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CA PARIS (pôle 1 ch. 2), 25 juin 2015

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 1 ch. 2), 25 juin 2015
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pole 1 ch. 2
Demande : 14/01122
Date : 25/06/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/01/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5266

CA PARIS (pôle 1 ch. 2), 25 juin 2015 : RG n° 14/01122

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant qu'en outre, la clause du bail intitulée « solidarité-indivisibilité » stipule que « le congé délivré par l'un des locataires ne libère pas l'autre de son obligation solidaire relative au paiement des loyers et ses accessoires » et « cette solidarité continuera à produire ses effets vis à vis du locataire parti pendant une durée d'un an à compter de la date du congé » ; Considérant que Mme X. fait valoir que cette clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle impose à l'un des colocataires de poursuivre ses obligations sans contrepartie ;

Mais considérant que selon l'article L 132-1 du code de la consommation « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateur, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; Considérant que le contrat de location litigieux a été conclu par M. Y. dont il n'est pas démontré ni même allégué qu'il s'inscrive dans le cadre d'une activité de nature économique exercée à titre principal ; qu'il s'ensuit que ce moyen tiré des clauses abusives ne peut être valablement opposé dans le présent litige ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 1 CHAMBRE 2

ARRÊT DU 25 JUIN 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/01122. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 mai 2012 - Tribunal d'Instance de Saint-Denis - R.G. n° 12-12-0003.

 

APPELANTE :

Mademoiselle X.

Représentée et Assistée de Maître Karim A. de la SELARL M. ET A., avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 220

 

INTIMÉ :

Monsieur Y.

Représenté et Assisté de Maître Patrick M. de la SELARL M. D. V., avocat au barreau de PARIS, toque : L0173

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Evelyne LOUYS, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Frédéric CHARLON, président, Madame Evelyne LOUYS, conseillère, Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère, Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous seing privé en date du 25 octobre 2010, M. Y. a donné à bail à M. Z. et Mme X. un logement sis [adresse].

Les locataires n'acquittant plus le montant des loyers, M. Y. leur a fait délivrer, le 26 novembre 2011, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le bail qui est demeuré infructueux.

Par acte d'huissier en date du 3 janvier 2012, M. Y. a fait assigner en référé M. Z. et Mme X. afin d'obtenir le constat de l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail pour défaut de paiement des loyers, l'expulsion des occupants, la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués aux frais, risques et périls des défendeurs, le paiement solidaire d'une provision de 8.616.01 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 27 décembre 2011 inclus ainsi qu'une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges et une indemnité de procédure de 700 euros.

 

Par ordonnance de référé réputée contradictoire en date du 24 mai 2012, le juge des référés du tribunal d'instance de Saint-Denis a :

- condamné solidairement M. Z. et Mme X. à payer à M H. une provision de 8.616.01 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 27 décembre 2011, terme du mois de décembre 2011 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance,

- constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire insérée au bail du 25 octobre 2010 liant les parties, à compter du 26 décembre 2011 et dit que M. Z. et Mme X. devront quitter les lieux et rendre libre de toute occupation les lieux loués sis [adresse] en satisfaisant aux obligations des locataires sortants, notamment par la remise des clefs,

- ordonné, à défaut, l'expulsion des locataires ainsi que celle de tous occupants de leur chef et ce au besoin avec le concours de la force publique à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, avec le cas échéant la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert au garde meuble aux frais avancés par les défendeurs,

- condamné dans ce cas in solidum M. Z. et Mme X. à payer à M. Y. une indemnité d'occupation provisionnelle équivalent à une fois le loyer contractuel, majoré des charges récupérables à compter du 1er janvier 2012 et jusqu'à la date de leur départ effectif,

- condamné in solidum M. Z. et Mme X. à payer à M. Y. la somme de 450 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente ordonnance bénéficie de droit de l'exécution provisoire,

- condamné in solidum M. Z. et Mme X. aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 26 octobre 2011.

 

Mme X. a interjeté appel de cette décision le 16 janvier 2014 avec l'autorisation du premier président de la cour d'appel par ordonnance du 8 janvier 2014.

Par conclusions signifiées en date du 21 octobre 2014, auxquelles il convient de se reporter, elle demande à la Cour de :

- constater la résiliation du bail en date du 5 août 2011,

- constater que le bailleur l'a assignée à une mauvaise adresse alors qu'il avait été informé en LRAR de sa nouvelle adresse,

- dire que M. Y. ne justifie pas de sa créance de loyer,

- débouter M. Y. de l'ensemble de ses demandes,

- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes,

Y faisant droit,

- dire et juger que la clause de solidarité est une clause abusive et inopérante,

- dire et juger qu'elle n'est tenue à aucune créance ni indemnisation,

- dire et juger que seul M. Z. est responsable des dettes de loyers à compter du 5 août 2011,

- dire et juger qu'à compter du 5 août 2011, il n'y a aucune solidarité de paiement entre Mme X. et M. Z.,

- dire et juger que Mme X. a subi un préjudice certain en raison de la mauvaise foi du bailleur,

Par conséquent,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée in solidum avec M. Z. au paiement des loyers, des indemnités d'occupation et de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu sa responsabilité,

- condamner M. Y. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

 

Par conclusions signifiées en date du 22 octobre 2014, auxquelles il convient de se reporter, M. Y. demande à la Cour de :

- le recevoir et le dire bien fondé en ses demandes,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a prononcé la condamnation de Mme X. sur la base de son engagement solidaire en sa qualité de colocataire à payer au bailleur les loyers ou indemnités d'occupation dus depuis son congé du 29 août 2011 pendant une année entière soit jusqu'au 29 août 2012 en application de la clause « solidarité-indivisibilité » du bail,

- dire et juger que cette clause n'est pas abusive, mais au contraire valide et favorable à la colocataire,

- constater que le montant des loyers ou indemnités d'occupation s'élève sur cette période à une somme de 19.200 euros,

- condamner en conséquence Mme X. à lui payer cette somme de 19.200 euros,

- débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes,

- constater qu'en raison de la confirmation de l'existence d'une dette de la locataire envers son bailleur la demande de dommages intérêts de Mme X. n'est pas fondée non plus que sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'en débouter spécifiquement.

