CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA LYON (1re ch. civ. A), 22 septembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 22 septembre 2011
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. A
Demande : 10/03515
Date : 22/09/2011
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 24 novembre 2015, CASS. COM., 13 novembre 2013
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5472

CA LYON (1re ch. civ. A), 22 septembre 2011 : RG n° 10/03515 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Lorsque l’acheteur d’un véhicule décide de souscrire la garantie complémentaire proposée par le vendeur, il se voit remettre, en contrepartie du paiement du supplément demandé, un bulletin d’adhésion figurant dans un carnet de garantie à en-tête de la société NSA SAGE.  Selon la description de ses activités par la société Mapfre Warranty elle-même, cette dernière reçoit le rapport de panne du garage agréé auquel l’acheteur a eu recours, vérifie la validité de la garantie et s’assure que le coût du devis est conforme aux normes, puis autorise la réparation ou le remplacement de la partie défectueuse. Il ne résulte d’aucune stipulation citée par les parties, ni d’aucun autre élément de la procédure que l’acquéreur disposerait du droit d’exiger du vendeur qu’il dispense la prestation en cas de défectuosité entrant dans les prévisions de la garantie, notamment dans le cas où le débiteur désigné au contrat viendrait à être défaillant. Par ailleurs, la société Mapfre Warranty n’effectue pas les réparations. 

Or, la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise conclu avec le maître de l’ouvrage. En l’occurrence, le vendeur ne saurait être tenu comme ayant sous-traité l’exécution d’une obligation dont il n’est pas tenu et l’analyse proposée par la société Mapfre Warranty ne peut être retenue : un lien contractuel direct entre l’acheteur et elle se forme lors de la remise du carnet de garantie, puisque ce dernier peut exiger d’elle, et d’elle seule, qu’elle procède à l’intervention promise et en supporte le coût. Conclu entre l’acquéreur et un intervenant qui n’est pas partie à la vente, cet engagement contractuel poursuit bien un objectif propre et constitue une fin en soi. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/03515. Décision du tribunal de grande instance de Lyon, au fond du 31 mars 2010 (1ère chambre - section 2 - cabinet A) : R.G. n° 2008/14566.

 

APPELANTE

Société MAPFRE WARRANTY SPA, société de droit étranger

Adresse, représentée par la SCP LAFFLY - WICKY, avoués à la Cour, assistée de la SELARL KAHN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS 

 

INTIMÉE

ADMINISTRATION DES IMPÔTS

représentée par la Chef des services fiscaux de Rhône-Alpes-Bourgogne à Lyon, [adresse], représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour 

 

Date de clôture de l’instruction : 27 mai 2011 

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 1er juin 2011 

Date de mise à disposition : 15 septembre 2011, prorogée au 22 septembre 2011, les avoués dûment avisés conformément à l’article 450 dernier aliéna du code de procédure civile. 

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Michel GAGET, président - Christine DEVALETTE, conseiller - Philippe SEMERIVA, conseiller, assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier. A l’audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile. 

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. 

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Considérant que la société Nuovi Servizi Auto (NSA), devenue société Mapfre Warranty, et dont l’établissement en France se nommait NSA Sage, se livrait à des opérations d’assurance, l’administration fiscale lui a notifié, au titre de la période comprise entre le 1er avril 2004 et le 31 janvier 2005, un redressement faisant application de la taxe sur les conventions d’assurances prévue aux articles 991 bis et 1001-5 bis du code général des impôts. 

Cette société a saisi le tribunal de grande instance de Lyon, qui a rendu le jugement entrepris, la déboutant de l’ensemble de ses demandes, confirmant l’avis de mise en recouvrement ainsi que le rejet de ses réclamations, et la condamnant aux dépens. 

