CA POITIERS (2e ch. civ.), 5 janvier 2016
CERCLAB - DOCUMENT N°
CA POITIERS (2e ch. civ.), 5 janvier 2016 : RG n° 15/00483 ; arrêt n° 14
Publication : Jurica
Extrait : « En droit la prescription biennale édictée par l'article L. 137-2 du Code de la consommation ne régit limitativement que les actions des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux seuls « consommateurs », la qualité de consommateur est circonscrite aux seules personnes physiques, et donc inapplicable à la SCI B. INVESTISSEMENT débitrice principale.
En effet le Code de la consommation opère une distinction entre les notions de consommateur et de non-professionnel, et rend ses dispositions applicables alternativement ou cumulativement à ces deux catégories de sujets de droit. Ainsi, au sein du titre III du livre I du dit code, régissant les conditions générales des contrats, le régime des clauses abusives (articles L. 132-1 et suivants) et de l'interprétation des contrats (article L. 133-2) bénéficie cumulativement aux cocontractants non-professionnels et consommateurs. Le régime de la reconduction des contrats (article L. 136-1), initialement institué au bénéfice des seuls consommateurs, a été étendu, en vertu du dernier alinéa de cet article, aux non-professionnels par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008. En revanche, le régime de la prescription institué par les articles L. 137-1 et L. 137-2 est circonscrit aux seuls cocontractants consommateurs.
Les catégories de non-professionnels et de consommateurs se distinguent en ce que les premiers peuvent être des personnes morales ou physiques, et que les seconds sont exclusivement des personnes physiques.
En conséquence, l'article L. 137-2 du Code de la consommation est inapplicable aux prêts cautionnés par les époux X., souscrits par la personne morale que constituait la SCI B. INVESTISSEMENT. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 5 JANVIER 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00483. ARRÊT n°14. Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 16 décembre 2014 rendu par le Tribunal de Grande Instance de POITIERS.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Ayant pour avocat Maître Simone B. de la SCP B.-D., avocat au barreau de POITIERS.
Madame X.
née le [date] à [ville], Ayant pour avocat Maître Simone B. de la SCP B.-D., avocat au barreau de POITIERS.
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU
Ayant pour avocat postulant Maître Yann M. de la SCP ERIC T. - YANN M., avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Pierre C. de la SCP D. - C. - B.- LE L., avocat au barreau de POITIERS.
COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 novembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, Madame Catherine FAURESSE, Conseiller, Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
OBJET DU LITIGE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Madame X. et Monsieur X. sont mariés sous le régime de la communauté légale.
Le 16 août 2005, Madame X. a constitué la SCI B. INVESTISSEMENT avec Monsieur B., ayant pour objet l'acquisition de terrains, la promotion immobilière et la vente.
Le 9 janvier 2007, la SCI B. INVESTISSEMENT a acquis une maison d'habitation sise [adresse] et [adresse] suivant acte authentique reçu par Maître B., Notaire à [ville A.], financée par un prêt n° XXX consenti par le CRÉDIT AGRICOLE, annexé à l'acte, d'un montant initial de 541.000 euros au taux variable d'une durée de 24 mois avec un différé total de 23 mois, le prêt arrivant à échéance le 9 janvier 2009. Ce prêt est garanti par une hypothèque et le cautionnement solidaire de Madame X., de Monsieur X., son époux, et de Monsieur B., chacun dans la limite de 270.500 euros en principal, intérêts et frais.
Le 12 février 2008, la SCI B. INVESTISSEMENT a fait l'acquisition d'une maison sise [adresse], suivant acte authentique reçu par Maître J., Notaire Associé à [ville A.], financée par un prêt n° YYY, consenti par le CRÉDIT AGRICOLE, annexé à l'acte, d'un montant initial de 291.800 euros au taux variable, remboursable en 24 mois avec un différé de 23 mois, à échéance du 12 février 2010. Ce prêt est garanti par une hypothèque conventionnelle et la caution solidaire de Monsieur X. et Monsieur B., chacun dans la limite de 145.900 euros en principal, intérêt et frais.
La SCI B. INVESTISSEMENT n'a pu obtenir les autorisations d'urbanisme pour procéder aux travaux d'amélioration et rentabiliser ses investissements et n'est pas parvenue à vendre les immeubles de sorte qu'elle n’a pas pu faire face au remboursement des deux prêts à leurs échéances.
Une « vente à la découpe » du premier immeuble acquis, a permis de recueillir une somme de montant de 58.299 euros affectée au règlement du prêt afférent d'un montant de 541.000 euros.
Un compromis de vente, a été signé pour la vente de l'immeuble [adresse], objet du second prêt d'un montant initial de 291.800 euros a été signé le 1er décembre 2010 pour un montant de 340.000 euros, la vente ayant été réalisée en janvier 2013.
La SCI B. INVESTISSEMENT a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire suivant jugement du Tribunal de Commerce de Tours du 29 février 2012, puis d'un jugement de liquidation judiciaire le 10 octobre 2013.
Par exploit du 5 février 2013, Monsieur et Madame X. ont assigné le CRÉDIT AGRICOLE devant le Tribunal de Grande Instance de Poitiers se prévalant de la prescription biennale de la créance au titre des deux prêts, de l'inopposabilité des engagements de caution à Monsieur X. des manquements du CRÉDIT AGRICOLE à son obligation de mise en garde et sollicitant sa condamnation à verser à Monsieur et Madame X. des dommages et intérêts, à titre subsidiaire, la déchéance du droit aux intérêts.
Le CRÉDIT AGRICOLE s'est opposé à ses demandes et, à titre reconventionnel, a conclu à la condamnation de Monsieur X. à lui verser la somme de 75.322,56 euros au titre du second prêt d'un montant initial de 291.000 euros (prêt n° YYY), et la condamnation de Madame X. à lui verser la somme de 270.500 euros au titre du premier prêt d'un montant initial de 541.000 euros (prêt n° XXX).
Par jugement, du 16 décembre 2014, le Tribunal de Grande Instance de POITIERS a :
- débouté Monsieur et Madame X. de toutes leurs demandes,
- condamné Monsieur X. à payer :
* au titre du prêt n° XXX d'un montant initial de 541.000 euros, la somme de 270.500 euros arrêtée au 29 avril 2014,
* au titre du prêt n° YYY d'un montant initial de 283.600 euros la somme de 75.322,56 euros arrêtée au 29 avril 2014.
- condamné Madame X. à payer :
* au titre du prêt n° XXX d'un montant initial de 541.000 euros, la somme de 270.500 euros arrêtée au 29 avril 2014, outre les intérêts légaux à compter de la signification
- condamné solidairement Monsieur X. et Madame X. à payer au CRÉDIT AGRICOLE une somme de 500 euros en application de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 10 février 2015 Monsieur X. et Madame X. ont relevé appel de cette décision et selon leurs dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2015 ils demandent à la cour de :
- Réformer totalement le jugement entrepris et statuant à nouveau.
A titre principal,
Vu les dispositions de l'Article L. 137-2 du Code de la Consommation,
- Déclarer la créance du CRÉDIT AGRICOLE au titre des prêts consentis à la SCI B. INVESTISSEMENT les 9 janvier 2007 et 12 février 2008 comme étant prescrite.
Subsidiairement
- Constater l'inopposabilité des conditions et garantie à M et Mme X.
Très Subsidiairement,
Vu les dispositions de l'Article L. 341-4 du Code de la Consommation,
- Constater que les engagements de caution souscrits par Madame X. et Monsieur X. étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus au moment de la souscription de l'engagement.
- En conséquence, dire le CRÉDIT AGRICOLE irrecevable à se prévaloir du contrat de cautionnement,
Plus subsidiairement encore,
Vu les dispositions de l'Article 1382 du Code Civil,
- Constater que le CRÉDIT AGRICOLE a engagé sa responsabilité en vertu de son devoir de conseil et son obligation de mise en garde.
- En conséquence, condamner le CRÉDIT AGRICOLE à réparer le préjudice subi par Madame X. à hauteur de 270.500 euros et à réparer le préjudice subi par Monsieur X. à hauteur de 416.400 euros,
- Constater que le CRÉDIT AGRICOLE n'a respecté aucune de ses obligations d'informations de la caution,
- Ordonner, en tant que de besoin, la compensation entre les créances respectives conformément aux dispositions de l'Article 1289 du Code Civil.
Vu les dispositions des Articles L. 313-9 et L. 341-6 du Code de la Consommation,
- Ordonner la déchéance du droit aux intérêts au titre des engagements de caution.
- Dire qu'il sera tenu compte dans les décomptes :
* de la somme de 58.299,25 euros au titre de la vente d'un appartement à [ville A.]
* de la somme de 340.000 euros au titre de la vente de l'immeuble, objet du second prêt.
- Condamner le CRÉDIT AGRICOLE à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 3.500 euros en application de l'Article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Selon ses dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2015 le CRÉDIT AGRICOLE demande à la cour de :
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et débouter les époux X. de toutes leurs demandes fins et conclusions
Vu l'article 2224 du Code Civil,
- Constater qu'aucune prescription ne peut lui être opposée concernant le montant de sa créance, résultant des deux prêts notariés consentis les 9 janvier 2007 et 12 février 2008, par l'intermédiaire de Maître B. notaire associé à [ville A.], dès lors que la prescription de 5 ans seule applicable à partir de la déchéance du terme ou de la date à laquelle les prêts devaient être remboursés a été interrompue notamment par la déclaration de créance qu'il a fait dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SCI B., cette déclaration de créance conservant son effet interruptif jusqu'à la fin de la procédure collective, dès le 1er février 2012 par un commandement de payer valant saisie délivré sous la constitution de Maître C., avocat au barreau de TOURS, comme celui-ci le précise dans sa déclaration de créance du 22 mars 2012 (pièce 6) et par les conclusions déposées en première Instance tendant à la condamnation des cautions au paiement des sommes dues
- Débouter Monsieur et Mme X., cautions averties de toute action en responsabilité à l'encontre du Crédit Agricole, sur qui ne pesait aucune obligation de mise ne garde, et de toutes demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 341-4 du Code de la Consommation, alors qu'ils ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de la disproportion de leurs engagements.
- Condamner monsieur X., en sa qualité de caution par acte notarié, et en tant que de besoin, dans la limite de son engagement, à lui payer :
* en vertu du prêt XXX, d'un montant initial de 541.000 euros la somme de 270.500 euros, prêt au titre duquel il est dû à la date du 29 avril 2014, les sommes suivantes : Capital 547.475,66 euros, Intérêts 2.879,95 euros, Intérêts de retard de 265.485,20 euros.
* en vertu du prêt numéro YYY d'un montant initial de 283.600 euros, la somme de 75.322, 56 euros se décomposant comme suit : capital 618,29 euros, Intérêts 737,72 euros Intérêts de retard 73.966,55 euros
- Condamner madame X. en sa qualité de caution par acte notarié, et en tant que de besoin, dans la limite de son engagement, à lui payer :
* en vertu du prêt XXX d'un montant initial de 541.000 euros, la somme de 270.500 euros prêt au titre duquel il est dû à la date du 29 avril 2014, les sommes suivantes :
Capital 547.475, 66 euros, Intérêts 2.879,95 euros, Intérêts de retard de 265.485,20 euros.
- Le tout avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure
- Condamner les époux X. aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 octobre 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Les époux X. invoquent l'irrecevabilité de l'action du CRÉDIT AGRICOLE pour expiration du délai biennal de prescription de l'article L. 137-2 du Code de la consommation qui dispose : l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans en indiquant que les deux prêts notariés auraient dû être remboursés respectivement les 9 janvier 2009 et 12 février 2010, et qu'en conséquence la prescription serait acquise pour le premier, depuis le 9 janvier 2011 et pour le second le 12 février 2012.
Ils fondent implicitement cette fin de non-recevoir sur l'article 2313 alinéa 1er du Code Civil en vertu duquel la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette.
Le CRÉDIT AGRICOLE fait valoir en réplique que la SCI B. a été constituée pour procéder à des investissements immobiliers, les opérations immobilières envisagées n'ont pu être réalisées, à défaut des autorisations d'urbanisme idoines, de sorte que la SCI B. INVESTISSEMENT n'a pas pu procéder aux travaux envisagés, ni rentabiliser ses investissements. Il s'ensuit que les dispositions du code de la consommation invoquées par les appelants ne sont pas applicables en l'espèce qu'il convient de faire application de la prescription quinquennale de droit commun prévue par l'article 2224 du Code Civil.
En droit la prescription biennale édictée par l'article L. 137-2 du Code de la consommation ne régit limitativement que les actions des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux seuls « consommateurs », la qualité de consommateur est circonscrite aux seules personnes physiques, et donc inapplicable à la SCI B. INVESTISSEMENT débitrice principale.
En effet le Code de la consommation opère une distinction entre les notions de consommateur et de non-professionnel, et rend ses dispositions applicables alternativement ou cumulativement à ces deux catégories de sujets de droit. Ainsi, au sein du titre III du livre I du dit code, régissant les conditions générales des contrats, le régime des clauses abusives (articles L. 132-1 et suivants) et de l'interprétation des contrats (article L. 133-2) bénéficie cumulativement aux cocontractants non-professionnels et consommateurs. Le régime de la reconduction des contrats (article L. 136-1), initialement institué au bénéfice des seuls consommateurs, a été étendu, en vertu du dernier alinéa de cet article, aux non-professionnels par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008. En revanche, le régime de la prescription institué par les articles L. 137-1 et L. 137-2 est circonscrit aux seuls cocontractants consommateurs.
Les catégories de non-professionnels et de consommateurs se distinguent en ce que les premiers peuvent être des personnes morales ou physiques, et que les seconds sont exclusivement des personnes physiques.
En conséquence, l'article L. 137-2 du Code de la consommation est inapplicable aux prêts cautionnés par les époux X., souscrits par la personne morale que constituait la SCI B. INVESTISSEMENT.
La prescription quinquennale applicable à l'espèce, a commencé à courir à partir du moment où chaque prêt devait être remboursé d'une part le 9 janvier 2009 pour le prêt numéros XXX et jusqu'au 9 janvier 2014 d'autre part le 12 février 2010 pour le prêt numéros YYY et jusqu'au 12 février 2015.
Dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SCI B., le CRÉDIT AGRICOLE a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mars 2012. Cette déclaration de créance est par elle-même interruptive de toute prescription jusqu'à la fin de la procédure collective, qui est toujours en en cours. Auparavant la prescription avait été interrompue par la délivrance d'un commandement de payer valant saisie le 1er février 2012. La prescription a été également interrompue par les conclusions signifiées en première instance par le CRÉDIT AGRICOLE et tendant à la condamnation des époux X. au paiement des sommes dues.
La fin de non-recevoir soulevée par les appelants doit être écartée.
L'inopposabilité des conditions et garantie à M et Mme X.
Les époux X. soutiennent qu'en application des deux contrats de prêts annexés aux actes notariés, « les conditions de ce contrat sont valables jusqu'au 8 février 2007 et jusqu'au 28 novembre 2007 pour l'autre ». Les charges et garanties de ces prêts s'arrêtent donc à ces dates, ils ne sauraient donc se voir opposer un quelconque engagement de caution.
C'est cependant de façon pertinente que le CRÉDIT AGRICOLE réplique que si les conditions de chaque offre de prêt sous seing privé avaient une durée de validité, signifiant que passé le délai, la banque n'aurait plus été tenue par les conditions offertes pour chaque prêt, les prêts ont été réitérés en la forme authentique, avec l'intervention personnelle des cautions.
Il s'ensuit que ce moyen ne peut qu'être rejeté.
La disproportion des engagements des cautions les époux X. font valoir qu'au moment de leur souscription leurs engagements de caution étaient manifestement disproportionnés, Madame X. n'ayant aucun revenu personnel, seul Monsieur X. travaillait et assumait l'intégralité des charges de la famille.
En droit, l'article L. 341-4 du Code de la Consommation, invoqué par les appelants, dispose : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
Au sens de ce texte, la disproportion s'apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance en tant que professionnel normalement avisé et vigilant, y compris l'endettement résultant d'autres engagements de caution.
