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CA DIJON (1re ch. civ.), 9 juin 2015

Nature : Décision
Titre : CA DIJON (1re ch. civ.), 9 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Dijon (CA), 1re ch.
Demande : 13/01829
Date : 9/06/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/09/2013
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-013858
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5239

CA DIJON (1re ch. civ.), 9 juin 2015 : RG n° 13/01829

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que si les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la SCI Le Pavé auprès de la Macif, portant sur un bâtiment inoccupé vide de 250 m² propriété de la SCI, à effet du 25 novembre 2004, ne sont pas revêtues de la signature de l'assurée, il résulte de la pièce n° 10 produite par cette dernière, constituée d'un courrier que lui a adressé l'assureur le 26 novembre 2004, confirmant la souscription de la police d'assurance, et auquel étaient jointes les conditions particulières du contrat, que les documents en possession de l'assurée ont bien une valeur contractuelle et que les conditions particulières de la police d'assurance ont été portées à sa connaissance ; Que par courrier daté du 1er juillet 2011, la SCI Le Pavé a d'ailleurs adressé à la Macif une copie de son contrat d'assurance constituée des conditions particulières en sa possession, sur la base desquelles elle sollicitait la prise en charge du sinistre subi le 17 juin précédent, ce qui démontre qu'elle avait accepté ces conditions ;

Que ces conditions particulières comportaient des dispositions spéciales ainsi libellées : « par dérogation à toute mention contraire figurant aux conditions tant générales que particulières, du contrat ci-dessus référencé, le sociétaire, souscripteur, bénéficie uniquement de la garantie responsabilité civile pour le bâtiment éloigné assuré » ;

Que, contrairement à ce qu'affirme la SCI Le Pavé, cette clause ne constitue pas une exclusion de garantie mais une limitation de la garantie au risque responsabilité civile et elle n'est donc pas soumise aux exigences formelles imposées par les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances ;

Attendu que si, en application de l'article L. 133-2 du code de la consommation, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel, en l'espèce, et contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, la clause litigieuse qui énonce que l'assuré bénéficie uniquement de la garantie responsabilité civile, pour le bâtiment éloigné assuré, est rédigée de façon claire et compréhensible, la garantie responsabilité civile étant explicitement définie par l'article 20 des conditions générales du contrat et le bâtiment éloigné assuré renvoyant sans ambiguïté possible au bâtiment inoccupé vide de 250 m² propriété de l'assuré, désigné comme bien assuré par les conditions particulières de la police d'assurance ; Que, ne laissant pas place au doute, la clause limitant la garantie de l'assureur au risque de responsabilité civile ne peut donc être interprétée et elle est en conséquence parfaitement opposable à la SCI Le Pavé ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE DIJON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 9 JUIN 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/01829. Décision déférée à la cour : au fond du 10 septembre 2013, rendue par le tribunal de grande instance de Dijon - R.G. 1re instance n° 12/02368.

 

APPELANTE :

Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des Cadres et Salariés de l'Industrie et du Commerce - MACIF

société d'assurance mutuelle à cotisations variables, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège : Représentée par Maître François-Xavier BERNARD, membre de la SCP PORTALIS PERNELLE FOUCHARD BERNARD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 45

 

INTIMÉE :

SCI LE Pavé représentée par son gérant de droit en exercice Monsieur X.

domicilié de droit au siège : Représentée par Maître Thérèse GAMBIER, membre de la SELARL RUELLE- WEBER - GAMBIER, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 95

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 avril 2015 en audience publique devant la cour composée de : Madame BOURY, Présidente de Chambre, président, Monsieur WACHTER, Conseiller, Madame DUMURGIER, Conseiller, chargé du rapport par désignation du Président qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame VUILLEMOT,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 9 juin 2015.

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Madame Boury, Présidente de Chambre, et par Madame Vuillemot, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat du 25 novembre 2004, Monsieur X. a souscrit auprès de la Macif, au nom de la SCI Le Pavé, une police d'assurance pour le hangar constituant le siège social de la société, situé à [ville].

Le 17 juin 2011, une tempête a détruit le hangar.

Monsieur X. a déclaré le sinistre à son assureur qui l'a informé, par courrier du 21 janvier 2011, qu'il refusait sa garantie au motif que le bâtiment détruit ne bénéficiait que de la garantie responsabilité civile, conformément aux conditions particulières de la police d'assurance, à l'exclusion de la garantie dommages aux biens.

La compagnie d'assurance acceptait cependant d'indemniser les dommages causés aux tiers, par l'effondrement du hangar sur deux véhicules appartenant à la commune [de A.].

Par acte du 25 mai 2012, la SCI Le Pavé a fait assigner la société d'assurance Macif devant le tribunal de grande instance de Dijon, afin d'obtenir, au visa des articles L. 112-2 et suivants et L. 112-4 du code des assurances, la condamnation de la compagnie d'assurance à garantir l'intégralité du préjudice et de ses conséquences consécutifs au sinistre survenu le 17 juin 2011 sur le hangar lui appartenant, et de la condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros en réparation du trouble de jouissance et du préjudice moral de Monsieur X., ainsi que la somme de 3.000 euros au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens.

