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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 9 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 9 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 13/14446
Date : 9/04/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 15/07/2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5159

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 9 avril 2015 : RG n° 13/14446

Publication : Jurica

 

Extraits : 1 « Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6-II du code de commerce, « sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité : a) de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale (...) » ; ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque les parties conviennent, pour l'avenir, d'attribuer à l'une d'entre elles des remises calculées sur le chiffre d'affaires réalisé ; que tel est bien le cas en l'espèce puisque les remises en cause ont été versées par la société 2 WF de 2007 à 2010 en application du contrat en application entré en vigueur le 1er janvier 2006 ; Considérant que la société 2 WF sera dès lors déboutée de sa demande de nullité de la clause figurant à l'article 3 du contrat ainsi, par voie de conséquence, que de sa demande de restitution de la somme de 198.505 euros qu'elle a versée en application de cette clause ; que le jugement sera donc confirmé ».

2/ « Mais considérant que si ce document établit qu'une livraison a été effectuée, il ressort de courriers électroniques échangés en juin et juillet que les kits n'avaient pas tous été livrés et qu'une partie d'entre eux a été livrée avec retard (pièce BAT n° 18) ; que, de surcroît, l'un de ces courriers évoque expressément la remise des 125 montres à titre de « geste commercial » (courrier électronique du 13 juillet 2011 pièce BAT n° 18) ; qu'au demeurant, la société 2 WF n'a, jusqu'à l'introduction de la présente instance, émis aucune réclamation de paiement, d'où il ressortirait qu'elle ne considérait pas la remise des montres comme un geste commercial destiné à compenser le précédent retard de livraison ; Considérant qu'ainsi la société 2 WF ne démontre pas que la société BAT ait, par la remise de ces montres, obtenu de sa part un avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; que les conditions d'application de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce n'étant dès lors par réunies, la société 2 WF sera déboutée de sa demande ». 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 9 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/14446. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 juin 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2012021652.

 

APPELANTE :

SAS 2 WF

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° XXX, ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; Représentée et assistée par Maître Astrid GENTES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0248

 

INTIMÉE:

SAS BRITISH AMERICAN TOBACCO FRANCE

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° YYY, ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Jacques MONTACIE de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285 ; Assistée par Maître Judith VUILLEZ de l'Association CARRERAS, BARSIKIAN, ROBERTSON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R139

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller, chargé du rapport, qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Gérald BRICONGNE

ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

La société 2 WF a pour activité la distribution de produits, cadeaux et gadgets publicitaires qu'elle vend à des clients, lesquels les offrent à leur tour à leur propre clientèle. La société British American Tobacco France (ci-après la société BAT), est la filiale française du groupe British American Tobacco spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de produits du tabac.

Depuis 1999, la société 2 WF fournissait, à la suite d'appels d'offres annuels, la société BAT en produits publicitaires offerts aux clients de cette dernière, essentiellement des débits de tabac français et espagnols. Un contrat-cadre non daté, mais ayant pris effet au 1er janvier 2006 a formalisé ces relations.

Désireuse de rationaliser sa politique de fournisseurs en Europe, la société BAT a lancé en décembre 2010 un appel d'offres européen. La société 2 WF a participé à cet appel d'offres, mais elle n'a pas été sélectionnée. La société BAT a, en conséquence, résilié le contrat-cadre avec un préavis de 12 mois, supérieur à la durée contractuelle fixée à 3 mois.

Estimant avoir été victime d'une rupture brutale des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société BAT, la société 2 WF l'a assignée le 21 mars 2012 devant le tribunal de commerce de Paris.

 

Par jugement rendu le 17 juin 2013, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société 2 WF de sa demande d'indemnisation assise sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales ;

- débouté la société 2 WF de sa demande d'indemnisation à hauteur de 50.000 euros au titre du préjudice moral né de la rupture des relations contractuelles entretenues avec la société British American Tobacco France ;

- débouté la société 2 WF de sa demande d'indemnisation suite au licenciement économique de l'un de ses collaborateurs ;

- débouté la société 2 WF de sa demande de remboursement des rétrocessions annuelles versées à la société British American Tobacco France ;

- débouté la société 2 WF de sa demande de remboursement de la contre-valeur des 123 montres Swatch ;

- condamné la société 2 WF à payer à la société British American Tobacco France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Vu l'appel interjeté le 15 juillet 2013 par la société 2 WF.

