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CA VERSAILLES (1re ch. 1re sect.), 26 février 2004

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (1re ch. 1re sect.), 26 février 2004
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 2003-01403
Date : 26/02/2004
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Legifrance
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5285

CA VERSAILLES (1re ch. 1re sect.), 26 février 2004 : RG n° 2003-01403

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que l’article 44 du traité prévoit qu’en raison de la situation économique pouvant se présenter au cours de l’exploitation, il est convenu que le tarif journalier des perceptions autorisées et la redevance déterminée à l’article 48 ou l’indemnité pour les frais d’évacuation des ordures prévue à l’article 49 seront révisés dans la même proportion chaque fois que les charges d’exploitation feront apparaître une modification de 5 % par rapport à l’époque de la révision précédente sans toutefois descendre au-dessous des tarifs fixés initialement à l’article 35,

Considérant que la commune ne conteste pas ne pas avoir appliqué cette clause, qu’elle estime pouvoir ne pas le faire à raison des manquements des appelants à leurs obligations, qu’elle fait valoir que cette clause n’a aucun caractère d’automaticité, que les appelants ne justifient pas d’une variation dans les charges permettant la mise en œuvre de la clause, que leur calcul n’est pas justifié, que la clause a un caractère abusif ;

Considérant qu’il ne résulte pas du traité que l’application de la clause de variation prévue à l’article 44 soit soumise à une autre condition que celle de la justification d’une augmentation des charges d’au moins 5 %, qu’elle n’a pas un caractère automatique dès lors qu’elle est soumise à la réalisation de cette condition ; Que pour autant elle n’a pour seule vocation que de préserver l’équilibre financier du contrat ; Qu’il s’ensuit que la commune ne peut justifier son refus de l’appliquer par les manquements des concessionnaires à leurs obligations lesquels trouvent leur sanction naturelle dans la résiliation anticipée du contrat aux torts des concessionnaires privés du manque à gagner qu’ils pouvaient tirer de l’exploitation jusqu’à l’expiration de son terme du traité ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 03/01403. NAC 96Z. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 janvier 2003 par le Tribunal de Grande Instance PONTOISE 1re Chambre : R.G. n° 01/6883.

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[adresse], représenté par la SCP GAS, avoué, assisté de Maître Michel DISTEL, avocat au barreau de PARIS

Madame X.

[adresse], représentée par la SCP GAS, avoué, assistée de Maître Michel DISTEL, avocat au barreau de Paris

Monsieur B. X.

[adresse], représenté par la SCP GAS, avoué, assisté de Maître Michel DISTEL, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

COMMUNE DE CORMEILLES EN PARISIS

Sis [adresse], représenté par son maire, représentée par la SCP KEIME & GUTTIN assistée de Maître Sophie MERCIER du Cabinet Michel GENTILHOMME, avocat au barreau de PONTOISE

 

