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CAA NANCY (1re ch.), 2 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CAA NANCY (1re ch.), 2 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Nancy (CAA)
Demande : 14NC01916
Date : 2/04/2015
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 29/01/2015
Décision antérieure : CE (2e et 7e ss. sect. réun.), 8 octobre 2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5154

CAA NANCY (1re ch.), 2 avril 2015 : req. n° 14NC01916

Publication : Légifrance

 

Extraits : 1/ « 6. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, le juge doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d’office, aux fins d’écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d’une part à la gravité de l’illégalité et d’autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat

7. Il est constant que le contrat conclu le 10 avril 2008 l’a été sans procédure de publicité et de mise en concurrence en méconnaissance des dispositions de l’article 28 du code des marchés publics. […] 9. Dans ces conditions, il n’est pas établi, au vu des moyens dont se prévaut le ministre, que le manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence fixées par le code des marchés publics aurait en l’espèce affecté les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement. Le vice allégué ne saurait ainsi être regardé, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d’une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel. »

2/ « 10. D’une part, le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. Lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat. Un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 2 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Req. n° 14NC01916. Mme PELLISSIER, président. Mme Colette STEFANSKI, rapporteur. M. FAVRET, rapporteur public. ADAMAS AVOCATS ASSOCIÉS, avocat(s).

 

APPELANT :

Ministre de la culture et de la communication

 

INTIMÉE :

Ssociété Grenke Location

 

Vu la procédure suivante :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l’Etat à lui payer la somme de 101.042,36 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009, au titre d’un contrat conclu avec le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), et à restituer le matériel objet du contrat.

Par un jugement n° 0904852 du 31 mai 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à ces demandes.

Par un arrêt n° 12NC01396 du 27 mai 2013, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé l’article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg, a rejeté la demande de paiement présentée par la société Grenke Location devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions d’appel incident.

Par une décision n° 370644 du 8 octobre 2014, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour et a renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Nancy.

 

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés le 3 août 2012, le 4 décembre 2012, le 29 janvier 2015 et le 16 février 2015, le ministre de la culture et de la communication, représenté par Maître C., demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d’annuler l’article 1er du jugement n° 0904852 du 31 mai 2012 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de première instance de la société Grenke Location et ses conclusions incidentes en appel, à titre subsidiaire, de réduire l’indemnisation qui lui a été accordée ;

3°) à titre encore plus subsidiaire, d’ordonner la nomination d’un expert afin de déterminer les dépenses utiles au MuCEM ;

4°) de mettre à la charge de la société Grenke Location une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il appartient à la société Grenke Location de démontrer que c’est à bon droit que le tribunal administratif n’a pas communiqué à l’administration sa note en délibéré ;

- la demande de première instance était tardive et irrecevable ;

- la méconnaissance des règles de passation du contrat constitue une illégalité d’une gravité suffisante pour justifier la constatation de la nullité du contrat ;

- dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient de surseoir à statuer dans l’attente des résultats de la plainte pénale déposée par le ministère de la culture ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne contrôlant pas la régularité, au regard des exigences jurisprudentielles, de la résiliation unilatérale opérée par la société Grenke Location ;

- la société Grenke Location a mis en oeuvre une clause de résiliation abusive et donc illicite au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

- les fautes commises par la société Grenke Location s’opposent au versement d’une indemnisation sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ;

- la demande d’indemnisation sur le fondement de l’enrichissement sans cause ne peut être admise compte tenu des fautes commises, qui ont en outre contribué à son appauvrissement ;

- les fautes de la société justifient pour le moins une diminution de son indemnisation ;

- la société n’établit pas le montant des dépenses qui ont été utiles au MuCEM.

 

Par des mémoires en défense enregistrés le 10 octobre 2012, le 24 décembre 2014 et le 5 mars 2015, la société Grenke Location, représentée par Maître A., conclut :

1°) au rejet du recours ;

2°) subsidiairement, à la condamnation de l’Etat à lui payer une somme de 118.544,98 euros à titre de loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2013 ou, plus subsidiairement, une somme de 116.613,03 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêt au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir ;

3°) à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que l’Etat soit condamné aux dépens des deux instances.

