles au regard de l'inscription de frais et commissions pendant 9 années sur un compte bancaire.
Elle rappelle que M. X. s'est servi pendant neuf ans de son compte, tour à tour débiteur ou créditeur selon ses opérations.
M. X. par conclusions en date du 15 juillet 2014 s’oppose aux demandes de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE.
Il demande confirmation du jugement en ce qu'il a constaté que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE avait commis une faute dans ses relations contractuelles à l'origine de son préjudice matériel évalué à 1.387,46 euros et en ce qu'il a condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE à lui payer une somme de 1.500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Pour le surplus il demande à la cour :
- d'ordonner à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE de demander la levée de son inscription au FICP sous astreinte de 50 euros par jour de retard
- de condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE à lui payer une somme de 6.000 euros à titre de dommages -intérêts
- de condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE à lui payer une somme de 3.000 euros l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il prétend qu'il n'a jamais été informé par la banque de la rupture de la convention de découvert.
Il considère que la clause 15 de la convention qui dispose que les sommes dues seront de plein droit exigibles en cas d'incident de paiement ou non-respect du contrat si bon semble au préteur sans formalité ni mise en demeure et unilatéralement est une clause abusive qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Il en déduit que le contrat d'ouverture de crédit par découvert autorisé n'a pu être valablement résilié et que depuis 2001 la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE facture des frais et des commissions d'interventions indus pour un total de 1.387,46 euros qui ne pouvaient de surcroît ne pas être inclus dans le TEG.
Il détaille dans ses écritures les préjudices dont il a été victime du fait du comportement de la banque, se considérant comme personnellement blessé par le dénigrement dont il a été l'objet.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Suivant acte sous seing privé en date du 3 décembre 2001 la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE a consenti à M. X. une offre préalable d'ouverture de crédit rattachée au compte courant ouvert dans ses livres sous le numéro 42XX01, le montant du concours consenti s'élevant à 762 euros et les parties convenant de la fixation d'un taux d’intérêt à hauteur de 15 % l'an au cas de réalisation d'opérations dans le cadre du seuil autorisé.
L'article 15 de la convention a prévu que les sommes dues seront de plein droit immédiatement exigibles si bon semble au prêteur, sans formalité ni mise en demeure, notamment si l'emprunteur émet des chèques sans provision et s'il fait l'objet d'un incident de paiement caractérisé inscrit au fichier de la banque de France ou plus généralement en cas de non-respect de l'une de ses obligations contractuelles.
M. X. soulève en appel le caractère abusif de cette clause.
Dans les contrats entre professionnels et non professionnels sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En particulier sont présumées abusives sauf au professionnel à apporter la preuve contraire les clauses ayant pour effet de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.
En l'espèce la clause 15 de la convention de découvert qui ouvre à la banque le droit, si bon lui semble, sans formalité ni mise en demeure de résilier la convention et de rendre immédiatement exigibles les sommes dues, présente le caractère d'une clause abusive en ce qu'elle dispense le professionnel de tout préavis ou mise en demeure adressés au non-professionnel pour sa mise en œuvre conduisant à la résiliation du contrat.
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE n'apporte aucune preuve contraire sur ce point à la procédure ne prétendant et ne justifiant pas d'avoir adressé une mise en demeure préalable à l'emprunteur avant de résilier le contrat, alors que la convention prévoit dans son article 9 que l'emprunteur pourra résilier le contrat à tout moment mais en informant le prêteur de son intention par écrit.
La clause 15 de la convention s'en trouve non écrite et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE ne peut en conséquence se retrancher derrière son application.
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE ne prétend ni ne justifie avoir informé l'emprunteur par la suite qu'elle avait mis un terme à la convention de découvert.
En laissant par la suite fonctionner le compte de façon débitrice tout en prélevant des commissions la banque a ainsi aggravé le débit du compte et causé un préjudice certain à M. X.
Le premier juge a valablement évalué le préjudice direct et certain subi par M. X. en lui allouant :
- une somme de 1.387,46 euros au titre du préjudice matériel correspondant aux frais et commissions prélevés entre 2007 et 2011 sur son compte.
- une somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral, l'emprunteur n'ayant pu obtenir des services de la banque ni du médiateur du crédit mutuel de réponse claire à ses multiples demandes d'explication de sa situation, le laissant ainsi visiblement désemparé.
En ce concerne la demande de mainlevée de son inscription au FICP, M. X. ne démontre par aucune pièce à la procédure que cette inscription était illégitime eu égard à l'état de son compte.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité commande d'allouer à M. X. une somme de 1.500 euros en cause d'appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE supportera les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant contradictoirement
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Déboute les parties de toutes leurs demandes autres.
Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE à payer à M. X. une somme de 1.500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE AVENUE aux dépens dont distraction au profit de Maître L., avocat.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6129 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Résolution ou résiliation pour manquement - Inexécution du consommateur
- 6622 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Griefs généraux