CASS. COM., 6 octobre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5338
CASS. COM., 6 octobre 2015 : pourvoi n° 14-13176 ; arrêt n° 850
Publication : Legifrance
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 14-13176. Arrêt n° 850.
DEMANDEUR à la cassation : Société Boat
DÉFENDEUR à la cassation : Société SPBI
Mme Mouillard (président), président. SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Richard, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2014), que la société SPBI, qui construit des bateaux commercialisés sous la marque Jeanneau, a conclu avec la société Boat développement (la société Boat) deux contrats de concession exclusive pour leur distribution puis, à leur expiration, trois autres ; qu’une partie de la zone de chalandise ayant été exclue de l’un des contrats, la société SPBI l’a concédée à un concurrent de la société Boat ; que la société SPBI ayant résilié les contrats en application d’une clause stipulant cette faculté moyennant un préavis, la société Boat, invoquant leur résiliation abusive et des manquements de celle-ci à ses obligations, l’a assignée en réparation de son préjudice ; que la société Boat ayant été mise en liquidation judiciaire, la société de Bois-Herbaut, nommée liquidateur, est intervenue volontairement devant la cour ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches :
Attendu que la société Boat fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que la zone d’exclusivité est de l’essence même du contrat de concession exclusive ; que la zone d’exclusivité ne peut être modifiée unilatéralement par le concédant sauf clause d’adaptation le prévoyant ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt qu’alors même que les contrats de concession conclus en 2008 prévoyant une zone de chalandise incluant le port de Mandelieu l’avaient été initialement jusqu’au 31 août 2012, la société SPBI avait obtenu dès le mois de décembre 2008 d’en avancer le terme au 31 août 2009 avant d’imposer à la société Boat dans le cadre de leur renégociation en 2010 pour une durée expirant le 31 août 2012 une réduction de la zone de chalandise de cette dernière excluant le port stratégique de Mandelieu en dépit de ses protestations ; que la cour d’appel a encore relevé qu’immédiatement après cette renégociation, la société SPBI avait autorisé un concurrent direct de la société Boat, la société Exclusive yachts Riviera qui distribue également des bateaux « Prestige » de marque Jeanneau, à s’installer à moins de 30 mètres d’un point de vente d’un agent de la société Boat sur le port de Mandelieu ; qu’en jugeant non fautive cette réduction de la zone de chalandise, aux motifs que rien n’obligeait la société SPBI à renouveler les contrats, qu’elle avait posé un certain nombre de réserves en 2008 quant à la zone d’exclusivité concédée et qu’elle n’avait jamais promis à son concessionnaire de maintenir la zone inchangée si les conditions d’objectifs de vente et de financement étaient réalisées, sans cependant rechercher comme elle y était invitée s’il ne résultait pas des circonstances précitées que la société SPBI avait, rapidement après la signature des contrats de concessions exclusives conclus au mois de mai 2008 jusqu’au 31 août 2012, manœuvré pour pouvoir modifier la zone de chalandise concédée à la société Boat avant le terme de ces contrats et installer un concurrent direct de cette dernière en méconnaissance de ses engagements initiaux et de la bonne foi contractuelle devant présider à la formation et l’exécution des contrats, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ que l’état de dépendance économique se définit comme l’impossibilité, pour une entreprise, de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec une autre entreprise ; qu’en écartant toute dépendance économique de la société SPBI aux motifs inopérants que la société Jeanneau disposant de 25 % des parts du marché de la plaisance n’était pas en position dominante et que la société Boat n’apportait à la cour aucun élément sur le marché pertinent, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 420-2, alinéa 2, du code de commerce ;
3°/ que la société Boat faisait valoir qu’elle n’était pas susceptible de s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs en bateaux de la qualité et de la variété de ceux distribués par la société SPBI dont la cour d’appel a relevé que leur marque Jeanneau était renommée, et ajoutait que les autres fabricants disposaient de distributeurs implantés de longue date de sorte qu’elle n’avait eu d’autre choix que de mettre fin à son activité économique ; que pour l’établir elle versait aux débats une attestation de son commissaire aux comptes formulant « une réserve pour incertitude sur la continuité d’exploitation de la société du fait de la rupture du contrat de concession Jeanneau » ; qu’en affirmant péremptoirement que la société Boat ne démontre pas l’impossibilité pour elle de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec la société SPBI ni avoir été dans l’impossibilité de changer de réseaux, ayant plutôt cherché à vendre son fonds de commerce, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si la société Boat n’avait pas été précisément contrainte de chercher à vendre son fonds de commerce faute de possibilité s’offrant à elle de commercialiser des bateaux équivalents dans les mêmes conditions compte tenu de la notoriété de la marque Jeanneau et de la circonstance qu’elle réalisait la totalité de son chiffre d’affaires avec elle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 420-2 alinéa 2 du code de commerce ;
