CA DOUAI (3e ch.), 23 avril 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5150
CA DOUAI (3e ch.), 23 avril 2015 : RG n° 14/01109 ; arrêt n° 15/339
Publication : Jurica
Extrait : « Le Tribunal a d'une part constaté qu'était dépourvue de cause la clause du bail mettant à la charge de Mme X. exclusivement l'éclairage des parties communes lorsque l'immeuble comportait deux étages, avec un locataire par étage (Mme X. occupant le premier), d'autre part retenu un trop perçu de charges par le propriétaire de 53,01 euros dont il a ordonné la restitution. […]
M. Y. fait quant à lui grief au Tribunal d'avoir dit « sans cause » la clause affectant à la locataire la charge des dépenses d'électricité des parties communes alors que les quelques centimes d'euros dépensés de ce chef (il s'agit de deux points lumineux, un par étage) sont sans commune mesure avec le coût de la location d'un compteur « isolé », de l'ordre de 7 euros par mois, et alors que cette clause du bail, qui ne figure pas dans la liste des clauses abusives répertoriées par la Commission des clauses Abusives, ne génère pas de « déséquilibre significatif » entre les droits et obligations des parties. Il estime de même, au contraire du Tribunal, que Mme X. doit contribuer aux frais d'entretien de la chaudière au prorata de son occupation, soit 58 euros pour dix mois, en sorte qu'aucune restitution n'est due.
* S'agissant de l'éclairage des parties communes. La Cour observe que si elle plaide l'illicéité de la clause du bail lui faisant supporter l'éclairage des paliers des deux étages de l'immeuble, raccordé à son compteur individuel, Mme X. n'en tire aucune conséquence dans le cadre du présent litige dans la mesure où elle ne chiffre pas l'incidence de ce raccordement à son compte et ne formule aucune réclamation financière de ce chef. La Cour estime, par suite, le débat sans objet. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 23 AVRIL 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/01109. Arrêt n° 15/339. Jugement (R.G. n° 11-13-486) rendu le 21 janvier 2014 par le Tribunal d'Instance de CALAIS.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], Représentée et assistée Maître François LESTOILLE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉ :
Monsieur Y.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté et assisté de Maître François RABIER, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 5 mars 2015 tenue par Fabienne BONNEMAISON magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne DUFOSSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Françoise GIROT, Président de chambre, Fabienne BONNEMAISON, Conseiller, Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 avril 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Françoise GIROT, Président et Fabienne DUFOSSE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 février 2015
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement du 21 janvier 2014 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal d'Instance de Calais a condamné Madame X. après compensation et déduction faite du dépôt de garantie, à verser à Monsieur Y. une somme de 145,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre une indemnité de procédure de 250 euros, et autorisé l'intéressée à s'acquitter de sa dette en 5 mensualités, assortissant cette mesure d'une clause de déchéance du terme.
Mme X. a relevé appel de ce jugement le 18 février 2014 et a transmis le 29 septembre 2014 des conclusions tendant à le voir réformer, dire illégale la clause du bail mettant à la charge du locataire l'éclairage des communs, condamner M. Y. à lui verser les sommes de 500 euros au titre de la caution, 225 euros pour les charges indûment perçues, 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure de 500 euros.