Elle soutient que :

- l’exception de nullité du contrat au regard des règles de passation des marchés publics ne peut qu’être écartée ;

- l’invocation de cette exception est contraire aux nécessités de loyauté et de stabilité dans les relations contractuelles ;

- la résiliation était régulière et a produit ses effets, ce qui justifie sa demande présentée sur le fondement de l’article 1134 du code civil ;

- l’indemnité contractuelle de résiliation n’est pas abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, qui ne s’applique pas ; au surplus, la clause avait un rapport direct avec son activité professionnelle, n’était pas abusive et le matériel est toujours en possession de l’Etat ; la clause n’est pas entachée d’un vice suffisamment grave pour que le juge l’écarte ;

- les matériels finalement restitués en août 2012 n’ont pu être revendus qu’à un prix global de 683,90 euros TTC compte tenu de leur caractère usagé, ce qui ne suffit pas à réparer le préjudice dû à l’inexécution du contrat ;

- le dépôt d’une plainte pénale, qui n’imposerait en tout état de cause pas la suspension des autres actions, n’est pas démontré ;

- en tout état de cause, le contrat est resté en vigueur jusqu’au 30 juin 2013, date d’échéance de la durée initiale de location ;

- en cas de nullité du contrat, la faute commise par l’Etat justifie le versement d’une indemnité réparant le préjudice de la société ;

- elle peut prétendre à la réparation du bénéfice dont elle a été privée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour le ministère de la culture et de la communication.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant ce qui suit :

1. Le « Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée » (MuCEM), service à compétence nationale du ministère de la culture et de la communication, et la société Grenke Location ont conclu, le 10 avril 2008, un contrat par lequel la société Grenke Location s’engageait à acheter auprès d’un fournisseur désigné cinq photocopieurs pour les donner ensuite en location au MuCEM pour une durée de soixante-trois mois moyennant un loyer trimestriel de 5 563 euros. Le MuCEM ayant cessé de régler les loyers trimestriels dès le 27 mai 2008, la société Grenke Location a résilié ce contrat, en application de la clause prévue à cet effet, par une lettre du 17 mars 2009, et a demandé le versement de l’indemnité de résiliation contractuellement prévue ainsi que la restitution des matériels. Le ministre de la culture et de la communication demande l’annulation de l’article 1er du jugement du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l’Etat à payer à la société Grenke Location, à ce titre, la somme de 101.042,39 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009.

 

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu’il est saisi, postérieurement à la clôture de l’instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d’une note en délibéré émanant d’une des parties à l’instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d’en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n’est tenu de le faire à peine d’irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l’exposé d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office.

3. Il résulte de l’instruction que la société Grenke Location a produit une note en délibéré enregistrée le 12 mai 2012 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg. Cette note en délibéré, qui a été visée dans le jugement attaqué, ne comportait l’exposé d’aucune circonstance de fait que la société Grenke Location n’aurait pu invoquer avant la clôture de l’instruction, ni d’aucune circonstance de droit nouvelle. Les juges de première instance n’étaient ainsi pas tenus d’user de la faculté qui leur était offerte de rouvrir l’instruction et de communiquer ladite note en délibéré au ministre. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Strasbourg n’a pas entaché son jugement d’irrégularité en s’abstenant de rouvrir l’instruction et de communiquer au ministre la note en délibéré produite le 12 mai 2012.

 

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ». Aux termes de l’article R. 421-2 du même code : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l’autorité compétente vaut décision de rejet (...) ». Aux termes de son article R. 421-3 : « Toutefois, l’intéressé n’est forclos qu’après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d’une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux (...) ».

5. Il résulte de l’instruction que la société Grenke Location a adressé le 17 mars 2009 au MuCEM une demande tendant à obtenir le paiement de l’indemnité de résiliation prévue à l’article 13 des conditions générales annexées au contrat conclu le 10 avril 2008. En application des dispositions précitées de l’article R. 421-3 du code de justice administrative, le directeur du MuCEM ayant implicitement rejeté la demande préalable dont l’avait saisi la société Grenke location, aucune forclusion ne pouvait être opposée à cette dernière quand elle a présenté le 15 octobre 2009 devant le tribunal administratif de Strasbourg ses conclusions indemnitaires.

 

Sur l’exception de nullité du contrat :

6. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, le juge doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d’office, aux fins d’écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d’une part à la gravité de l’illégalité et d’autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.

7. Il est constant que le contrat conclu le 10 avril 2008 l’a été sans procédure de publicité et de mise en concurrence en méconnaissance des dispositions de l’article 28 du code des marchés publics.