4°/ que pèse sur le concédant aux termes de l’article L. 330-3 du code de commerce, une obligation précontractuelle d’information du concessionnaire formalisé dans un document écrit devant être remis vingt jours au moins avant la signature du contrat, permettant à ce dernier de s’engager en toute connaissance de cause ; que la société Boat faisait valoir que la société SPBI avait manqué à cette obligation précontractuelle lors de la renégociation des contrats de concession en 2010 en s’abstenant de lui remettre tout document écrit présentant le réseau d’exploitants et distributeurs des produits Jeanneau et l’informant en particulier de la zone territoriale exclusive concédée à son concurrent la société Exlusive yachts Riviera ; qu’en jugeant que la société SPBI n’avait commis aucun abus lors de la négociation des contrats de concession exclusive conclus en 2010, sans nullement rechercher comme elle y était invitée, si la société n’avait pas manqué à son obligation précontractuelle d’information, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 330-3 du code de commerce ;
5°/ que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que la société Boat faisait valoir qu’était manifestement abusive la rupture sans motif, dès le mois de janvier 2011, des trois contrats de concession exclusive conclus pour le dernier le 9 juillet 2010, en application d’une clause de résiliation unilatérale anticipée, dans la mesure où ces contrats avaient été conclus pour une durée déterminée qui devait expirer le 31 août 2012 ; qu’en jugeant régulière cette rupture aux motifs qu’elle était intervenue en application d’une clause contractuelle, sans cependant rechercher comme elle y était invitée si la mise en œuvre d’une telle clause cinq mois seulement après la conclusion d’un contrat à durée déterminée dont le terme était fixé à deux ans plus tard ne lui conférait pas un caractère abusif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1135 du code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que l’arrêt constate que la société Boat, qui a consenti à poursuivre son activité avec une zone d’exclusivité réduite pour l’une des trois gammes de bateaux en signant les nouveaux contrats proposés par la société SPBI, et qui disposait déjà de l’information nécessaire sur les conditions de cette activité qu’elle exerçait auparavant, que le concédant a complétée en lui faisant part de la future installation d’un autre concessionnaire dans son ancien secteur, s’est engagée en pleine connaissance de cause ; qu’il relève que, même si la société SPBI possède la marque Jeanneau qui est renommée, sa part du marché de la plaisance de 25 % n’est pas dominante, et que la société Boat, qui réalisait l’exclusivité de son chiffre d’affaires avec la société SPBI et ne démontre toutefois pas être dans l’impossibilité de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec la société SPBI, ni dans celle de changer de réseaux, mais a plutôt cherché à vendre son fonds de commerce, ne rapporte pas la preuve d’être en situation de dépendance économique ; qu’il relève encore que la société SPBI, qui n’a jamais entretenu la société Boat dans l’espérance du maintien de son secteur géographique puisqu’elle l’a avisée de son incertitude quant à sa pérennité, sans lui demander d’effectuer des investissements dans la partie exclue, et qui a résilié les contrats régulièrement en lui accordant un préavis d’une durée double de celle convenue lui permettant de se reconvertir, n’a pas commis d’abus dans la rupture de leurs relations contractuelles ; que par ces constatations et appréciations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et septième branches, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Boat développement aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quinze.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Boat développement et la société de Bois-Herbaut, ès qualités
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté la société BOAT DEVELOPPEMENT de l’ensemble de ses demandes indemnitaires dirigées contre la société SPBI et de l’AVOIR condamnée aux dépens et à une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU’ » il résulte de l’instruction les faits suivants :
La société SPBI vient aux droits de la société CHANTIERS JEANNEAU, laquelle est visée dans la plupart des pièces contractuelles et correspondances échangées entre les parties.
La société SPBI conçoit et fabrique des bateaux commercialisés sous la marque JEANNEAU qui, depuis 1995, fait intégralement partie du groupe BENETEAU, numéro un mondial de la voile avec 25 % de parts de marché. Elle fabrique 3 gammes de bateaux portant la marque JEANNEAU : - « Voile », « Moteur », « Prestige ».
Le 15 mai 2008, les sociétés BOAT DEVELOPPEMENT et SPBI ont signé un contrat de concession exclusive organisant la distribution des bateaux de gamme « Moteur » et « Prestige » de marque JEANNEAU. Un second contrat portant sur les bateaux de la gamme « Voile », a été régularisé entre les parties. Ces contrats étaient initialement prévus pour une durée de 60 mois, et devaient normalement prendre fin le 31 août 2012, l’article XII de chacun d’eux prévoyant la faculté de résiliation du contrat, sous réserve du respect d’un préavis de quatre mois. Ces contrats étaient conclus intuitu personae au profit de MM. X. et Y., respectivement PDG et Directeur général, et prévoyaient la faculté, pour le concédant, de résilier le contrat en cas de changement de ces personnes.
Aux termes des contrats, la zone de chalandise était définie comme la zone territoriale sur laquelle le concessionnaire jouissait d’une exclusivité pour la distribution des produits contractuels : il était ainsi le seul sur ce territoire à pouvoir être approvisionné en produits de la marque JEANNEAU par le concédant. En contrepartie, ce dernier s’interdisait de vendre des produits à un distributeur concurrent sur la zone concédée.
Cette zone territoriale, délimitée à l’annexe 2 des contrats signés en 2008, s’étendait pour les bateaux de la gamme « Prestige » de BEAULIEU SUR MER inclus à la limite Ouest des ALPES MARITIMES (c’est-à-dire MANDELIEU compris). Pour les bateaux de la gamme « Moteur », la zone de chalandise s’étendait pareillement de BEAULIEU SUR MER inclus à la limite Ouest des ALPES MARITIMES (MANDELIEU compris).
M. Y. a été remplacé par M. JM Z., au sein de la société BOAT DEVELOPPEMENT, ce qui a inquiété la société Jeanneau (SPBI) et a été à l’origine d’une réunion entre les parties le 1l septembre 2008, puis d’un courrier du 17 septembre 2008, dans lequel la société Jeanneau faisait part de ses préoccupations concernant les résultats de la zone territoriale, inférieurs à ceux des zones voisines, et envisageait d’aborder avec le concessionnaire la forme de la poursuite de leur collaboration.
Par avenant signé le 23 décembre 2008, les parties ont convenu que les contrats régularisés en 2008 prendraient fin le 31 août 2009, et non le 31 août 2012 comme convenu initialement, que M. JM Z. serait agréé à la place de M. Y. et les obligations d’achat ont été contractualisées.
Dans la poursuite de leurs relations commerciales, la société SPBI, venant aux droits de la société JEANNEAU, a proposé à la société BOAT DEVELOPPEMENT de régulariser, à compter de 2010, trois nouveaux contrats, un pour chaque gamme de bateau.
Les contrats des gammes « Moteur » et « Voile » ont été retournés dûment signés par la société BOAT DEVELOPPEMENT le 23 février 2010, malgré une réduction de la zone de chalandise opérée par la société SPBI pour la gamme des bateaux « Moteur » (amputation du secteur de MONACO jusqu’à BEAULIEU).
Deux avenants (pour chacun des contrats « Moteur » et « Voile ») établis par la société SPBI, fixant les objectifs quantitatifs de vente et les prix des produits, ont été régularisés le 22 février 2010 par la société BOAT DEVELOPPEMENT.
Le contrat de distribution des bateaux de la gamme « Prestige », dont le terme était fixé au plus tard le 31 août 2012, avec faculté de résiliation anticipée, moyennant un préavis de quatre mois, prévoyait également, à compter de 2010, une modification de la zone territoriale d’exclusivité du concessionnaire, la zone de MANDELIEU étant exclue.
Malgré l’envoi, le 7 avril 2010, d’une lettre de protestation concernant la réduction de sa zone d’exclusivité territoriale, la société BOAT DEVELOPPEMENT a signé le nouveau contrat, le 9 juillet 2010 avec l’amputation de sa zone d’exclusivité sur MANDELIEU.
La société SPBI a autorisé, le 27 septembre 2010, l’un de ses concurrents directs, la société EXCLUSIVE YACHTS RIVIERA (anciennement « PRESTIGE YACHTS RIVIERA »), également concessionnaire de la société SPBI, à s’installer à moins de 30 mètres d’un point de vente d’un agent de la société BOAT DEVELOPPEMENT sur le port de MANDELIEU, étant précisé que la société EXCLUSIVE (anciennement « PRESTIGE YACHTS RIVIERA ») distribuait également des bateaux « Prestige » de marque JEANNEAU.
La société SPBI a, le 23 décembre 2010, finalement procédé à la résiliation unilatérale des trois contrats de concession exclusive la liant à la société BOAT DEVELOPPEMENT et existant pour les trois gammes de bateaux, par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 janvier 2011, avec effet au 1er septembre 2011, soit avec un préavis de 8 mois, en application de l’article XIII des contrats.
C’est dans ce contexte que la société BOAT DEVELOPPEMENT a, par acte du 29 mars 201l, fait assigner la société SPBI et la société EXCLUSIVE YACHTS RIVIERA devant le Tribunal de commerce de PARIS, afin que la société SPBI soit condamnée à lui payer la somme de 1.433.365 euros au titre de la réduction de sa zone d’exclusivité, 150.000 euros pour déloyauté, 1.278.000 au titre de la dévalorisation de son fonds de commerce, 1.583.000 euros au titre de sa perte d’exploitation sur l’exercice 2011/2012, 376.202,73 euros au titre du coût des loyers commerciaux et licenciements à la suite de la rupture unilatérale des trois contrats, et, in solidum avec la société EXCLUSIVE YACHTS RIVIERA, la somme de 200.000 euros pour concurrence déloyale.
Le Tribunal a mis la société EXCLUSIVE YACHTS RIVIERA hors de la cause. Il a estimé que la réduction de la zone de chalandise n’était pas justifiée et était déloyale, la société BOAT DEVELOPPEMENT ayant rempli ses obligations contractuelles essentielles, et, notamment, ses objectifs de vente, et que la mise en œuvre de la clause de dénonciation des trois contrats sans préavis était abusive. Il a en revanche débouté la requérante de sa demande pour concurrence déloyale et pour mauvaise foi de SPBI. Il a relevé que les conditions des deux alinéas de l’article L. 420-2 étaient réunies, sans, toutefois, en tirer de conséquences.
Considérant que l’intimée demande à la Cour de constater, en premier lieu, que la société BOAT DEVELOPPEMENT a été contrainte d’accepter, en raison de son état de dépendance économique à l’égard de la société SPBI, des conditions contractuelles injustifiées s’agissant de l’exclusion de la zone de MANDELIEU du territoire concédé à titre exclusif pour les bateaux de gamme « Prestige », en deuxième lieu, que la société SPBI a affiché sa volonté d’imposer à la société BOAT DEVELOPPEMENT des objectifs de vente incohérents et non négociés pour 2010/2011, n’a pas respecté les délais de livraison annoncés pour les bateaux « stocks » de l’année 2010, n’a fourni aucune information précontractuelle à la société BOAT DEVELOPPEMENT, et en particulier, s’agissant de l’implantation de la société PRESTIGE YACHTS RNIERA à proximité d’un point de vente de la société BOAT DEVELOPPEMENT sur sa zone de chalandise, en troisième lieu, que la société SPBI a commis des actes de concurrence déloyale en permettant à la société EXCLUSIVE YACHTS RNIERA de s’implanter sur la zone dévolue à la société BOAT DEVELOPPEMENT, et, enfin, que la société SPBI a procédé, sans aucun motif valable et avant terme, à la résiliation unilatérale des trois contrats de concession exclusive la liant à la société BOAT DEVELOPPEMENT pour les gammes de bateau « Prestige », « Moteur » et « Voile » ;
Considérant que si la société BOAT DEVELOPPEMENT se prétend victime d’un abus de dépendance économique, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce : « Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou pratiques discriminatoires visées à l’article L. 442-6 » ; que l’application de ces dispositions suppose donc d’établir, dans un premier temps, l’état de dépendance économique d’une entreprise à l’égard d’une autre et, dans un second temps, l’abus commis par cette dernière ;
Considérant que la démonstration de la dépendance économique de la société BOAT DEVELOPPEMENT par rapport à la société SPBI, au sens de cet article nécessite la réunion de quatre critères : une part de marché de la société SPBI prédominante, la notoriété de sa marque ou de ses produits, l’importance de la part de la société SPBI dans le chiffre d’affaires de BOAT DEVELOPPEMENT, à condition toutefois que cette part ne résulte pas d’un choix délibéré de politique commerciale de cette dernière, et enfin, la difficulté, pour la société BOAT DEVELOPPEMENT, d’obtenir des produits équivalents auprès d’autres fournisseurs ; que ces conditions doivent être cumulativement réunies pour entraîner la qualification de dépendance économique ;
Considérant que la part de marché de la société SPBI est évaluée à 25 % du marché national ; que sa part de marché sur la zone géographique d’exclusivité de la société BOAT DEVELOPPEMENT n’est pas indiquée par les parties ; qu’en toute hypothèse, cette société n’est pas en position dominante ; qu’en revanche, la marque Jeanneau est une marque renommée ; que si la société BOAT DEVELOPPEMENT réalisait l’exclusivité de son chiffre d’affaires avec la société SPBI, ne pouvant vendre d’autres marques, cela ne suffit pas en soi à caractériser son état de dépendance économique au sens de l’article L. 420-2 du Code de commerce ; qu’elle ne démontre pas l’impossibilité pour elle de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec la société SPBI, ne donnant à la Cour aucun élément sur le marché pertinent ; qu’elle ne démontre pas avoir été dans l’impossibilité de changer de réseaux, ayant plutôt cherché à vendre son fonds de commerce ;
Considérant que la société BOAT DEVELOPPEMENT n’a donc pas rapporté la preuve de sa situation de dépendance ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Considérant, au surplus, qu’aucun abus ne saurait résulter de la réduction, par la société SPBI, de la zone d’exclusivité pour la gamme des bateaux « Prestige » et « moteurs », lors de la renégociation des contrats de concession en janvier-février 2010, à la suite du départ de M. B1ery, qui avait signé les anciens contrats en mai 2008 avec la société SPBI intuitu personae ; que si cette société a consenti à renouveler les contrats, ce qu’elle n’était nullement obligée de faire, c’est en posant un certain nombre de réserves, dès septembre 2008, quant à la zone d’exclusivité concédée ; qu’elle n’avait dès lors à avancer aucun motif pour décider de réduire la zone d’exclusivité dans les contrats de 2010 ; qu’ainsi, les assertions de BOAT DEVELOPPEMENT selon lesquelles, elle l’aurait fait sans aucun motif valable, les résultats de vente accomplis par la société BOAT DEVELOPPEMENT pour la gamme des bateaux « Prestige » et « Moteurs » étant excellents, sont sans portée ; que la société BOAT DEVELOPPEMENT ne démontre pas davantage que l’amputation de la zone aurait rendu son activité déficitaire ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’aucun abus de dépendance économique de la société SPBI n’a été établi par la société BOAT DEVELOPPEMENT ;
Considérant que la résiliation des trois contrats est intervenue selon les modalités prévues à l’article XIII des contrats, c’est-à-dire sans qu’aucun manquement du concessionnaire ne soit constaté et moyennant un préavis de quatre mois ; que cette résiliation, régulière, ne saurait être qualifiée de brutale, un préavis total de huit mois ayant été accordé en définitive au concessionnaire, lui laissant le temps de se reconvertir ; que ce préavis constitue une durée raisonnable au regard de la durée des relations contractuelles de trois ans et des rapports d’exclusivité entre les parties ;
qu’aucune mauvaise foi ne peut être imputée à la société SPBI dans la modification du champ territorial de la clause d’exclusivité, n’ayant jamais entretenu la société BOAT DEVELOPPEMENT dans l’espérance du maintien de la zone géographique initiale, et lui ayant de façon ininterrompue, dès la fin de l’année 2008, fait part de son incertitude quant à sa pérennité ; qu’à aucun moment, la société SPBI n’avait promis à son concessionnaire de maintenir la zone inchangée si des conditions d’objectifs de vente et de financement étaient réalisées, contrairement à la motivation des Premiers Juges ; qu’il n’est pas démontré que les investissements réalisés dans la zone amputée aient été réalisés à la demande de SPBI, ni qu’ils aient été entièrement dédiés à cette zone ; qu’aucun procédé déloyal ouvrant droit à indemnisation ne peut donc lui être imputé, contrairement à ce qu’avancé par les Premiers Juges ;
Considérant que la société BOAT DEVELOPPEMENT soutient qu’elle n’aurait pas contracté si elle avait su qu’un nouveau concessionnaire exploiterait la zone de MANDELIEU ;
