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CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 28 avril 2008

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 28 avril 2008
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 07/03254
Décision : 08/225
Date : 28/04/2008
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 225
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5273

CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 28 avril 2008 : RG n° 07/03254 ; arrêt n° 225

Publication : Legifrance

 

Extrait (jugement) : « Pour ce faire, le tribunal a considéré que la SCI GASCOGNE, propriétaire des lots, avait bien été régulièrement convoquée en son nom, […], que le lot n° 65, classé parmi les parties privatives par le règlement de copropriété et le descriptif de division et pourvu de l’attribution de millièmes de parties communes, constituait une partie privative et non une partie commune à jouissance exclusive, que le droit qu’il conférait était de nature réelle indissociable du lot privatif auquel il est rattaché, que Mme A. était donc libre d’en jouir à sa convenance sous réserve de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble, atteinte que ne caractérise pas le projet de l’intéressée dès lors qu’il préserve un espace vert, que les engagements de son auteur ne sauraient limiter au-delà la liberté d’usage sauf à considérer comme abusive toute clause contraire, […]. »

Extrait (motifs de l’arrêt) : « Attendu qu’aucun élément autre ne vient militer en faveur de la reconnaissance au titulaire de ce lot d’un droit qui serait différent de celui exprimé, ni surtout plus ample tel le droit de propriété privative, ni le fait qu’il soit constitué à lui seul en un lot de copropriété dans le descriptif de division, ni le fait dont il ne résulte aucune incompatibilité que lui soient associés des millièmes de parties communes générales, ni même la circonstance que l’entretien en incombe à son titulaire ; Attendu par conséquent que ce qui est privatif, c’est uniquement le droit d’usage exclusif, et non pas l’espace vert lui-même ; Attendu que ce droit étant d’essence purement contractuelle, les prérogatives qui lui sont associées sont celles convenues, définies par l’acte qui l’a constitué, en l’occurrence le règlement de copropriété, et non celles qui sont attachées au droit de propriété privative dans la copropriété comme l’a fait le premier juge et qui conduisait assurément à reconnaître au copropriétaire le droit de modifier l’affectation dès lors qu’elle est conforme à la destination de l’immeuble et ne compromet pas les droits des autres copropriétaires ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 28 AVRIL 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/03254. Arrêt n° 225. Décision déférée du 6 avril 2007 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - R.G. n° 06/186.

 

APPELANT :

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES COPROPRIETE Y.

agissant en la personne de son syndic le CABINET FBS [adresse], représentée par la SCP NIDECKER PRIEU- PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour, assistée de la SCP AZAM- SIREYJOL, avocats au barreau de TOULOUSE

 

INTIMÉE :

Madame Z. épouse A.

[adresse], représentée par la SCP DESSART- SOREL- DESSART, avoués à la Cour, assistée de Maître Marie Claude C., avocat au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 25 février 2008 en audience publique, devant la Cour composée de : A. MILHET, président, O. COLENO, conseiller, C. FOURNIEL, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : E. KAIM- MARTIN

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM- MARTIN, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant acte notarié du 21 septembre 2004, Mme A. a acquis divers lots dans la copropriété des [Y.] à [ville T.] à usage de parkings, garages et espace vert, parmi lesquels le lot n° 65 défini comme le droit d’usage exclusif de l’espace vert.

Mme A. ayant entrepris d’aménager 14 places de parkings sur une partie du lot n° 65, le syndicat des copropriétaires a obtenu en référé le 29 mars 2005 une décision d’arrêt des travaux.

Par acte d’huissier du 6 janvier 2006, Mme A. a assigné le syndicat des copropriétaires de la copropriété Y. devant le tribunal de grande instance de Toulouse en annulation de l’assemblée générale des copropriétaires du 11 octobre 2005 qui lui a refusé l’autorisation d’aménagement.

Par le jugement déféré du 6 avril 2007, le tribunal a rejeté la demande d’annulation de l’assemblée générale pour vices de forme ainsi que d’une résolution n° 11, jugé que le lot n° 65 est un lot privatif, que les travaux souhaités par Mme A. ne sont pas contraires à la destination ni de son lot ni de l’immeuble, annulé les résolutions n° 12, 13 et 14 de l’assemblée générale, autorisé Mme A. au visa de l’article 30 de la loi n° 65- 557 du 10 juillet 1965 à réaliser les travaux d’aménagement de l’espace vert et la création de 14 lots de parkings correspondant à 8 millièmes par emplacement et renvoyé les parties à établir un descriptif précis des travaux et des conditions de dates et délais de l’intervention des entreprises.

Pour ce faire, le tribunal a considéré que la SCI GASCOGNE, propriétaire des lots, avait bien été régulièrement convoquée en son nom, que l’omission de la désignation de Mme A. en qualité de membre du conseil syndical était purement matérielle et avait été rectifiée, que le lot n° 65, classé parmi les parties privatives par le règlement de copropriété et le descriptif de division et pourvu de l’attribution de millièmes de parties communes, constituait une partie privative et non une partie commune à jouissance exclusive, que le droit qu’il conférait était de nature réelle indissociable du lot privatif auquel il est rattaché, que Mme A. était donc libre d’en jouir à sa convenance sous réserve de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble, atteinte que ne caractérise pas le projet de l’intéressée dès lors qu’il préserve un espace vert, que les engagements de son auteur ne sauraient limiter au-delà la liberté d’usage sauf à considérer comme abusive toute clause contraire, qu’en refusant l’autorisation l’assemblée générale a contrevenu à l’article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 garantissant à chaque copropriétaire un libre droit sur sa partie privative, que la délibération n° 11 décidant de poursuivre en justice Mme A. ne pouvait être considérée comme abusive dès lors qu’elle avait entrepris des travaux importants sans solliciter d’autorisation au préalable, enfin qu’elle ne pouvait faire un grief du défaut de vote sur les résolutions dont elle avait demandé l’ajout à l’ordre du jour dès lors qu’il ne s’agissait pas de demandes susceptibles de faire l’objet de décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 13 février 2008, le syndicat des copropriétaires, régulièrement appelant, conclut à l’infirmation de cette décision et demande à la Cour de juger que les travaux envisagés portent atteinte à la destination de l’immeuble, de rejeter en conséquence les demandes en annulation et de condamner Mme A. sous astreinte à remettre en état le lot n° 65 ainsi qu’au paiement de la somme de 7.000 € à titre de dommages et intérêts.

Il soutient que le lot n° 65 est une partie commune à usage exclusif qui, grevé d’un droit de passage et d’une obligation d’entretien pour un usage collectif, bénéficie à l’ensemble des copropriétaires, que les travaux projetés contreviennent à la destination de l’immeuble qui inclut celle d’espace vert et comporte le maintien en l’état de ce lot, qu’ils amoindrissent en outre la servitude de passage qui bénéficie aux usagers des parkings et garages et augmentent le trafic automobile et avec lui le risque d’accident et l’usure des parties communes outre l’atteinte à la fluidité du trafic, que Mme A. a acquis le lot litigieux comme accessoire d’un autre local dont le précédent titulaire avait contracté l’engagement d’entretenir l’espace vert, que les parkings créés ne sont pas utiles à la copropriété mais sont loués à des personnes extérieures, que le défaut d’entretien de l’espace vert dont elle prétend se prévaloir caractérise un manquement de sa part à ses obligations. Le syndicat des copropriétaires fait valoir que les travaux sont la source d’un préjudice d’agrément par la suppression de verdure et du passage piétonnier, d’une surcharge d’entretien de la servitude de passage et de ses équipements auquel le lot n° 65 ne contribue pas.