8. Pour soutenir que le contrat doit être écarté, le ministre fait valoir que cette illégalité d’une particulière gravité a rendu possible la signature d’un contrat contenant des clauses, telle celle concernant la résiliation à l’initiative du cocontractant, qui ne sauraient régulièrement figurer dans un contrat public. Il indique aussi qu’il a déposé plainte le 27 février 2012 auprès du procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris à la suite des conclusions d’une enquête de l’inspection générale des affaires culturelles dont il ressort, selon lui, que pas moins de 20 contrats de location de matériel de reprographie ont été conclus par le MuCEM depuis 2005, que ce service s’est ainsi procuré 40 photocopieurs pour un effectif de 68 agents en équivalent temps plein fin 2010, enfin, que les contrats ont tous été signés entre un même signataire côté MuCEM et le même fournisseur. Le ministre ne produit toutefois aucun élément de nature à établir que la société Grenke Location serait le crédit bailleur dans les 20 opérations de location conclues par le MuCEM depuis 2005, ni même qu’elle aurait des liens privilégiés avec le fournisseur du matériel dans ces opérations et, qu’ainsi, elle serait impliquée à un titre quelconque dans les faits supposés de corruption qu’il dénonce. La plainte déposée le 27 février 2012 est une plainte sans personne dénommée.

9. Dans ces conditions, il n’est pas établi, au vu des moyens dont se prévaut le ministre, que le manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence fixées par le code des marchés publics aurait en l’espèce affecté les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement. Le vice allégué ne saurait ainsi être regardé, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d’une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel. Par suite, et sans qu’il y ait lieu de surseoir à statuer dans l’attente des résultats de la procédure pénale, le ministre de la culture et de la communication n’est pas fondé à soutenir que les stipulations du contrat ne peuvent être invoquées dans le cadre du présent litige.

 

Sur l’indemnité de résiliation :

10. D’une part, le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. Lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat. Un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat.

11. L’article 12 des conditions générales annexées au contrat de location de longue durée conclu entre le MuCEM et la société Grenke Location stipule : « 2. En cas de retard ou défaut partiel ou total de paiement de 3 loyers mensuels consécutifs ou non ou d’un loyer trimestriel, le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur ». Aux termes de l’article 13 des mêmes conditions générales : « 1. En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l’article précédent (....), le bailleur aura droit à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu’au terme initial du contrat majorée de 10 % ainsi que, le cas échéant, des loyers échus impayés et des intérêts de retard (...) ».

12. Il résulte de l’instruction et il n’est pas contesté que le contrat litigieux n’avait pas pour objet l’exécution même du service public et que le MuCEM a cessé de payer les loyers trimestriels stipulés depuis le 27 mai 2008. Il résulte également de l’instruction que par lettre du 20 octobre 2008, que le MuCEM ne conteste pas avoir reçue, la société Grenke Location a mis le musée en demeure de lui régler les loyers qu’il lui devait en précisant qu’à défaut de paiement, elle résilierait le contrat en application de l’article 12 alinéa 2 des conditions générales du contrat, ce qui le contraindrait à payer immédiatement les loyers à échoir et à restituer le matériel ainsi que le prévoyait l’article 13 des conditions générales du contrat de location. Ainsi, le MuCEM a été mis en mesure de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général avant la résiliation du contrat du 17 mars 2009. Il n’a opposé aucun motif d’intérêt général à la société Grenke Location avant la résiliation. En conséquence, la résiliation du contrat prononcée par la société Grenke Location, qui entrait dans le cadre de l’article 12 des conditions générales du contrat, était régulière.

13. D’autre part, aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Les dispositions du code des marchés publics régissent la passation et l’exécution de marchés passés par les personnes publiques mentionnées à son article 2 avec des professionnels pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. Par suite, le ministre de la culture et de la communication ne peut utilement invoquer devant le juge les dispositions précitées de l’article L. 132-1 du code de la consommation qui ne s’appliquent qu’aux relations entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, pour soutenir que la clause de résiliation avait un caractère abusif en ce qu’elle ne faisait peser d’indemnité de résiliation que sur l’administration.

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la culture et la communication, qui ne conteste pas le montant de la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Strasbourg sur le fondement des stipulations contractuelles, n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l’Etat à verser à la société la somme de 101.042,36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009.

 

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Ces dispositions font obstacle à ce que la société Grenke Location, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à l’Etat la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le paiement d’une somme de 1.500 euros à la société Grenke Location à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de la culture et de la communication est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à la société Grenke Location une somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grenke Location et au ministre de la culture et de la communication.