Mais considérant qu’elle connaissait le projet d’installation d’un concurrent, la société EXCLUSIVE YACHTS RIVIERA, sur le port de Mandelieu, dès le début de l’année 2010, et en tout cas, lorsqu’elle a signé le contrat Prestige, puisqu’elle s’en est inquiétée auprès du concédant dans un courrier d’avril 2010 ; qu’elle a signé le contrat prestige en juillet 2010 en toute connaissance de la réduction de sa zone d’exclusivité et de l’arrivée de ce nouveau concessionnaire ;
qu’elle ne démontre aucun vice du consentement de nature à remettre en cause son accord écrit ; que le nouveau concessionnaire s’étant installé en septembre 2010, soit après la signature du contrat Prestige en juillet 2010, aucune pratique de concurrence déloyale ne peut être imputée à la société SPBI ;
Considérant enfin qu’aucune déloyauté n’est imputable à la société SPBI dans l’exécution des contrats, la preuve du non-respect des délais de livraison de bateaux n’étant pas suffisamment rapportée, seuls étant établis quelques retards conformes aux tolérances des usages de la profession »
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1/ ALORS QUE la zone d’exclusivité est de l’essence même du contrat de concession exclusive ; que la zone d’exclusivité ne peut être modifiée unilatéralement par le concédant sauf clause d’adaptation le prévoyant ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt qu’alors même que les contrats de concession conclus en 2008 prévoyant une zone de chalandise incluant le port de Mandelieu l’avaient été initialement jusqu’au 31 août 2012, la société SPBI avait obtenu dès le mois de décembre 2008 d’en avancer le terme au 31 août 2009 avant d’imposer à la société BOAT DEVELOPPEMENT dans le cadre de leur renégociation en 2010 pour une durée expirant le 31 août 2012 une réduction de la zone de chalandise de cette dernière excluant le port stratégique de Mandelieu en dépit de ses protestations ; que la Cour d’appel a encore relevé qu’immédiatement après cette renégociation, la société SPBI avait autorisé un concurrent direct de la société BOAT DEVELOPPEMENT, la société EXCLUSIVE YACHTS RIVIERA qui distribue également des bateaux « Prestige » de marque JEANNEAU, à s’installer à moins de 30 mètres d’un point de vente d’un agent de la société BOAT DEVELOPPEMENT sur le port de MANDELIEU ; qu’en jugeant non fautive cette réduction de la zone de chalandise, aux motifs que rien n’obligeait la société SPBI à renouveler les contrats, qu’elle avait posé un certain nombre de réserves en 2008 quant à la zone d’exclusivité concédée et qu’elle n’avait jamais promis à son concessionnaire de maintenir la zone inchangée si les conditions d’objectifs de vente et de financement étaient réalisées, sans cependant rechercher comme elle y était invitée s’il ne résultait pas des circonstances précitées que la société SPBI avait, rapidement après la signature des contrats de concessions exclusives conclus au mois de mai 2008 jusqu’au 31 août 2012, manœuvré pour pouvoir modifier la zone de chalandise concédée à la société BOAT DEVELOPPEMENT avant le terme de ces contrats et installer un concurrent direct de cette dernière en méconnaissance de ses engagements initiaux et de la bonne foi contractuelle devant présider à la formation et l’exécution des contrats, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
2/ ALORS QUE le consentement ne peut être obtenu par violence ; que la société BOAT DEVELOPPEMENT faisait valoir que pour obtenir la signature du contrat de concession concernant la gamme Prestige au mois de juillet 2010 opérant une réduction de sa zone de chalandise, la société SPBI l’avait menacée de ne pas lui verser les remises de fin d’année qui lui étaient dues au titre des années 2009 et 2010, ce qu’elle établissait par son courrier du 7 avril 2010 dans lequel elle protestait contre l’amputation de sa zone de chalandise et évoquait les menaces qu’elle avait reçues de la société SPBI en cas de refus de sa part de signer le nouveau contrat, et par le courrier en réponse du 18 juin 2010 de la société SPBI dans lequel cette dernière ne contestait pas lesdites menaces ; qu’en affirmant péremptoirement qu’elle ne démontre aucun vice du consentement de nature à remettre en cause son accord écrit, sans à aucun moment s’expliquer sur ces menaces invoquées par la société BOAT DEVELOPPEMENT qu’elle offrait de prouver, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié au regard des articles 1108 et 1112 du Code civil ;
3/ ALORS QUE l’état de dépendance économique se définit comme l’impossibilité, pour une entreprise, de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec une autre entreprise ; qu’en écartant toute dépendance économique de la société SPBI aux motifs inopérants que la société JEANNEAU disposant de 25 % des parts du marché de la plaisance n’était pas en position dominante et que la société BOAT DEVELOPPEMENT n’apportait à la Cour aucun élément sur le marché pertinent, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce ;
4/ ALORS QUE la société BOAT DEVELOPPEMENT faisait valoir qu’elle n’était pas susceptible de s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs en bateaux de la qualité et de la variété de ceux distribués par la société SPBI dont la Cour d’appel a relevé que leur marque JEANNEAU était renommée, et ajoutait que les autres fabricants disposaient de distributeurs implantés de longue date de sorte qu’elle n’avait eu d’autre choix que de mettre fin à son activité économique (ses conclusions d’appel p 9 et 12) ; que pour l’établir elle versait aux débats une attestation de son commissaire aux comptes formulant « une réserve pour incertitude sur la continuité d’exploitation de la société du fait de la rupture du contrat de concession JEANNEAU » ; qu’en affirmant péremptoirement que la société BOAT DEVELOPPEMENT ne démontre pas l’impossibilité pour elle de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec la société SPBI ni avoir été dans l’impossibilité de changer de réseaux, ayant plutôt cherché à vendre son fonds de commerce, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si la société BOAT DEVELOPPEMENT n’avait pas été précisément contrainte de chercher à vendre son fonds de commerce faute de possibilité s’offrant à elle de commercialiser des bateaux équivalents dans les mêmes conditions compte tenu de la notoriété de la marque JEANNEAU et de la circonstance qu’elle réalisait la totalité de son chiffre d’affaires avec elle, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce ;
5/ ALORS QUE pèse sur le concédant aux termes de l’article L. 330-3 du Code de commerce, une obligation précontractuelle d’information du concessionnaire formalisé dans un document écrit devant être remis 20 jours au moins avant la signature du contrat, permettant à ce dernier de s’engager en toute connaissance de cause ; que la société BOAT DEVELOPPEMENT faisait valoir que la société SPBI avait manqué à cette obligation précontractuelle lors de la renégociation des contrats de concession en 2010 en s’abstenant de lui remettre tout document écrit présentant le réseau d’exploitants et distributeurs des produits JEANNEAU et l’informant en particulier de la zone territoriale exclusive concédée à son concurrent la société EXCLUSIVE YACHTS RIVIERA (conclusions d’appel de l’exposante p 21 à 26) ; qu’en jugeant que la société SPBI n’avait commis aucun abus lors de la négociation des contrats de concession exclusive conclus en 2010, sans nullement rechercher comme elle y était invitée, si la société n’avait pas manqué à son obligation précontractuelle d’information, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 330-3 du Code de commerce ;
6/ ALORS QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que la société BOAT DEVELOPPEMENT faisait valoir qu’était manifestement abusive la rupture sans motif, dès le mois de janvier 2011, des trois contrats de concession exclusive conclus pour le dernier le 9 juillet 2010, en application d’une clause de résiliation unilatérale anticipée, dans la mesure où ces contrats avaient été conclus pour une durée déterminée qui devait expirer le 31 août 2012 ; qu’en jugeant régulière cette rupture aux motifs qu’elle était intervenue en application d’une clause contractuelle, sans cependant rechercher comme elle y était invitée si la mise en œuvre d’une telle clause cinq mois seulement après la conclusion d’un contrat à durée déterminée dont le terme était fixé à deux ans plus tard ne lui conférait pas un caractère abusif, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1135 du Code civil ;
7/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu’il était constant en l’espèce que les relations commerciales entretenues par la société BOAT DEVELOPPEMENT avec la société SPBI préexistaient à la conclusion le 15 mai 2008 d’un contrat de concession exclusive, remontant à 2006 ; qu’en retenant que le préavis de 8 mois observé par la société SPBI pour rompre les contrats de concession exclusive conclus en 2010, constitue une durée raisonnable au regard de la durée des relations contractuelles de trois ans, lorsque cette durée était de 5 ans en 2011, la Cour d’appel a violé l’article 4 du Code de procédure civile.