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CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 3 mars 2016

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 3 mars 2016
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 15/01060
Date : 3/03/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/02/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5533

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 3 mars 2016 : RG n° 15/01060 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que, s'il est exact les dispositions de l'article 1201 du Code civil relatives à la solidarité n'impliquent pas que la déchéance du terme prononcée à l'égard de l'un des co-emprunteurs solidaires ait effet de plein droit à l'égard des autres, une telle disposition n'est pas d'ordre public et une clause spécifique du contrat de prêt peut en écarter l'application ; que tel est le cas en l'espèce, l'article 16 des conditions particulières du contrat de prêt immobilier prévoyant : « les emprunteurs ainsi que les codébiteurs éventuels sont solidairement et indivisiblement responsables de l'exécution de tous les engagements contractés aux termes des présentes. Ceci signifie que dans l'hypothèse où plusieurs personnes se sont engagées, la solidarité et l'indivisibilité permettent à la banque d'exiger de l'une quelconque d'entre elles le paiement de la totalité des sommes restant dues au titre du présent financement dès lors que les sommes en question sont devenues exigibles pour quelque cause ou motif que ce soit.’; qu'il résulte de cette clause, rédigée en termes clairs, que le prêteur est fondé à se prévaloir de la déchéance du terme à l'égard de l'un et l'autre des co-emprunteurs ; qu'une telle clause ne présente pas de caractère abusif dès lors qu'elle ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs ; que d'ailleurs, en l'espèce, l'appelante ne soutient par le caractère abusif de cet article 16 mais uniquement de l'article 18 des conditions générales du contrat ; que le jugement doit donc être réformé à ce titre ».
2/ « Attendu que l'article 18 des conditions générales du contrat de prêt énumère les situations dans lesquelles le prêteur est fondé à se prévaloir de l'exigibilité immédiate du prêt ; que ces situations sont très diversifiées et visent nombre de situations autres que celles résultant d'une défaillance dans le remboursement des échéances du prêt ou bien même de manquements des emprunteurs à leurs obligations contractuelles à l'égard de la banque qu'ils soient issus du contrat de prêt ou non ; qu'ainsi, parmi les situations ouvrant droit à exigibilité immédiate du prêt retrouve-t-on : le défaut de paiement à bonne date par l'emprunteur d'une somme due à quiconque, le défaut de paiement de charges de copropriété quelle qu'en soit la nature dès lors qu'elles sont relatives à un bien financé par le prêt ou bien encore l'exigibilité financière de tout autre concours consenti à l'emprunteur sans qu'il soit d'ailleurs fait référence à des concours consentis par le CIC Nord-Ouest ; qu'une telle clause correspond précisément à ce que la Commission des clauses abusives a retenu comme générant un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs dans son avis 2004-03 du 27 mai 2004 ;

Que toutefois, cette clause ne constitue pas en l'espèce le fondement de l'exigibilité anticipée dont s'est prévalu la banque puisque la déchéance du terme résulte directement, comme il a été dit ci-dessus, de la liquidation judiciaire du patrimoine de l'un des co-emprunteurs et de son opposabilité à son épouse en vertu de l'article 16 des conditions générales ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article 311-33 ancien du code de la consommation, applicables aux faits de l'espèce, sanctionnent le non-respect par le prêteur des dispositions des articles 311-8 à 311-13 ancien de ce même code qui fixent les conditions de forme des offres préalables de prêt ; que cet article n'a pas pour objet de sanctionner le caractère abusif d'une clause, des sanctions spécifiques étant prévues à ce titre ; qu'il en résulte que l'appelante n'est pas fondée à solliciter la déchéance du droit aux intérêts de la banque au titre du caractère abusif de l'article 18 des conditions particulières du contrat de prêt ; que la demande visant à la déchéance du droit aux intérêts ne peut donc être accueillie ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 3 MARS 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/01060. Jugement (R.G. n° 2013/509) rendu le 19 novembre 2014 par le Tribunal de Commerce d'ARRAS.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

demeurant [adresse], Représentée par Maître Stéphane C., avocat au barreau de BETHUNE

 

INTIMÉE :

SA CIC NORD OUEST

ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Antoine LE G., avocat au barreau D'ARRAS

 

DÉBATS à l'audience publique du 6 janvier 2016 tenue par Philippe BRUNEL magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Marie-Annick PRIGENT, Président de chambre, Philippe BRUNEL, Conseiller, Sandrine DELATTRE, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le03 mars 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Annick PRIGENT, Président et Clara DUTILLIEUX, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 novembre 2015

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du tribunal de commerce d'Arras en date du 19 novembre 2014 qui, saisi par Mme X. épouse Y., d'une action en responsabilité à l'égard de la banque Scalbert Dupont ultérieurement devenue CIC Nord Ouest pour s'être irrégulièrement prévalue auprès d'elle de la déchéance du terme du prêt consenti à elle-même et à son époux pour l'acquisition de leur résidence principale alors que la déchéance ne pouvait selon elle concerner que M. Y., artisan couvreur, compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire dont il faisait l'objet, a jugé que la déchéance du terme encourue du fait de la liquidation judiciaire de M. Y. n'était pas opposable à son épouse, que la banque avait manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de celle-ci en résiliant le prêt de façon fautive et condamné la banque à reprendre l'exécution du prêt et à cesser de faire obstacle à l'exécution de celui-ci ; la demande de dommages intérêts présentée par Mme X. a en revanche été rejetée ;

Vu la déclaration d'appel de Mme X. en date du 19 février 2015 ;

Vu les dernières conclusions de Mme X. en date du 19 août 2015 demandant la confirmation du jugement sauf en ce qu'il avait rejeté sa demande de dommages intérêts ; l'appelante sollicite qu'il soit jugé que l'opposition de la banque à la reprise du paiement des échéances s'analyse en une renonciation de sa part à recevoir paiement à cet égard et qu'en conséquence elle ne pourra prétendre au paiement des mensualités échues et demeurées impayées de son fait ; sous cette réserve elle demande que la reprise de l'amortissement du solde du prêt intervienne à la date de la décision de la cour et suivant l'échéancier contractuel ; elle demande également la déchéance du droit aux intérêts de la banque ainsi que la mainlevée « de toute inscription et de tout fichage auprès de la Banque de France » ; à titre subsidiaire elle demande la condamnation de la banque à reprendre l'amortissement du prêt suivant les mensualités de 720,84 euros proposées par celle-ci dans un courrier du 13 avril 2012, que la banque soit condamnée à lui payer la somme de 71 .530,62 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au montant des échéances du prêt dont la banque a refusé le paiement, qu'il soit jugé que la clause d'exigibilité anticipée prévue au contrat présente un caractère abusif et que la banque soit déchue du droit aux intérêts en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation ; elle fait essentiellement valoir :

- que la déchéance du terme prononcé à l'égard de son mari ne lui est pas opposable et que, à la date à laquelle celui-ci a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, les échéances du prêt étaient normalement remboursées de telle sorte que la résiliation du prêt intervenu à l'initiative de la banque est fautive,

- que la faute de la banque a généré à son détriment un préjudice dont elle demande la réparation par la condamnation de la banque lui payer la somme de 71.530,62 euros correspondant au montant des échéances du prêt dont la banque a refusé le paiement,

- que l'article 18 des conditions particulières du contrat de prêt invoqué par la banque et relative à l'exigibilité immédiate du prêt présente un caractère abusif ;

Vu les dernières conclusions du CIC Nord Ouest en date du 10 juillet 2015 sollicitant le rejet des demandes de Mme X. et, par voie d'appel incident, la réformation du jugement en ce qu'il avait retenu sa responsabilité et en ce qu'il avait rejeté sa demande visant à la condamnation de Mme X. à lui payer les sommes restant dues compte tenu de la déchéance du terme ; une somme de 3.000 euros est demandée à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; elle fait essentiellement valoir :

- qu'elle n'a commis aucune faute en se prévalant d'une déchéance du terme consécutive à la liquidation judiciaire de M. Y., prévue par le contrat de prêt et conforme à l'article L. 643-1 du code de commerce, la déchéance étant selon elle opposable à Mme X. qui avait la qualité de co-emprunteur solidaire alors que l'article 16 du contrat de prêt prévoyait explicitement que la déchéance prononcée à l'égard de l'un des co-emprunteurs aurait effet à l'égard de l'autre et que l'article 18 prévoyant en outre la possibilité pour la banque de prononcer la déchéance en cas de procédure collective ou de saisie immobilière affectant l'un des co-emprunteurs,

- que l'article 16 du contrat de prêt ne constitue pas une clause abusive,

- que l'action de Mme X. est abusive dès lors que la banque avait consenti au principe d'une reprise de l'amortissement du prêt sous réserve de la justification par celle-ci de sa situation financière mais que Mme X. a fait obstacle à tout arrangement amiable en exigeant que la banque abandonne à titre de dommages intérêts le paiement des mensualités échues ;

à titre subsidiaire, elle fait valoir :

- que les époux Y. n'ont subi aucun préjudice puisque la vente de leur résidence principale, initialement envisagée, n'a pu aboutir,

- que le comportement de la banque ne peut en aucun cas être interprété comme valant renonciation au paiement des échéances,

- qu'elle n'est pas opposée à la reprise de l'amortissement du prêt dans les conditions initialement fixées,

Vu l'ordonnance de clôture du 26 novembre 2015 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que les éléments de fait ont été complètement et exactement énoncés dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ; qu'il sera seulement rappelé que les époux Y. ont souscrit auprès de la banque Scalbert Dupont, ultérieurement devenue CIC Nord Ouest, par acte notarié du 2 juillet 2004, un prêt de 109.170 euros destiné au financement de l'acquisition de leur résidence principale ainsi que de travaux devant y être exécutés ; que le prêt était stipulé devoir être remboursé en 240 mensualités de 720,84 euros par l'un ou l'autre des emprunteurs qui s'engageaient solidairement et indivisiblement ; que par jugement du 17 février 2006, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de M. Y., artisan couvreur ; que, se prévalant de la déchéance du terme du contrat, la banque a déclaré sa créance dans le cadre de la procédure collective pour 112 234,75 euros, créance qui a été admise en totalité ; que le liquidateur judiciaire a été autorisé à procéder à la vente sur adjudication de la résidence principale des époux Y. par jugement des 10 septembre et 10 décembre 2008 ; que toutefois, par arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 23 septembre 2010, ce jugement a été réformé au regard de la déclaration d'insaisissabilité relative à l'immeuble publiée le 11 avril 2005 avant l'ouverture de la procédure collective ; que le pourvoi en cassation à l'égard de l'arrêt a été rejeté le 13 mars 2012 ; que Mme X., contestant que la banque puisse se prévaloir à son égard de la déchéance du terme opposée à son mari, a assigné celle-ci le 26 mai 2009 devant le tribunal de commerce d'Arras ; que, après un premier jugement de sursis à statuer du 6 janvier 2012 au regard du pourvoi en cassation relatif à l'arrêt du 23 septembre 2010, le tribunal de commerce a rendu le jugement déféré ;

 

Sur la validité de la déchéance du terme dont s'est prévalue la banque à l'égard de Mme X. :

Attendu que, dans ses conclusions, l'appelante entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 622-29 du code de commerce en vertu desquelles le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé ; que toutefois, en l'espèce, c'est à la suite d'un jugement de liquidation judiciaire concernant le patrimoine de M. Y. que la déchéance du terme a été invoquée par la banque ; qu'en application de l'article L. 643-1 de ce même code - ou de l'article L. 622-22 en l'état de la numérotation antérieure du code de commerce : « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. » ; que le moyen ainsi développé par l'appelante ne peut être accueilli ;

