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CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 25 septembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 25 septembre 2015
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 2e ch. civ. sect. A
Demande : 13/05077
Décision : 558/2015
Date : 25/09/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/10/2013
Numéro de la décision : 558
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5323

CA COLMAR (2e ch. civ. sect. A), 25 septembre 2015 : RG n° 13/05077 ; arrêt n° 558/2015

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « D'autre part, rien n'indique qu'en sa qualité de professionnelle de la construction, la société OZCAN ait été abusée par les clauses du marché signées en novembre 2003. En outre, le fait que le document marché CCTG ne comporte aucun prix unitaire d'ouvrage, et aucune quantité selon l'expert ne saurait être qualifié d'abusif, s'agissant d'un marché à forfait, conformément à l'article B.3.1 du CCAP. »

2/ « Il convient sur ce point d'adopter les motifs pertinents du premier juge écartant en l'espèce les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ».

N.B. Rappr. extrait de l’argumentation des parties : « elle reprend par ailleurs à son compte la motivation du jugement déféré selon laquelle les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce n'étaient pas applicables au contrat de louage d'ouvrage conclu entre les parties ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2 A 13/05077. Arrêt n° 558/2015. Décision déférée à la Cour : jugement du 25 juillet 2013 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR.

 

APPELANTE et demanderesse :

La Sarl OZCAN

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître SPIESER, avocat à COLMAR

 

INTIMÉE et défenderesse :

La SCI LES VILLAS DE LA LAUCH

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître LITOU-WOLFF, avocat à COLMAR

 

INTIMÉ SUR APPEL PROVOQUÉ et défendeur :

Monsieur X.

demeurant [adresse], représenté par la SCP CAHN & ASSOCIES, avocats à COLMAR

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Adrien LEIBER, Président, Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller, Madame Pascale BLIND, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie NEFF

ARRÊT : Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller, faisant fonction de Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Madame Pascale BLIND, Conseiller en son rapport,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SCI les VILLAS DE LA LAUCH de la Lauch est maître d'ouvrage d'une opération de construction immobilière à [ville].

La maîtrise d'œuvre de l'opération a été confiée à la SARL TRAMEX chargée d'établir les plans d'exécution, l'appel d'offres, l'établissement du budget travaux par corps d'état, l'établissement des marchés, la direction et la réception des travaux tandis que le bureau d'études X. est vu confier une mission de maîtrise d’œuvre partielle OPC comprenant la coordination et le suivi des travaux, selon contrat du 20 août 2003.

Le lot gros œuvre a été confié à la SARL OZCAN qui a été chargée de réaliser la construction de 13 maisons individuelles pour un montant de 497.266,90 euros.

Les travaux ont démarré en juillet 2003 et le marché liant les parties a été signé le 25 novembre 2003.

Le 13 septembre 2004, alors que la SARL OZCAN a édifié huit pavillons, la SCI les VILLAS DE LA LAUCH lui signifie qu'en raison de sa défaillance, le marché est dénoncé par le maître d'ouvrage.

Le 6 octobre 2004, la SCI, ayant appris la décision de la SARL OZCAN de reprendre les travaux, lui a demandé de justifier sans délai d'une extension de garantie au titre d'un travail en fondations spéciales sous peine de faire intervenir une tierce entreprise en ses lieux et place.

Il est constant que la SARL OZCAN n'a plus repris les travaux après cette date.

Par acte d'huissier en date du 28 mai 2005 la SARL OZCAN a saisi le tribunal de grande instance de Colmar d'une demande tendant principalement à voir prononcer la nullité de la résiliation unilatérale intervenue et de condamner solidairement la SCI, la SARL TRAMEX ainsi que X., appelé en intervention forcée, à réparer le préjudice subi.

Elle faisait valoir notamment que le document intitulé « lot n°2 gros œuvre » qui concerne notamment les délais de paiement ne lui était pas opposable puisque les défenderesses ne l'ont pas signé, qu'elle était en droit d'interrompre momentanément le chantier dès lors que les factures qu'elle avait émises sont restées impayées, que les défenderesses ont intentionnellement tardé à effectuer les réceptions des travaux et l'ont empêchée d'exécuter le contrat d'entreprise en lui interdisant l'accès au chantier tout en faisant intervenir une autre société, qu'elle avait produit tous les documents d'assurance nécessaires pour que le marché lui soit confié, que la résiliation qui aurait par ailleurs dû être prononcée en justice, est ainsi nulle et abusive.