- condamner Mme X. à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens y compris ceux de première instance.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Considérant que Mme X. fait valoir qu'elle a valablement résilié son bail le 5 août 2011 et qu'elle ne saurait être tenue des dettes de loyers après la résiliation du bail ; que le bailleur est de mauvaise foi « ayant fait délivrer l'assignation à son ancienne adresse de sorte qu'elle n'a pas comparu » ; que la clause « solidarité-indivisibilité » du bail stipulant que la « solidarité continuera à produire ses effets vis-à-vis du locataire parti pendant une durée d'un an à compter de la date de congé » est abusive ;

Considérant que M. Y. réplique que le bail d'habitation signé par les locataires le 25 octobre 2010 engage les locataires solidairement ; qu'à supposer le congé de Mme X. valable, elle reste redevable des loyers pendant une année suivant son départ ; que la clause de solidarité-indivisibilité n'est pas abusive ; que les indemnités d'occupation sont dues jusqu'au 29 août 2012 ; que la dette locative s'élève à 19 200 euros soit de mai 2011 à août 2012 ;

 

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que par lettre recommandée datée du 5 août 2011 mais expédiée le 29 août suivant ainsi que l'établit le récépissé de dépôt, Mme X. a donné congé de l'appartement qu'elle occupe motif pris de « divers problèmes de ménage, mon concubin m'a expulsé avec mon enfant de ce domicile et a changé les serrures » ; qu'elle n'est cependant pas fondée à soutenir ne plus être redevable des loyers postérieurement au 5 août 2011 (ce qui ne pourrait être que le 29 août 2011, date du récépissé de dépôt de la lettre de résiliation de Mme X.) alors que légalement le congé ne peut être donné qu'avec un préavis de trois mois pendant lequel le colocataire est tenu du paiement des loyers dans les conditions du bail, c'est à dire en l'espèce solidairement avec M. Z. ;

Considérant qu'en outre, la clause du bail intitulée « solidarité-indivisibilité » stipule que « le congé délivré par l'un des locataires ne libère pas l'autre de son obligation solidaire relative au paiement des loyers et ses accessoires » et « cette solidarité continuera à produire ses effets vis à vis du locataire parti pendant une durée d'un an à compter de la date du congé » ;

Considérant que Mme X. fait valoir que cette clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle impose à l'un des colocataires de poursuivre ses obligations sans contrepartie ;

Mais considérant que selon l'article L. 132-1 du code de la consommation « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateur, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Considérant que le contrat de location litigieux a été conclu par M. Y. dont il n'est pas démontré ni même allégué qu'il s'inscrive dans le cadre d'une activité de nature économique exercée à titre principal ; qu'il s'ensuit que ce moyen tiré des clauses abusives ne peut être valablement opposé dans le présent litige ;

Considérant qu'il s'ensuit que Mme X. est tenue solidairement au paiement des loyers jusqu'au 29 novembre 2011 ; qu'elle est ainsi redevable solidairement avec son colocataire des loyers impayés de mai 2011 à novembre 2011 soit de la somme de 8.400 euros (1.200 x 7 pour les mois de mai à novembre 2011) ; qu'au delà, seul M. Z. est redevable du paiement du loyer impayé jusqu'à la date de résiliation de bail, soit le 26 décembre 2011 telle que constatée par le premier juge ;

Considérant que postérieurement à la résiliation du bail, M. Y. n'est pas fondé à faire application de la clause de solidarité du bail à l'encontre de Mme X. laquelle en tout état de cause ne vise que le paiement des loyers et de ses accessoires et pas celui des indemnités d'occupation ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'ordonnance entreprise sera infirmée sur ces deux points ;

Considérant que Mme X. sollicite le paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ; que toutefois faute de démontrer la mauvaise foi ou l'intention de nuire de M. Y. et du préjudice certain invoqué, la demande sera rejetée ;

Considérant qu'eu égard aux sommes dues par Mme X., les dépens seront mis à sa charge ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a condamné solidairement Mme X. à payer avec M. Z. la somme de 8.616,01 euros et en ce qu'elle a condamné in solidum Mme X. à payer avec M. Z. les indemnités d'occupation à compter du 1er janvier 2012.

L'INFIRME sur ces deux chefs.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE SOLIDAIREMENT Mme X. avec M. Z. à payer à M. Y. une provision de 8 400 euros correspondant aux loyers et charges impayés à fin novembre 2011.

DÉBOUTE M. Y. de sa demande en paiement des indemnités d'occupation postérieures au 27 décembre 2011 à l'égard de Mme X.

DÉBOUTE Mme X. de sa demande de dommages et intérêts.

DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Mme X. aux dépens.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,