* * *

Au soutien de son recours, elle fait valoir : 

- qu’elle dispense une prestation permettant à un revendeur de véhicules d’occasion de sous-traiter l’exécution du service après-vente qu’il accorde aux acheteurs, 

- que dans ce cadre : 

* elle reçoit le rapport de panne émanant du garage agréé auquel l’acheteur du véhicule a eu recours, 

* elle vérifie la validité de la garantie, l’entretien correct du véhicule et le coût des réparations par rapport aux normes, 

* elle autorise la réparation ou le remplacement. 

La société Mapfre Warranty en conclut que ce type de garantie entre dans les prévisions de l’Instruction 3 D-1-89 du 23 décembre 1988, relative aux règles de TVA applicables aux garanties complémentaires proposées à l’occasion de certaines ventes, selon laquelle « la garantie complémentaire acquittée par le client en supplément du prix de vente du bien rémunère forfaitairement un service après-vente assuré par le vendeur ; les sommes perçues au titre de cette garantie sont donc imposables à la TVA au taux normal », qu’elle estime confirmée par la doctrine administrative 3 D 1242 : « les fabricants qui sont contractuellemement tenus de remplacer les organes défectueux d’un bien et d’en supporter les frais de main-d’œuvre y afférents peuvent déduire la TVA qui a grevé ces opérations, dans mesure où la vente initiale du bien a été soumise à la taxe ; il en est de même s’ils font appel à une entreprise tierce qui leur facture le prix de leur intervention ». 

En effet, selon elle : 

- il existe deux relations contractuelles distinctes, l’une entre le garage et l’acheteur, fondée sur les garanties contractuelles, l’autre entre le garage et elle-même, par laquelle ce dernier lui sous-traite l’exécution de cette garantie, 

- cette relation seconde doit partager le sort fiscal de la prestation principale, dont elle est accessoire, en ce qu’elle constitue, non une fin en soi, mais un moyen pour le client d’améliorer le service principal (CJCE, 11 janvier 2001, C-76/99, Commission c/ France), 

- que le garagiste ne joue pas le rôle d’intermédiaire chargé de placer l’assurance collective, et ne perçoit pas de commissions. 

Elle ajoute : 

- qu’en 1999, elle a prié la Commission de contrôle des assurances (aujourd’hui Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles) de confirmer que ses prestations ne relevaient pas du droit des assurances, que sa position a été admise et que si l’administration n’estime pas être liée par cet avis, il n’en reste pas moins que sa position est contraire à celle arrêté par cet organisme, dont la fonction est de veiller à ce que les entreprises d’assurances et de réassurances respectent les dispositions législatives et réglementaires, 

- que le tribunal de commerce de Lyon a tranché en sa faveur le litige de concurrence qui avait donné lieu à cette consultation, au motif qu’elle ne se livrait pas à des activités d’assurance, 

- qu’en Italie et au Luxembourg la société italienne NSA, dont elle est une filiale, et la filiale locale de celle-ci, ont obtenu une réponse orale en ce sens des organismes nationaux de contrôle, 

- que la CJUE fait une interprétation stricte de la notion d’activité d’assurance, et exclut, par exemple, des activités telles que le back office (acceptation des demandes d’assurance, traitement des modifications contractuelles et tarifaires, émission et gestion des résiliations et sinistres), qui sont pourtant de toute évidence connexes ou complémentaires à de telles activités (3 mars 2005, C-472/03, Arthur Andersen), 

- que dans l’Union européenne, les contours de la notion d’opération d’assurance fluctuent d’un Etat membre à un autre, au point qu’une directive d’harmonisation est en cours, posant notamment pour règle qu’un élément constitutif d’un service d’assurance, formant un ensemble distinct et présentant le caractère spécifique et essentiel du service exonéré concerné, sont également couverts par l’exonération applicable au dit service, 

- qu’au surplus, la résolution votée par le Parlement européen le 25 septembre 2008 oblige les Etats membres à accorder aux assujettis, au cas par cas, le droit d’opter pour la taxation des services d’assurance à la TVA à compter du 1er janvier 2012. 

La société Mapfre Warranty conclut en conséquence à la réformation du jugement. 

A titre subsidiaire, elle soutient que le taux de la taxe spéciale sur les conventions qu’elle conclut est, non point de 18 %, mais de 9 %, car le critère essentiel de rattachement au taux réside dans la survenance d’un accident de la circulation, alors que sa garantie ne couvre pas de tels sinistres, et que l’objet de ses contrats est limité à une garantie des pannes mécaniques, qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 1001-5 bis du code général des impôts. 

Le cas échéant, la société Mapfre Warranty demande la compensation de la créance de taxe spéciale sur les conventions d’assurance éventuellement due et le montant de la TVA collectée et, en tout état de cause, la paiement d’une somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation du Service à lui rembourser les frais exposés au titre de l’engagement de caution pris en conformité avec l’article L. 208 du livres procédures fiscales. 

* * *

L’Administration des impôts, représentée par M. le directeur du contrôle fiscal Rhône - Alpes - Bourgogne objecte : 

- que des revendeurs de véhicules d’occasion proposent à leurs clients une garantie automobile prenant en charge les risques liés aux pannes mécaniques, 

- qu’en cas d’acceptation, ces derniers signent un bulletin d’adhésion contenu dans un carnet à en-tête de la société « NSA SAGE » et bénéficient ainsi de la garantie collective prévue par le contrat d’assurance, en supportant le coût de la garantie ; 

- que le fait que la délivrance de cette garantie est concomitante à la vente ne lui confère pas la nature d’une prestation de service après-vente, 

- que l’Instruction citée à l’appui de cette thèse ne trouve pas à s’appliquer, car la société NSA SAGE n’est ni le vendeur du bien qui, accessoirement, consentirait une garantie complémentaire, ni le sous-traitant du garagiste - qui n’intervient que pour placer le contrat et ne s’engage personnellement à aucune garantie excédant ses obligations concernant les vices cachés - mais bien le débiteur direct de cette prestation, auquel le client s’adresse en cas de panne, 

- que l’assujettissement à la TVA lors de la facturation de prestations d’assurance, par exemple par un loueur à ses clients, ne les exonère pas de leur soumission à la taxe sur les conventions d’assurance dans le chef de la compagnie, 

- que la qualification donnée à cette activité par la juridiction commerciale ou par la Commission des assurances, qui ne sont pas le juge de l’impôt, ne s’impose pas à l’administration, 

- que, s’agissant du taux, toutes les garanties rattachées à un contrat d’assurance contre les risques de toute nature relatifs à un véhicule terrestre à moteur sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’article 1001-5 bis, de sorte que le taux de 18 % est applicable, 

- que la demande de compensation, contentieuse ou fiscale, est irrecevable, l’une parce que la taxe sur les conventions d’assurance n’est pas au nombre des impôts limitativement énumérés à l’article L. 204 du Livre des procédures fiscales, l’autre parce que la créance n’est pas exigible et le droit à restitution de TVA non encore acquis, 

- qu’en la matière l’exécution provisoire est de droit. 

L’administration demande de confirmer le jugement et de condamner la société Mapfre Warranty aux dépens. 

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Lorsque l’acheteur d’un véhicule décide de souscrire la garantie complémentaire proposée par le vendeur, il se voit remettre, en contrepartie du paiement du supplément demandé, un bulletin d’adhésion figurant dans un carnet de garantie à en-tête de la société NSA SAGE. 

Selon la description de ses activités par la société Mapfre Warranty elle-même, cette dernière reçoit le rapport de panne du garage agréé auquel l’acheteur a eu recours, vérifie la validité de la garantie et s’assure que le coût du devis est conforme aux normes, puis autorise la réparation ou le remplacement de la partie défectueuse. 

Il ne résulte d’aucune stipulation citée par les parties, ni d’aucun autre élément de la procédure que l’acquéreur disposerait du droit d’exiger du vendeur qu’il dispense la prestation en cas de défectuosité entrant dans les prévisions de la garantie, notamment dans le cas où le débiteur désigné au contrat viendrait à être défaillant. 

Par ailleurs, la société Mapfre Warranty n’effectue pas les réparations. 

Or, la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise conclu avec le maître de l’ouvrage. 

En l’occurrence, le vendeur ne saurait être tenu comme ayant sous-traité l’exécution d’une obligation dont il n’est pas tenu et l’analyse proposée par la société Mapfre Warranty ne peut être retenue : un lien contractuel direct entre l’acheteur et elle se forme lors de la remise du carnet de garantie, puisque ce dernier peut exiger d’elle, et d’elle seule, qu’elle procède à l’intervention promise et en supporte le coût. 

Conclu entre l’acquéreur et un intervenant qui n’est pas partie à la vente, cet engagement contractuel poursuit bien un objectif propre et constitue une fin en soi. 

En effet, il ne s’agit pas pour le souscripteur d’améliorer le service principal rendu par le vendeur en l’enrichissant d’une relation complémentaire ayant vocation à partager le sort fiscal de la prestation principale, mais de conclure une convention spécifique avec un tiers, qui s’engage à payer pour son compte le prix de réparations à effectuer sur son bien, qu’il devrait normalement assume, sans recours contre le vendeur, faute de stipulation particulière étendant la garantie légalement due par ce dernier. 

Peu important que cette convention soit passée à l’occasion de la vente, aucune garantie n’est assurée, directement ou indirectement, par un vendeur ou un fabriquant : l’opération n’entre pas dans les prévisions de l’Instruction 3 D-1-89 du 23 décembre 1988, relative aux règles de TVA applicables aux garanties complémentaires proposées à l’occasion de certaines ventes. 

Le système ainsi mis en place ne caractérise donc pas une externalisation d’une prestation de service après-vente dont le vendeur serait rémunéré sous forme de forfait ; dans la mesure, au contraire, où moyennant le paiement d’une somme convenue, la société Mapfre Warranty s’engage, en cas de survenance, aléatoire, d’un sinistre à la chose assurée, à procurer à l’assuré la prestation convenue lors de la conclusion du contrat, elle se livre à une activité d’assurance. 

Les jugement et avis qu’elle cite sont sans incidence sur cette qualification, le premier ayant été rendu à l’occasion d’un litige commercial et hors la présence de l’administration fiscale, le second n’ayant pas valeur normative. 

L’article 1001-5o bis du code général des impôts, en sa rédaction applicable en la cause, n’exige pas que la garantie ne joue qu’en cas d’accident ; de par sa nature, au vu de l’article R. 321-1 du code des assurances, une garantie portant sur les pannes mécaniques susceptible d’affecter des véhicules de moins de 3,5 tonnes, relève, au sens de ce texte, des risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur ; le taux de taxation applicable est de 18 %. 

La taxe sur les conventions d’assurance et la TVA ne sont pas citées dans la liste limitative de l’article L. 204 du Livre des procédures fiscales ; par ailleurs, le droit à restitution de TVA n’est pas liquidé ; dans ces conditions, aucune compensation, contentieuse ou fiscale, ne peut être ordonnée. 

Le jugement attaqué étant ainsi confirmé, la demande tendant au remboursement de la caution fournie par la société Mapfre Warranty n’est pas fondée. 

La société Mapfre Warranty succombe en son recours ; les dépens d’appel seront à sa charge et en conséquence, sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, rejetée. 

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

La Cour, 

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, 

- Y ajoutant, rejette les demandes formées par la société Mapfre Warranty sur le fondement de l’article L. 208, alinéa 2, du Livre des procédures fiscales et de l’article 700 du code de procédure civile, 

- Condamne la société Mapfre Warranty aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Ligier de Mauroy - Ligier, avoué. 

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT 

Joëlle POITOUX                  Michel GAGET