Le juge de la mise en état a ordonné une expertise par ordonnance du 31 décembre 2010 qu'il a confié à Monsieur Marion.

L'expert a déposé son rapport le 2 juillet 2012.

La demanderesse, au vu de ce rapport d'expertise qui relève les conditions léonines du marché imposées à la SARL OZCAN, a invoqué en outre un vice du consentement et des pratiques commerciales abusives.

La SCI les VILLAS DE LA LAUCH et la société TRAMEX ont conclu à l'irrecevabilité de la demande ainsi qu'au débouté et ont appelé en garantie Monsieur X.

Monsieur X. a conclu au rejet des demandes dirigées à son encontre et subsidiairement, a appelé en garantie la SCI les VILLAS DE LA LAUCH et la société TRAMEX.

 

Par jugement du 25 juillet 2013, le tribunal de grande instance de Colmar a :

- constaté la prescription de l'action fondée sur les vices du consentement,

- débouté la société OZCAN de sa demande de dommages-intérêts pour pratiques commerciales abusives, défaut de trésorerie, paiement avec retard,

- débouté la société OZCAN de sa demande de dommages et intérêts pour résiliation abusive à l'encontre de la société TRAMEX et de Monsieur X.,

- prononcé la résiliation du contrat d'entreprise aux torts partagés de la SCI les VILLAS DE LA LAUCH et de la société OZCAN,

- condamné la SCI les VILLAS DE LA LAUCH à payer à la société OZCAN la somme de 7500 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, à titre de dommages et intérêts,

- débouté la SCI les VILLAS DE LA LAUCH de sa demande de dommages intérêts,

- condamné la SCI les VILLAS DE LA LAUCH à payer à la société OZCAN la somme de 23 189,36 euros outre intérêts à compter de l'assignation, au titre des travaux impayés,

- débouté la société OZCAN de sa demande concernant les travaux de la société FINGELWALD repris par elle,

- débouté la société OZCAN de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- débouté la SCI les VILLAS DE LA LAUCH de son appel en garantie à l'encontre de Monsieur X.,

- débouté la SCI les VILLAS DE LA LAUCH, la société TRAMEX, la société OZCAN de leur demande respective formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI les VILLAS DE LA LAUCH à payer à Monsieur X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI VILLAS DE LA LAUCH la société OZCAN aux dépens, y compris les frais d'expertise dans la proportion de 70 % pour la SCI et de 30 % pour la société OZCAN,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement

 

La SARL OZCAN a interjeté appel de ce jugement le 21 octobre 2013.

Aux termes de ses dernières conclusions du 16 mai 2014, elle demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement déféré, de condamner la SCI les VILLAS DE LA LAUCH à lui verser la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour pratiques commerciales abusives sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, vice du consentement, défaut d'avance de trésorerie, paiement avec retard ainsi que la somme de 72.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résiliation nulle et abusive et 44.156 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 11 août 2005 ; elle conclut à la confirmation du jugement déféré pour le surplus et sollicite que la SCI les VILLAS DE LA LAUCH supporte l'intégralité des dépens, y compris les frais d'expertise et lui verse la somme de 30.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante se réfère essentiellement aux conclusions de l'expert judiciaire pour affirmer que les clauses contractuelles lui ont été imposées par le maître de l'ouvrage et le maître d’œuvre, qu'il existe un déséquilibre manifeste dans les obligations réciproques, que l'étendue de ses obligations est mal définie, que le marché ne comporte aucun prix unitaire d'ouvrage, aucune description correcte ni aucune quantité, que la direction du chantier a abusé des appellations erronées suivant son intérêt.

Elle fait valoir que le contrat n'a été signé que plusieurs mois après le début des travaux de sorte qu'elle n'a pu facturer ses prestations que tardivement et a subi un déficit de trésorerie.

Elle soutient qu'elle était en droit d'interrompre momentanément le chantier dès lors que les délais de paiement que les défenderesses avaient unilatéralement fixé à 60 jours n'étaient pas respectés et relève que l'intimée n'a pas donné suite à sa demande de réception des travaux en date du 24 septembre 2004, dans le seul but de retarder le paiement de ses factures.

