CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 6 octobre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5412
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 6 octobre 2015 : RG n° 13/00677
Publication : Jurica
Extrait : « Il ressort des pièces versées aux débats et des dispositions de l'acte notarié de prêt, que l'emprunteur est une société immatriculée au registre du commerce et des sociétés et que le prêt était destiné à « financer un besoin exclusivement professionnel ». Le tribunal a donc à bon droit dit que les dispositions du code de la consommation n'étaient pas applicables. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00677. Appel d'un jugement (R.G. n° 11/00065) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 17 décembre 2012 suivant déclaration d'appel du 14 février 2013.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité française ; Représenté par Maître Franck B. de la SCP V. B. & ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Maître P., avocat au barreau de GRENOBLE
SCI MAIRYM IMMOBILIER
au capital de 2.000 euros immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro XXX, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Franck B. de la SCP V. B. & ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Maître P., avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
SA BANQUE RHÔNE ALPES SA
au capital de 12.562.800,00 euros immatriculée au RCS de GRENOBLE prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Jean-Luc M., avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Maître C., avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Philippe ALLARD, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier.
DÉBATS : À l'audience publique du 8 septembre 2015 Madame JACOB a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte notarié du 20 septembre 2005, la SA BANQUE RHONE ALPES (la BRA) a consenti à la SCI MAYRIM IMMOBILIER (la SCI), constituée entre M. X. et son épouse, un prêt d'un montant de 180.000 euros, remboursable en 144 mensualités à un taux d'intérêt révisable indexé sur l'indice TIBEUR 3 mois majoré de 0,960 points, pour l'acquisition d'une « maison individuelle à usage d'habitation principale d'un locataire de l'emprunteur », celui-ci ayant déclaré financer un besoin exclusivement professionnel.
Le prêt était garanti par le privilège de prêteur de deniers et le cautionnement personnel et solidaire de chacun des époux X.
Par jugement du 14 mai 2009, le tribunal correctionnel de Grenoble a déclaré M. X. coupable d'avoir imité la signature de son épouse sur l'engagement de caution et d'avoir fait usage de ce faux au préjudice de la BRA.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 février 2010, reçu le 4 février 2010, la BRA a averti la SCI qu'elle n'avait pu, faute de provision suffisante, prélever l'échéance du 20 janvier 2010 et l'a mise en demeure de régulariser sous huit jours.
La BRA a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé du 5 février 2010 reçu le 10 février 2010.
La SCI a, le 23 février 2010, provisionné de manière suffisante le compte sur lequel devait être prélevée la mensualité de janvier 2010.
Par acte du 19 novembre 2010, la BRA a assigné la SCI devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Digne les Bains en vente forcée de l'immeuble.
Par acte du 29 décembre 2010, la SCI et M. X. ont assigné la BRA devant le tribunal de grande instance de Grenoble en contestation de la déchéance du terme du prêt.
Le juge de l'exécution a accueilli l'exception de litispendance et s'est dessaisi au profit du tribunal de grande instance de Grenoble.
Les deux instances ont été jointes et par jugement du 17 décembre 2012, le tribunal a :
- débouté la SCI de sa demande tendant à voir constater l'absence de déchéance du terme du prêt et ordonner la poursuite de celui-ci ainsi que de l'assurance souscrite,
- rejeté la demande de délai de paiement formée par la SCI,
- condamné la SCI à payer à la BRA la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI aux dépens.