Composition de la Cour : L’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 janvier 2004 devant la cour composée de : Madame Francine BARDY, Président, Madame Lysiane LIAUZUN, Conseiller, Madame Françoise SIMONNOT, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie Y.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La Ville de Cormeilles En Parisis a concédé par un contrat en date du 30 juin 1967 l’exploitation des marchés communaux d’approvisionnement à messieurs Z. et B. X. et F. G. Cette convention consentie pour une durée initiale de 30 ans commençant à courir à compter de l’approbation préfectorale intervenue le 30 janvier 1968 a été renouvelée par tacite reconduction pour des périodes de 5 ans, aux termes d’avenants régularisés en 1972 et 1988 en contrepartie des investissements consentis par les concessionnaires aux lieu et place de la commune. Le contrat a été transmis conformément aux articles 41 et 42 aux héritiers des signataires du contrat initial. La commune a adressé au concessionnaire une mise en demeure de respecter ses obligations d’entretien et, sans réponse positive de ce dernier, a décidé dans sa délibération du conseil municipal du 25 octobre 2000 de résilier unilatéralement le contrat. Les consorts X., cessionnaires, ont fait assigner la commune de Cormeilles En Parisis aux fins de demander l’indemnisation du préjudice financier résultant de la résiliation anticipée du contrat et l’application de la clause de variation des prix non respectée par la commune. Par le jugement déféré prononcé le 28 janvier 2003, le tribunal de grande instance de Pontoise a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la commune au profit du juge administratif, débouté les demandeurs, a débouté la commune de sa demande reconventionnelle en paiement d’une indemnité réparatrice du préjudice résultant des manquements du concessionnaire, et a condamné les demandeurs à payer à la commune la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Appelants, les consorts X. concluent aux termes de leurs dernières écritures en date du 17 novembre 2003 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à l’infirmation du jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes, et prient la cour, statuant à nouveau de condamner la commune à leur verser la somme de 400.000 € à parfaire à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal et capitalisation, et le somme de 10.000 en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Intimée, la commune de Cormeilles En Parisis conclut aux termes de ses dernières écritures en date du 19 novembre 2003 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté son exception d’incompétence et prie la cour de l’y déclarer recevable et fondée et renvoyer devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur question préjudicielle l’examen de la décision de ne pas appliquer la clause de révision et celle de résilier, subsidiairement de confirmer le jugement qui a débouté les appelants mais la recevoir en son appel incident et condamner les appelants à réparer son préjudice à hauteur de la somme de 182.938,82 € et à leur verser une indemnité de 10.000 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile et payer les dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

I - Sur l’exception d’incompétence :

Considérant que la commune sollicite le renvoi sur question préjudicielle de l’examen de la décision de résilier le contrat et celle de ne pas appliquer la clause de variation contenue dans le contrat ;

Considérant, contrairement à ce qu’affirment les appelants, que la commune a formulé son exception dans les mêmes termes devant les premiers juges en invoquant la nécessité d’un renvoi sur question préjudicielle ;

Considérant que la commune fait valoir qu’entre la demande présentée par les consorts X. de faire application de la clause contractuelle et sa position, il y a une décision administrative dont le juge judiciaire ne peut apprécier la légalité, que de même la décision de résiliation se situe hors du champ d’application du contrat ou de son exécution, que là encore le juge judiciaire ne peut apprécier sa légalité ;

Considérant cependant que les demandes des consorts X. ne tendent pas à remettre en cause la légalité des décisions de la commune dont ils disent prendre acte qu’elle avait le droit de résilier le traité et celui de ne pas appliquer la clause contractuelle, mais à obtenir la réparation pécuniaire des préjudices résultant pour eux de la résiliation anticipée du contrat et de la non application de la clause de variation des prix, que le litige entre bien dans les prévisions de l’article 136 du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et applicables aux droits de places perçus dans les halles et marchés qui attribue spécialement compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur toutes les contestations s’élevant entre les parties au traité sauf renvoi préjudiciel à la juridiction administrative sur le sens des clauses, lequel n’est ici pas en cause ;

Considérant que c’est à bon droit que le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence,

 

II - Sur la résiliation du traité :

Considérant que les appelants soutiennent que le tribunal a dénaturé les stipulations de la convention relatives aux obligations respectives des parties en matière d’entretien et de réparations de l’ouvrage concédé, arguant du caractère sommaire des installations à l’origine, des obligations de la commune pour tout ce qui excède l’entretien et constitue soit un renouvellement des ouvrages existants soit la réalisation d’ouvrages nouveaux, des travaux d’entretien qu’ils ont diligemment effectués à hauteur de 344.420,77 francs (52.506,61 Euros) ce dont ils justifient, ajoutent que la commune ne justifie nullement des manquements allégués, en restant taisant sur ses propres défaillances ;

Considérant qu’aux termes de l’article 50 du traité les concessionnaires doivent maintenir en bon état d’entretien les installations du marché y compris les infrastructures, la toiture et le sol, à l’exclusion des grosses réparations ;