Elle affirme que l'exigence par la SCI les VILLAS DE LA LAUCH d'une assurance complémentaire n'est intervenue que le 6 octobre 2004 en réaction à l'attitude de la SARL qui entendait poursuivre les travaux et réclamait son dû. Elle affirme qu'elle disposait de toutes les assurances requises au moment de la souscription du contrat et soutient que la résiliation ne pouvait être que judiciaire au regard du motif invoqué et de l'article 22.3 du cahier des clauses administratives générales.

Elle entend être dédommagée de tous les travaux effectués et des gains qu'elle aurait pu retirer de l'entreprise si elle l'avait achevée ; au regard du rapport d'expertise, elle s'estime en droit de réclamer la marge brute perdue, soit 30 % du chiffre d'affaires qui est de 240.000 euros, soit 72.000 euros ; par ailleurs les parties restent, selon elle lui devoir la somme de 44.156 euros au titre des travaux effectués non payés et non la somme retenue par l'expert qui a déduit le coût de travaux de reprise effectués par d'autres entreprises. A cet égard, elle fait valoir qu'aucun désordre ne lui a été notifié par le maître de l'ouvrage de sorte qu'elle ne saurait être tenue au titre de la garantie de parfait achèvement.

Enfin, l'appelante affirme qu'elle a été contrainte d'effectuer des travaux de reprise à la suite de malfaçons imputables à la SARL F., sur demande de Monsieur X., pour un montant de 2.064,48 euros.

 

La SCI les VILLAS DE LA LAUCH a remis ses dernières conclusions le 28 octobre 14 tendant à la confirmation du jugement déféré sous réserve de l'appel incident.

Elle demande à la cour de dire que le contrat d'entreprise a valablement été résilié aux torts exclusifs de la société OZCAN, conclut au rejet des demandes de l'appelante et sollicite qu'elle soit condamnée à verser un montant de 24.754,38 euros, au titre du préjudice subi ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance incluant les frais de la procédure d'expertise et les frais irrépétibles et irrépétibles de cette procédure et de ses suites à l'encontre de Monsieur X.

Elle forme un appel provoqué à l'égard de Monsieur X. tendant à ce que ce dernier la garantisse de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et réclame un montant de 2000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que la SARL OZCAN a dûment paraphé à chaque page et signé le CCAP qui renvoie au CCAG de sorte que ces documents lui sont parfaitement opposables.

Elle critique le rapport d'expertise en ce qu'il contient des allégations inexactes et infondées dépassant largement le cadre de la mission et dépourvues de toute impartialité.

Elle conteste tout vice du consentement et se réfère en tout état de cause au jugement déféré déclarant l'action en nullité prescrite et, s'agissant de pratiques commerciales abusives, rappelle que le marché à forfait conclu correspond aux normes et à la loi en matière de construction, que les conditions tarifaires ont été acceptées par l'appelant en toute connaissance de cause ; elle reprend par ailleurs à son compte la motivation du jugement déféré selon laquelle les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce n'étaient pas applicables au contrat de louage d'ouvrage conclu entre les parties.

Pour fonder la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la SARL OZCAN, la SCI les VILLAS DE LA LAUCH fait valoir que l'entreprise a abandonné à plusieurs reprises le chantier depuis le mois d'avril 2004 puis définitivement en août 2004 malgré diverse mises en demeure et qu'elle ne lui a pas transmis l'assurance de responsabilité requise au titre des fondations spéciales dont la nécessité est apparue en cours de chantier, la garantie devant être acquise à la date de la déclaration d'ouverture du chantier, peu importe que la société OZCAN ait fait parvenir une attestation d'assurance pour la période postérieure.

Elle affirme par ailleurs s'être acquittée des différentes factures que lui adressait la société OZCAN dans les délais prévus au marché et ne plus devoir aucun montant, contrairement à ce qu'indique l'expert, rappelant que les retenues et le compte prorata imputés au décompte de l'entreprise sont conformes et fondés.

Par ailleurs, l'intimée indique qu'en raison de malfaçons imputables à la société OZCAN, elle a été dans l'obligation de faire appel à des entreprises tierces pour remédier aux désordres, qui lui ont facturés à ce titre un montant total de 21.883,98 euros et qu'à la suite de la défaillance de l'appelante, elle a fait achever par l'entreprise DEM des travaux de gros œuvre qui incombait à cette dernière pour un montant supérieur à celui prévu au marché initial, le surcoût s'élevant à 2.870,40 euros TTC. C'est donc un total de 24.754,38 euros qui lui serait dû.

La SCI les VILLAS DE LA LAUCH conteste enfin l'existence d'une créance liée à l'intervention de la SARL F..

