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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 22 février 2016

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 22 février 2016
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 15/03226
Décision : 16/0171
Date : 22/02/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/06/2015
Numéro de la décision : 171
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-003931
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5521

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 22 février 2016 : RG n° 15/03226 ; arrêt n° 16/0171

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2016-003931

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 3 A 15/03226. Arrêt n° 16/0171. Décision déférée à la cour : jugement-ordonnance rendu(e) le 03 juin 2015 par le Tribunal d'Instance d'ILLKIRCH GRAFFENSTADEN.

 

APPELANTE :

SARL AGS-ALSACE

ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Dominique Serge BERGMANN, avocat à la cour

 

INTIMÉE :

Madame X.

demeurant [adresse], Représentée par Maître Mathilde CONTET-DE ROCHEGONDE, avocat à la cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme WOLF, Conseiller faisant fonction de Président et Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme MARTINO, Présidente de chambre, Mme WOLF, Conseiller, Mme FABREGUETTES, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement après prorogation du 25 janvier 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Annie MARTINO, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon contrat du 1er octobre 2007, Mme X. a confié à la société AGS Alsace le déménagement de ses biens personnels de [ville S.] à [ville M.], dont une partie devait rester en garde-meuble dans les locaux de la société AGS Lorraine pendant deux ans.

Par ordonnance d'injonction de payer du 3 mars 2009 signifiée le 25 mai 2009, Mme X. a été condamnée à payer à la société Mobilitas, agissant pour le compte de la SARL AGS Alsace, la somme de 3.946,80 euros en paiement de la facture émise pour cette prestation.

Par ordonnance du tribunal d'instance de Metz du 7 septembre 2009, la vente aux enchères publiques des effets appartenant à Mme X., confiés en garde-meuble à la société AGS Lorraine, a été ordonnée en vue du recouvrement de la créance due à la SA Mobilitas.

La SCP Boob & Petit a été commise pour y procéder.

Mme X. a été autorisée à récupérer les cartons contenant des souvenirs de ses parents décédés confiés en garde-meuble en novembre 2007.

Le 28 mai 2014, Mme X. a fait commandement à la SARL AGS Lorraine de lui restituer les cartons d'affaires personnelles susvisés.

Le 1er septembre 2014, elle a assigné la société AGS Alsace devant le juge de l'exécution d'Illkirch Graffenstaden aux fins de la voir condamner à lui payer 9.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'ordonnance du 7 septembre 2009 et préjudice moral lié à la perte de ses effets personnels.

La société AGS Alsace a demandé reconventionnellement condamnation de Mme X. à lui payer la somme de 2 229,65 euros au titre de factures impayées.

Par jugement du 3 juin 2015, le juge de l'exécution a condamné la SARL AGS Alsace à payer à Mme X. la somme de 3.500 euros de dommages et intérêts ainsi que la somme de 1.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a dit qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge de l'exécution de statuer sur la demande reconventionnelle de la SARL AGS Alsace.

Le juge a retenu que la société AGS Alsace était tenue d'une obligation de restitution, obligation perpétuelle et de résultat ; qu'elle ne s'est pas exécutée malgré mises en demeure sans justifier qu'elle s'était trouvée devant un cas de force majeure ; que la demande en dommages et intérêts pour préjudice matériel est justifiée mais non la demande complémentaire, faute de preuve d'une inexécution volontairement dommageable par la société AGS de la vente aux enchères.

La SARL AGS Alsace a interjeté appel de cette décision le 9 juin 2015.

Par dernières écritures transmises par voie électronique le 1er octobre 2015, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- Condamner Mme X. à lui payer la somme de 2.229,65 euros au titre de factures impayées,

- Condamner Mme X. à lui payer une indemnité de 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'indisponibilité des sommes dues et du non-respect par l'intimée de ses obligations contractuelles,

- Condamner Mme X. à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens de l'instance.