Considérant que dès le 18 juillet 1991 la commune avisait les concessionnaires des plaintes reçues des commerçants qui prenaient prétexte du mauvais état du marché pour refuser l’application de la formule de révision des redevances, que le 15 avril 1992, la commune informait les concessionnaires de trois problèmes relatifs à la mise hors d’eau du marché, la peinture des poteaux et la nuisance des chats (admettant que les concessionnaires n’étaient pas en cause) ; Que le 30 novembre 1992, le maire écrivait encore suite aux péripéties consécutives à la dernière hausse des tarifs et aux termes de mon courrier du 21 avril 1992, je tiens à vous rappeler la nécessité pour pouvoir faire accepter une hausse conséquente de 10 % des droits de place par les utilisateurs du marché à compter du 1er janvier 1993 d’exécuter les travaux d’entretien indispensables prévus aux articles 5, 6, et 7 du marché de gré à gré, en effet l’état des toitures et poteaux particulièrement s’est beaucoup dégradé depuis 1967 et il ne paraît indispensable que ces équipements soient remis à niveau pour les quinze années restant à courir ; Que par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 juillet 1997, le maire a rappelé les termes de sa correspondance du 30 novembre 1992 et mis les concessionnaires en demeure de réaliser les travaux d’entretien dans les deux mois, dont la mise aux normes des installations électriques, remplacement des panneaux de couverture cassés, des chéneaux et gouttières percés et rouillés et des descentes d’eaux pluviales défectueuses, peinture des portiques, des toilettes et de la charpente, mise en demeure réitérée le 7 septembre 1998, 24 juin et 25 août 1999, Que par courrier recommandé en date du 7 février 2000, le maire indiquait que pour la couverture, une dalle de type ondulair était toujours manquante au-dessus de l’allée des usagers, qu’au sol un regard de descente d’eau pluviale n’était pas couvert ; Que le 23 mai 2000, il était réclamé que soit ressoudé le gond en tête de vantail sur une porte, de nettoyer les chenaux, d’effectuer un nettoyage général en fin de marché ;

Considérant qu’abstraction faite des travaux de mise aux normes dont la charge peut être discutée au regard des clauses du traité, il demeure que l’essentiel des réclamations de la commune portait sur l’exécution de travaux d’entretien relevant bien des obligations du concessionnaire ;

Considérant que pour preuve du respect de leurs obligations, les appelants produisent aux débats des factures de travaux, lesquelles concernent des prestations bien antérieures à la période en cause et pour des interventions de dépannage ; Qu’il suffit de se reporter aux constatations de l’expert A. pour se convaincre du mauvais état d’entretien des installations, et de la réalité et du sérieux des manquements des concessionnaires à leurs obligations ; Considérant que, contrairement à ce qu’affirment les appelants, ils ont reçu des mises en demeure suffisamment comminatoires pour prévenir les conséquences de leurs manquements et que force est de constater qu’ils n’ont pas crû devoir y déférer ;

Considérant que c’est vainement que les appelants arguent des propres manquements de la ville, n’apportant pas d’ailleurs la preuve qu’ils ont attiré son attention sur la situation des installations au regard de la nécessité de mise aux normes notamment ;

Considérant que la décision de résilier la concession étant fondée sur des manquements réels et sérieux des appelants dans l’exécution de leurs obligations contractuelles, les appelants doivent être déboutés de leurs demandes tendant à obtenir l’indemnisation de leur préjudice résultant de la résiliation anticipée et le manque à gagner qui ne trouve sa source que dans leur propre comportement fautif, le jugement étant confirmé de ce chef ;

 

III - Sur l’application de la clause de variation :