S'agissant de son appel en garantie à l'égard de Monsieur X., elle fait valoir que ce dernier était tenu non seulement d'une mission de direction et de surveillance du chantier mais aussi d'un devoir de conseil vis-à-vis d'elle de sorte que si la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la SARL OZCAN ne devait pas être confirmée par la cour, sa responsabilité serait engagée.

 

Monsieur X. a conclu le 24 avril 2014 au rejet de l'appel provoqué de la SCI les VILLAS DE LA LAUCH et sollicite sa condamnation aux dépens ainsi qu'au versement d'une indemnité de 25.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il observe que la SARL OZCAN ne formule en appel plus aucune demande à son égard et estime que l'appel provoqué de la SCI les VILLAS DE LA LAUCH est abusif dans la mesure où elle se borne à rappeler sa qualité de maître d’œuvre, tenu au devoir de conseil.

Il fait valoir qu'étant intervenu à compter du 2 décembre 2003, il n'a à aucun moment participé à l'élaboration des marchés, des devis ou du choix des entreprises puisqu'à l'époque le maître d'ouvrage était assisté par la société TRAMEX, qu'il n'est aucunement concerné par la résiliation intervenue entre le maître de l'ouvrage et la SARL OZCAN, de même que par le paiement du solde des travaux du à la SARL OZCAN.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Vu le dossier de la procédure et les pièces annexes versées aux débats

Vu l'ordonnance de clôture du 13 mai 2015

Il convient en premier lieu de constater que le CCAP relatif au lot n° 2 gros œuvre est parfaitement opposable à l'appelante qui l'a signé après avoir paraphé chaque page.

Il en est de même pour le CCTG.

 

Sur le vice du consentement invoqué par la SARL OZCAN :

Pas plus qu'en première instance, l'appelante ne qualifie expressément le vice du consentement allégué ; elle n'en tire d'ailleurs aucune conséquence sur la validité du contrat puisqu'elle ne conclut pas à son annulation mais à l'annulation de la résiliation intervenue.

S'agissant de l'action en dommages intérêts, il appartient à la SARL OZCAN de démontrer qu'elle a subi une violence, résultant d'une contrainte économique, seul vice du consentement susceptible de s'appliquer en l'espèce.

Or, les raisons pour lesquelles la SARL OZCAN a commencé les travaux cinq mois avant la signature du contrat, sur la base d'accords oraux, n'ont jamais été explicitées par cette dernière. De même, la teneur de ces accords notamment quant aux conditions de paiement n'est pas connue. Le fait que l'entreprise n'avait reçu qu'un acompte de 33.231 euros le 5 septembre 2003 alors qu'elle avait accompli des travaux pour une somme bien supérieure ne saurait caractériser en soi un abus de la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH, ce d'autant qu'aucune demande de paiement antérieure à la signature du contrat n'est versée au dossier.

D'autre part, rien n'indique qu'en sa qualité de professionnelle de la construction, la société OZCAN ait été abusée par les clauses du marché signées en novembre 2003.

En outre, le fait que le document marché CCTG ne comporte aucun prix unitaire d'ouvrage, et aucune quantité selon l'expert ne saurait être qualifié d'abusif, s'agissant d'un marché à forfait, conformément à l'article B.3.1 du CCAP.

De même, l'appelante ne démontre pas en quoi des appellations erronées dans le contrat quant aux intervenants et leur rôle, telles que relevées par l'expert, caractériseraient une situation de contrainte et seraient à l'origine du préjudice.

Le moyen invoqué tiré du vice du consentement sera donc écarté.

 

Sur les pratiques commerciales abusives :

Il convient sur ce point d'adopter les motifs pertinents du premier juge écartant en l'espèce les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce.

 

Sur les autres manquements contractuels invoqués par la SARL OZCAN :

Les difficultés de trésorerie ne peuvent être imputées au maître de l'ouvrage dès lors qu'aucun retard de paiement pour la période antérieure à la souscription du contrat ne peut être retenu, et que par la suite, ainsi que le relève le tribunal, ni les pièces du dossier, ni le rapport d'expertise ne mettent en évidence une inobservation des dispositions contractuelles quant aux paiements, intervenus régulièrement entre décembre 2003 et le 30 septembre 2004.