Vu les conclusions signifiées par la société 2 WF le 8 octobre 2013 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- déclarer la société 2 WF recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 17 juin 2013 par le tribunal de commerce de Paris ;

- Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions lui faisant grief ;

- Et statuant à nouveau,

- dire la résiliation des relations commerciales intervenue le 13 mai 2011 constitutive d'une brusque rupture ;

- En conséquence,

- condamner la société BAT à régler à la société 2 WF la somme de 374.217,31 euros au titre de la marge brute au titre de la durée du préavis non respecté de 12 mois ;

- condamner la société BAT à régler à la société 2 WF la somme de 9.568,90 euros au titre du coût du licenciement économique supporté en raison de la brusque rupture ;

- condamner la société BAT à régler à la société 2 WF la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral au titre du manque total de loyauté ;

- ordonner la nullité de la clause (article 3) du contrat prévoyant le versement annuel de marges arrières par la société 2 WF au profit de la société BAT ;

- condamner la société BAT à restituer et à régler à la société 2 WF la somme de 198.505 euros qu'elle a indûment perçue à ce titre ;

- condamner la société BAT à régler à la société 2 WF la somme de 2.850,73 euros au titre du prix des 125 montres de marque Swatch ;

- condamner la société BAT à verser à la société 2 WF la somme de 9.000 euros en application des dispositions de l'artic1e 700 du code de procédure civile.

La société 2 WF soutient que même si la société BAT lui passait ses commandes sur la base d'appel d'offres, la relation commerciale qu'elle entretenait avec elle depuis 1999 avait le caractère d'une « relation commerciale établie » au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce. Elle fait valoir, en effet, que ces appels d'offres étaient largement théoriques et qu'elle les a tous emportés jusqu'en 2011. Elle souligne que cette relation était stable, régulière et représentait un important volume de chiffre d'affaires et qu'elle avait été l'objet d'un contrat cadre entré en vigueur le 1er janvier 2006. Elle considère, dès lors, que la société BAT a, par son courrier du 13 mai 2011 lui annonçant qu'elle n'était pas retenue à l'issue du dernier appel d'offres, rompu leurs relations commerciales établies.

Elle fait valoir, par ailleurs, que le délai de préavis de 12 mois que la société BAT dit lui avoir accordé n'a en réalité pas été respecté, puisqu'elle ne lui a passé que des commandes insignifiantes représentant un chiffre d'affaires de 38.840 euros seulement, alors qu'elle avait réalisé un chiffre d'affaires de 1.339.840 euros durant l'exercice précédent.

En ce qui concerne son préjudice, la société 2 WF réclame, compte tenu de sa marge brute, la somme de 374.217,31 euros. Elle demande, en outre, à être indemnisée du coût d'un licenciement auquel elle a dû procéder, à hauteur de 9.568,90 euros, et de son préjudice moral à hauteur de 50.000 euros.

La société 2 WF soutient, par ailleurs, que la clause du contrat cadre prévoyant l'attribution à la société BAT de remises annuelles calculées sur le chiffre d'affaires est nulle par application des dispositions de l'article L. 442-6-II-a) du code de commerce et elle demande, en conséquence, le remboursement des sommes qu'elle lui a versées à ce titre. Enfin, elle réclame la somme de 2.850,73 euros au titre d'une livraison de montres qui ne lui a pas été payée.

 

Vu les dernières conclusions signifiées par la société British American Tobacco France le 28 novembre 2013 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- constater que BAT était en droit de résilier à tout moment sans motif le contrat à durée indéterminée conclu avec 2WF ;

- constater, compte tenu de la précarité des relations entretenues entre BAT France et 2 WF, que les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne s'appliquaient pas à BAT ;

- Subsidiairement,

- constater que le préavis dont 2 WF a bénéficié était largement suffisant pour lui permettre de réorganiser son activité ;

- constater qu'en tout état de cause 2 WF a réalisé 94 % de la marge brute qu'elle pouvait escompter dégager pendant la durée du préavis ;

- constater que 2 WF n'a subi aucun préjudice du fait de la résiliation du contrat ;

- constater qu'aucun manquement à son obligation de loyauté ne peut être imputé à BAT ;

- constater qu'à supposer même qu'un manquement à son obligation de loyauté ait pu être imputé à BAT, aucun préjudice n'aurait pu en résulter pour 2 WF ;

- constater que la fourniture de montres à titre gratuit avait bien une contrepartie, puisqu'elle correspondait à un dédommagement suite à une inexécution contractuelle, et que ce dédommagement était parfaitement proportionné ;

- constater que les remises de fin d'année versées sur les CA 2007, 2008, 2009 et 2010 fixées par le contrat-cadre conclu en 2006 ne sont pas rétroactives ;

- constater que le jugement a omis de statuer sur la demande reconventionnelle de BAT ;

- En conséquence,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société 2 WF de sa demande d'indemnisation de la marge brute qu'elle a déjà presque intégralement réalisée ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société 2 WF de sa demande d'indemnisation du coût du licenciement auquel elle a procédé ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société 2 WF de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral que lui aurait causé un prétendu manque de loyauté ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société 2 WF de sa demande visant à voir la société BAT condamnée à lui régler le coût de 125 montres de marque Swatch, soit 2.850,73 euros ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société 2 WF de sa demande de nullité de la clause prévoyant le paiement de RFA ainsi que de sa demande subséquente de remboursement des remises de fin d'année ;

- Statuant à nouveau,

- condamner la société 2 WF à payer à BAT la somme de 47.363,69 euros en application des stipulations de l'article 3.1 du Contrat ;

- En tout état de cause,

- condamner la société 2 WF à payer à BAT la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BAT soutient que la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société 2 WF ne présentait pas le caractère d'une « relation commerciale établie » au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, car chacune des commandes qu'elle lui passait était précédée, de façon systématique, d'une mise en concurrence. Elle rappelle que le contrat-cadre, renouvelé tacitement pour une durée indéterminée, était destiné à régir les conditions générales de sa collaboration avec la société 2 WF, lorsque celle-ci était retenue à l'issue des appels d'offres qu'elle organisait. Elle souligne qu'en conséquence, cette relation était essentiellement précaire et que la société 2 WF ne pouvait pas considérer qu'elle perdurerait dans l'avenir. Dès lors, la société BAT fait valoir qu'elle avait pour seule obligation, de nature contractuelle, de respecter le délai de préavis de trois mois convenu avec la société 2 WF et qu'en l'espèce, elle est allée au-delà de cette obligation puisqu'elle lui a accordé un préavis de 12 mois. Elle affirme qu'en tout état de cause, ce délai de préavis était suffisant.

La société BAT réfute le grief de déloyauté allégué par la société 2 WF et rappelle qu'elle a invité celle-ci à participer aux appels d'offres qu'elle organisait.

Elle fait valoir qu'en toute hypothèse, la société 2 WF n'a subi aucun préjudice du fait de la rupture de la relation commerciale qu'elle entretenait avec elle.

En ce qui concerne la demande de la société 2 WF au titre de la fourniture des montres Swatch, la société BAT considère qu'elle est mal fondée, ces montres ayant été fournies à titre de dédommagement. Enfin, la société BAT soutient que la demande relative aux ristournes de fin d'année doit être rejetée, car ces ristournes n'avaient pas de caractère rétroactif comme le prétend à tort la société 2 WF.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur les demande de la société 2 WF fondées sur l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce :

Considérant qu'il n'est pas contesté que les commandes que la société BAT passait à la société 2 WF étaient précédées d'une mise en concurrence, sous la forme d'appels d'offres préalables ; que si les parties ont conclu un contrat-cadre en 2006, celui-ci ne comportait, de la part de la société BAT, aucun engagement de passation de commandes, mais avait pour objet de régir ses relations avec la société 2 WF au cas où celle-ci remporterait ces appels d'offres ;

Considérant que la société BAT en conclut que la relation qu'elle entretenait avec la société 2 WF était en conséquence précaire et qu'elle ne pouvait donner lieu à l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, faute de constituer une « relation commerciale établie » au sens de ce texte ; qu'à l'inverse, la société 2 WF soutient que les mises en concurrence auxquelles procédait la société BAT étaient « théoriques » et qu'elle les emportait toutes ;

Mais considérant que la société 2 WF n'appuie cette allégation sur aucun élément de preuve qui démontrerait le caractère fictif des appels d'offres organisés par la société BAT ; que celle-ci fait valoir qu'elle n'a, à l'issue de ces appels d'offres, retenu que les offres les plus compétitives, sans qu'aucun élément du dossier n'établisse que tel n'était pas le cas ;

Considérant que si le recours à un appel d'offres ne suffit pas, à lui seul et par principe, à exclure l'application de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, c'est à la condition qu'il ne puisse être déduit des circonstances entourant la relation commerciale que celle-ci avait un caractère précaire ; qu'en l'espèce, le caractère répété et systématique des appels d'offres, dont la sincérité ne peut, comme la Cour l'a relevé, être mise en cause, privait la relation commerciale de toute garantie de continuité et plaçait la société 2 WF dans une situation de précarité telle qu'elle ne pouvait raisonnablement escompter que cette relation se poursuivrait nécessairement dans l'avenir ;

Considérant qu'au demeurant, la relation commerciale en cause, si elle a été continue, a été instable quant au volume de commandes qu'elle représentait ; qu'en effet, le chiffre d'affaires réalisé par la société 2 WF avec la société BAT subissait, d'un exercice à l'autre, des fluctuations importantes, dans les proportions suivantes :

- exercice 2005/2006 : 1.204.966 euros

- exercice 2006/2007 : 708.790 euros

- exercice 2007/2008 : 1.101.455 euros,

- exercice 2008/2009 : 1.224.442 euros

- exercice 2009/2010 : 294.018 euros,

- exercice 2010/2011 : 1.339.840 euros ;

Considérant qu'il résulte de ces constatations que la relation commerciale qu'entretenaient les sociétés BAT et 2 WF ne présentait pas le caractère d'une « relation commerciale établie », au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ; que la société 2 WF sera, en conséquence, déboutée des demandes qu'elle fonde sur les dispositions de cet article et que le jugement sera confirmé sur ce point ;

 

Sur la nullité alléguée de l'article 3 du contrat-cadre :

Considérant que la société 2 WF soutient que la clause de l'article 3 du contrat-cadre prévoyant le versement de remises annuelles à la société BAT est nulle par application des dispositions de l'article L. 442-6-II-a) du code de commerce ; qu'elle demande en conséquence la restitution des sommes qu'elle lui a versées à ce titre de 2007 à 2010, soit la somme totale de 198.505 euros ;

Considérant que la clause dont la société 2 WF allègue la nullité est ainsi rédigée :

« 3.1 Partenariat financier : remise sur chiffre d'affaires consentie par le Prestataire [la société 2 WF]

3.1.1 Communication du chiffre d'affaires

Le Prestataire fournira, sur demande de BAT, tous les mois un bilan du chiffre d'affaires en cours avec BAT sur l'ensemble des Prestations dans le cadre du Contrat.

3.1.1 Calcul de la remise

Le Prestataire versera au mois de décembre à BAT une remise sur chiffre d'affaires calculée sur l'ensemble du chiffre d'affaires annuel (1er janvier au 31décembre de l'année en cours) réalisé avec BAT comme suit :

de 0 à 500.000 euros de CA 4 %

de 500.001 à 1.000.000 euros de CA 5 %

de 1.000.001 à 3.000.000 euros de CA 6 %

au-dessus de 3.000.001 euros de CA 8 % »

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6-II du code de commerce, « sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité : a) de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale (...) » ; ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque les parties conviennent, pour l'avenir, d'attribuer à l'une d'entre elles des remises calculées sur le chiffre d'affaires réalisé ; que tel est bien le cas en l'espèce puisque les remises en cause ont été versées par la société 2 WF de 2007 à 2010 en application du contrat en application entré en vigueur le 1er janvier 2006 ;

