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CAA NANCY (1re ch.), 2 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CAA NANCY (1re ch.), 2 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Nancy (CAA)
Demande : 14NC01855
Date : 2/04/2015
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 22/12/2014
Décision antérieure : CE (7e et 2e ch. réun.), 29 septembre 2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5108

CAA NANCY (1re ch.), 2 avril 2015 : req. n° 14NC01885

Publication : Legifrance

 

Extraits : 1/ « 3. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. Lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat. Un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat. »

2/ « 5. En premier lieu, la commune de Neuville-Saint-Rémy fait valoir que le contrat litigieux avait pour objet l’exécution même du service public et qu’une clause de résiliation au profit de son cocontractant ne pouvait y être insérée. Cependant, la commune ne précise pas en quoi le photocopieur en cause était indispensable au fonctionnement des services publics qu’elle assurait. En tout état de cause, il résulte de l’instruction qu’à la date de la résiliation, ce photocopieur avait été remis à la société Bureautique 2000 et avait été remplacé par deux autres. 

6. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction et il n’est pas contesté que la commune a cessé de payer les loyers dus à la société Grenke Location en vertu du contrat en litige, après l’échéance du 1er octobre 2007. Il résulte également de l’instruction que par lettre du 16 février 2009, que la commune ne conteste pas avoir reçue, la société Grenke Location a mis la commune en demeure de lui régler les loyers qu’elle lui devait en précisant qu’à défaut de paiement elle résilierait le contrat en application de l’article 13 alinéa 2 des conditions générales du contrat, ce qui contraindrait la commune à payer immédiatement les loyers à échoir et à restituer le matériel ainsi que le prévoyait l’article 15 des conditions générales du contrat de location. Ainsi, la commune de Neuville-Saint-Rémy a été mise en mesure de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général avant la résiliation du contrat. Elle n’a opposé aucun motif d’intérêt général à la société Grenke Location avant la résiliation. En conséquence, la résiliation du contrat prononcée par la société Grenke Location, qui entrait dans le cadre de l’article 13 des conditions générales du contrat, était régulière.

7. Enfin, la commune fait valoir que l’indemnité prévue à l’article 15 du contrat est manifestement disproportionnée et présente un caractère abusif dès lors qu’elle a seulement choisi de remplacer un matériel défaillant. Toutefois, elle ne démontre pas cette défaillance ni que le matériel, acquis par la société Grenke Location auprès d’un fournisseur pour être mis à disposition de la commune, aurait été restitué en cours d’exécution du contrat à la société Grenke Location et que celle-ci aurait eu la possibilité d’en récupérer la valeur résiduelle. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’écarter les stipulations de l’article 15 ni d’en moduler les effets. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 2 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Req. n° 14NC01885.  


DEMANDEUR :

Société Grenke Location


INTIMÉ :

Commune de Neuville-Saint-Rémy

 

Mme PELLISSIER, président. Mme Colette STEFANSKI, rapporteur. M. FAVRET, rapporteur public. SAVOYE ET ASSOCIES, avocat(s)

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la procédure suivante :

 

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Neuville-Saint-Rémy à lui payer la somme de 20.007,23 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2009.

Par un jugement n° 0904926 du 22 mars 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la société Grenke Location.

Par un arrêt n° 12NC00897 du 27 mai 2013, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif, condamné la commune de Neuville-Saint-Rémy à payer à la société Grenke Location la somme de 6.697,60 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2009, au titre des loyers échus et rejeté le surplus des conclusions de la société Grenke Location.

Par une décision n° 370643 du 29 septembre 2014, le Conseil d’Etat a, sur pourvoi de la société Grenke Location, annulé l’arrêt de la cour en tant qu’il a rejeté les conclusions indemnitaires de la société Grenke Location fondées, à titre principal, sur la clause de résiliation anticipée du contrat et, à titre subsidiaire, sur la responsabilité extracontractuelle, et renvoyé à la cour le jugement de ces conclusions.

 

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 mai 2012, le 20 décembre 2012, le 28 mars 2013, le 22 décembre 2014 et le 4 mars 2015, la société Grenke Location, représentée par Maître A., demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0904926 du 22 mars 2012 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner la commune de Neuville-Saint-Rémy à lui verser la somme de 7.407,14 euros au titre des loyers échus impayés et la somme de 12.600 euros au titre de l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 24 juillet 2009 ;

3°) subsidiairement, de condamner la commune à lui verser une somme de 22.476,74 euros au titre des loyers impayés, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 30 décembre 2011 ;

4°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune aux entiers dépens des deux instances.

Elle soutient que :

- sa créance n’a pas été réglée par un tiers et la commune n’en justifie pas, les accords conclus entre la commune et le fournisseur n’étant pas opposables à la société ;

- elle n’est pas en mesure de débattre de manière contradictoire de la légalité de la passation du contrat et il appartient au pouvoir adjudicateur de veiller au respect des règles de passation ;

- la résiliation du 20 juillet 2009 est valide ;

- le quantum de sa demande est régulier au regard de l’article 1134 du code civil ;

- si la résiliation du contrat devait être regardée comme irrégulière, il en résulterait que le contrat serait resté en vigueur jusqu’à sa date d’échéance du 31 décembre 2011, ce qui justifierait que la commune lui verse les loyers échus et les loyers dus jusqu’à cette date ;

- si la cour ne faisait pas application du contrat, elle pourrait solliciter l’indemnisation de son préjudice sur le fondement extracontractuel.

 

Par des mémoires en défense enregistrés le 14 décembre 2012 et le 28 janvier 2015, la commune de Neuville-Saint-Rémy, représentée par Maître B., conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1.500 euros soit mise à la charge de la société Grenke Location au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, la preuve du paiement de la contribution pour l’aide juridique prévue par l’article 1632 bis Q du code général des impôts n’étant pas apportée ;

- le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, sur le fondement de l’article 1315 du code civil que la commune était libérée de ses obligations, la société Grenke Location ayant été informée le 9 septembre 2009 que la commune n’était plus en possession du photocopieur et la charge de la preuve pesant sur la société ;

- l’article 13 du contrat prévoyant la résiliation unilatérale est illicite ;

- l’article 15 du contrat présente le caractère d’une clause abusive ; rien ne saurait justifier que la commune de Neuville-Saint-Rémy doive s’acquitter de la totalité du prix du contrat pour avoir choisi de remplacer un matériel défaillant.

 

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant ce qui suit :

 

Sur l’étendue du litige :

1. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 27 mai 2013, qui a écarté la fin de non-recevoir opposée à la requête d’appel, annulé le jugement du tribunal administratif et condamné la commune de Neuville-Saint-Rémy à verser à la société Grenke Location la somme de 6.697,60 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2009, au titre des loyers échus, n’a été annulé, sur le pourvoi de la société Grenke Location, qu’en tant qu’il a rejeté les conclusions indemnitaires de cette société fondées, à titre principal, sur la clause de résiliation anticipée du contrat et, à titre subsidiaire, sur la responsabilité extracontractuelle. Les conclusions de la société Grenke Location tendant à l’allocation d’une somme excédant 6.697,60 euros au titre des loyers échus comme celles de la commune tendant à être déchargée de toute somme à ce titre ne peuvent qu’être rejetées.

 

Sur la demande de la société Grenke Location tendant au versement de l’indemnité de résiliation :

2. La société Grenke Location et la commune de Neuville-Saint-Rémy ont conclu le 27 décembre 2006 un contrat par lequel la société Grenke Location s’engageait à acheter auprès de la société Bureautique 2000 un photocopieur Olivetti D600 et à le donner ensuite en location à la commune pour une durée de 5 ans moyennant un loyer trimestriel de 1.400 euros HT. Par lettre du 20 juillet 2009 réceptionnée le 24, la société Grenke Location a, conformément aux stipulations de l’article 13 des conditions générales du contrat, résilié celui-ci, la commune ayant cessé de régler les loyers contractuellement prévus au début du quatrième trimestre 2008.

3. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. Lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat. Un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat.

4. L’article 13 des conditions générales annexées au contrat de location de longue durée conclu entre la commune de Neuville-Saint-Rémy et la société Grenke Location stipule : « (...) 2. Le bailleur peut procéder à une résiliation anticipée du contrat de location de longue durée sans respecter de préavis lorsque le locataire est en retard de paiement de trois loyers mensuels ou d’un loyer trimestriel ». Aux termes de l’article 15 des mêmes conditions générales : « 1. En cas de résiliation anticipée à l’initiative du bailleur pour une cause prévue au contrat (...), le bailleur aura droit à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu’au terme initial du contrat (...) ».

5. En premier lieu, la commune de Neuville-Saint-Rémy fait valoir que le contrat litigieux avait pour objet l’exécution même du service public et qu’une clause de résiliation au profit de son cocontractant ne pouvait y être insérée. Cependant, la commune ne précise pas en quoi le photocopieur en cause était indispensable au fonctionnement des services publics qu’elle assurait. En tout état de cause, il résulte de l’instruction qu’à la date de la résiliation, ce photocopieur avait été remis à la société Bureautique 2000 et avait été remplacé par deux autres.

6. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction et il n’est pas contesté que la commune a cessé de payer les loyers dus à la société Grenke Location en vertu du contrat en litige, après l’échéance du 1er octobre 2007. Il résulte également de l’instruction que par lettre du 16 février 2009, que la commune ne conteste pas avoir reçue, la société Grenke Location a mis la commune en demeure de lui régler les loyers qu’elle lui devait en précisant qu’à défaut de paiement elle résilierait le contrat en application de l’article 13 alinéa 2 des conditions générales du contrat, ce qui contraindrait la commune à payer immédiatement les loyers à échoir et à restituer le matériel ainsi que le prévoyait l’article 15 des conditions générales du contrat de location. Ainsi, la commune de Neuville-Saint-Rémy a été mise en mesure de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général avant la résiliation du contrat. Elle n’a opposé aucun motif d’intérêt général à la société Grenke Location avant la résiliation. En conséquence, la résiliation du contrat prononcée par la société Grenke Location, qui entrait dans le cadre de l’article 13 des conditions générales du contrat, était régulière.

7. Enfin, la commune fait valoir que l’indemnité prévue à l’article 15 du contrat est manifestement disproportionnée et présente un caractère abusif dès lors qu’elle a seulement choisi de remplacer un matériel défaillant. Toutefois, elle ne démontre pas cette défaillance ni que le matériel, acquis par la société Grenke Location auprès d’un fournisseur pour être mis à disposition de la commune, aurait été restitué en cours d’exécution du contrat à la société Grenke Location et que celle-ci aurait eu la possibilité d’en récupérer la valeur résiduelle. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’écarter les stipulations de l’article 15 ni d’en moduler les effets.

8. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de condamner la commune de Neuville-Saint-Rémy à verser à la société Grenke Location l’indemnité de résiliation contractuelle d’un montant de 12.600 euros, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 24 juillet 2009, date de réception de la lettre de résiliation.

 

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Grenke Location, qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la commune de Neuville-Saint-Rémy la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce de faire droit aux conclusions de la société Grenke Location présentées sur le même fondement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Neuville-Saint-Rémy versera à la société Grenke Location, à titre d’indemnité de résiliation, une somme de 12.600 euros avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 24 juillet 2009.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Grenke Location est rejeté, ainsi que les conclusions de la commune de Neuville-Saint-Rémy fondées sur l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grenke Location et à la commune de Neuville-Saint-Rémy.