CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 28 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 28 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 12/04721
Date : 28/04/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/10/2012
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 1er juin 2016
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-011866
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5148

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 28 avril 2015 : RG n° 12/04721

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-011866

 

Extraits : 1/ « Le consommateur est une personne physique au sens de l'article 2 b de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives. (3 avis de la CJCE, 3e chambre 22 novembre 2001 aff. C-541/99). »

2/ « Le syndicat des copropriétaires est une personne morale. C'est un non professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Il bénéficie sur le fondement de cette disposition des mesures protectrices en matière de clauses abusives en qualité de personne morale non professionnelle. L'article L. 421-6 du code de la consommation dans sa version applicable au présent dossier dispose : […] La lettre de ce texte cantonne l'action des associations agréées, en l'espèce UFC QUE CHOISIR 38, à la seule action en suppression de clauses abusives dans les contrats proposés ou destinés au consommateur personne physique (Cass. civ. 1re chambre, 4 juin 2014). Les contrats de syndic sont proposés ou destinés aux syndicats de copropriétés, personnes morales, de sorte que l'action de l'UFC QUE CHOISIR 38 sera jugée irrecevable au regard du droit interne.

Le débat judiciaire sur les prestations forfaitaires ou supplémentaires des contrats de syndic ne peut être estimé abusif et justifier une demande de dommages intérêts. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 12/04721. Appel d'un jugement (R.G. n° 08/01766) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 17 septembre 2012 suivant déclaration d'appel du 18 octobre 2012.

 

APPELANTE :

SAS SOCIÉTÉ GIGNOUX LEMAIRE

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège. Représentée par Maître Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître PONSARD, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

Association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L'ISÈRE (UFC 38)

prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Christian BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Dominique FRANCKE, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier.

DÉBATS : À l'audience publique du 9 mars 2015 Monsieur FRANCKE a été entendu en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le tribunal de grande instance de GRENOBLE, sur assignation de l'UFC QUE CHOISIR 38 du 4 avril 2008, par jugement du 17 septembre 2012, a notamment :

- déclaré irrecevables les demandes de l'UFC QUE CHOISIR 38 visant le contrat de syndic de la SAS GIGNOUX LEMAIRE dans sa version de 2006,

- déclaré illicites ou abusives 8 clauses du contrat de syndic de la SAS GIGNOUX LEMAIRE dans sa version 2008,

- ordonné la suppression de ces clauses, si elles n'ont pas été supprimées dans l'édition du 7 mai 2010 du contrat dans un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois,

- condamné la SAS GIGNOUX LEMAIRE à payer à l'UFC QUE CHOISIR 38 les sommes de :

* 8.000 euros au titre du préjudice collectif,

* 3.000 euros au titre du préjudice associatif,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la publication du jugement par extraits inventoriant les clauses écartées dans les journaux Les Affiches de GRENOBLE, le Dauphiné Libéré, Paru Vendu à l'initiative de l'UFC QUE CHOISIR 38 dans la limite de 1.500 euros par publication,

- ordonné la mise en ligne sur son site du dispositif du jugement par la SAS GIGNOUX LEMAIRE pendant 1 mois,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision, sauf pour les mesures de publicité par voie de presse.

 

La SAS GIGNOUX LEMAIRE a relevé appel le 18 octobre 2012.

Dans le dernier état de ses conclusions du 5 janvier 2015, la SAS GIGNOUX LEMAIRE demande de :

- constater que le tribunal de grande instance de GRENOBLE a statué sur le contrat de 2010 sans l'avoir examiné, en violation des articles 5 du Code civil et 5 du code de procédure civile,

- déclarer nul le jugement du 17 septembre 2012,

à titre subsidiaire :

- juger l'action de l'UFC QUE CHOISIR 38 irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-6 du code de la consommation en ce que cette action est engagée à l'encontre d'un contrat qui ne lie pas un consommateur personne physique mais le syndicat des copropriétaires, personne morale,

à titre infiniment subsidiaire :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de l'UFC QUE CHOISIR 38 irrecevable en ce qui concerne le contrat de syndic dans sa version de 2006,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré :

- illicite et abusive la clause du contrat de syndic de la SAS GIGNOUX LEMAIRE relative à ORALIA ASSURANCES,

- illicites les clauses du contrat de syndic de la SAS GIGNOUX LEMAIRE relatives aux travaux, aux assemblées générales et conseil syndical, aux appels de fonds, aux comptages individuels, aux prestations de services optionnels ORALIA,

- abusives les clauses du contrat de syndic de la SAS GIGNOUX LEMAIRE relatives à la location de la salle, aux frais de mutation à la charge du vendeur, aux prestations exceptionnelles imprévisibles,

Et, statuant à nouveau :