Il résulte au contraire du graphique établi par l'expert qu'au 29 avril 2004, date à laquelle la société OZCAN a commencé à ne plus apparaître sur le chantier, les sommes qui lui étaient réglées étaient égales ou presque aux dépenses engagées.

Au surplus, Monsieur A. a souligné que « la facturation OZCAN était l'exemple même d'une facturation désordonnée, pas même compréhensible par un spécialiste de l'économie du bâtiment. Les factures de l'entreprise sont incompréhensibles, elles ne sont pas numérotées, ne sont pas établies en cumul, sont présentées pour le même sujet à plusieurs dates « des travaux supplémentaires sont facturées sans devis », il y a confusion entre situation et facture. L'entreprise n'a pas établi de décompte définitif des travaux. »

Enfin, l'expert judiciaire constate qu'il n'y a pas eu de réception des travaux exécutés et que ce point est autant reprochable à l'entreprise qu'au maître de l'ouvrage.

A cet égard, il convient de relever que la première lettre dans laquelle la société OZCAN sollicite que la réception soit effectuée est concomitante à la rupture des relations contractuelles puisqu'elle date de septembre 2004.

L'appelante n'établit donc pas que l'intimée aurait volontairement retardé l'intervention de la réception, aux fins de retarder le paiement des factures.

 

Sur la résiliation du contrat d'entreprise :

Le tribunal a considéré que la résiliation est intervenue aux motifs à la fois de l'abandon de chantier et de l'absence d'assurance valable.

Il résulte des articles 22.1.1 et suivants du CCAG et du CCAP que le marché pouvait être résilié de plein droit aux torts de l'une des parties, sans accomplissement d'aucune formalité judiciaire, après mise en demeure dans tous les cas où les dispositions du présent cahier des clauses administratives générales ou du cahier des clauses administratives particulières prévoient effectivement cette faculté de résiliation « ainsi qu'aux torts de l'entrepreneur, sans accomplissement d'aucune formalité judiciaire, après mise en demeure en cas d'abandon de chantier ».

En l'espèce, Monsieur X. a adressé à l'appelante plusieurs courriers constatant que malgré ses rappels, la société OZCAN avait abandonné le chantier ; ainsi, par lettre du 15 avril 2004 Monsieur X. mettait en demeure l'entreprise de reprendre immédiatement les travaux, après avoir relevé que son attitude bloquait l'avancement du chantier et perturbait l'intervention des autres corps d'état. De même, le 27 juin 2004, Monsieur X. lui intimait de reprendre les travaux pour terminer les pignons des pavillons 7 et 8.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2004, la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH mettait en demeure la société OZCAN de reprendre le chantier qu'elle avait abandonné, sous huitaine, sous peine de résiliation du contrat à ses torts.

La SCI confirmait sa position par courrier du 13 septembre 2004, annonçant la résiliation de plein droit sans formalité judiciaire.

Cependant, il est constant que la société OZCAN a repris les travaux postérieurement à ces courriers.

En effet, par lettre du 6 octobre 2004, la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH indiquait avoir appris par le BET X. que l'appelante avait pris la décision de reprendre les travaux et lui demandait de quitter le chantier non pas au vu des défaillances passées mais parce que l'entreprise ne disposait pas d'une extension d'assurance devant s'appliquer à un travail en fondations spéciales dont la nécessité est apparue au cours des travaux.

Ainsi, l'intimée évoquait deux solutions : la première autorisant l'entreprise à continuer à intervenir en cas d'extension de garantie dûment justifiée sans délai auprès du maître d'ouvrage, la deuxième consistant à remplacer la société OZCAN par une tierce entreprise disposant d'une police d'assurance adaptée à la situation. La SCI LES VILLAS DE LA LAUCH précisait que sans observation de l'intéressée dans un délai de trois jours ouvrables à compter de la réception du courrier, elle opterait pour la seconde proposition.

Il résulte clairement de ce courrier que la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH avait renoncé à se prévaloir de la résiliation prononcée le mois précédent, en raison des défaillances de l'entreprise et qu'en définitive, elle a résilié ultérieurement le contrat au seul motif du défaut d'assurance.

A cet égard, il convient de relever que l'entreprise OZCAN a fourni une attestation d'assurance couvrant les travaux courants de maçonnerie et béton armé valable depuis la DROC.

Il n'est pas contesté que l'entreprise avait satisfait à son obligation d'assurance au moment de la signature du contrat, le litige portant sur une extension de la garantie.