Au terme de conclusions transmises le 29 juillet 2014, M. Y. sollicite la confirmation du jugement entrepris excepté s'agissant du remboursement des frais d'entretien de chaudière et de sa demande de dommages et intérêts, sollicitant par suite la condamnation de Mme X. à lui verser les sommes de 852.39 euros au titre de sa dette locative, 2.500 euros à titre de dommages et intérêts, 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la procédure de première instance que pour celle d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties au jugement entrepris duquel il résulte essentiellement que :
- Mme X. était locataire d'un appartement appartenant à M. Y. (ci-après le bailleur) dont elle a restitué les clefs le 19 octobre 2012 après avoir donné congé,
- au motif que le propriétaire avait, en vertu du bail, indûment perçu et/ou conservé certaines sommes, Mme X. a assigné celui-ci devant le Tribunal aux fins de restitution de quelques 800 euros et paiement de dommages et intérêts,
- M. Y. a contesté ces réclamations et formé des demandes reconventionnelles en paiement d'un arriéré de loyers et charges, de réparations locatives et de dommages et intérêts.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement entrepris qui a notamment estimé sans cause la clause du bail faisant peser sur Mme X. le paiement des charges d'éclairage des parties communes, considéré qu'étant bénéficiaire du revenu de solidarité active, Mme X. était assujettie à un préavis d'un mois mais que, compte-tenu de la restitution effective des clefs le 19 octobre 2012, celle-ci était redevable du loyer jusqu'à cette date et accueilli à hauteur de 500 euros la réclamation du bailleur au titre des dégradations locatives.
Sur les réclamations de Mme X. :
Mme X., qui rappelle n'avoir occupé que 9 mois ce logement qu'elle qualifie d'insalubre, loué dans l'urgence et par nécessité, et affirme avoir été confrontée à un propriétaire de mauvaise foi, désireux de lui faire supporter la remise en état d'un logement pourtant vétuste et qui a refusé de reprendre possession des clefs à l'issue d'un état des lieux de sortie houleux, formule un certain nombre de réclamations ci-après examinées.
I - S'agissant du dépôt de garantie :
Le Tribunal a rejeté la demande de restitution du dépôt de garantie formulée par Mme X. au motif qu'elle ne justifiait pas de l'encaissement du chèque de 500 euros remis à cet effet au bailleur qui le contestait, ce dernier affirmant lui avoir restitué le chèque en décembre 2012.
Il résulte des explications des parties que le chèque de « caution » remis par Mme X. à l'entrée dans les lieux n'a pas été encaissé par M. Y. dans la mesure où la CAF s'est substituée à la locataire, bénéficiaire du FSL, dans la fourniture de ce dépôt de garantie, Mme X. précisant en appel solliciter la restitution du versement de la CAF.
Cette demande ne peut prospérer qu'à condition que l'intéressée ne soit pas tenue au paiement d'indemnité du fait de dégradations locatives, point qui sera examiné ci-après, dans le cadre des demandes reconventionnelles du bailleur.
II - S'agissant des charges :
Le Tribunal a d'une part constaté qu'était dépourvue de cause la clause du bail mettant à la charge de Mme X. exclusivement l'éclairage des parties communes lorsque l'immeuble comportait deux étages, avec un locataire par étage (Mme X. occupant le premier), d'autre part retenu un trop perçu de charges par le propriétaire de 53,01 euros dont il a ordonné la restitution.
Mme X. fait grief au Tribunal de n'avoir ainsi admis qu'une restitution partielle des provisions sur charges versées à hauteur de 25 euros par mois durant 9 mois en dépit en l'absence de décompteur par étage et de l'absence de prise en compte d'un commerce au rez-de-chaussée qui imposait une restitution totale qu'elle sollicite à hauteur de 225 euros.
M. Y. fait quant à lui grief au Tribunal d'avoir dit « sans cause » la clause affectant à la locataire la charge des dépenses d'électricité des parties communes alors que les quelques centimes d'euros dépensés de ce chef (il s'agit de deux points lumineux, un par étage) sont sans commune mesure avec le coût de la location d'un compteur « isolé », de l'ordre de 7 euros par mois, et alors que cette clause du bail, qui ne figure pas dans la liste des clauses abusives répertoriées par la Commission des clauses Abusives, ne génère pas de « déséquilibre significatif » entre les droits et obligations des parties.
Il estime de même, au contraire du Tribunal, que Mme X. doit contribuer aux frais d'entretien de la chaudière au prorata de son occupation, soit 58 euros pour dix mois, en sorte qu'aucune restitution n'est due.