Aux termes de ses dernières conclusions du 7 février 2008, Mme A. conclut à la confirmation du jugement dont appel et demande à la Cour de constater le caractère abusif des procédures diligentées par le syndicat des copropriétaires et de le condamner au paiement de la somme de 2.462,32 € au titre des travaux de remise en état et celle de 840 € par mois à compter du mois d’octobre 2005 en réparation de son manque à gagner.

Elle conteste que son lot soit grevé d’une servitude de passage, soutient que l’intérêt collectif qu’il présente n’affecte pas sa nature privative pas plus que l’obligation d’entretien qui y est associée, que le règlement de copropriété n’en a pas fait une partie commune au contraire de celui de la copropriété du [n°], que les travaux qu’elle projette constituent une amélioration indiscutable pour la copropriété et pallient la transformation antérieure de 12 lots à usage de garage en réserves ou bureaux, que le règlement de copropriété n’impose pas le maintien de la configuration exacte de l’espace vert, que la décision critiquée n’est inspirée que par la dictature de trois familles qui possèdent la majorité et sont animées de l’intention de lui nuire, qu’elle a pris l’initiative de proposer de contribuer aux charges d’entretien de la servitude de passage, que l’appel exercé n’a fait l’objet d’aucune consultation des copropriétaires.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que le syndic, d’autant plus en situation de défendeur, n’est pas tenu de solliciter une autorisation de l’assemblée générale pour interjeter appel ;

Attendu que selon l’état descriptif de division, le lot n° 65 en litige est « le droit d’user et de jouir à titre exclusif d’un espace vert comportant des WC, d’une superficie délimitée (suit la description détaillée des limites) d’une surface approximative de 458 m² et les 126 millièmes des parties communes générales et des droits qui leur sont associés » ;

Attendu que la notion de droit d’usage exclusif se distingue de celle de propriété privative ;

que le règlement de copropriété fait cette distinction dans son article 12 concernant l’usage des parties privatives, entre les « parties privatives ou à usage exclusif comprises dans son lot », tandis qu’en son article 3 il précise que « les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque propriétaire » ;

Attendu qu’il ne peut par principe exister un tel droit que sur une partie commune, la propriété privative impliquant nécessairement ce droit parmi ceux qu’elle confère ;

que le règlement de copropriété dont les articles 3 à 8 sont consacrés à la définition des unes et des autres ne mentionne pas spécifiquement l’espace vert ;

que les cours et jardins sont réputées parties communes par la loi ;

Attendu qu’aucun élément autre ne vient militer en faveur de la reconnaissance au titulaire de ce lot d’un droit qui serait différent de celui exprimé, ni surtout plus ample tel le droit de propriété privative, ni le fait qu’il soit constitué à lui seul en un lot de copropriété dans le descriptif de division, ni le fait dont il ne résulte aucune incompatibilité que lui soient associés des millièmes de parties communes générales, ni même la circonstance que l’entretien en incombe à son titulaire ;

Attendu par conséquent que ce qui est privatif, c’est uniquement le droit d’usage exclusif, et non pas l’espace vert lui-même ;

Attendu que ce droit étant d’essence purement contractuelle, les prérogatives qui lui sont associées sont celles convenues, définies par l’acte qui l’a constitué, en l’occurrence le règlement de copropriété, et non celles qui sont attachées au droit de propriété privative dans la copropriété comme l’a fait le premier juge et qui conduisait assurément à reconnaître au copropriétaire le droit de modifier l’affectation dès lors qu’elle est conforme à la destination de l’immeuble et ne compromet pas les droits des autres copropriétaires ;

Attendu qu’après avoir énoncé que « chacun des copropriétaires aura le droit de jouir et d’user comme bon lui semblera des parties privatives ou à usage exclusif comprises dans son lot, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires, le tout conformément à la destination de l’immeuble », le règlement de copropriété en son article 12 impose certaines restrictions au libre usage des parties privatives et précise que « l’espace vert devra être entretenu à l’état de jardin d’agrément par le titulaire dudit lot. Notamment, il sera tenu à l’élagage des arbres ou à leur remplacement » ;