Considérant que la société 2 WF sera dès lors déboutée de sa demande de nullité de la clause figurant à l'article 3 du contrat ainsi, par voie de conséquence, que de sa demande de restitution de la somme de 198.505 euros qu'elle a versée en application de cette clause ; que le jugement sera donc confirmé ;

 

Sur la demande de restitution par équivalent de 125 montres Swatch :

Considérant qu'il est établi que la société 2 WF a, en juin 2011, remis à la société BAT 125 montres de marque Swatch ; que la société 2 WF soutient que la société BAT ne lui ayant pas payé ces montres, elle a reçu un avantage injustifié et sans contrepartie et qu'elle engage ainsi sa responsabilité civile sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce ; qu'elle demande à ce titre sa condamnation à lui payer la somme de 2.850,73 euros représentant le prix de ces montres ;

Considérant que la société BAT s'oppose à cette demande en soutenant que ces montres lui ont été remises à titre de geste commercial, en compensation d'une livraison tardive de 147 kits d'une valeur de 4.700 euros ; que la société 2 WF le conteste et prétend que ces montres ont été livrés sans retard le 22 juin 2011 comme en atteste un récépissé de transport qu'elle verse aux débats (pièce n° 27/1) ;

Mais considérant que si ce document établit qu'une livraison a été effectuée, il ressort de courriers électroniques échangés en juin et juillet que les kits n'avaient pas tous été livrés et qu'une partie d'entre eux a été livrée avec retard (pièce BAT n° 18) ; que, de surcroît, l'un de ces courriers évoque expressément la remise des 125 montres à titre de « geste commercial » (courrier électronique du 13 juillet 2011 pièce BAT n° 18) ; qu'au demeurant, la société 2 WF n'a, jusqu'à l'introduction de la présente instance, émis aucune réclamation de paiement, d'où il ressortirait qu'elle ne considérait pas la remise des montres comme un geste commercial destiné à compenser le précédent retard de livraison ;

Considérant qu'ainsi la société 2 WF ne démontre pas que la société BAT ait, par la remise de ces montres, obtenu de sa part un avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; que les conditions d'application de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce n'étant dès lors par réunies, la société 2 WF sera déboutée de sa demande ;

 

Sur la demande reconventionnelle de la société BAT :

Considérant que la société BAT réclame l'application, au titre de l'année 2011, de l'article 3 du contrat-cadre prévoyant une remise annuelle à son profit, calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé ;

Considérant que si la société 2 WF soutient que cette clause est contraire à l'article L. 442-6 II du code de commerce, la Cour l'ayant déboutée de sa demande de nullité de ce chef, elle ne conteste pas que ces remises n'ont pas été versées au titre de l'année 2011, ni les modalités de calcul appliquées par la société BAT ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé en 2011 par la société 2 WF avec la société BAT au titre de l'année 2011 s'est élevé à la somme de 792.034,96 euros ; que l'article 3 du contrat-cadre prévoyant une remise de 5 % pour une tranche de chiffre d'affaires allant de 500.001 euros à 1.000.000 euros, il s'ensuit que la remise due par la société 2 WF au titre de l'année 2011 s'élève à la somme de 39.601,75 euros HT, soit 47.363,69 euros TTC ;

Considérant, en conséquence, que le jugement entrepris sera réformé sur ce point et que la société 2 WF sera condamnée à verser à la société BAT la somme de 47.363,69 euros TTC au titre de l'article 3 du contrat cadre ;

 

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'il n'apparaît pas justifié, au regard des éléments du dossier, de prononcer de condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :       

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la demande reconventionnelle présentée par la société British American Tobacco France au titre de l'article 3 du contrat-cadre ;

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société 2 WF à payer à la société BAT la somme de 47.363,69 euros TTC au titre des remises prévues par l'article 3 du contrat-cadre.

REJETTE les demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;

CONDAMNE la société 2 WF aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier                            La Présidente