TGI BOULOGNE-SUR-MER (1re ch.), 15 décembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 557
TGI BOULOGNE-SUR-MER (1re ch.), 15 décembre 2009 : RG n° 09/00149
(sur appel CA Douai (1re ch. sect. 1), 11 avril 2011 : RG n° 10/02168)
Extraits : 1/ « Il résulte de cette étude que les acquéreurs se sont engagés à rechercher un financement en ayant recours à un prêt dont les caractéristiques étaient formellement précisées dans le compromis : 500.000 euros au taux d'intérêt maximum de 4, 10 % sur 20 ans. Toutefois, de leurs pièces produites, il apparaît qu'aucune des demandes effectuées non seulement ne correspond à la condition suspensive, ces dernières ayant des conditions différentes ou manque totalement de précision mais au surplus n'a pas été déposée dans les délais du compromis de 10 jours de la signature.
Par ailleurs, les acquéreurs n'ont pas entendu faire préciser au compromis qu'ils auraient recours à un intermédiaire financier tel qu'indiqué. Ils ne peuvent aucunement se retrancher derrière les agissements de cet intermédiaire dès lors que les obligations résultant du compromis leurs sont personnelles. De la même façon, le fait qu'ils soient islandais ne saurait atténuer leur responsabilité dès lors que leur consentement n'est aucunement vicié. Il leur appartenait de s'entourer des garanties suffisantes pour bien comprendre la portée de leur engagement, notamment en présence d'une acquisition immobilière pour la somme de 500.000 euros.
N'étant pas en mesure d'apporter la preuve qu'ils se sont exécutés conformément au compromis et de par leur défaillance, la condition sera réputée accomplie et par conséquent les époux A. engagent leur responsabilité du fait de la non réitération de l'acte. »
2/ « Or, les époux A. avaient parfaitement connaissance de leur obligation quant au montant du prêt à obtenir (500.000 euros) et de ses caractéristiques. Par ailleurs, leur nationalité islandaise ne peut pas venir expliquer à elle seule leur erreur, dès lors qu'ils disposent d'ores et déjà d'une adresse en France et [qu'ils s'expriment] en français tel que cela résulte du mandat de recherche comportant mention manuscrite en français des mandants. En signant un mandat de recherche en toute connaissance de cause pour un montant supérieur à la condition suspensive, les époux A. engagent leur responsabilité.
Toutefois, l'agence MEILLEURTAUX.COM, en professionnel de la recherche de financement, aurait dû vérifier le montant de financement [recherché] avec le compromis de vente. Il lui appartenait d'attirer l'attention de ses clients aux risques auxquels ils s'exposaient et de modifier le mandat pour qu'il soit conforme aux conditions du compromis. En s'abstenant d'une telle vérification et en se limitant aux déclarations de ses clients, elle engage sa responsabilité. Par ailleurs, il apparaît que les demandes de prêt adressées par l'agence MEILLEURTAUX.COM ne correspondent pas au mandat donné. Or, à ce titre, elle est débitrice d'une obligation de résultat. En omettant de présenter des demandes de prêt conforme au mandat, elle engage sa responsabilité dans l'exécution de ses obligations de mandataire. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOULOGNE-SUR-MER
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 15 DÉCEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/00149.
DEMANDEURS :
M. X.,
demeurant [adresse], représenté par Maître Fabienne ROY-NANSION, avocat au barreau de BOULOGNE/MER, avocat plaidant
Mme Y. épouse X.,
demeurant [adresse], représentée par Maître Fabienne ROY-NANSION, avocat au barreau de BOULOGNE/MER, avocat plaidant
DÉFENDEURS :
M. A.,
demeurant [adresse],
Mme B. épouse A.,
demeurant [adresse],
représentés par la SCP FAUCQUEZ BOURGAIN BERNARD, avocats au barreau de BOULOGNE/MER, avocats plaidant
[minute page 2]
SARL CREDITMMOPALE,
dont le siège social est sis [adresse], défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Le tribunal était composé de M. Gwenolé PLOUX, désigné en qualité de juge unique en application des dispositions de l'article 803 du Code de procédure civile. Il était assisté de Madame Patricia DELAHAYE, Greffier.
DÉBATS - DÉLIBÉRÉ : Les débats ont eu lieu à l'audience publique du 13 octobre 2009. A l'issue, les conseils ont été avisés que le jugement serait rendu le 15 décembre 2009 par mise à disposition au greffe en application de l'article alinéa 2 du code de procédure civile issue de l'article 4 de la loi du 20 août 2004.
En l'état de quoi, le tribunal a rendu la décision suivante :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
Par acte sous seing privé du 13 février 2007, M. X. et Mme Y. son épouse ont régularisé au profit de M. A. et Mme B. son épouse un compromis de vente relatif à un immeuble [adresse ville H.] pour un montant de 590.000 euros.
Le compromis comporte comme condition suspensive l'obtention d'un prêt d'un montant de 500.000 euros au taux de 4,10 % maximum sur 20 ans La réitération de la vente devait avoir lieu au plus tard le 31 mai 2007.
Le 15 mai 2009 un avenant au compromis a prorogé la réitération de l'acte à fin juin 2007. Le litige oppose les parties sur la réalisation ou non de la condition suspensive.
C'est dans ces conditions que M. X. et Mme Y. son épouse, ont par acte d'huissier du 21 juillet 2008 fait assigner M. A. et Mme B. son épouse devant le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE-SUR-MER aux fins de les voir condamner et payer la clause pénale prévue dans le compromis de vente.
M. X. et Mme Y. son épouse demandent au tribunal dans leurs dernières conclusions signifiées le 5 juin 2009 au visa de l'article 1178 du Code civil de :
[minute page 3] À TITRE PRINCIPAL
- débouter les époux A. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- dire et juger que les époux A. n'ont pas satisfait à leur obligation de loyauté en n'accomplissant pas les diligences prévues contractuellement pour l'obtention du prêt ;
- en conséquence constater la réalisation de la condition suspensive et le refus des époux A. de régulariser la vente par acte authentique ;
- prononcer dès lors la résolution du compromis de vente autour des époux A. ;
- condamner les époux A. à payer aux époux X. la somme de 61.200 EUR au titre de l'indemnisation forfaitaire leur préjudice subi ;
- libérer entre les mains des époux X. le séquestre d'un montant de 30.000 EUR au paiement d'une partie de la dette ;
- condamné les époux A. à payer la somme de 2.000 EUR en application des dispositions de l'articles 700 du code de procédure civile
- enfin, les condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître ROY avocat aux offres de droit.
M. A. et Mme B. son épouse demandent au tribunal dans leurs dernières conclusions signifiées le 9 avril 2009 et déposées le 10 avril de :
À TITRE PRINCIPAL
- débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
À TITRE SUBSIDIAIRE
- dire et juger que le montant de la clause pénale est manifestement excessif ;
- en conséquence, le réduire à de plus justes proportions ;
- dire et juger que l'agence MEILLEURETAUX.COM AGENCE CONSEIL a failli à son obligation de conseil vis-à-vis du concluant ;
- en conséquence, condamner celles-ci à garantir les concluants de tout chef de condamnation ;
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :
- dire et juger qu'il appartiendra à Maître GURY de restituer au concluant la somme de 30.000 EUR déposés à titre de séquestre en son étude ;
- condamner M et Mme X. à payer et porter aux concluants la somme de 1.500 EUR en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par la SCP FAUCQUEZ ET BOURGAIN sous son affirmation de droit au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
A l'affaire principale a été jointe l'appel en garantie initié par M. A. et Mme B. mit son épouse à l'encontre de la SARL CREDITMMOPALE, laquelle est non comparante.
En application des articles 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, aux dernières conclusions qu'elles ont déposées et signifiées qui reprennent les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, et qui, à défaut sont réputées être abandonnés, le tribunal ne statuant que sur les dernières conclusions déposées.