Attendu qu’ainsi défini, le droit litigieux s’appliquant à un espace dont les limites sont par ailleurs précisément définies ne comporte pas la possibilité, sans autorisation préalable de l’assemblée générale, d’en transformer une fraction substantielle, d’au moins le tiers, en emplacements de stationnement pour véhicules automobiles et élargissement d’une voie d’accès ;

Attendu par conséquent que les délibérations qui refusaient au titulaire de ce lot l’autorisation de transformation n’ont contrevenu à aucune disposition légale ou conventionnelle ;

Attendu que Mme A. n’est pas fondée à prétendre faire grief au syndicat des copropriétaires d’un caractère abusif de son comportement alors que sa position ne tend qu’au respect du règlement de copropriété et que l’intérêt de la modification convoitée, pour la copropriété, n’est pas démontré, le défaut d’entretien constaté de l’espace vert ne mettant en cause que le respect, par son titulaire, de ses propres obligations, et aucun élément ne démontrant l’existence d’un manque en places de stationnement ;

Attendu que Mme A. ne démontre pas l’intention de nuire qu’elle impute au syndicat des copropriétaires et certains copropriétaires majoritaires ;

Attendu que la nullité des délibérations refusant les autorisations sollicitées n’est pas utilement demandée, que la réformation du jugement est à bon droit poursuivie ;

que les demandes de dommages et intérêts formées par Mme A. sont par conséquent privées de fondement ;

Attendu que la remise en état sollicitée sera donc ordonnée, mais moyennant un délai suffisant pour permettre la replantation des végétaux à un moment de l’année qui y soit propice ;

Attendu que le syndicat des copropriétaires ne fait pas la preuve qui lui incombe du préjudice qu’il prétend avoir subi du fait des travaux engagés sans autorisation, interrompus en référé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme la décision déférée, mais seulement en ce qu’elle a jugé que le lot n° 65 est une propriété privative, que les travaux souhaités par Madame A. ne sont pas contraires à la destination de son lot ni de l’immeuble, annulé les résolutions n° 12, 13 et 14 de l’assemblée générale du 11 octobre 2005, autorisé Madame A. à réaliser sur le lot n° 65 les travaux d’aménagement de l’espace vert et la création de 14 lots de parkings correspondant à 8/1000èmes par emplacement, et renvoyé les parties à établir un descriptif précis des travaux et des conditions de date et délai de l’intervention des entreprises, et, statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Juge que le droit d’usage exclusif de l’espace vert résultant du lot n° 65 de la copropriété des [Y.] à Toulouse ne comporte pas aux termes du règlement de copropriété la possibilité pour son titulaire, sans autorisation préalable de l’assemblée générale, d’en transformer une fraction en emplacements de stationnement pour véhicules automobile et élargissement d’une voie d’accès,

En conséquence, déclare Mme A. mal fondée en sa demande en annulation des résolutions n° 12, 13 et 14 de l’assemblée générale du 11 octobre 2005 et l’en déboute,

La déboute de ses demandes de dommages et intérêts,

La condamne à remettre l’espace vert en état de jardin d’agrément conformément aux stipulations de l’article 12 du règlement de copropriété, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision,

Confirme le jugement pour le surplus, sauf les dépens,

Y ajoutant,

Déboute le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande formée par Mme A.,

Condamne Mme A. à payer au syndicat des copropriétaires des [Y.] à Toulouse la somme de 2.500 €,

Condamne Mme A. aux entiers dépens de l’instance, en ce compris ceux exposés tant en premier ressort qu’en appel, et reconnaît pour ceux d’appel, à la SCP NIDECKER- PRIEU PHILIPPOT- JEUSSET, avoué qui en a fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT