CA DOUAI (3e ch.), 8 octobre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5415
CA DOUAI (3e ch.), 8 octobre 2015 : RG n° 14/04391 ; arrêt n° 15/708
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu cependant que les conditions particulières précisent qu'après une première période de six mois au taux fixe de 3,55 %, le taux du prêt est ensuite variable, et qu'il est constitué par la somme de deux éléments, une commission fixe de 2,250 %, et un taux variable, en l'espèce le taux capitalisé de l'indice EURIBOR un mois ; Que la variation de l'indice EURIBOR ne dépend pas de l'établissement bancaire mais est fixé par la Fédération Bancaire de l'Union Européenne ; que la banque ne pouvait connaitre par anticipation ses variations au cours de la période de remboursement qui s'échelonnait sur une vingtaine d'années ; Que par ailleurs, les conditions générales exposent expressément que la durée de remboursement est variable du fait du caractère révisable du taux d'intérêt ; Que la circonstance que les documents contractuels remis aux société GE MONEY BANK ne mentionnent pas le taux de l'indice EURIBOR un mois au jour de l'offre de prêt ne constitue pas une omission intentionnelle, destinée à tromper l'emprunteur ; que l'évolution de cet indice a, au cours de l'exécution du contrat, été d'abord défavorable puis favorable aux emprunteurs qui ont cependant fait le choix de rembourser par anticipation ; qu'il n'est pas fait état d'indication fausse ou de nature à induire les emprunteurs en erreur, l'aléa résultant de la variabilité de l'indice EURIBOR ressortant clairement de l'offre qui leur a été soumise ;
Que l'existence d'une publicité trompeuse par un taux d'appel n'est donc pas établie ».
2/ « Attendu qu'il sera observé que les époux X. ne formulent aucune critique contre la motivation des premiers juges qui ont exactement constaté qu'au regard des conditions générales et particulières de l'offre de prêt, la société GE MONEY BANK avait respecté l'ensemble de ses obligations relatives à la détermination du TEG, prévues à l'article L. 312-8 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date d'acceptation de l'offre ; Que les intimés ne sont donc pas fondés à solliciter en vertu d'irrégularités par rapport à ces prescriptions légales la substitution des intérêts légaux, au taux d'intérêt fixé contractuellement ».
3/ « Attendu qu'il est constant que si la clause d'intérêt à taux variable associé à un plafonnement de l'échéance mensuelle peut avoir pour effet une augmentation sensible du taux d'intérêt applicable au contrat, et l'absence d'amortissement du capital emprunté pendant une période donnée, comme cela a été le cas de 2006 à 2011, elle peut également être très favorable à l'emprunteur lorsque la tendance de l'indice choisi est à la baisse ; que les données relatives à l'indice EURIBOR pour les années postérieures à 2011 établissent clairement cette évolution avantageuse pour l'emprunteur ; qu'il convient de rappeler aussi que le montant de l'échéance mensuelle de remboursement, variable annuellement, est encadrée par le contrat ; que cette clause ne crée donc pas en elle-même de déséquilibre juridique entre les cocontractants qui selon les circonstances économiques de la période seront ou non avantagés ; Que les premiers juges ont donc exactement estimé que la clause litigieuse n'était pas abusive et qu'il n'y avait pas lieu de la déclarer non écrite ».
4/ « Que la présence aux cotés des emprunteurs d'un intermédiaire en opérations de banque ne dispensait pas la société GE MONEY BANK de rapporter la preuve de ce qu'elle ait effectivement mis en garde les emprunteurs contre les risques de ce mécanisme de crédit ; Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu un manquement de la société GE MONEY BANK à son obligation d'information et de mise en garde à l'égard des époux X. ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 8 OCTOBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n 14/04391 ; arrêt n° 15/708. Jugement (R.G. n° 12/08922) rendu le 15 mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de LILLE.
APPELANTE :
Société GE MONEY BANK
représenté par son gérant, domicilié ès-qualité audit siège, ayant son siège social [adresse] ; Représentée par Maître Dominique LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI constitué aux lieu et place de Maître Guy SIX, avocat au barreau de LILLE ; Assistée de Maître François VERRIELE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse]
Représentés et assistés par Maître Jean-Luc WABANT, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 1er juillet 2015 tenue par Cécile ANDRE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony POYTEAU
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Françoise GIROT, Président de chambre, Fabienne BONNEMAISON, Conseiller, Cécile ANDRE, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Françoise GIROT, Président et Harmony POYTEAU, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 juin 2015
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 10 septembre 2005, la société GE MONEY BANK a consenti à Monsieur X. et à son épouse Madame Y. un prêt « Evoluto » de regroupement de crédits d'un montant de 117.000 euros remboursable en 360 mensualités. Le taux d'intérêt était fixé à 3,55 % pendant les six premiers mois, puis variable ensuite.
Le 10 janvier 2012, les époux X. ont obtenu le rachat de ce crédit par un autre établissement bancaire.
Par acte du 7 novembre 2012, recherchant la responsabilité de la société GE MONEY BANK, les époux X. l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de voir reconnaitre son manquement à ses obligations contractuelles et obtenir sa condamnation à leur verser divers dommages et intérêts.
La société GE MONEY BANK a soulevé la prescription de leur action et a conclu au rejet des prétentions.
Selon jugement du 15 mai 2014, le tribunal de grande instance de Lille a :
- déclaré les époux X. recevables en leurs demandes ;
- condamné la société GE MONEY BANK à payer aux époux X. les sommes suivantes :
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice économique actuel résultant du manquement de la société GE MONEY BANK à son devoir d'information et de mise en garde ;
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice économique futur résultant du manquement de la société GE MONEY BANK à son devoir d'information et de mise en garde ;
* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ;
- débouté les époux X. du surplus de leurs demandes ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;
- condamné la société GE MONEY BANK à payer aux époux X. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société GE MONEY BANK aux dépens ;
- rejeté toutes demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires des parties.
La société GE MONEY BANK a formé appel de cette décision le 10 juillet 2014.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 27 mai 2015, la société GE MONEY BANK demande à la cour de :
« réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux X. :
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice économique actuel ;
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice économique futur ;
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ;
- confirmer le jugement pour le surplus ;
- débouter les époux X. de l'ensemble de leurs prétentions et demandes ;
- les condamner à lui verser une indemnité de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle expose qu'à l'issue des six premiers mois, le taux d'intérêt était constitué par la somme d'un élément fixe égal à 2,250 % et d'un élément variable exprimé en taux annuel par la capitalisation de l'indice « EURIBOR un mois », défini à l'article 4.II.1.1 des conditions générales de l'offre de prêt.
Elle considère avoir respecté les dispositions du code de la consommation. Sur l'inexactitude du TEG, elle fait valoir qu'en application de l'article L. 313-1 alinéa 2, le montant des charges et honoraires de notaire ne pouvait être indiqué précisément avant la signature du contrat de prêt ; qu'en effet ces frais liés à l'hypothèque conventionnelle n'étaient pas encore déterminables ; qu'elle a par ailleurs précisé l'évaluation prévisible de ces frais ; qu'au demeurant les frais facturés ont été inférieurs à l'évaluation et les époux X. ne sauraient se prévaloir d'un préjudice.
Elle précise que le coût des assurances facultatives n'est pas à intégrer dans le calcul du TEG, ni le coût des assurances obligatoires qui ne conditionnent pas l'octroi du prêt, telle que l'assurance incendie.
S'agissant de la publicité trompeuse, elle fait observer que les conditions particulières de l'offre de prêt informaient les emprunteurs du caractère variable du taux d'intérêt, que la fixation du taux de l'indice EURIBOR est extrinsèque à la banque, qu'il peut varier à la baisse comme à la hausse et que le caractère avantageux ou non d'y recourir ne peut s'apprécier qu'à l'issue de la période de remboursement ; que cet indice est aujourd'hui négatif ; que le taux de la 2e période a donc pu être inférieur au taux de la 1re période. Elle conteste donc avoir usé d'un taux d'appel pour attirer des emprunteurs.
Quant à son devoir d'information, elle indique avoir obtenu des emprunteurs des éléments complets sur leur situation personnelle, avoir vérifié leur solvabilité, et n'avoir aucun devoir de mise en garde en l'absence de risque particulier.
Elle conteste le prétendu caractère inintelligible des clauses du contrat relativement au taux révisable, qui explique clairement les modalités de calcul et les ajustements mensuels de l'amortissement du capital. Elle fait observer qu'un aléa existait par nature, et que les emprunteurs ont eu recours à un intermédiaire en opérations de banque qui les a nécessairement informés et conseillés sur les caractéristiques de ce prêt.
Elle ajoute que le tableau prévisionnel de remboursement était théorique, fondé sur les éléments connus au jour de la conclusion du contrat, et n'avait pas de caractère contractuel.
En cours d'exécution du contrat, elle affirme avoir envoyé aux emprunteurs une information annuelle sur les conditions de remboursement, le capital à rembourser, le montant des échéances et la part des intérêts.
Elle conteste le caractère abusif de la clause d'intérêt à taux variable, en l'absence de déséquilibre entre les droits et obligations des parties.
Quant aux demandes des emprunteurs, elle affirme que selon l'article L. 312-33 du code de la consommation, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts est facultative et ne s'applique que lorsqu'un préjudice est justifié, or elle observe que la preuve n'est pas rapportée de ce qu'ils auraient perdu une chance de souscrire un prêt à un taux plus avantageux. Elle ajoute que les époux X. ont attendu fin 2010 pour solliciter la conversion du prêt en prêt à taux fixe, pour finalement rejeter sa proposition, ce qui prive de fondement leur demande d'indemnisation d'un préjudice. Elle conteste les modalités de calcul du préjudice économique passé. S'agissant du préjudice économique futur, elle relève qu'ils ont fait le choix de faire racheter leur crédit, alors que s'ils avaient poursuivi leur remboursement avec l'intérêt variable consenti par elle, ils auraient bénéficié d'un taux avantageux sur la période 2006-2015.
Elle conteste tout préjudice moral, les emprunteurs n'ayant jamais protesté ou émis des demandes d'explications, avant 2010, date à laquelle ils ont refusé son offre de passer à un taux fixe.
Par leurs dernières conclusions signifiées le 8 juin 2015, Monsieur et Madame X., formant appel incident, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* déclaré les époux X. recevables en leurs demandes,
*condamné la société GE MONEY BANK à la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*dit et jugé que la société GE MONEY BANK n'a pas respecté ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil,
*dit et jugé que ces défauts ont causés un préjudice direct aux époux X. ;
- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
* juger les clauses relatives au taux d'intérêt abusives et dire qu'elles seront réputées non écrites ;
* dire qu'il sera fait application du taux d'intérêt légal ;
En conséquence,
À titre principal :
* condamner la société GE MONEY BANK à leur verser la somme de 32.954,41 euros pour violation des articles L. 132-1 et L. 313-1 du code de la consommation ;
À titre subsidiaire :
* condamner la société GE MONEY BANK à leur verser la somme de 23.940,09 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice économique actuel ;
En tout état de cause,
- condamner la société GE MONEY BANK à leur payer la somme de 62.858,99 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice économique futur ;
- condamner la société GE MONEY BANK à leur verser la somme de 5.000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- la condamner à leur payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner la société GE MONEY BANK aux dépens de première instance et d'appel. »
Ils exposent qu'en raison du taux variable, une fois passée la première période de six mois, ils n'ont fait que rembourser les intérêts et frais d'assurance, sans jamais rembourser le capital pendant plus de 6 ans.
Ils reprochent à la société GE MONEY BANK :
- de les avoir incités à contracter par une publicité trompeuse contenue dans l'offre de prêt sur un taux d'appel avantageux au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation, en omettant de mentionner l'indice EURIBOR un mois au jour de l'offre ; ils affirment avoir été trompés sur le taux de remboursement applicable et sur le coût du crédit alors que la banque savait que le taux de 2e période ne pouvait être inférieur au taux fixe de la 1re période ;
- de leur avoir délivré une information partielle et partiale :
* avant le contrat : la présence d'un intermédiaire et d'un notaire ne dispense pas la banque de son devoir d'information et de mise en garde à l'égard d'emprunteurs non avertis ; ils soutiennent ne pas avoir été informés quant aux conditions de calcul des taux d'intérêt et sur une absence possible d'amortissement en cas de variation à la hausse du taux d'intérêt ; ils reprochent à l'offre de prêt de comporter des clauses incompréhensibles, au tableau prévisionnel d'être dépourvu de toute indication sur ses bases de calcul, le montant des échéances, le taux appliqué et le coût total du crédit ;
* pendant l'exécution du contrat en application de l'article L. 312-14-2 du code de la consommation : l'information donnée annuellement était de nature à les induire en erreur ; le tableau d'amortissement indiquait une colonne « charges » sans plus d'explication, alors qu'il s'agissait des intérêts qui n'avaient pu être payés par les mensualités et venaient s'ajouter au capital restant dû.
- d'avoir inséré des clauses abusives au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, lesquelles ont eu pour effet d'empêcher tout amortissement du capital pendant 6 ans, eu égard au taux du marché à l'époque de la conclusion du contrat. Ils sollicitent donc que la clause relative au taux d'intérêt soit réputée non écrite et que le taux légal s'y substitue.
S'agissant de leur préjudice, ils exposent que la substitution du taux légal au taux conventionnel entraine un trop-perçu pour la banque de 32.954,41 euros.
Subsidiairement, ils estiment avoir subi une perte de chance de contracter à un taux plus avantageux, à une période où la moyenne des taux d'intérêt était de 3,55 %, et affirment que leur préjudice est égal à la différence entre le capital restant dû en 2012 et qu'ils ont dû rembourser, et le capital qui aurait dû subsister s'ils avaient emprunté à taux fixe. Ils ajoutent que l'offre de passer à un taux fixe en 2010 ne tenait aucun compte du préjudice déjà subi.
En tout état de cause, ils affirment qu'en ayant eu recours à un nouvel emprunt, ils doivent payer des intérêts sur le surplus du capital restant dû, et ont perdu une chance de ne pas avoir à payer ces intérêts. Ils soutiennent également que les taux d'intérêt ont progressé à la hausse entre 2005 et 2012.
Enfin, ils affirment que malgré leurs nombreuses demandes d'explications, ils se sont heurtés à l'indifférence de la société GE MONEY BANK, ce qui leur a causé un préjudice moral.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que les époux X. qui invoquent dans les motifs de leurs dernières conclusions le rejet des pièces communiquées tardivement par la société GE MONEY BANK, ne reprennent pas cette demande dans le dispositif de leurs écritures ; que la cour n'étant saisie que des demandes contenues au dispositif des dernières conclusions, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de rejet, étant observé qu'il n'est pas contesté que les pièces litigieuses ont été communiquées avant la clôture des débats ;
Attendu qu'à titre liminaire il sera observé que la société GE MONEY BANK ne soulève plus la prescription de l'action des époux X., de sorte que la disposition ayant déclaré recevables leurs demandes sera confirmée ;
Sur l'usage d'une publicité trompeuse sur le taux applicable :
Attendu que les intimés soutiennent que leur consentement a été vicié par les conditions particulières de l'offre de prêt qui caractérisent une publicité trompeuse sanctionnée par l'article L. 121-1 du code de la consommation applicable aux emprunts souscrits antérieurement au 5 janvier 2008 ;
Attendu cependant que les conditions particulières précisent qu'après une première période de six mois au taux fixe de 3,55 %, le taux du prêt est ensuite variable, et qu'il est constitué par la somme de deux éléments, une commission fixe de 2,250 %, et un taux variable, en l'espèce le taux capitalisé de l'indice EURIBOR un mois ;
Que la variation de l'indice EURIBOR ne dépend pas de l'établissement bancaire mais est fixé par la Fédération Bancaire de l'Union Européenne ; que la banque ne pouvait connaitre par anticipation ses variations au cours de la période de remboursement qui s'échelonnait sur une vingtaine d'années ;
Que par ailleurs, les conditions générales exposent expressément que la durée de remboursement est variable du fait du caractère révisable du taux d'intérêt ;
Que la circonstance que les documents contractuels remis aux société GE MONEY BANK ne mentionnent pas le taux de l'indice EURIBOR un mois au jour de l'offre de prêt ne constitue pas une omission intentionnelle, destinée à tromper l'emprunteur ; que l'évolution de cet indice a, au cours de l'exécution du contrat, été d'abord défavorable puis favorable aux emprunteurs qui ont cependant fait le choix de rembourser par anticipation ; qu'il n'est pas fait état d'indication fausse ou de nature à induire les emprunteurs en erreur, l'aléa résultant de la variabilité de l'indice EURIBOR ressortant clairement de l'offre qui leur a été soumise ;
Que l'existence d'une publicité trompeuse par un taux d'appel n'est donc pas établie ;
Sur le respect des dispositions protectrices des emprunteurs prévues au code de la consommation :
Attendu qu'il sera observé que les époux X. ne formulent aucune critique contre la motivation des premiers juges qui ont exactement constaté qu'au regard des conditions générales et particulières de l'offre de prêt, la société GE MONEY BANK avait respecté l'ensemble de ses obligations relatives à la détermination du TEG, prévues à l'article L. 312-8 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date d'acceptation de l'offre ;
Que les intimés ne sont donc pas fondés à solliciter en vertu d'irrégularités par rapport à ces prescriptions légales la substitution des intérêts légaux, au taux d'intérêt fixé contractuellement ;
Sur l'existence d'une clause abusive :
Attendu que selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. » ;
Attendu qu'il est constant que si la clause d'intérêt à taux variable associé à un plafonnement de l'échéance mensuelle peut avoir pour effet une augmentation sensible du taux d'intérêt applicable au contrat, et l'absence d'amortissement du capital emprunté pendant une période donnée, comme cela a été le cas de 2006 à 2011, elle peut également être très favorable à l'emprunteur lorsque la tendance de l'indice choisi est à la baisse ; que les données relatives à l'indice EURIBOR pour les années postérieures à 2011 établissent clairement cette évolution avantageuse pour l'emprunteur ; qu'il convient de rappeler aussi que le montant de l'échéance mensuelle de remboursement, variable annuellement, est encadrée par le contrat ; que cette clause ne crée donc pas en elle-même de déséquilibre juridique entre les cocontractants qui selon les circonstances économiques de la période seront ou non avantagés ;
Que les premiers juges ont donc exactement estimé que la clause litigieuse n'était pas abusive et qu'il n'y avait pas lieu de la déclarer non écrite ;
Sur les manquements au devoir d'information et de mise en garde :
Attendu que la qualité d'emprunteurs non avertis des époux X. n'est pas contestable, dès lors qu'ils ne disposent d'aucune expérience personnelle en matière de taux d'emprunt immobilier, qu'ils étaient l'une à la recherche d'un emploi et l'autre technicien, et que si Madame X. a travaillé comme technicien dans un groupe immobilier, cela ne lui donne pas de connaissance particulière dans le domaine bancaire ; que la société GE MONEY BANK était donc tenue d'une obligation d'information et de mise en garde à leur égard, préalablement à la souscription du prêt ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la société GE MONEY BANK a sollicité et obtenu des époux X. tous les renseignements lui permettant d'apprécier leur situation personnelle et financière ; qu'il n'est pas soutenu qu'elle disposait d'informations qui n'était pas connues d'eux à la date de souscription du prêt et qu'elle n'aurait pas porté à leur connaissance ;
Attendu que les conditions de calcul du taux d'intérêt pratiqué sont clairement explicitées dans l'offre de prêt et les conditions générales ; qu'il ne saurait être reproché à la banque de faire usage de termes bancaires précis pour définir l'indice EURIBOR lequel est parfaitement identifié et objectivement fixé ;
Attendu qu'il est constant que par le mécanisme de plafonnement contractuel du montant des échéances mensuelles, l'augmentation du taux d'intérêt variable pouvait conduire à ce que non seulement le capital remboursable ne soit pas amorti, mais aussi à ce que ces mensualités soient insuffisantes pour payer tous les intérêts, lesquels étaient alors réintégrés dans le capital, qui continuait ainsi d'augmenter ;
Que le relevé annuel envoyé aux emprunteurs dès le mois de novembre 2006, par application anticipée de l'article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, précise certes les échéances versées au cours de l'année précédente, leur décomposition, et le capital restant dû mais n'explicite pas la colonne « charges » qui comptabilise ces intérêts croissants venant augmenter le capital ;
Que les conditions générales de l'offre de prêt ne font pas mention en termes explicites pour un emprunteur non averti de telles conséquences en cas d'augmentation de l'indice EURIBOR ; que le jugement entrepris a relevé le caractère difficilement compréhensible pour un emprunteur non averti des clauses 4.II.2.4, 4.II.3, et 4.II.4.1 ;
Attendu que le taux d'endettement des époux X. dont les revenus mensuels étaient d'environ 2.000 euros, était de 30 % après la souscription du prêt, proportion parfaitement admissible ; que leurs capacités financières, leur permettaient théoriquement de faire face au remboursement du prêt ; que cependant il convient de rappeler que la durée du remboursement pouvait se prolonger d'un tiers au maximum, par l'effet des intérêts non amortis et réintégrés au capital, ce qui pour un prêt remboursable sur une période initialement prévue de 360 mois n'est pas négligeable ; qu'il sera observé que les époux X. étaient âgés de près de 50 ans à la date de souscription du prêt, avaient deux enfants mineurs à leur charge, que les mensualités ont été proches de 650 euros certaines années lorsque l'indice EURIBOR était élevé et que la prolongation de la période de remboursement était susceptible d'entrainer un risque d'endettement excessif ; qu'enfin le prêt accordé bénéficiait d'une garantie hypothécaire sur leur résidence principale ; qu'à tout le moins les particularités de ce prêt méritaient d'être soulignées par l'établissement de crédit ;
Que la présence aux cotés des emprunteurs d'un intermédiaire en opérations de banque ne dispensait pas la société GE MONEY BANK de rapporter la preuve de ce qu'elle ait effectivement mis en garde les emprunteurs contre les risques de ce mécanisme de crédit ;
Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu un manquement de la société GE MONEY BANK à son obligation d'information et de mise en garde à l'égard des époux X. ;
Sur les préjudices invoqués :
Sur le préjudice économique :
Attendu que le manquement de la banque à son devoir de mise en garde n'a pu faire perdre aux époux X. qu'une chance de contracter un prêt à des conditions plus avantageuses ;
Attendu que les intimés produisent une étude de l'Observatoire du Financement des Marchés Résidentiels selon laquelle au dernier trimestre de l'année 2005 la moyenne des taux des crédits immobiliers aux particuliers était inférieure à 3,50 % (hors assurance et coût des garanties) ;
Que si l'appelante relève que le mandat de recherche donné à l'intermédiaire en opérations de banque fixait le taux d'intérêt maximal à 4,40 % hors assurance, elle ne produit aucune pièce susceptible de contredire les chiffres données par l'étude susvisée ;
Attendu cependant que n'est versée aux débats aucune autre offre de prêt à taux fixe qui aurait été proposée en 2005 aux intimés et encore moins à un TEG de 3,642 % ;
Qu'enfin, les époux X. ont refusé l'offre présentée en 2010 à leur demande de passer à un taux fixe pour finalement rembourser le prêt par anticipation en 2012 ;
Que dans ces circonstances, l'éventualité que les époux X. qui avaient connaissance de l'existence d'un aléa quant au taux évolutif, mais qui n'avaient pas été informés de ses conséquences possibles sur la durée du remboursement, aient choisi d'emprunter à taux fixe apparait plus réduite que ce qu'ils soutiennent ;
Que par ailleurs, sien préférant racheter ce prêt en 2012 ils se sont privés de la possibilité de voir évoluer en leur faveur l'indice EURIBOR, comme cela s'est réalisé entre 2011 et 2015 ; cette observation est sans portée dès lors que cette évolution favorable ne préfigure pas nécessairement celle de la période ultérieure de remboursement qui devait encore se poursuivre plus de dix ans, et donc du taux d'intérêt effectivement applicable ;
Qu'il convient au vu de ces éléments de limiter la perte de chance subie à 30 % du montant du préjudice ;
Attendu qu'il convient d'adopter la méthode de calcul proposée par les intimés, le préjudice étant constitué par la différence entre le capital effectivement dû en mars 2012 (115.238,54 euros) et le capital qui aurait été dû à cette date s'ils avaient emprunté en 2005 au TEG fixe de 3,642 % (90.942,43 euros), soit une somme de 23.940,09 euros ;
Qu'après application du taux de perte de chance, la société GE MONEY BANK sera donc condamnée à leur payer en réparation de leur préjudice économique actuel la somme de 7.182,03 euros, le jugement étant réformé en ce sens ;
Attendu que le même raisonnement doit prévaloir pour le poste de préjudice futur que pour le préjudice économique passé ; que les époux X. ont seulement perdu une chance de contracter à un taux plus avantageux dès 2005 évaluée à 30 % du préjudice ;
Attendu qu'ils ne sont toutefois pas fondés à soutenir que leur préjudice économique futur se caractérise par le surplus d'intérêts payé sur le capital « augmenté » tel qu'il subsistait en 2012, du fait de l'absence d'amortissement pendant six ans ; qu'en effet, dès lors qu'ils ont été indemnisés de la différence entre le capital effectivement dû en 2012 et le capital qui aurait été dû en cas d'emprunt en 2005 à taux fixe, ils ne peuvent réclamer en complément le remboursement des intérêts dus sur cette différence, ce qui reviendrait à obtenir une double indemnisation pour un même préjudice ;
Attendu qu'en revanche, les intimés démontrent par l'étude précitée que les taux d'intérêts fixes ont augmenté en moyenne de 0,5 % entre 2005 et 2012 ; qu'ils ont perdu une chance évaluée à 30 % de ne pas supporter un surcoût d'intérêts généré par cette augmentation des taux ; que ce préjudice, pour un prêt de 115.000 euros remboursable sur une période comprise entre 20 ans (durée du prêt contracté en 2012) et 30 ans (durée du prêt contracté en 2005), peut être évalué à la somme de 15.000 euros au vu des éléments dont la cour dispose ;
Qu'après application du taux de perte de chance, il sera alloué aux époux X. la somme de 4.500 euros en réparation de ce préjudice ; que le jugement sera réformé sur ce point ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que les tracas causés aux emprunteurs, qui ont dû effectuer de nombreuses démarches auprès de la société GE MONEY BANK, pour obtenir des explications précises sur le mécanisme du prêt, et le remboursement anticipé du prêt, et établir un autre dossier de financement auprès d'un autre organisme bancaire pour racheter leur crédit, justifient l'indemnisation de 1.000 euros que leur a accordée le tribunal en réparation de leur préjudice moral ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que la société GE MONEY BANK qui succombe pour l'essentiel sera condamnée aux dépens d'appel et le jugement entrepris confirmé du chef des dépens de première instance ;
Qu'il apparaît équitable de confirmer la somme de 2.500 euros allouée aux époux X. en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leur demande d'indemnité procédurale en cause d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris à l'exception de celles relatives au montant des indemnisations allouées au titre du préjudice économique actuel et futur des époux X. ;
Le réforme de ce chef, et, statuant à nouveau,
Condamne la société GE MONEY BANK à payer à Monsieur X. et à Madame Y. épouse X. les sommes suivantes :
- 7.182,03 euros en réparation de leur préjudice économique actuel ;
- 4.500 euros en réparation de leur préjudice économique futur ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société GE MONEY BANK aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président
H. POYTEAU F. GIROT
- 6033 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Contrat aléatoire
- 6106 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Décret du 18 mars 2009 - Prix
- 6619 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Taux d’intérêt et frais