* S'agissant de l'éclairage des parties communes
La Cour observe que si elle plaide l'illicéité de la clause du bail lui faisant supporter l'éclairage des paliers des deux étages de l'immeuble, raccordé à son compteur individuel, Mme X. n'en tire aucune conséquence dans le cadre du présent litige dans la mesure où elle ne chiffre pas l'incidence de ce raccordement à son compte et ne formule aucune réclamation financière de ce chef.
La Cour estime, par suite, le débat sans objet.
* S'agissant des charges récupérables
M. Y. sollicite la contribution de Mme X. au titre des dépenses d'eau, de la taxe d'ordure ménagère et des frais d'entretien de la chaudière.
Mme X. fait à juste titre observer que la production de la facture de consommation d'eau pour l'immeuble dans son ensemble ne fait pas la preuve de sa consommation personnelle, M. Y. ne fournissant aucune justification de la surface respective des deux logements de cet immeuble ni de celle du commerce du rez-de-chaussée (dont il ne conteste pas l'existence) ni des modalités de la répartition qu'il opère entre ces différents locataires (l'intéressé se prévaut d'une répartition au prorata du montant des loyers mais ne fournit aucune justification des autres loyers perçus).
La même observation s'impose quant à la taxe d'ordures ménagères et l'entretien de la chaudière dont il ne précise ni ne justifie les modalités de répartition entre ses différents locataires.
Dans la mesure où il incombe au bailleur de justifier des charges dont il sollicite le paiement, M. Y. sera débouté de sa demande de ce chef et condamné par suite à restituer les provisions perçues à hauteur de 225 euros.
III - S'agissant du trouble de jouissance :
Mme X. fait grief au Tribunal d'avoir rejeté sa demande d'indemnisation de ce chef en dépit de l'insalubrité du logement, d'une installation électrique non conforme au normes de sécurité et d'un défaut d'isolation générant des consommations très élevées d'électricité et de gaz qui justifie l'octroi d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
La Cour constate que l'état des lieux détaillé établi par les parties à l'entrée de Mme X. dans les lieux décrivait un appartement dans l'ensemble en bon état.
Les proches de Mme X. dénoncent quelques prises électriques déboîtées, certains fils électriques « à nu », un manque de ventilation dans la cuisine et une « mauvaise isolation » sans plus de précision.
Ces éléments ne suffisent pas à caractériser l'insalubrité du logement et le trouble de jouissance prétendument subi que ne saurait à elle seule démontrer la consommation d'électricité et de gaz dont la maîtrise appartient au locataire, sachant qu'en l'espèce Mme X. a pris possession des lieux en hiver.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il la déboute de ce chef de demande.
IV - S'agissant des loyers :
Mme X. fait grief au Tribunal de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 198,33 euros au titre du loyer échu au 19 octobre 2012, date de remise des clefs, alors qu'elle avait donné congé par courrier recommandé le 9 août 2012 et que le bailleur a refusé de reprendre possession des clefs lors de l'état des lieux de sortie.
M. Y. maintient qu'à l'occasion de l'état des lieux de sortie organisé le 1er octobre 2012, sa locataire a refusé de lui restituer les clefs qui n'ont été rendues que le 19 octobre, à la faveur d'une convocation devant le conciliateur de justice saisi à l'initiative du bailleur.
Le Tribunal, par des motifs pertinents que la Cour adopte, a légitimement observé que le bailleur n'avait été rendu destinataire du congé que le 29 août 2012, date qui devait être retenue comme point de départ du préavis réduit d'un mois applicable à Mme X., bénéficiaire du RSA, mais que compte-tenu de l'absence de remise des clefs par la locataire, à laquelle il appartenait, dans l'hypothèse (contestée en l'espèce) d'un refus du bailleur d'en prendre possession, de les remettre par tout moyen, éventuellement par envoi recommandé, le loyer était dû au prorata du délai durant lequel Mme X. avait conservé les clefs du logement en octobre 2012.