Il résulte donc du texte précité que l'inopposabilité du cautionnement à la caution est conditionnée par l'existence, lors de sa souscription, d'une double disproportion manifeste de l'engagement à ses revenus d'une part, et à ses biens d'autre part, et ce cumulativement et non alternativement.
Enfin, la charge de la preuve du caractère disproportionné du cautionnement au moment de sa souscription pèse sur la caution.
Il ressort de l'avis d'impôt sur le revenu 2007, seule pièce versée aux débats par les époux X. que pour l'année 2006, précédant immédiatement la conclusion de leur engagement de caution du 9 janvier 2007, le foyer fiscal a perçu 43.106 euros de revenus salariaux, et 38.582 euros de revenus de capitaux mobiliers soit un total de 81.688 euros.
Les époux X. n'ont produit aucun élément pour apprécier leur situation au moment de la conclusion du 2ème engagement de caution.
Ils n'ont pas davantage donné d'information sur leur patrimoine immobilier alors qu'il résulte de la communication du contrat de prêt consenti le 6 octobre 2006 pour l'acquisition d'une maison individuelle qu'ils étaient propriétaires d'un bien immobilier. Faute pour eux de donner le moindre élément il est impossible à la cour de connaître la valeur résiduelle de cet immeuble déduction faite de la charge d'emprunt, dont il apparaît que l'échéance mensuelle de 935,71 euros est compatible avec leurs revenus déclarés.
Il s'ensuit qu'ils sont défaillants dans l'administration de la preuve qui pèse sur eux de l'existence d'une disproportion de leurs engagements de caution pour les deux prêts au moment de leur souscription.
Le moyen fondé sur les dispositions de l'article L. 341-4 du Code de la Consommation, pour échapper à leur engagement de caution sera écarté.
La responsabilité CRÉDIT AGRICOLE pour manquement à son devoir de conseil et son obligation de mise en garde.
Les époux X. se fondent sur les dispositions de l'article L. 313-12 du Code Monétaire et Financier pour reprocher à la banque d'avoir engagé envers eux sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde et solliciter de ce chef des dommages et intérêts équivalents au montant de leurs engagement de caution. Selon eux il appartenait au CRÉDIT AGRICOLE, même en présence d'une SCI, de respecter cette obligation en consentant des prêts dont les échéances étaient supérieures aux revenus de l'emprunteur.
Ainsi, le CRÉDIT AGRICOLE qui n'a effectué aucune étude de faisabilité des projets envisagés, de rentabilité des opérations et a consenti des crédits disproportionnés au regard des facultés contributives des emprunteurs procurant des moyens ruineux pour financer une opération risquée a commis ce faisant une faute de nature à engager sa responsabilité pour l'octroi de crédits abusifs, faute que les cautions sont en capacité d'invoquer et qui leur a occasionné un préjudice particulièrement important, notamment au regard de leur propre engagement de caution à hauteur de 270.500 euros pour le premier prêt et de 145.900 euros pour le second.
L'article L. 313-12 du code monétaire et financier invoqué par les appelants dans sa version en vigueur au moment de la souscription des crédits par la SCI et des engagement des cautions est ainsi rédigé : « Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à une durée fixée, par catégorie de crédits et en fonction des usages bancaires, par un décret pris après avis de la Commission bancaire. L'établissement de crédit ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L'établissement de crédit n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit ».
Ce texte est invoqué par les époux X. de façon erronée alors qu'ils reprochent au CRÉDIT AGRICOLE non pas une rupture abusive de crédit mais au contraire un octroi abusif ce qui n'est pas l'hypothèse visée par ce texte.
Le CRÉDIT AGRICOLE relève justement que Monsieur X. expert-comptable et son épouse est gérante de sociétés, doivent être considérés comme des cautions averties de sorte qu'aucune obligation de mise en garde ne pesait sur le Crédit Agricole à leur égard.
En outre il apparaît que l'octroi des crédits a été fait dans le cadre d'une opération immobilière par une SCI constituée pour l'acquisition de terrains, la promotion immobilière et la vente en vue de générer des bénéfices à court et moyen terme permettant de rembourser les prêts à leur échéance et que l'insuccès de l'opération ne tient selon le propre aveu des appelants qu'à l'impossibilité pour eux d'obtenir les autorisations d'urbanisme nécessaires, circonstance à laquelle le CRÉDIT AGRICOLE est totalement étranger.
Ainsi aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de ce dernier, ce moyen sera rejeté.
La déchéance du droit aux intérêts du CRÉDIT AGRICOLE pour non respect de ses obligations d'informations de la caution
Les époux X. demandent que la banque soit déchue du droit aux intérêts pour violation des dispositions les articles L. 341-6 et L. 313-9 du code de la consommation concernant leur information en qualité de caution de la SCI B. INVESTISSEMENT, de la défaillance de celle-ci, et annuellement du montant de leurs obligations en leur qualité de caution.
Le CRÉDIT AGRICOLE n’a pas répondu à ce moyen et ne communique aucun document relatif à l'information annuelle des cautions ni le courrier les informant de la défaillance de la SCI à l'échéance des prêts.
Il s'ensuit que ce moyen sera accueilli le CRÉDIT AGRICOLE ne pouvant dès lors se prévaloir à l'égard des cautions des intérêts conventionnels de retard échus et des pénalités pour les deux prêts sollicités. Les époux X. ne seront donc tenus que des sommes dues en principal compte tenu des sommes perçues par le CREDIT AGRICOLE suite aux ventes réalisées et ce dans la limite de leurs engagements de caution.
Le décompte de la créance
Il ressort des décomptes produits par la banque qu'il est dû à la date du 29 avril 2014
* au titre du prêt XXX, d'un montant initial de 541.000 euros la somme en Capital 547.475,66 euros, en Intérêts 2.879, 95 euros, et en Intérêts de retard 265.485,20 euros.
* au titre du prêt numéro YYY d'un montant initial de 283.600 euros, Capital 618,29 euros après imputation des sommes perçues, Intérêts 737,72 euros, Intérêts de retard 73 966, 55 euros.
Les époux X. ne rapportent pas la preuve qui leur incombe en application de l'article 1315 du code civil de s'être libérés de leur dette par d'autres versements que ceux déjà imputés par le CRÉDIT AGRICOLE sur leur dette de caution, à savoir la somme de 58.612 euros résultant de la vente partielle d'un des deux immeubles situés à [ville A.] et qui a été déduit des sommes réclamées par le CRÉDIT AGRICOLE qui les a imputées sur le prêt n° YYY.
Il s'ensuit que compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard prononcée à l'encontre du CRÉDIT AGRICOLE, les époux X. sont redevables à son égard des sommes suivantes :
- Monsieur X. au titre du prêt XXX, d'un montant initial de 541.000 euros la somme en capital de 270.500 euros, correspondant à son engagement limité de caution, au titre du prêt numéro YYY d'un montant initial de 283.600 euros la somme en capital 618,29 euros après imputation des sommes perçues
- Madame X. au titre du prêt XXX, d'un montant initial de 541.000 euros la somme en capital de 270.500 euros, correspondant à son engagement limité de caution.
Ils seront respectivement condamnés à payer ces sommes au CRÉDIT AGRICOLE ceci en infirmation partielle de la décision dont appel.
Les demandes respectives des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code procédure civile en appel seront rejetées.
Les époux X. qui succombent sur la majeure partie de leurs contestations seront condamnés à supporter les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
- Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur X. et Madame X. à payer CRÉDIT AGRICOLE au titre du prêt n° XXX d'un montant initial de 541.000 euros, la somme de 270.500 euros arrêtée au 29 avril 2014, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation et condamné solidairement Monsieur X. et Madame X. à payer au CRÉDIT AGRICOLE une somme de 500 euros en application de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
- L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau
- Dit que le CRÉDIT AGRICOLE est déchu du droit aux intérêts sur les prêts n° XXX et YYY
- Condamne Monsieur X. à payer au CRÉDIT AGRICOLE la somme de 618,29 euros au titre du prêt numéro YYY avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
Y ajoutant
- Déboute les époux Monsieur X. et Madame X. de toutes leurs autres contestations et le CRÉDIT AGRICOLE du surplus de ses demandes
- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne solidairement Monsieur X. et Madame X. à supporter les dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat
- 5856 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014
- 5862 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Autres textes