Considérant que l’article 44 du traité prévoit qu’en raison de la situation économique pouvant se présenter au cours de l’exploitation, il est convenu que le tarif journalier des perceptions autorisées et la redevance déterminée à l’article 48 ou l’indemnité pour les frais d’évacuation des ordures prévue à l’article 49 seront révisés dans la même proportion chaque fois que les charges d’exploitation feront apparaître une modification de 5 % par rapport à l’époque de la révision précédente sans toutefois descendre au-dessous des tarifs fixés initialement à l’article 35,

Considérant que la commune ne conteste pas ne pas avoir appliqué cette clause, qu’elle estime pouvoir ne pas le faire à raison des manquements des appelants à leurs obligations, qu’elle fait valoir que cette clause n’a aucun caractère d’automaticité, que les appelants ne justifient pas d’une variation dans les charges permettant la mise en œuvre de la clause, que leur calcul n’est pas justifié, que la clause a un caractère abusif ;

Considérant qu’il ne résulte pas du traité que l’application de la clause de variation prévue à l’article 44 soit soumise à une autre condition que celle de la justification d’une augmentation des charges d’au moins 5 %, qu’elle n’a pas un caractère automatique dès lors qu’elle est soumise à la réalisation de cette condition ; Que pour autant elle n’a pour seule vocation que de préserver l’équilibre financier du contrat ; Qu’il s’ensuit que la commune ne peut justifier son refus de l’appliquer par les manquements des concessionnaires à leurs obligations lesquels trouvent leur sanction naturelle dans la résiliation anticipée du contrat aux torts des concessionnaires privés du manque à gagner qu’ils pouvaient tirer de l’exploitation jusqu’à l’expiration de son terme du traité ;

Considérant que les concessionnaires sont donc fondés à prétendre obtenir la réparation de la perte subie à raison de la non application de cette clause de variation, sous réserve que la condition à son application soit remplie, que la demande étant justifiée dans son principe, il est nécessaire de recourir à une mesure d’expertise afin de vérifier si les conditions de son application sont réunies et dans quelles proportions, le jugement étant réformé de ce chef ;

 

IV - Sur la demande reconventionnelle de la commune :

Considérant que la commune sollicite la réparation du préjudice subi à raison du défaut d’entretien, qu’elle doit être déboutée de cette demande faute de justifier des dépenses exposées pour pallier la défaillance de son concessionnaire dans l’exécution de son obligation d’entretien ou de tous autres préjudices en relation direct avec ces manquements, le jugement étant confirmé de ce chef ;

 

V - Sur les demandes accessoires :

Considérant que le sort réservé aux prétentions respectives des parties ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, au profit de l’une ou l’autre des parties ;

Considérant que les dépens seront mis par moitié à charge des parties qui succombent chacune pour partie dans leurs prétentions ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Reçoit les appels,

Confirme le jugement sauf du chef des dispositions déboutant des demandes relatives à l’application de la clause de variation et allouant une indemnité de 1.500 € à la commune au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Réformant de ces chefs,

Dit que la commune ne peut refuser l’application de la clause de variation aux motifs des manquements du concessionnaire à ses obligations,

Avant dire droit :

Ordonne une mesure d’expertise,

Commet monsieur A., expert, domicile professionnel [adresse] avec mission :

- de se faire communiquer les documents utiles à sa mission,

- entendre les parties,

- fournir les éléments de nature à déterminer si les conditions d’application de la clause de variation étaient réunies et le manque à gagner résultant pour les concessionnaires de la non application de la clause,

- fournir les éléments utiles à la solution du litige.

Dit que l’expertise fonctionnera aux frais avancés par les consorts X. qui devront consigner au greffe du service des expertises de la cour la somme de 1.500 € dans les deux mois du présent arrêt à peine de caducité.

Impartit à l’expert un délai de quatre mois à compter de sa saisine pour déposer son rapport.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Fait masse des dépens d’appel lesquels seront supportés par moitié par les parties, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Arrêt prononcé par Madame Francine BARDY, Président, et signé par Madame Francine BARDY, Président et par Madame Sylvie Y., Greffier présent lors du prononcé

Le GREFFIER,                                Le PRÉSIDENT,