La Macif s'est opposée à ces demandes en arguant de la clause limitative de garantie prévue par les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la SCI Le Pavé, qui n'est pas, selon elle, une clause d'exclusion et qui est clairement rédigée, sans ambiguïté sur l'étendue de la garantie.

Elle a prétendu que cette clause limitative de garantie était opposable à l'assurée, en rappelant que les conditions particulières l'emportaient sur les conditions générales et en affirmant que ces conditions particulières avaient bien été communiquées à la requérante, considérant avoir ainsi satisfait à son devoir d'information.

 

Par jugement du 10 septembre 2013, le tribunal de grande instance de Dijon a :

- constaté que par courrier du 26 novembre 2004, la Macif a régulièrement communiqué à son assurée les conditions particulières de la police d'assurance souscrite (contrat L001) pour un bâtiment inoccupé situé [adresse], d'une surface de 250 m², en qualité de propriétaire non occupant,

- dit que la clause contenue dans les conditions particulières précitées rédigée en ces termes : « Dispositions spéciales : par dérogation à toute mention contraire figurant aux conditions tant générales que particulières du contrat ci-dessus référencé, le sociétaire souscripteur bénéficie uniquement de la garantie responsabilité civile pour le bâtiment éloigné assuré » est notablement imprécise en ce qui concerne l'exacte portée de la garantie due par l'assureur à son assurée,

- déclaré en conséquence cette clause inopposable à la SCI Le Pavé,

- condamné la Macif à garantir l'intégralité du préjudice et de ses conséquences consécutives au sinistre survenu le 17 juin 2011 sur le hangar lui appartenant, et ce par l'effet d'une tempête,

- débouté la SCI Le Pavé de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral ou de jouissance,

- condamné la Macif à verser à la SCI Le Pavé une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Macif aux entiers dépens.

Après avoir constaté que la compagnie d'assurances avait régulièrement communiqué à l'assurée les conditions particulières de la police d'assurance contenant la clause litigieuse de limitation de garantie, le Tribunal a considéré que cette clause peu claire nécessitait une interprétation et que le seul renvoi à la notion de responsabilité civile pour le bâtiment éloigné était notoirement insuffisant, dès lors que les conditions générales du contrat d'assurance ne faisaient nullement référence à une telle restriction de garantie et ne définissaient pas les termes employés, pour juger que la clause était inopposable à l'assurée.

 

La société d'assurance Macif a régulièrement interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 26 septembre 2013.

Par conclusions notifiées le 10 avril 2014, l'appelante demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- de débouter la SCI Le Pavé de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la SCI Le Pavé à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens, et de la condamner aux entiers dépens.

 

Par écritures notifiées le 26 février 2014, la SCI Le Pavé demande à la Cour de :

- débouter la Macif de l'ensemble de ses demandes,

confirmant le jugement entrepris,

vu les articles L. 112-2 et suivants et L. 112-4 du code des assurances,

- juger que la Macif ne rapporte pas la preuve d'un contrat qui aurait été régularisé le 25 novembre 2004 avec son gérant Monsieur X.,

vu les articles 1315 du code civil et L. 122-22 du code des assurances,

- juger que la Macif n'a pas satisfait à son obligation d'information et de conseil car la clause d'exclusion ou de limitation de garantie dommages n'a pas été portée clairement à la connaissance de l'assuré,

vu les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances,

- juger que la clause d'exclusion ou de limitation de garantie dommages aux biens, contenue dans les conditions particulières, ne revêt pas le caractère formel et limité exigé, car elle n'est pas rédigée en caractères très apparents et présente une grande ambiguïté pour un assuré profane,

vu les dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation et l'article 1162 du code civil,

- juger que la clause litigieuse étant susceptible d'interprétation, elle doit nécessairement s'appliquer dans un sens favorable à l'assuré,

en conséquence,

- condamner la Macif à garantir l'intégralité du préjudice et de ses conséquences consécutives au sinistre survenu le 17 juin 2011, sur le hangar lui appartenant,

- la condamner au paiement d'une indemnité de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens.

La clôture de la procédure est intervenue le 5 février 2015.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Attendu qu'après avoir exposé que la clause qu'elle oppose à son assurée n'est pas une clause d'exclusion de garantie mais une clause limitative de garantie, contrairement à ce que soutient l'intimée à laquelle elle reproche d'entretenir une confusion fâcheuse entre cette clause limitative et une clause d'exclusion figurant dans les conditions générales du contrat, la compagnie d'assurance prétend que c'est à tort que le Tribunal s'est référé aux articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, relatifs aux exclusions de garantie ;

Qu'elle soutient que la régularité formelle de la clause litigieuse ne peut être contestée et que cette clause est dépourvue de toute ambiguïté puisqu'elle énonce clairement que l'assuré ne bénéficie que d'une garantie responsabilité civile et qu'elle déroge à toute mention contraire ;

Qu'elle ajoute que la notion de bâtiment éloigné ne donne pas lieu à interprétation, puisque le bâtiment assuré est expressément désigné par les conditions particulières, pas plus que la notion de responsabilité civile qui est définie par les conditions générales de la police ;

Qu'elle fait valoir, d'autre part, que la clause limitative est opposable à l'assurée dès lors que les conditions particulières du contrat ont été régulièrement communiquées à cette dernière ;

Qu'elle précise enfin avoir consenti, à titre exceptionnel, une garantie minimale de responsabilité civile pour le hangar, alors qu'elle n'assure pas habituellement les bâtiments construits en matériaux légers, et que son intention n'était donc pas d'accorder une garantie dommages aux biens, en rappelant le caractère très modique de la cotisation d'assurance ;

Attendu que l'intimée objecte que l'assureur ne démontre pas l'existence d'un contrat régularisé le 25 novembre 2004 par la SCI et de conditions particulières expressément connues et acceptées par l'assurée ;

Qu'elle soutient par ailleurs que la clause spéciale limitative de garantie aurait dû être portée à sa connaissance lors de son adhésion à la police et que la Macif ne justifie pas avoir satisfait à cette obligation d'information ;

Qu'elle fait également valoir que la clause litigieuse, qui constitue une clause d'exclusion de garantie des dommages aux biens, ne répond pas aux exigences formelles prévues par les articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances et qu'elle présente un caractère équivoque, de sorte qu'elle doit être interprétée en faveur de l'assurée, et, s'agissant d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, qu'elle ne lui est pas opposable ;

[* * *]

Attendu que si les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la SCI Le Pavé auprès de la Macif, portant sur un bâtiment inoccupé vide de 250 m² propriété de la SCI, à effet du 25 novembre 2004, ne sont pas revêtues de la signature de l'assurée, il résulte de la pièce n° 10 produite par cette dernière, constituée d'un courrier que lui a adressé l'assureur le 26 novembre 2004, confirmant la souscription de la police d'assurance, et auquel étaient jointes les conditions particulières du contrat, que les documents en possession de l'assurée ont bien une valeur contractuelle et que les conditions particulières de la police d'assurance ont été portées à sa connaissance ;

Que par courrier daté du 1er juillet 2011, la SCI Le Pavé a d'ailleurs adressé à la Macif une copie de son contrat d'assurance constituée des conditions particulières en sa possession, sur la base desquelles elle sollicitait la prise en charge du sinistre subi le 17 juin précédent, ce qui démontre qu'elle avait accepté ces conditions ;

Que ces conditions particulières comportaient des dispositions spéciales ainsi libellées : « par dérogation à toute mention contraire figurant aux conditions tant générales que particulières, du contrat ci-dessus référencé, le sociétaire, souscripteur, bénéficie uniquement de la garantie responsabilité civile pour le bâtiment éloigné assuré » ;

Que, contrairement à ce qu'affirme la SCI Le Pavé, cette clause ne constitue pas une exclusion de garantie mais une limitation de la garantie au risque responsabilité civile et elle n'est donc pas soumise aux exigences formelles imposées par les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances ;

Attendu que si, en application de l'article L. 133-2 du code de la consommation, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel, en l'espèce, et contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, la clause litigieuse qui énonce que l'assuré bénéficie uniquement de la garantie responsabilité civile, pour le bâtiment éloigné assuré, est rédigée de façon claire et compréhensible, la garantie responsabilité civile étant explicitement définie par l'article 20 des conditions générales du contrat et le bâtiment éloigné assuré renvoyant sans ambiguïté possible au bâtiment inoccupé vide de 250 m² propriété de l'assuré, désigné comme bien assuré par les conditions particulières de la police d'assurance ;

Que, ne laissant pas place au doute, la clause limitant la garantie de l'assureur au risque de responsabilité civile ne peut donc être interprétée et elle est en conséquence parfaitement opposable à la SCI Le Pavé ;

Que c'est donc à tort que le tribunal a condamné la Macif à garantir le préjudice résultant du sinistre dont a été victime la SCI Le Pavé par l'effet de la tempête du 17 juin 2011, et le jugement entrepris mérite ainsi d'être réformé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SCI Le Pavé de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral ou de jouissance, l'intimée étant déboutée de toutes ses autres demandes ;

Attendu que la SCI Le Pavé qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à la compagnie Macif d'une somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Déclare la société d'assurance Macif recevable et bien fondée en son appel principal,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 10 septembre 2013 par le tribunal de grande instance de Dijon, sauf en ce qu'il a débouté la SCI Le Pavé de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral ou de jouissance,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute la SCI Le Pavé de l'intégralité de ses demandes,

Condamne la SCI Le Pavé à payer à la société d'assurance Macif la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Le Pavé aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,               Le Président,