Attendu que, s'il est exact les dispositions de l'article 1201 du Code civil relatives à la solidarité n'impliquent pas que la déchéance du terme prononcée à l'égard de l'un des co-emprunteurs solidaires ait effet de plein droit à l'égard des autres, une telle disposition n'est pas d'ordre public et une clause spécifique du contrat de prêt peut en écarter l'application ; que tel est le cas en l'espèce, l'article 16 des conditions particulières du contrat de prêt immobilier prévoyant : « les emprunteurs ainsi que les codébiteurs éventuels sont solidairement et indivisiblement responsables de l'exécution de tous les engagements contractés aux termes des présentes. Ceci signifie que dans l'hypothèse où plusieurs personnes se sont engagées, la solidarité et l'indivisibilité permettent à la banque d'exiger de l'une quelconque d'entre elles le paiement de la totalité des sommes restant dues au titre du présent financement dès lors que les sommes en question sont devenues exigibles pour quelque cause ou motif que ce soit.’; qu'il résulte de cette clause, rédigée en termes clairs, que le prêteur est fondé à se prévaloir de la déchéance du terme à l'égard de l'un et l'autre des co-emprunteurs ; qu'une telle clause ne présente pas de caractère abusif dès lors qu'elle ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs ; que d'ailleurs, en l'espèce, l'appelante ne soutient par le caractère abusif de cet article 16 mais uniquement de l'article 18 des conditions générales du contrat ; que le jugement doit donc être réformé à ce titre ;

 

Sur le caractère abusif de l'article 18 des conditions générales du contrat de prêt et sur la demande de déchéance des intérêts :

Attendu que l'article 18 des conditions générales du contrat de prêt énumère les situations dans lesquelles le prêteur est fondé à se prévaloir de l'exigibilité immédiate du prêt ; que ces situations sont très diversifiées et visent nombre de situations autres que celles résultant d'une défaillance dans le remboursement des échéances du prêt ou bien même de manquements des emprunteurs à leurs obligations contractuelles à l'égard de la banque qu'ils soient issus du contrat de prêt ou non ; qu'ainsi, parmi les situations ouvrant droit à exigibilité immédiate du prêt retrouve-t-on : le défaut de paiement à bonne date par l'emprunteur d'une somme due à quiconque, le défaut de paiement de charges de copropriété quelle qu'en soit la nature dès lors qu'elles sont relatives à un bien financé par le prêt ou bien encore l'exigibilité financière de tout autre concours consenti à l'emprunteur sans qu'il soit d'ailleurs fait référence à des concours consentis par le CIC Nord-Ouest ; qu'une telle clause correspond précisément à ce que la Commission des clauses abusives a retenu comme générant un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs dans son avis 2004-03 du 27 mai 2004 ;

Que toutefois, cette clause ne constitue pas en l'espèce le fondement de l'exigibilité anticipée dont s'est prévalu la banque puisque la déchéance du terme résulte directement, comme il a été dit ci-dessus, de la liquidation judiciaire du patrimoine de l'un des co-emprunteurs et de son opposabilité à son épouse en vertu de l'article 16 des conditions générales ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article 311-33 ancien du code de la consommation, applicables aux faits de l'espèce, sanctionnent le non-respect par le prêteur des dispositions des articles 311-8 à 311-13 ancien de ce même code qui fixent les conditions de forme des offres préalables de prêt ; que cet article n'a pas pour objet de sanctionner le caractère abusif d'une clause, des sanctions spécifiques étant prévues à ce titre ; qu'il en résulte que l'appelante n'est pas fondée à solliciter la déchéance du droit aux intérêts de la banque au titre du caractère abusif de l'article 18 des conditions particulières du contrat de prêt ; que la demande visant à la déchéance du droit aux intérêts ne peut donc être accueillie ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de faire droit à la demande de la banque et de condamner Mme X. à lui payer les sommes restant dues compte tenu de la déchéance du terme soit 112.107,30 euros outre l'intérêt au taux contractuel de 3,70% à compter du 18 février 2006 ;

 

Sur la faute de la banque :

Attendu que si, à titre principal, Mme X. entend engager la responsabilité de la banque pour résiliation abusive du contrat de prêt -moyen écarté par la cour pour les motifs ci-dessus exposés- elle fait également grief à la banque, au-delà de l'analyse juridique qui peut être faite de cette situation, de ne pas avoir consenti à la poursuite du règlement des échéances du prêt ; que, même si la résiliation du contrat de prêt était régulière au regard des textes applicables et des stipulations du contrat, il appartenait toutefois la banque, en sa qualité de créancier de bonne foi, d'étudier la possibilité d'un règlement échelonné du solde du prêt dans un contexte caractérisé par la régularité du paiement des échéances antérieures ;

Attendu en effet qu'il n'est pas contesté que, à la date à laquelle a été ouverte la procédure de liquidation judiciaire concernant M. Y., le prêt litigieux n'avait fait l'objet d'aucun incident de paiement et, en toute hypothèse, ses échéances étaient régulièrement payées sans qu'il existe un arriéré quelconque ;