La SCI et M. X. ont relevé appel de cette décision le 14 février 2013. Par conclusions notifiées le 3 mai 2013, ils demandent à la cour, au visa des articles 1134 du code civil, de la recommandation n° 04-03 relative aux contrats de prêt immobilier, des articles L. 313-12 du code de la consommation, de :
- infirmer le jugement,
- constater l'absence de déchéance du terme du contrat,
- ordonner la poursuite de l'exécution du contrat et de l'assurance décès-invalidité souscrite,
- subsidiairement, accorder un délai de grâce à la SCI,
- en tout état de cause, condamner la BRA à verser à la SCI la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Ils font valoir que :
- la clause invoquée par la banque est abusive,
- la banque n'a pas respecté le délai qu'elle avait octroyé à sa débitrice pour régulariser sa situation et ne peut donc se prévaloir de la résolution anticipée du contrat,
- la banque est de mauvaise foi pour ne pas avoir pris en compte la régularisation rapide par la SCI et avoir utilisé un prétexte pour mettre fin au contrat devenu moins avantageux,
- la banque a manqué à son obligation de conseil à l'égard de la SCI.
Par conclusions notifiées le 1er juillet 2013, la BRA demande à la cour, au visa des articles L. 312-2 du code de la consommation et 1134 du code civil, de :
- déclarer irrecevable l'appel de M. X., faute d'intérêt à agir,
- confirmer le jugement,
- condamner la SCI et M. X., chacun, à lui verser la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle fait valoir que :
- la clause d'exigibilité anticipée figurant au contrat de prêt est licite,
- les appelants ne peuvent se prévaloir de la réglementation sur les clauses abusives,
- elle a prononcé l'exigibilité anticipée conformément aux stipulations contractuelles de parfait bonne foi,
- la SCI a bénéficié, de fait, de larges délais et ne justifie pas de sa situation financière.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel interjeté par M. X. :
La BRA fait remarquer que la demande présentée devant les premiers juges et devant la cour ne présente d'intérêt que pour la SCI, seule contractante ; que M. X. n'a pas été condamné et qu'il est irrecevable à relever appel, faute d'intérêt à agir.
Le moyen n'ayant pas été soulevé devant le conseiller de la mise en état, seul compétent en vertu de l'article 771 du code de procédure civile pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel, la cour est valablement saisie de l'entier litige.
Sur la déchéance du terme :
La clause « exigibilité anticipée - défaillance » (article 9.1 des conditions générales du prêt) mise en œuvre par la banque est ainsi rédigée :
« Le prêt, en principal, intérêts, frais et accessoires, deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, sauf accord écrit de sa part, dans l'un des cas suivants : (...) à défaut d'exécution d'un seul des engagements pris par l'emprunteur ou par la caution et notamment au cas de non-paiement au prêteur, à son échéance, d'un somme quelconque devenue exigible ; (...)
Dans ces hypothèses, la défaillance de l'emprunteur aura comme conséquence la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate des sommes dues. »
Les appelants soulèvent le caractère abusif de cette clause au regard des dispositions du code de la consommation.
Il ressort des pièces versées aux débats et des dispositions de l'acte notarié de prêt, que l'emprunteur est une société immatriculée au registre du commerce et des sociétés et que le prêt était destiné à « financer un besoin exclusivement professionnel ». Le tribunal a donc à bon droit dit que les dispositions du code de la consommation n'étaient pas applicables.
Au regard de la défaillance de la SCI dans le paiement de la mensualité de janvier 2010 à son échéance, la BRA a, en application de la clause d'exigibilité immédiate du prêt, prononcé la déchéance du terme sans faire preuve d'un quelconque abus de droit.
Le tribunal a, par des motifs que la cour adopte, écarté à bon droit les moyens soulevés par la SCI, rejeté la demande de délai de paiement et condamné la SCI à verser une indemnité de procédure à la BRA. Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.
En cause d'appel la SCI sollicite, à titre subsidiaire, des délais de paiement mais n'a remis à la cour aucune pièce justifiant de sa situation financière actuelle. La demande sera donc rejetée.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de la BRA.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- Rejette la demande de délai de paiement formée par la SCI MAYRIM IMMOBILIER,
- Condamne la SCI MAYRIM IMMOBILIER à payer à la BRA la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamne la SCI MAYRIM IMMOBILIER aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Monsieur ALLARD, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat
- 5937 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Prêts