L'article B3 du CCAP dispose qu'en cas de couverture insuffisante, le maître de l'ouvrage se réserve le droit, soit d'exiger de l'entrepreneur la souscription d'une assurance complémentaire, soit de souscrire lui-même une assurance complémentaire pour le compte de l'entrepreneur, le coût de la prime complémentaire étant mise quelle que soit la formule retenue, à la charge de l'entrepreneur.

Le contrat ne prévoit donc pas que le défaut de couverture suffisante constitue un cas de résiliation du contrat.

En outre, l'expert judiciaire a clairement conclu, après avoir pris en considération les dires de la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH et analysé les documents qu'elle produisait, que les fondations de moins de 5 m de profondeur exécutées à ciel ouvert n'avaient absolument pas à être à qualifiées de fondations spéciales, nécessitant une assurance spécifique.

Par conséquent, au regard de ces éléments, la résiliation du contrat aux torts de la SARL OZCAN n'était pas fondée.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce point.

 

Sur la demande de dommages-intérêts de la SARL OZCAN :

Conformément aux conclusions de l'expert, le préjudice subi par l'entreprise du fait de cette résiliation abusive est constitué de la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé si le contrat s'était poursuivi, des investissements non amortis, des difficultés de gestion des salariés affectés au chantier, de la perte de matériaux inhérente à un repli inorganisé, de la perte d'image.

La perte de chiffre d'affaires est évaluée à 180.000 euros TTC par comparaison entre le marché initial de 415.775 euros HT et la valeur des travaux exécutés de laquelle a été déduite les travaux repris, soit 264.801,82 euros HT ; l'appelante estime que la marge brute correspond au pourcentage habituellement retenu de 30 % du chiffre d'affaires tandis que l'expert retient 5 % à ce titre soit 9.000 euros.

Faute pour la SARL OZCAN de justifier de la perte de marge brute réellement subie, il convient de retenir la somme proposée par Monsieur A. ; de même, s'agissant des autres chefs de préjudice, il sera alloué la somme de 6.000 euros résultant du rapport d'expertise.

 

Sur les sommes restant dues à la société OZCAN au titre des travaux effectués :

L'expert a décrit l'état d'avancement du chantier au moment de la rupture des relations contractuelles ; il a examiné toutes les demandes de la société, ses factures et devis et fait le compte entre les parties ; il a par ailleurs déduit de la somme restant due à la SARL OZCAN la somme de 21.326,64 euros correspondant aux factures établies par différentes sociétés qui ont été amenés à reprendre les travaux effectués par l'appelante.

Pour s'opposer à cette déduction, celle-ci fait valoir qu'aucune malfaçon ne lui a jamais été reprochée, et que l'intimée n'a en tout état de cause pas respecté les dispositions de l'article 18 du CCAG des marchés privés imposant au maître de l'ouvrage de notifier dans le délai d'un an le désordre à l'entrepreneur qui a un délai de 60 jours pour y remédier.

Cependant, ces dispositions concernent la garantie de parfait achèvement qui n'est pas applicable en l'espèce puisqu'aucune réception n'est intervenue.

Par ailleurs, les comptes-rendus de chantier faisant suite à des réunions auxquelles l'entrepreneur était censé assister révèlent l'existence d'ouvrages non acceptables, selon les termes de l'expert, tels que nettoyages des terrasses, état de surface des bétons, non finitions du garage du pavillon 8 etc.

Il convient donc d'entériner le calcul de l'expert qui a par ailleurs considéré à bon droit que les retenues pour finitions n'avaient plus lieu d'être, de même que les retenues de garantie.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il accorde à la SARL OZCAN la somme de 23.189,36 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 11 août 2005.

Par ailleurs il résulte clairement du compte-rendu de chantier n° 16, particulièrement de la mention apposée sous le lot n° 3 relatif à l'intervention de l'appelante que Monsieur X. a demandé à la SARL OZCAN de reprendre les travaux effectués par la SARL F. qualifiés d'inacceptable.

Dans un jugement du 3 mai 2007, le tribunal d'instance de Mulhouse a rejeté la demande de paiement de la SARL OZCAN dirigée à l'encontre de la SARL F. au motif principal qu'aucun lien contractuel n'existait entre les deux sociétés, chacune d'entre elles étant tenue par un contrat la liant au seul maître de l'ouvrage.

L'expert judiciaire, quant à lui, a confirmé l'existence de l'ordre donné par Monsieur X. à la société OZCAN pour reprendre les travaux défectueux du plombier F. et le fait que l'appelante n'a pas été payée.