Qu'en l'état des documents produits, il n'apparait pas que la banque ait véritablement recherché une solution amiable avec la volonté d'aboutir à une solution acceptable pour elle-même et son co-contractant ; qu'il est vrai que dans sa lettre du 27 avril 2006, elle indiquait que, si elle ne pouvait accepter la reprise de l'amortissement du prêt, elle n'était pas opposée à un règlement amiable de l'ensemble des sommes dues par Mme X. tant au titre du prêt immobilier que du solde débiteur du compte joint et d'un autre prêt consenti pour l'acquisition d'un véhicule ; que toutefois, par courrier du 29 mai 2008, elle indiquait aux époux Y. qu'elle n'avait plus convenance « à accepter une telle reprise d'amortissement » motif pris de la liquidation judiciaire du patrimoine de M. Y. et de l'exigibilité anticipée qui y était attachée et, d'autre part, du dessaisissement consécutif à cette procédure de liquidation ; qu'il n'apparaît pas ainsi que, contrairement à ce que soutient la banque, ce soit parce que la preuve de la capacité de Mme X. à rembourser de façon échelonnée le prêt n'aurait pas été rapportée qu'elle aurait refusé un tel règlement ; qu'il ne peut, au vu de ces éléments, être considéré que la banque aurait recherché avec son cocontractant une solution de règlement amiable alors même que celui-ci proposait de poursuivre le remboursement du prêt sous forme de règlement échelonné ; que, pour attester de sa volonté d'aboutir à un règlement amiable, la banque se réfère à des échanges de courrier survenus en mars et avril 2012 alors que la demande initiale avait été formulée auprès d'elle dès le mois d'avril 2006 ;

Attendu dans ces conditions qu'il doit être considéré que la banque a refusé de façon injustifiée le règlement échelonné de sa dette qui était proposée, sous la qualification juridique certes inadaptée de poursuite de l'amortissement du prêt, par Mme X. dès le mois d'avril 2006 ; qu'il en est résulté un préjudice pour l'appelante correspondant au montant des intérêts au taux contractuel de 3,70 % sur le capital restant dû - soit 104.773 euros - sur une période de 6 ans à savoir 23.088 euros outre le montant de l'indemnité d'exigibilité anticipée de 7.334,12 euros soit au total la somme de 30.422 euros à titre de dommages et intérêts ;que la banque sera condamnée au paiement de cette somme et qu'il y a lieu à compensation judiciaire entre les créances respectives ;

Attendu enfin qu'il n'entre pas dans les attributions de la juridiction saisie d'ordonner la mainlevée « de toute inscription et de tout fichage de Mme Y. auprès de la Banque de France pris par la banque CIC Nord-Ouest » ; que cette demande doit être rejetée ;

Attendu que, dès lors qu'il est fait droit à une partie de l'argumentation de Mme X., la banque n'établit pas que l'action engagée par celle-ci soit constitutive d'un abus du droit d'ester en justice ; que la demande de dommages intérêts présentée par la banque à ce titre doit être rejetée ;

Attendu qu'il serait inéquitable que l'appelante conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance ; que la banque CIC Nord-Ouest sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré sauf quant aux condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens et, statuant à nouveau sur le surplus,

Rejette la demande de Madame X. visant à voir juger que la résiliation par la banque du contrat de prêt à son égard est fautive,

Condamne Madame X. à payer à la banque CIC Nord-Ouest la somme de 112.107,30 euros assortie de l'intérêt au taux contractuel de 3,70 % à compter du 18 février 2006,

Dit que la banque CIC Nord-Ouest a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme X. en ne recherchant pas, avec la volonté d'aboutir, une solution de règlement amiable et échelonné des sommes ci dessus mises à la charge de celle-ci,

Condamne à ce titre la banque à lui payer la somme de 30.422 euros à titre de dommages-intérêts,

Dit qu'il y a lieu à compensation entre les créances respectives,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne le CIC Nord-Ouest à payer à Madame X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne de CIC Nord-Ouest aux dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT

C. DUTILLIEUX                 M.A. PRIGENT