Elle fait valoir qu'elle a exécuté toutes ses obligations ; que Mme X. n'a en revanche payé les frais de déménagement qu'en janvier 2012 et reste devoir les factures de garde-meubles ; qu'il appartenait à l'intimée, à la suite de l'ordonnance du 7 septembre 2009, de se rapprocher de la société d'huissier mandatée pour la vente en vue de reprendre les cartons contenant ses souvenirs, ce qu'elle n'a pas fait ; que l'intimée n'a subi aucun préjudice, la preuve de ce que les cartons contenaient des souvenir de ses parents décédés n'ayant pas été rapportée ; que compte tenu du non-paiement des factures, elle était en droit de retenir les effets personnels de la débitrice ; que le commandement délivré à la société AGS Lorraine, personne morale distincte, ne lui est pas opposable.

Elle affirme que les cartons contenant les effets personnels de Mme X. ont été retrouvés et sont à sa disposition ; que la demande en dommages et intérêts n'est en tout état de cause plus justifiée.

Elle fait valoir qu'elle est en droit d'obtenir paiement du solde restant dû sur ses factures de garde-meubles ; que la résistance abusive de l'intimée lui a causé un préjudice.

Par écritures transmises par voie électronique le 15 septembre 2015, Mme X. a conclu au rejet de l'appel principal et à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande en réparation du préjudice moral et a limité à 3.500 euros le préjudice matériel du fait de la perte de ses souvenirs de famille.

Elle a formé appel incident sur ce point et demande à la cour de condamner l'appelante à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral causé par le comportement dolosif de la société AGS Alsace.

Sur l'évolution du litige, pour le cas où l'appelante rapporterait la preuve de la découverte de ses effets personnels, elle demande qu'un huissier soit désigné pour décrire le contenu des cartons et réserve de ses droits à conclure après dépôt du constat.

Dans le cas contraire, elle conclut au rejet des demandes de la SARL AGS Alsace et demande sa condamnation à lui payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral causé par la perte de ses souvenirs personnels et en tout état de cause, condamnation de l'appelante à lui payer 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.

Elle fait valoir qu'elle a tenté en vain de faire exécuter l'ordonnance du 7 septembre 2009 ; que par mail du 11 août 2014, la société AGS avait confirmé la destruction de ses effets personnels ; que cette société n'a pas respecté le titre exécutoire qui l'obligeait à lui restituer ces effets, ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts pour préjudice moral, que le premier juge a mésestimé.

Elle soutient que la société a toujours détenu ses cartons et qu'elle a voulu se livrer à un chantage pour l'obliger à payer le solde de sa facture, sous peine de ne pas récupérer ses effets personnels ; que même si elle récupère ces biens, elle a subi un préjudice de jouissance lié à leur privation pendant de nombreuses années, réparé par la somme de 3.500 euros allouée par le premier juge ; qu'en tout état de cause, la preuve de ce qu'ils sont en la possession de l'appelante n'est pas démontrée.

Elle rappelle que les cartons contenaient des souvenirs de ses parents et aïeuls décédés et d'autres effets personnels ; que la société AGS connaissait le contenu des cartons personnels ; que si les effets ne devaient pas être retrouvés, l'indemnisation accordée par le premier juge est insuffisante.

Elle maintient qu'elle a adressé à l'appelante de nombreux courriers pour obtenir restitution de ses affaires ; qu'il existe entre les deux sociétés AGS un mandat de représentation et ou de gestion ; que le juge de l'exécution est incompétent pour statuer sur la demande en paiement du solde de la facture ; que subsidiairement, la demande est prescrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation [N.B. visa sans doute erroné : lire 137-2] ; que l'appelante devait exécuter l'ordonnance de septembre 2009 et ne pouvait arguer d'un droit de rétention jusqu'à paiement complet de sa facture.

Par conclusions transmises par voie électronique le 13 octobre 2015, Mme X. a maintenu ses demandes et a sollicité en sus condamnation de la SARL AGS Alsace à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif par application de l'article 32-1 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer une amende civile de 3.000 euros par application de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Par note du 23 novembre 2015, l'appelante a sollicité que les conclusions du 13 octobre 2015, déposées la veille de l'ordonnance de clôture, soient écartées.

Par note du 4 décembre 2015, Mme X. a conclu au rejet de cette requête, au motif que l'appelante a répliqué à ses conclusions du 15 septembre 2015 le 1er octobre 2015 et qu'elle n'a pas sollicité une modification du calendrier à laquelle elle avait déclaré ne pas s'opposer.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 octobre 2015 ;

 

Sur la requête tendant à voir écarter les conclusions de l'intimée du 13 octobre 2015 :

Les conclusions déposées pour Mme X. le 13 octobre 2005, soit la veille de l'ordonnance de clôture, et qui rajoutent des chefs de demande auxquels l'appelante n'a pu répliquer, violent le principe du contradictoire et doivent en conséquence être écartées des débats.

Il convient en conséquence de se référer aux conclusions déposées pour l'intimée le 15 septembre 2015.

 

Au fond :

Sur l'appel principal :

La compétence du juge de l'exécution est définie par les articles L. 213-6 et suivants du code de l'organisation judiciaire et porte sur les difficultés relatives aux titres exécutoires et sur les contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a retenu que la demande au fond formée par la SARL AGS-Alsace, tendant au paiement de factures de garde-meubles, échappe à la compétence de cette juridiction, de même que la demande corrélative en dommages et intérêts, de sorte que la décision déférée sera sur ce point confirmée.

 

Sur les dommages et intérêts réclamés par Mme X. :

En vertu du contrat de dépôt conclu entre les parties, la société dépositaire doit rendre identiquement la chose qu'elle a reçue, conformément aux dispositions de l'article 1932 du code civil.

Par ordonnance du 7 septembre 2009, l'appelante a été autorisée à vendre aux enchères les biens entreposés de Mme X., à l'exception des cartons contenant les souvenirs de ses parents décédés qu'elle a été autorisée à récupérer.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2012 adressée à la SA Mobilitas, mandataire de l'appelante, Mme X. a sollicité que lui soit indiquées les heures et dates auxquelles elle pourrait venir chercher ses cartons personnels.

Cette demande a été réitérée par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 janvier 2013.

Par lettre du 10 janvier 2013, la société AGS n'a apporté aucune réponse à cette demande, se bornant à mettre Mme X. en demeure de payer le solde de ses factures de 2.229,65 euros.

Il résulte par ailleurs d'un procès-verbal de constat établi le 7 juin 2013 par Maître Y., huissier de justice à Metz, qu'aucun renseignement sur les biens personnels de Mme X. ne lui a été donné lorsqu'il s'est rendu dans les locaux de la société AGS Lorraine où les effets avaient été entreposés.

La société AGS Alsace ne peut arguer de ce que le commandement de faire, tendant à voir rendre à l'intimée les cartons contenant les souvenirs personnels de Mme X., délivré le 28 mai 2014 à la SARL AGS Lorraine, ne lui serait pas opposable, alors qu'elle en a eu parfaite connaissance, puisque par courriel du 11 août 2014, la SA Mobilitas répondait à l'huissier ayant délivré l'acte « qu'elle n'avait plus lesdits cartons et que depuis 2009, si elle les avait toujours, elle aurait facturé des frais de gardiennage à Mme X. ».

L'appelante ne produit aucune pièce de nature à prouver ses affirmations aux termes desquelles les cartons de l'intimée auraient été retrouvés.

Il doit être tiré de ces éléments que l'appelante s'est opposée à ce que Mme X. puisse récupérer les cartons contenant ses effets personnels ; qu'elle ne démontre pas être en mesure de les lui restituer.

Même si la déposante ne rapporte aucune preuve du contenu précis de ses effets personnels encartonnés, il convient de considérer que l'opposition fautive de la société AGS Alsace à la demande légitime de Mme X. a causé à celle-ci un préjudice consistant en la perte de ses effets personnels, qui a été justement évalué par le premier juge à la somme de 3.500 euros.

 

Sur l'appel incident :

Il sera retenu que le premier juge a fait une exacte appréciation du dommage causé et de la réparation due à l'intimée ; qu'aucune preuve n'est rapportée d'une inexécution volontairement dommageable de la SARL AGS Alsace de la mesure d'exécution forcée, de sorte que la demande de dommages et intérêts complémentaire a été à bon droit rejetée.

Mme X. sera en conséquence déboutée de son appel incident.

 

Sur les frais et dépens :

L'appelante, qui succombe en la procédure, sera condamnée aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats publics,

ÉCARTE des débats les écritures déposées pour Mme X. le 13 octobre 2005,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL AGS-Alsace à payer à Mme X. la somme de 1.200 euros (mille deux cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL AGS-Alsace aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier,                La présidente,