- déclarer les clauses précitées ni illicites, ni abusives,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 17 septembre 2012 en ce qu'il a déclaré ni illicites ni abusives les clauses du contrat de syndic de la SAS GIGNOUX LEMAIRE relatives :

- au remboursement des frais avancés pour le compte du syndicat,

- au forfait différent selon le choix d'ouvrir un compte bancaire séparé ou non,

- à la facturation du coût horaire de certaines prestations particulières,

- à la présence du syndic aux réunions supplémentaires du conseil syndical,

- aux frais de recouvrement des charges impayées,

- aux frais de gestion des subventions et emprunts,

- aux visites supplémentaires de l'immeuble,

- à la gestion des sinistres,

en conséquence :

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS GIGNOUX LEMAIRE à payer les sommes précitées en réparation des préjudices collectif, associatif, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'UFC QUE CHOISIR 38 à lui payer :

- la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une procédure abusive,

- la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner l'UFC QUE CHOISIR 38 aux dépens.

Elle fait valoir que l'UFC QUE CHOISIR 38 n'a jamais répondu aux moyens qu'elle a soulevés en cause d'appel, ce qui vaut aval de sa part :

- la nullité du jugement du fait de la contradiction de la motivation qui énonce « le tribunal qui ne peut statuer ultra petita ne procédera qu'à l'étude du contrat dans sa version 2008 », et le dispositif qui « ordonne la suppression de la totalité des clauses déclarées abusives ou illicites et ce en tant que de besoin dès lors que cette suppression n'est pas intervenue lors de l'édition du nouveau modèle type critiqué en date du 7 mai 2010 » alors que le contrat de 2008 n'a pas été examiné, pour n'être plus en vigueur.

- l'irrecevabilité de l'action sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de la consommation, dans son interprétation par la directive 93/13 du 5 avril 2013, en son article 2 et l'arrêt de la cour de cassation du 4 juin 2014.

- l'irrecevabilité pour défaut d'objet des demandes relatives au contrat dans sa version 2004 et dans celle de 2008 qui ne figurent pas dans la version de 2010,

- la licéité et le caractère non abusif des clauses du contrat de syndic retenues comme telles par le tribunal de grande instance :

- la clause du contrat de syndic de la SAS GIGNOUX LEMAIRE relative à ORALIA ASSURANCES jugée illicite et abusive, alors que cette société n'a pris en charge aucune prestation de courtage,

- les autres clauses jugées illicites :

- travaux,

- assemblée générale et conseil syndical,

- appels de fonds,

- comptages individuels,

- prestations de services optionnelles ORALIA,

- les autres clauses jugées abusives :

- location de salles,

- frais de mutation à la charge du vendeur,

- prestations exceptionnelles imprévisibles,

alors que c'est à bon droit que le tribunal de grande instance a jugé que n'étaient ni illicites ni abusives les 8 autres clauses.

 

L'UFC QUE CHOISIR 38 n'a pas conclu et entend s'en tenir à ses écritures de première instance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :        

Au regard du droit communautaire :

Le consommateur est une personne physique au sens de l'article 2 b de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives. (3 avis de la CJCE, 3e chambre 22 novembre 2001 aff. C-541/99).

 

Au regard du droit interne :

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateur, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat »

Le syndicat des copropriétaires est une personne morale. C'est un non professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation. Il bénéficie sur le fondement de cette disposition des mesures protectrices en matière de clauses abusives en qualité de personne morale non professionnelle.

L'article L. 421-6 du code de la consommation dans sa version applicable au présent dossier dispose :

« Les associations mentionnées à l'article L. 421-1 et les organismes justifiant de leur inscription sur la liste publiée au journal officiel des Communautés européennes en application de l'article 4 de la directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil relatif aux actions en cessation en matière de protection des consommateurs peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article premier de la directive précitée. Le juge peut à ce titre ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur »

La lettre de ce texte cantonne l'action des associations agréées, en l'espèce UFC QUE CHOISIR 38, à la seule action en suppression de clauses abusives dans les contrats proposés ou destinés au consommateur personne physique (Cass. civ. 1re chambre, 4 juin 2014).

Les contrats de syndic sont proposés ou destinés aux syndicats de copropriétés, personnes morales, de sorte que l'action de l'UFC QUE CHOISIR 38 sera jugée irrecevable au regard du droit interne.

Le débat judiciaire sur les prestations forfaitaires ou supplémentaires des contrats de syndic ne peut être estimé abusif et justifier une demande de dommages intérêts.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties l'entière charge des frais qu'elle a dû engager à l'occasion de la présente procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

- infirme le jugement déféré,

- déclare irrecevables les demandes de l'UFC QUE CHOISIR 38,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne l'UFC QUE CHOISIR 38 aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur FRANCKE, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                Le Président