L'affaire a été appelée à la conférence du Président le 6 février 2009 et a été successivement renvoyée à la demande des parties jusqu'au 11 septembre 2009 où une ordonnance de clôture est intervenue fixant l'affaire au 13 octobre 2009. Le délibéré a été fixé au. 15 décembre 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] MOTIFS :
Sur la réalisation de la condition suspensive :
L'article 1134 du code civil prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Les articles 1168 et 1178 du code civil prévoient que l'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas. Néanmoins, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement.
Il appartient à l'emprunteur de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente, étant précisé qu'une seule demande suffit sauf convention contraire, et qu'il ne suffit pas de prouver qu'une demande a été rejetée par la banque.
Il résulte des pièces produites que :
- le compromis prévoit :
* une condition suspensive aux termes de laquelle les acquéreurs entendent souscrire un prêt de 500.000 euros au taux d'intérêt maximum de 4,10 % sur 20 ans ; ils entendent solliciter la BNP, BSD* et la Banque Populaire ; l'obtention du prêt doit intervenir pour le 30 mars 2007 à 18 heures ; ils doivent justifier du dépôt de leurs demandes de prêt dans les 10 jours de la signature du compromis et en justifier dans les 48 heures du dépôt auprès du vendeur ou de son mandataire ;
* une clause est prévue au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente dans le délai imparti, sauf à justifier de l'application d'une condition suspensive, elle pourra y être contrainte par tous les moyens et voies de droit en supportant les frais de poursuite de recours à justice et ce sans préjudice de tous dommages et intérêts. Toutefois la partie qui n'est pas un défaut pourra à son choix, prendre acte du refus de son cocontractant et invoquer la résolution du contrat. Dans l'un et l'autre cas est expressément convenu que la partie [qui] n'est pas [en] défaut percevra à titre d'indemnité forfaitaire de son préjudice à la somme de 61.200 EUR de l'autre partie ;
- les acquéreurs ont signé un mandat de recherche de financement avec la société MEILLEURTAUX.COM d'où il résulte que les caractéristiques du prêt sont un montant de 612.000 euros sur 20 ans ;
- il est justifié des demandes de prêt suivants :
* CRÉDIT MUTUEL sans aucune précision sur les caractéristiques sollicitées,
* BNP PARIBAS : prêt de 292.900 euros sur 300 mois au taux de 4,20 % ;
* AGENCE HABITAT : 292.959 euros sans autre précision ;
* CIC BANQUE BSD-CIN : 480.000 euros sans autre précision ;
Il résulte de cette étude que les acquéreurs se sont engagés à rechercher un financement en ayant recours à un prêt dont les caractéristiques étaient formellement précisées dans le compromis : 500.000 euros au taux d'intérêt maximum de 4, 10 % sur 20 ans. Toutefois, de leurs pièces produites, il apparaît qu'aucune des demandes effectuées non seulement ne correspond à la condition suspensive, ces dernières ayant des conditions différentes ou manque totalement de précision mais au surplus n'a pas été déposée dans les délais du compromis de 10 jours de la signature.
[minute page 5] Par ailleurs, les acquéreurs n'ont pas entendu faire préciser au compromis qu'ils auraient recours à un intermédiaire financier tel qu'indiqué. Ils ne peuvent aucunement se retrancher derrière les agissements de cet intermédiaire dès lors que les obligations résultant du compromis leurs sont personnelles. De la même façon, le fait qu'ils soient islandais ne saurait atténuer leur responsabilité dès lors que leur consentement n'est aucunement vicié. Il leur appartenait de s'entourer des garanties suffisantes pour bien comprendre la portée de leur engagement, notamment en présence d'une acquisition immobilière pour la somme de 500.000 euros.
N'étant pas en mesure d'apporter la preuve qu'ils se sont exécutés conformément au compromis et de par leur défaillance, la condition sera réputée accomplie et par conséquent les époux A. engagent leur responsabilité du fait de la non réitération de l'acte.
Dans cette hypothèse, le compromis a prévu une clause pénale dont il conviendra de faire application. Toutefois, les acquéreurs n'étant pas de mauvaise foi et la vente ayant pu intervenir au 20 septembre 2007 avec un écart de 10.000 euros, il y aura lieu de constater que la somme de 61.200 euros est excessive.
Par conséquent, il conviendra de minorer la clause pénale à la somme de 30.000 euros.
Dès lors, il y aura lieu de constater la résolution du compromise de vente et de condamner les époux A. à payer aux époux X. la somme de 30.000 euros au titre de la clause pénale.
Il y aura lieu d'ordonner la libération du séquestre entre les mains des époux X. lequel est d'un montant de 30.000 euros.
Sur la responsabilité de la SARL CREDITMMOPALE - MEILLEURTAUX.COM AGENCE CONSEIL :
Vu les articles 1134, 1147 et 1984 et suivants du code civil ;
Il résulte du mandat de recherche de financement que :
L'obligation de conseil ne s'applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous.
L'opération vise à financer une résidence principale avec une date de signature de l'acte authentique au 31 mai 2007 pour un prêt évalué à la somme de 612.000 euros sur 20 ans ;
Il apparaît à la lecture du mandat que la somme de 612.000 euros a été rajoutée en surcharge du mandat. Toutefois, les époux A. ont signé ledit mandat de recherche et il n'est pas soutenu que leur consentement fut vicié ou que la somme fut rajoutée postérieurement à la signature du mandat. Par conséquent, le contrat est valablement formé entre les parties.
Or, les époux A. avaient parfaitement connaissance de leur obligation quant au montant du prêt à obtenir (500.000 euros) et de ses caractéristiques. Par ailleurs, leur nationalité islandaise ne peut pas venir expliquer à elle seule leur erreur, dès lors qu'ils disposent d'ores et déjà d'une adresse en France et [qu'ils s'expriment] en français tel que cela résulte du mandat de recherche comportant mention manuscrite en français des mandants. En signant un mandat de recherche en toute connaissance de cause pour un montant supérieur à la condition suspensive, les époux A. engagent leur responsabilité.
Toutefois, l'agence MEILLEURTAUX.COM, en professionnel de la recherche de financement, aurait dû vérifier le montant de financement [recherché] avec le compromis de vente. Il lui appartenait d'attirer l'attention de ses clients aux risques auxquels ils s'exposaient et de modifier le mandat pour qu'il soit conforme aux conditions du compromis. En s'abstenant d'une telle vérification et en se limitant aux déclarations de ses clients, elle engage sa responsabilité.
[minute page 6] Par ailleurs, il apparaît que les demandes de prêt adressées par l'agence MEILLEURTAUX.COM ne correspondent pas au mandat donné. Or, à ce titre, elle est débitrice d'une obligation de résultat. En omettant de présenter des demandes de prêt conforme au mandat, elle engage sa responsabilité dans l'exécution de ses obligations de mandataire.
Il y aura donc lieu de juger à un partage de responsabilité entre les époux A. pour 15 % et l'agence MEILLEURTAUX.COM à hauteur de 85 %.
Par conséquent, il conviendra de condamner l'agence MEILLEURTAUX.COM à garantir les époux A. à hauteur de 85 % de leur condamnation.
Sur les demandes accessoires :
Il est inéquitable de laisser à la charge des époux X. les frais qu'ils ont dû exposer pour se faire représenter et assurer la défense de leurs intérêts.
A ce titre il leur sera alloué la somme de 1.000 euros.
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
En application des articles 696 et suivants du code de procédure civile, les époux A., succombant à l'instance, supporteront les dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs,
Statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
Vu les article 1134, 1178 et 1152 du code civil,
RÉPUTE accomplie la condition suspensive d'octroi de prêt ;
CONSTATE la défaillance de M. A. et Mme B. son épouse ;
CONDAMNE M. A. et Mme B. son épouse à payer à M. X. et Mme Y. son épouse les sommes de :
- 30.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE la libération du séquestre d'un montant de 30.000 euros, détenu par Maître GUERY notaire, entre les mains de M. X. et Mme Y. son épouse ;
CONDAMNE la SARL CREDITMMOPALE exerçant sous l'enseigne MIEILLEURTAUX.COM AGENCE CONSEIL à garantir M. A. et Mme B. son épouse à hauteur de 85 % des condamnations prononcées, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens ;
CONDAMNE M. A. et Mme B. son épouse aux dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT