CA AGEN (1re ch.), 10 février 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 546
CA AGEN (1re ch.), 10 février 2004 : RG n° 02/01013
Publication : Jurinet
Extrait : « Attendu qu’AXA soutient néanmoins que le droit communautaire, qui connaît également le système de l'éradication-sanction des clauses abusives ainsi que cela résulte de la directive n° 93-13 du 5 avril 1993, pose toutefois plusieurs limites au pouvoir du juge national de déclarer non écrites les clauses abusives ; Attendu cependant que la position précédemment rappelée n'est pas fondée sur le pouvoir général reconnu au juge de contrôler les clauses abusives, mais sur le droit commun des obligations ; Attendu que le versement de primes entre la date de prise d'effet du contrat et son expiration n'a pas dans le cas d'espèce pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages trouvant leur origine dans un fait s'étant produit pendant cette période, et qu'ainsi l'avantage conféré à la compagnie UAP est dépourvu de cause ; que la clause litigieuse doit en conséquence être frappée de nullité en application de l'article 1131 du Code Civil ; Attendu qu'une telle solution ne s'inscrit pas dans le champ d'application de la norme européenne, qu'il n'y a pas lieu dès lors d'interroger la Cour de Justice des Communautés Européennes sur ce point ».
COUR D’APPEL D’AGEN
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° : 02/01013. Prononcé à l'audience publique du dix février deux mille quatre, par Nicole ROGER, Présidente de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
SA AXA ASSURANCES IARD VENANT AUX DROITS ET OBLIGATIONS DE L'UAP INCENDIE ACCIDENTS
prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, Dont le siège social est [adresse], représentée par Maître NARRAN, avoué, assistée de la SCP DE CESSEAU GLADIEFF, avocats, APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 14 juin 2002, D'une part,
ET :
- Madame X.
[adresse], représentée par Maître Solange TESTON, avoué, assistée de la SELARL MARTIAL - FALGA PASSICOUSSET, avocats
- ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG AQUITAINE LIMOUSIN VENANT AUX DROITS DU CENTRE DE TRANSFUSION SANGUINE D'AGEN
agissant poursuites et diligences de son Directeur M. le Docteur Z., Dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Jean-Michel BURG, avoué, assistée de Maître Michel BOUFFARD, avocat
- CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOT ET GARONNE
prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, Dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Jean-Michel BURG, avoué, assistée de la SCP DELMOULY - GAUTHIER - THIZY, avocats
- MUTUELLE GENERALE DES PTT
prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, Dont le siège social est [adrsese], n'ayant pas constitué avoué
INTIMÉS, D'autre part,
a rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause ait été communiquée au Ministère Public, débattue et plaidée en audience publique, le 09 décembre 2003, devant Nicole ROGER, Présidente de Chambre, Catherine LATRABE, Conseiller et Christophe STRAUDO, Vice-Président placé désigné par ordonnance du Premier Président en date du 05 mars 2003, assistés de Dominique SALEY, Greffière, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 11 mai 1989, Madame X. a été victime d'un accident de la circulation ayant entraîné un traumatisme crânien avec perte de connaissance et des fractures de l'humérus gauche, du bassin ainsi que du rachis lombaire. Hospitalisée dans le service du Docteur R. du Centre Hospitalier Saint Esprit d'Agen durant deux mois demi, elle a reçu les produits sanguins suivants :
- 6 plasmas n° 5873721, 5933983, 4930430, 932755, 6932855, 6932841,
- 7 culots O négatifs n° 930937, 931014, 2933443, 72413, 933463, 72438, 933430.
Elle a subi par ailleurs une intervention le 10 juillet 1989 ainsi qu'une ostéosynthèse de l'humérus avec greffon osseux provenant d'os de banque en octobre 1989. Au cours d'un test de séropositivité effectué au mois de juin 1993, Mme X. a appris qu'elle était contaminée par le virus de l'hépatite C. L'enquête transfusionnelle diligentée par le centre hospitalier d'Agen a permis de révéler que lors de l'hospitalisation de cette patiente en 1989, le Centre Interdépartemental de Transfusion Sanguine d'Agen lui a fourni des produits contaminés par ce virus. Par courrier du 8 août 1995 le CITS d'Agen, par l'intermédiaire du docteur P., a ainsi reconnu que parmi les donneurs des 13 produits sanguins administrés à Mme X., deux étaient HCV positifs. Par ordonnance de référé du 20 mars 1997, elle a obtenu la désignation d'un expert en la personne du docteur G., laquelle a déposé son rapport le 18 août 1997.
Incriminant les transfusions sanguines qui avaient été pratiquées au cours de son hospitalisation, Mme X. a fait assigner le 19 février 1999 le Centre Interdépartemental de Transfusion Sanguine d'Agen sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil aux fins d'obtenir réparation de ses préjudices. Le 4 mars 1999, le CITS a appelé en garantie son assureur la compagnie AXA Assurances venant aux droits de l'UAP. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Lot et Garonne et la Mutuelle des PTT ont également été appelées en la cause les 8 et 25 février 2001. Ces instances ont été jointes.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 14 juin 2002, le Tribunal de Grande Instance d'Agen a déclaré l'Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin (EFSAL) venant aux droits du CITS d'Agen responsable du préjudice subi par Madame X., et l'a condamné solidairement avec la compagnie AXA Assurances à verser à la demanderesse la somme de 18.293,88 euros au titre de ses préjudices corporel et moral, ainsi que celle de 1.524,49 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'EFSAL et la compagnie AXA ont en outre été condamnés à régler à la CPAM du Lot et Garonne les sommes de 582,07 euros au titre du montant des débours provisoires exposés avec intérêts de droit à compter du 7 décembre 2001, 194,02 euros en application de l'article L. 376-1 du Code de la Sécurité Sociale et 150,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, réservant pour le surplus les droits de l'organisme social. La décision a enfin été déclarée opposable à la mutuelle des PTT défaillante.
Le 19 juillet 2002, la compagnie d'assurances AXA ASSURANCES IARD a relevé appel de cette décision dans des conditions de formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables.
Aux termes de ses ultimes écritures auxquelles il convient de se référer explicitement pour de plus amples exposés des faits, des moyens et des prétentions, la compagnie AXA sollicite l'entière réformation de la décision déférée. Contestant en premier lieu sa garantie, elle fait valoir :
- que par arrêté interministériel du 27 juin 1980, il a été imposé aux établissements de transfusion sanguine de souscrire une assurance obligatoire pour couvrir la responsabilité qu'ils étaient susceptibles d'encourir dans l'exercice de leurs activités transfusionnelles,
- que des clauses types avaient ainsi été édictées, prévoyant notamment une limitation dans le temps des obligations des assureurs, et notamment une clause dite de « réclamation » au terme de laquelle « la garantie responsabilité civile après livraison des produits sanguins s'applique aux réclamations se rattachant à des produits livrés pendant la durée du contrat et portées à la connaissance de l'assuré dans un délai maximum de cinq ans après l'expiration du contrat »,
- qu'en application de cet arrêté, il a été inséré dans le contrat d'assurance souscrit par le CITS d'Agen un article reproduisant intégralement cette clause,
- que le CITS d'Agen ayant résilié ce contrat le 31 décembre 1989, la garantie responsabilité civile subséquente de cinq ans est arrivée en conséquence à échéance le 31 décembre 1994,
- que la déclaration de sinistre de Mme X. étant intervenue le 19 octobre 1995, soit près de 10 mois après l'expiration de cette échéance, le CITS d'Agen aux droits duquel intervient l'EFSAL ne saurait dès lors solliciter la garantie de son assureur,
- que la déclaration d'illégalité de l'arrêté ministériel du 27 juin 1980 prononcée par le Conseil d'Etat le 29 décembre 2000, soit postérieurement à l'expiration de cette garantie, ne saurait avoir pour effet de remettre en cause de manière rétroactive le contrat d'assurance, sauf à violer les principes généraux du droit consensuel consacrés tant par le droit interne que par le droit communautaire,
- que dans l'hypothèse où de telles clauses seraient réputées non écrites, il conviendrait de prononcer la nullité du contrat dans la mesure où un de ses éléments essentiel, lié à notamment à son objet et à l'étendue de la garantie, se trouverait totalement modifié.
A titre subsidiaire, la compagnie AXA sollicite que la Cour de Justice des Communautés Européenne soit saisie dans le cadre de questions préjudicielles aux fins notamment de se prononcer sur la faculté offerte ou non aux Etats membres de supprimer dans des contrats conclus entre des professionnels des clauses librement négociées tout en laissant à l'une des parties la charge d'exécuter la convention ainsi modifiée et cela alors même que l'économie du contrat se trouve bouleversée. Elle sollicite par ailleurs que cette même juridiction soit interrogée aux fins de déterminer si, au regard des principes généraux de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que des termes de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, un juge national peut déclarer non écrite une clause de limitation dans le temps d'une garantie, alors même que des dispositions réglementaires nationales les imposent.
En second lieu la compagnie AXA Assurance conteste la notion d'imputabilité retenue par la premier juge. Elle considère à ce titre que si l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 permet d'opérer le renversement de la charge de la preuve, c'est à la condition que le demandeur apporte un certain nombre d'éléments laissant présumer l'origine transfusionnelle de la contamination, ces présomptions, qui sont celles de l'article 1353 du Code civil, devant être suffisamment graves, précises et concordantes. Elle fait valoir notamment que la découverte de la séropositivité de deux donneurs sur 13 ne sauraient constituer une présomption suffisante de contamination, et ce d'autant que Mme X. a été hospitalisée à trois reprises dans des établissements hospitaliers et a subi un nombre équivalent d'interventions, et notamment une ostéosynthèse avec greffon osseux provenant d'os de banque. Elle reproche également au premier juge d'avoir négligé les effets médicaux de certains antécédents qui rendent possibles d'autres causes de contamination, notamment nosocomiales.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la confirmation de la décision déférée s'agissant du montant des indemnisations allouées à Mme X., faisant valoir que celle-ci ne saurait se prévaloir d'un préjudice spécifique de contamination.
Aux termes de ses ultimes écritures auxquelles il convient de se référer pour un exposé des moyens et prétentions développés, l'Etablissement Français du Sang Aquitaine Limousin s'en remet quant à lui à la sagesse de la Cour s'agissant de la question de l'imputabilité. Il sollicite en revanche la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a retenu la garantie de l'assureur, soulignant que les demandes d'AXA sont totalement infondées en l'état de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 29 décembre 2000.
Mme X. sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée en qu'elle a déclaré le CITS aux droits duquel intervient l'EFSAL responsable des préjudices qu'elle a subis et la compagnie AXA Assurances tenue de garantir son assuré. Elle réclame toutefois sur appel incident sa réformation s'agissant du montant des indemnités qui lui ont été allouées, et sollicite à ce titre une somme de 14.483,00 euros en réparation de son préjudice corporel en sus des débours de la CPAM, celle de 15.245,00 euros en réparation de son préjudice moral ainsi que celle de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Lot et Garonne conclut à la confirmation de la décision déférée sauf à porter à la somme de 1.290,68 euros la condamnation prononcée. Elle sollicite en outre l'allocation d'une somme de 430,23 euros en application des dispositions de l'ordonnance du 24 janvier 1996.
La Mutuelle des PTT, quoique régulièrement assignée, n'a pas constitué avoué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2003.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les moyens et prétentions des parties tels que développés dans leurs ultimes conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour de plus amples informés ;
Sur l'imputabilité :
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, et dans l'hypothèse de contestations relatives à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de ladite loi, il appartient au demandeur d'apporter des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; Qu'à partir de tels éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; Que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, si nécessaire, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile, étant précisé que le doute profite au demandeur ; Attendu qu'en l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que Mme X. a reçu au cours de son hospitalisation initiale treize produits sanguins provenant du CITS d'Agen ;
Que l'enquête post-transfusionnelle à laquelle a procédé le CITS a mis en évidence que parmi les donneurs deux se sont révélés HCV positifs ; Que le 8 août 1995 le docteur P., médecin du Centre de Transfusion, a informé à ce titre le Centre Hospitalier d'Agen que les produits sanguins provenant de ces donneurs pouvaient être considérés comme étant à l'origine de la contamination de Mme X. ;
Que l'expert judiciaire G. qui a examiné l'ensemble des pièces du dossier médical et constaté que Mme X. ne présentait préalablement aucun facteur de risque propre, conclut qu'il est hautement probable que la contamination dont elle a été victime soit la conséquence directe des transfusions de produits sanguins provenant de ces deux donneurs ; Que ces éléments constituent dès lors des présomptions graves, sérieuses et concordantes de ce que la contamination de Mme X. a pour origine les produits sanguins qui lui ont été administrés ;
Qu’il incombe en conséquence à l'ESF et la compagnie AXA de prouver que les produits sanguins fournis étaient exempts de tous vices et ne sont pas à l'origine de la contamination ; Attendu que sur ce point, il convient de relever en premier lieu que contrairement à ses écritures de première instance, l'ESFAL n'a pas entendu contester en cause d'appel les conclusions du rapport s'en remettant sur ce point à la sagesse de la cour ; Que si la compagnie AXA conteste les conclusions du docteur G., il convient de relever qu'elle n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause la qualité et le sérieux de telles conclusions ; Qu'elle se borne en effet à souligner que les causes d'une contamination sont multiples et pourraient notamment résulter dans le cas d'espèce de l'ostéosynthèse avec greffon osseux pratiquée sur la patiente ; Attendu néanmoins que de telles allégations ne sont corroborées par aucun élément objectif; que la compagnie d'assurance qui disposait de tout pouvoir d'attraire à la procédure le fournisseur d'os de banque et de solliciter toutes mesures utiles s'est abstenue de le faire ; Qu'il résulte en outre des constatations du docteur G., dont la compétence et le sérieux sont reconnus, que si de multiples sources de contamination sont possibles, et notamment par greffe osseuse ou soins dentaires, le risque transfusionnel reste néanmoins la source la plus élevée ;
Qu'il n'existe par ailleurs aucun argument suffisant en faveur d'une infection nosocomiale ancienne ou d'une cause récente de contamination ; Attendu que l'appelante étant dès lors défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe, c'est en faisant une juste application des dispositions précitées que les premiers juges ont retenu la responsabilité du CITS d'Agen aux droits duquel intervient l'EFS dans la contamination de Mme X. ; Que leur décision sera en conséquence confirmée de ce chef.
Sur la garantie d'axa assurances IARD :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 667 du Code de la Santé Publique, dans sa rédaction issue de la loi du 21 juillet 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les organismes dont relèvent les établissements de transfusion sanguine assument, même sans faute, la responsabilité des risques encourus par les donneurs en fonction des opérations visées aux alinéas 3 et 4 ci-dessus et doivent contracter une assurance couvrant sans limitation de somme la responsabilité de ces établissements du fait de ces risques ; que cette assurance doit comporter des garanties au moins égales à celles qui seront définies par un arrêté pris conjointement par le ministre de la santé publique et le ministre des finances ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1131 du Code Civil « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet » ; Qu'aux termes de l'article L. 124-1 du Code des Assurances « dans les assurances de responsabilité, l'assureur n'est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par le tiers lésé » ; Attendu qu'il résulte de ces dispositions que le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ; Attendu qu'une telle règle retrouve de surcroît toute sa portée dans un contentieux aussi spécifique que celui lié à la contamination; qu'il semble en effet incontestable que le développement des risques transfusionnels a conduit les centres de transfusion sanguine a souscrire des assurances de responsabilité civile aux fins de garantir les risques liés à la distribution de produits sanguins ; Que l'état des connaissances scientifiques n'a cessé d'évoluer au cours des années 1980 et 1990 ; qu'ainsi le virus VHC n'a été isolé qu'à la fin de l'année 1989 alors que les premiers tests n'ont été disponibles qu'au mois de janvier 1990 et rendus obligatoire au 1er mars 1990 ; Qu'il est couramment admis que la contamination par transfusion de produits sanguins a représenté une source d'infection très importante avant cette date et que les personnes ainsi contaminées ont quelquefois attendu plusieurs années avant d'apprendre leur séropositivité ;
Attendu qu'en l'espèce il est constant que le CITS d'Agen, a souscrit un contrat d'assurance auprès de la compagnie UAP (aux droits de laquelle intervient la compagnie AXA) en juin 1981 ; Que cette police a été résiliée le 31 décembre 1989 ; Qu'elle contenait une clause au terme de laquelle la garantie relative à la responsabilité civile après livraison des produits sanguins ne s'appliquerait qu'aux réclamations se rattachant à des produits livrés pendant la durée du contrat, et portées à la connaissance de l'assuré dans un délai maximum de cinq ans après la date d'expiration des contrats ; Que la réclamation de Mme X. n'a été portée à la connaissance de la compagnie AXA que postérieurement à l'expiration de ce délai ; Que s'il n'est pas contestable que ces clauses étaient conformes à la clause type contenue au dernier alinéa de l'article 4 de l'annexe à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, pris en application de l'article L. 667 du Code de la Santé Publique, il convient de noter que ce même arrêté a été considéré comme entaché d'illégalité par la Conseil d'Etat le 29 décembre 2000 ; Que nonobstant les conséquences de cette décision sur les instances civiles en cours, il ressort des textes précités et des principes régissant le droit des assurances qu'appliquer de telles clauses aboutirait de fait à priver l'assuré du bénéfice de l'assurance en raison d'un fait qui ne lui est pas imputable ;
Qu’elle conduirait à créer au profit du seul assureur, qui percevrait ainsi des primes sans contrepartie, un avantage illicite dépourvu de cause, et par conséquent contraire aux dispositions de l'article 1131 du Code Civil ;
Attendu qu'il n'est pas contestable en effet que Mme X. a été contaminée dans le courant de l'année 1989 ; qu'à cette date le CITS d'Agen était couvert pour les risques liés à la distribution de produits sanguins viciés ; Que soumettre la validité de cette garantie et la couverture du dommage à la seule condition que la réclamation de l'assuré intervienne dans un délai de cinq revenait de fait, au regard de l'état des connaissances scientifiques et de la particularité du risque couvert, à le priver du bénéfice de l'assurance et à offrir ainsi à l'assureur un avantage illicite dépourvu de cause ;
Attendu qu’AXA soutient néanmoins que le droit communautaire, qui connaît également le système de l'éradication-sanction des clauses abusives ainsi que cela résulte de la directive n° 93-13 du 5 avril 1993, pose toutefois plusieurs limites au pouvoir du juge national de déclarer non écrites les clauses abusives ; Attendu cependant que la position précédemment rappelée n'est pas fondée sur le pouvoir général reconnu au juge de contrôler les clauses abusives, mais sur le droit commun des obligations ; Attendu que le versement de primes entre la date de prise d'effet du contrat et son expiration n'a pas dans le cas d'espèce pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages trouvant leur origine dans un fait s'étant produit pendant cette période, et qu'ainsi l'avantage conféré à la compagnie UAP est dépourvu de cause ; que la clause litigieuse doit en conséquence être frappée de nullité en application de l'article 1131 du Code Civil ; Attendu qu'une telle solution ne s'inscrit pas dans le champ d'application de la norme européenne, qu'il n'y a pas lieu dès lors d'interroger la Cour de Justice des Communautés Européennes sur ce point ;
Attendu que la société AXA prétend que si la clause de réclamation devait être déclarée nulle, il y aurait alors lieu de prononcer la nullité du contrat en son entier au motif que les parties ont contracté sous l'empire d'une cause dont la fausseté leur était inconnue et qui porte sur la substance même de leur engagement ;
Mais attendu que l'erreur n'est cause de nullité des conventions que si elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet ; Qu'en l'espèce la compagnie AXA ne démontre pas que l'assureur aurait refusé de contracter un engagement de garantie sans limitation de durée et que cet élément présentait pour lui un caractère déterminant, alors qu'à l'époque de la formation du contrat à laquelle il faut se placer, le virus de l'hépatite C n'était même pas identifié et que les conditions d'apparition des troubles liés à une contamination étaient inconnues ; Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé que la société AXA devait garantir L'EFSAL des dommages subis par Madame X. qui ont trouvé leur origine dans une transfusion subie pendant la période de validité du contrat ;
Sur l'évaluation des préjudices :
Attendu qu'il convient de rappeler que Madame X. a été contaminée par le virus de l'hépatite C en 1989 alors qu'elle n'avait que 30 ans ; Que mariée et mère de 2 enfants, elle est actuellement reconnue invalide à 80 % par la COTOREP ;
Que l'expert qui l'a examinée en 1997, tout en indiquant que sa pathologie hépatique semblait stabilisée, a insisté sur le caractère évolutif de sa maladie et le risque d'apparition d'une cirrhose et d'un cancer dans les prochaines années ; Qu'il est incontestable que depuis la révélation de sa séropositivité, Mme X. a dû subir de multiples examens médicaux ; Que mère de famille, elle vit de surcroît dans l'angoisse quotidienne d'une évolution fatale de sa pathologie ; Qu'elle présente par ailleurs une asthénie variable pouvant parfois revêtir un caractère totalement invalidant l'obligeant à un repos alité ; Que ne pouvant être consolidée d'un point de vue strictement médico-légal en raison du caractère évolutif de sa maladie, elle se trouve néanmoins, en raison de l'affection dont elle est atteinte, dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle hors d'un cadre protégé ; Qu'elle a subi en ce sens un préjudice strictement corporel qui peut, au vu des éléments versés aux débats, être justement indemnisé par la somme de 12.000,00 euros ; Qu'il est en outre constant qu'elle a subi un préjudice spécifique du fait de sa contamination qui intègre tout à la fois les souffrances qu'elle a endurées depuis sa contamination ainsi qu'un préjudice moral lié aux incertitudes pesant sur l'évolution de sa pathologie et l'anxiété quotidienne qui en résulte ; Que ce préjudice sera justement réparé par la somme de 15.000,00 euros ; Que la décision déférée sera en conséquence réformée sur ces point et l'EFSAL et la compagnie AXA condamnés à verser à Mme X. une somme de 27.000,00 euros en réparation de ses préjudices.
Sur la créance de la CPAM du Lot et Garonne :
Attendu que la CPAM du Lot et Garonne justifie avoir versé des débours provisoires à concurrence de 1.290,68 euros ; Qu'il convient de fixer le montant de sa créance à cette somme et de condamner solidairement l'EFS et la compagnie AXA au paiement de celle-ci ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de Mme X. les frais irrépétibles exposés au cours de l'instance ; Que l'équité commande en conséquence de confirmer sur ce point la décision déférée et de lui allouer au titre des frais exposés en cause d'appel la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu qu'il convient pour le surplus de rejeter les demandes plus amples ou contraires ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
En la forme, reçoit les appels jugés réguliers de la compagnie SA AXA ASSURANCES IARD et de Mme X. ;
Au fond confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré l'Etablissement Français du Sang Aquitaine-Limousin agissant aux droits et obligations du CITS du Lot et Garonne responsable de la contamination de Madame X. par le virus de l'hépatite C,
- dit que la compagnie AXA ASSURANCES IARD venant aux droits de l'UAP serait tenue de garantir l'EFS,
- condamné solidairement l'EFSAL et AXA à verser à Mme X. la somme de 1.524,49 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et à la CPAM du Lot et Garonne les sommes de 194,02 euros en application de l'article L. 376-1 du Code de la Sécurité Sociale et 150,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et réservé les droits de la CPAM,
- déclaré opposable à la mutuelle des PTT sa décision,
Le reforme pour le surplus,
Statuant de nouveau sur ce point :
Fixe à la somme de 12.000,00 euros le montant du préjudice corporel de Mme X. et à 15.000,00 euros le montant de son préjudice de contamination comprenant son préjudice moral et le prix des douleurs endurées ;
Condamne solidairement l'Etablissement Français du Sang Aquitaine-Limousin et la Compagnie AXA ASSURANCES IARD à verser à Mme X. la somme de 27.000,00 euros en indemnisation de son préjudice global de contamination ainsi qu'une somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Les condamne en outre à verser à la CPAM du Lot et Garonne la somme de 582,07 euros avec intérêts de droit à compter du 7 décembre 2001 au titre du montant des débours provisoires exposés, et réserve les droits de l'organisme social pour le surplus,
Déclare le présent arrêt opposable à la mutuelle des PTT,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Dit que la compagnie SA AXA ASSURANCES IARD supportera les dépens de la présente instance, avec distraction au profit de Maître TESTON et BURG, avoués, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Ainsi fait et jugé les jour, mois et an susdits. Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Présidente de Chambre et Dominique SALEY, Greffière.
- 5714 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Moyen manquant en fait
- 6012 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Articulation avec les protections de droit commun (cause; obligation essentielle)
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)