La SCI LES VILLAS DE LA LAUCH se contente pour sa part d'affirmer que les développements de l'appelante sur ce point sont incompréhensibles, qu'il s'agit de faits totalement extérieurs au litige dont elle ne saurait être tenue.

Elle n'a jamais répondu à la lettre recommandée du 25 mai 2007 adressée à elle par la SARL OZCAN qui sollicitait le paiement de sa facture.

Par conséquent, dans la mesure où il n'apparaît pas que la créance de la SARL OZCAN ait été prise en compte par l'expert dans son décompte, l'appelante est bien fondée à obtenir de l'intimée le paiement du montant de 2.064,48 euros correspondant au coût des travaux de reprise effectués au profit du maître de l'ouvrage, sur demande du maître d’œuvre et ce, avec intérêts au taux légal, à compter du 25 mai 2007.

 

Sur la demande reconventionnelle de la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH :

Le coût des travaux de reprise dont fait état l'intimée a déjà été déduit du solde restant dû à l'entreprise, selon le décompte de l'expert.

Pour le surplus, la demande tend à faire réparer le préjudice qui résulterait de la nécessité de faire intervenir une autre société, à un coût supérieur, en lieu et place de la société OZCAN pour terminer le chantier. Elle ne peut être que rejetée dès lors que la résiliation dont a pris l'initiative la SCI est abusive.

 

Sur la résistance abusive de la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH :

La SARL OZCAN fait notamment valoir qu'elle n'a obtenu aucun paiement à ce jour bien que le jugement déféré soit exécutoire par provision.

La SCI n'a pas démenti cette situation.

Il lui appartenait pour le moins au regard de ce qui précède de payer le solde manifestement du à la SARL OZCAN, au titre des travaux effectués, après déduction du coût des travaux de reprise.

Sa résistance à cet égard est effectivement abusive et il sera alloué à l'appelante un montant de 1.500 euros à ce titre.

 

Sur l'appel en garantie de la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH dirigé à l'encontre de Monsieur X. :

La SCI n'établit pas en quoi Monsieur X. qui s'était vu confier une mission de maîtrise d’œuvre partielle aurait manqué à son obligation de conseil ou d'assistance, ni le lien entre la faute éventuelle et le préjudice qu'elle subit.

Le rapport d'expertise fait au contraire apparaître qu'il ne disposait pas de réels pouvoirs, que sa rémunération était trop faible par rapport à sa mission, qu'il se trouvait en position délicate entre une direction du chantier « défendant non pas l'œuvre mais seulement les intérêts de la SCI et du promoteur », un architecte en conflit avec le gestionnaire de la SCI, les sous-traitants en position de faiblesse vis-à-vis du maître d’œuvre.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette cet appel en garantie.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La SCI LES VILLAS DE LA LAUCH qui a succombé en la quasi-totalité de ses prétentions doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise.

L'équité commande en outre d'allouer à la SARL OZCAN la somme de 1.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance et 1.500 euros, en ce qui concerne la procédure d'appel.

La SCI LES VILLAS DE LA LAUCH sera également condamnée à payer à l'appelé en garantie un montant de 1.000 euros sur le même fondement, au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement déféré

et statuant à nouveau,

DECLARE la demande de dommages et intérêts fondée sur le vice du consentement recevable mais la REJETTE.

DIT que la résiliation intervenue à l'initiative de la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH est abusive et PRONONCE la résiliation aux torts exclusifs de la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH.

CONDAMNE la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH à payer à la SARL OZCAN la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) à titre de dommages intérêts résultant de la résiliation abusive.

CONDAMNE la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH à payer à la SARL OZCAN la somme de 2.064,48 euros (deux mille soixante quatre euros et quarante huit centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2007.

CONDAMNE la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH à payer à la SARL OZCAN la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros), pour résistance abusive.

CONDAMNE la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH aux entiers dépens de première instance, y compris les frais d'expertise ainsi qu'au paiement d'un montant de 1.500 euros (mille cinq cents euros) à la SARL OZCAN au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.

CONFIRME toutes les autres dispositions du jugement déféré.

CONDAMNE la SCI LES VILLAS DE LA LAUCH aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au versement d'une somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) à la SARL OZCAN et d'un montant de 1.000 euros (mille euros) à Monsieur X. au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Le Greffier                            Le Président