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CA ROUEN (ch. prox.), 18 mai 2015

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. prox.), 18 mai 2015
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), ch. proxim.
Demande : 15/00793
Date : 18/05/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5262

CA ROUEN (ch. prox.), 18 mai 2015 : RG n° 15/00793

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le caractère perpétuel de l'exception ne trouve pas application lorsque le contrat a été en tout ou partie exécuté.

L'article R. 313-1 du code de la consommation faisant référence à l'année civile pour le calcul du TEG résulte du décret n° 2002-927 du 10 octobre 2002 ; le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine produit elle-même un article de doctrine rappelant que la commission des clauses abusives avait préconisé dès 2005 de bannir des crédits relevant du code de la consommation les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre à l'établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours.

Mme Y. divorcée X. indique elle-même que le calcul du taux qu'elle prétend être opéré sur 360 jours et non sur l'année civile résulte du tableau d'amortissement ; celui-ci est intégré à l'acte de prêt du 21 décembre 2006.

Dès lors le point de départ de la prescription quinquennale doit être fixé au 21 décembre 2006, date à laquelle la non-conformité du mode de calcul du TEG à la référence d'une année civile de 365 jours, telle qu'alléguée, aurait pu être relevée.

L'exception de nullité doit en conséquence être déclarée irrecevable, et la créance du Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine fixée, suivant décompte qui en lui-même ne fait l'objet d'aucune autre critique, à la somme de 84.844,70 euros arrêtée au 30 septembre 2013, outre intérêts au taux contractuel de 10,47 % et accessoires à compter du 1er octobre 2013. »

 

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 18 MAI 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/00793. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du JUGE DE L'ÉXECUTION D'ÉVREUX du 5 février 2015.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE

Représentée et assistée par Maître Richard D. de la SCP R. S. D. T., avocat au barreau de l'Eure

 

INTIMÉS :

Madame Y. divorcée X.

née le [date] à [ville] ; Représentée et assistée par Maître Jean-Yves P. de la SCP P. D. & ASSOCIÉS, avocat au barreau de l'Eure substitué par Maître B., avocat au barreau de l'Eure

Monsieur X.

Né le [date] à [ville] ; N'ayant pas constitué avocat bien que l'appel ait été régulièrement signifié par acte d'huissier en date du 27 février 2015

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 26 mars 2015 sans opposition des avocats devant Mme BRYLINSKI, Président, rapporteur. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Mme BRYLINSKI, Président, Madame LABAYE, Conseiller, Madame POITOU, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS : À l'audience publique du 26 mars 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 mai 2015

ARRÊT : Par défaut ; Prononcé publiquement le 18 mai 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Signé par Mme BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine, par acte authentique en date du 21 décembre 2006, a consenti à Mme Y. divorcée X. et M. X., époux séparés de biens, un prêt de restructuration de 100.000 euros, garanti par une inscription d'hypothèque prise sur un immeuble situé à [ville C.] ; cet immeuble appartenait alors à Mme Y. divorcée X. seule qui par la suite en a fait partiellement donation à son époux le 2 mai 2012, mais depuis lors, le divorce par consentement mutuel des époux X. prononcé le 18 septembre 2014 a homologué la convention révoquant cette donation.

Le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine a fait signifier le 3 septembre 2013 à Mme Y. divorcée X. et M. X. un commandement de payer aux fins de saisie immobilière, publié le 4 octobre 2013.

 

Le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Évreux, par jugement rendu le 5 février 2015, a :

- constaté que le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine est conformément aux exigences édictées par l'article L. 311-2 du code de procédure civile d'exécution munie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ;

- dit que les dispositions de l'article L. 313-15 du code de la consommation issues de la loi du 1er juillet 2010 ne s'appliquent pas au prêt consenti aux débiteurs le 21 décembre 2006 ;

- dit que le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine est déchu du droit aux intérêts contractuels ;

- débouté Mme Y. et M. X. de leur demande de réduction de clauses pénales ;

- avant dire droit sur les autres demandes, ordonné la réouverture des débats, et invité le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine à produire un décompte de sa créance avec substitution du taux d'intérêt légal aux taux d'intérêt conventionnel, depuis son origine et sur la base d'années civiles, majoré de 3 % à compter du 5 août 2013 ;

- renvoyé l'audience de plaidoirie au 30 mars 2015.

 

Le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine a interjeté appel et régulièrement assigné Mme Y. divorcée X. et M. X. à jour fixe afin qu'il soit statué sur celui-ci ; aux termes de ses dernières écritures en date du 25 mars 2015 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, il demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien-fondé en son appel et réformer le jugement entrepris ;

- débouter M. et Mme X. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts ;

- fixer la créance du Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine à une somme de 84.844,70 euros compte arrêté au 30 septembre 2013, outre intérêts au taux contractuels de 10,47 % et accessoires à compter du 1er octobre 2013 jusqu'au jour du règlement suivant décompte versé aux débats ;

- condamner solidairement les époux X. au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens du présent appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code ;

- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution afin qu'il soit statué sur le surplus des demandes.

 

Mme Y. divorcée X., aux termes de ses dernières écritures en date du 11 mars 2015 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

- recevoir le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine en son appel et le dire mal fondé, et confirmer le jugement entrepris ;

- y ajoutant, condamner le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine à payer à Mme Y. une indemnité de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens d'appel.

M. X. assigné autrement qu'à personne n'a pas constitué avocat, l'arrêt sera rendu par défaut.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Le jugement est critiqué en sa seule disposition par laquelle il « dit que le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine est déchu du droit aux intérêts contractuels ». Sous cette formulation, le premier juge a en réalité statué sur l'exception opposée par les époux X. de nullité de la stipulation d'intérêts au motif que les intérêts du prêt ont été calculés sur une année fictive de 360 jours, en disant qu'il convenait d'annuler la stipulation conventionnelle d'intérêts et de lui substituer l'intérêt légal par application combinée de l'article 1907, alinéa 2 du code civil et des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation.

Le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine, fait valoir que la demande de nullité de la stipulation d'intérêts est soumise à la prescription quinquennale et irrecevable dès lors que le prêt est daté 21 décembre 2006 et que la nullité de la stipulation d'intérêts a été opposée pour la première fois par conclusions du 4 septembre 2014.

Sur le fond, il fait valoir que le calcul de Mme Y. divorcée X. est erroné, en prenant le dénominateur 365 et le numérateur 30 comme si tous les mois de l'année avaient 30 jours, alors que l'intérêt mensuel est en réalité calculé par référence au nombre de jours par mois soit (365/12) 30,4166 jours, et ainsi effectivement par référence à l'année civile de 365 jours.

Pour s'opposer à cette fin de non-recevoir, Mme Y. divorcée X. fait valoir que la nullité évoquée par voie d'exception est perpétuelle et qu'en outre le point de départ du délai ne court qu'à compter de la connaissance du vice ou en l'occurrence de la connaissance d'un moyen pouvant être exercé (art. 2224 du code civil), qu'en l'espèce la jurisprudence visée étant récente, elle ne pouvait être mise en application auparavant, et s'applique au contrat en cours sans qu'il y ait lieu à distinction en fonction de son ancienneté.

 

Le caractère perpétuel de l'exception ne trouve pas application lorsque le contrat a été en tout ou partie exécuté.

L'article R. 313-1 du code de la consommation faisant référence à l'année civile pour le calcul du TEG résulte du décret n° 2002-927 du 10 octobre 2002 ; le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine produit elle-même un article de doctrine rappelant que la commission des clauses abusives avait préconisé dès 2005 de bannir des crédits relevant du code de la consommation les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre à l'établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours.

Mme Y. divorcée X. indique elle-même que le calcul du taux qu'elle prétend être opéré sur 360 jours et non sur l'année civile résulte du tableau d'amortissement ; celui-ci est intégré à l'acte de prêt du 21 décembre 2006.

Dès lors le point de départ de la prescription quinquennale doit être fixé au 21 décembre 2006, date à laquelle la non-conformité du mode de calcul du TEG à la référence d'une année civile de 365 jours, telle qu'alléguée, aurait pu être relevée.

L'exception de nullité doit en conséquence être déclarée irrecevable, et la créance du Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine fixée, suivant décompte qui en lui-même ne fait l'objet d'aucune autre critique, à la somme de 84.844,70 euros arrêtée au 30 septembre 2013, outre intérêts au taux contractuel de 10,47 % et accessoires à compter du 1er octobre 2013.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

Les parties seront renvoyées devant le juge de l'exécution pour la poursuite de la procédure et notamment être statué sur les demandes réservées.

Mme Y. divorcée X. et M. X. supporteront les dépens d'appel, mais il n'y a pas lieu de prévoir l'allocation d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Statuant par arrêt par défaut,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine est déchu du droit aux intérêts contractuels et invité le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine à produire un décompte de sa créance avec substitution du taux d'intérêt légal aux taux d'intérêt conventionnel, depuis son origine et sur la base d'années civiles, majoré de 3 % à compter du 5 août 2013 ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus non critiqué de ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Déclare Mme Y. divorcée X. et M. X. irrecevables en leur demande de nullité de la stipulation d'intérêts ;

Fixe la créance du Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine à la somme de 84.844,70 euros arrêtée au 30 septembre 2013, outre intérêts au taux contractuel de 10,47 % et accessoires à compter du 1er octobre 2013 ;

Renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Evreux pour la poursuite de la procédure ;

Dit n'y avoir lieu à allocation d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme Y. divorcée X. et M. X. aux dépens d'appel, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier                Le Président