Le jugement sera, de même, confirmé en ce qu'il condamne à ce titre Mme X. au paiement d'une somme de 198,33 euros.
Sur les réclamations du bailleur :
* Les réparations locatives
M. Y. fait grief au Tribunal d'avoir cantonné son indemnisation à la somme de 500 euros en dépit d'un état des lieux de sortie propre à établir des dégradations substantielles, notamment du fait de la pose de stickers sur les murs, installés pour cacher des dégradations ou dans un but décoratif mais dont l'enlèvement a dégradé les revêtements muraux ainsi qu'il résulte des constatations opérées en présence du conciliateur de justice.
Il produit un devis de réfection des papiers peints pour quelques 1.727 euros TTC, sur la base duquel il sollicite une indemnité de 1.137,07 euros pour tenir compte de la vétusté des tapisseries en cuisine et dans le séjour.
Mme X. objecte qu'elle a changé la tapisserie abîmée selon son goût et que le bailleur ne saurait lui facturer la réfection de celle-ci au motif qu'elle ne lui plairait pas, contestant par ailleurs la facturation de la pose de fibre de verre sur les murs ou encore le ponçage des menuiseries, qui équivalent à une remise à neuf de l'appartement.
La Cour observe que si l'état des lieux d'entrée décrivait des revêtements muraux en bon état, il n'est ni soutenu ni établi que ceux-ci avaient été remis à neuf avant l'entrée de Mme X. dans les lieux.
Les quelques dégradations commises et/ou décorations sous forme de stickers critiquées ne justifient pas le remplacement des peintures et papiers peints de toutes les pièces de l'appartement ainsi que le ponçage et peinture des boiseries tels que sollicités par M. Y. après quelques mois d'occupation.
La Cour estime, au vu de l'état des lieux de sortie et des photographies produites, légitime d'indemniser M. Y. à hauteur de 600 euros.
* Sur les dommages et intérêts
M. Y. fait grief au Tribunal d'avoir rejeté sa demande de dommages et intérêts en dépit du préjudice « particulièrement important » que lui occasionne la restitution tardive des clefs et la nécessité de réaliser des travaux.
La Cour observe toutefois que la condamnation de la locataire au paiement du loyer jusqu'à remise des clés indemnise le propriétaire de leur « conservation abusive » et qu'à défaut de fournir les justificatifs de la date et de la durée d'exécution des travaux, M. Y. ne permet pas à la Cour de mesurer l'éventuel préjudice subi.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il le déboute de sa demande.
Récapitulatif
M. Y. doit restituer à sa locataire la somme de 225 euros au titre des provisions sur charges.
Mme X. doit à son propriétaire les sommes de 198,33 euros au titre des loyers, 600 euros pour les dégradations, soit 798,33 euros au total dont déduire le dépôt de garantie pour 500 euros, soit une créance résiduelle de 298,33 euros
Sur les demandes accessoires :
* Le sens du présent arrêt commande le rejet de la demande d’indemnité de procédure formulée par Mme X. et l'octroi de ce chef à M. Y. d'une indemnité de 400 euros.
* Mme X., qui sollicite la réformation du jugement sur le tout, ne formule plus, en appel, de demande de délais de paiement que ne justifie pas au demeurant la modicité de sa dette.
Le jugement sera réformé de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en ce qu'il estime Mme X. redevable des loyers jusqu'au 19 octobre 2012 et responsable de dégradations locatives, rejette les demandes de dommages et intérêts des parties et condamne Mme X. au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.
Le réformant sur le surplus et y ajoutant :
Condamne Mme X. à verser à M. Y. :
- une somme de 298,33 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des loyers et dégradations ;
- une indemnité de procédure de 400 euros.
Condamne M. Y. à verser à Mme X. la somme de 225 euros au titre des provisions sur charges reçues.
Dit qu'il s'opérera compensation entre les créances respectives des parties.
Condamne Mme X. aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Le Greffier Le Président
F. DUFOSSÉ F. GIROT