CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 5 avril 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5573
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 5 avril 2016 : RG n° 15/01982 ; arrêt n° 2016/147
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant qu'alors que le contrat d'assurance avait pour objet de l'assurer en sa qualité de gérant de société et qu'il n'est pas en incapacité d'exercer cette activité, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la garantie n'était pas due ;
Considérant qu'en application de l'alinéa 7 de l'article L. 132-1 du code de la consommation, « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » ;
Considérant qu'en l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la clause relative à la garantie de l'incapacité totale de travail qui prévoit que les indemnités journalières sont versées au cours de la période pendant laquelle l'assuré est dans l'impossibilité momentanée d'exercer toute occupation professionnelle par suite d'une maladie ou d'accident, reconnue médicalement est rédigée en des termes clairs et compréhensibles et ne peut dès lors être qualifiée d'abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 5 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01982. Arrêt n° 2016/147 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 décembre 2014 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - R.G. n° 12/03509.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Représenté par Maître Véronique H. de la SCP H. P., avocat au barreau de PARIS, toque : J017, Assisté de Maître Mariam P. de la SCP H. P., avocat au barreau de PARIS, toque : J017
INTIMÉE :
SA SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ
représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, N° SIRET : XX, Représentée par Maître Charles-Hubert O. de la SCP L. & O., avocat au barreau de PARIS, toque : L0029, Assistée de Maître Marianne V. de l'AARPI V. - D.-P., avocat au barreau de PARIS, toque : D0197
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, Monsieur Christian BYK, Conseiller, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Monsieur X., gérant de la société Speed Incendie, entreprise d'installation de dispositifs de protection contre les incendies, a adhéré, à effet du 1er janvier 2009, au contrat d'assurance dénommé Swiss Prévoyance « Gérant majoritaire », présenté par la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ, optant pour la garantie de maintien de ressources en cas d'incapacité temporaire de travail.
Il a déclaré être en arrêt de travail à compter du 5 juillet 2010 et a été indemnisé à compter du 4 août suivant compte tenu de la franchise de trente jours. En décembre 2010, le médecin désigné par l'assureur a estimé que l'arrêt de l'assuré était justifié jusqu'en février ou mai 2011 mais que le travail du bureau avait pu être poursuivi durant toute la période d'incapacité.
Le 31 décembre 2010, la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ a cessé tout versement.
Une mission d'arbitrage médical a été confiée au Docteur A. lequel, aux termes de son rapport déposé en juin 2012, a conclu que Monsieur X. pouvait continuer à gérer son entreprise ainsi qu'à l'administrer.
Par acte d'huissier du 21 février 2012, Monsieur X. a assigné la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, qui, par jugement du 16 décembre 2014 l'a débouté de ses demandes, et l'a condamné à verser à la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration du 27 janvier 2015, Monsieur X. a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 avril 2015, il sollicite l'infirmation du jugement, demandant à la cour de dire que la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ n'a pas exécuté ses obligations contractuelles à son égard et de la condamner à lui payer 42.127,80 euros au titre des indemnités journalières depuis le mois d'avril 2012, celle de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 janvier 2016, la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur X. au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que Monsieur X. soutient qu'il est en arrêt de travail depuis le 5 juillet 2010 et qu'il ne peut plus exercer aucune activité professionnelle, que les documents produits par l'assureur, qui sont des documents établis par son expert-comptable, ne permettent pas de démontrer qu'il continue de diriger et d'administrer sa société, qui est gérée par une secrétaire ainsi que par son frère, qu'il ne perçoit plus de revenu depuis le mois de septembre 2010, qu'il soutient le caractère abusif de la clause qui soumet la garantie incapacité temporaire de travail à la démonstration de l'impossibilité pour l'assuré d'exercer une quelconque activité professionnelle en exposant que cela accorde un avantage excessif à l'assureur, qu'il ajoute que l'assureur a manqué à son devoir de conseil en ne l'informant pas du peu d'intérêt de la couverture proposée, compte tenu de sa fonction de gérant ;
Considérant que la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ soutient que l'appelant est assuré en qualité de dirigeant d'entreprise, en l'espèce gérant majoritaire, qu'aucune mention résultant du rapport annuel de gérance pour l'exercice 2011 ne révèle qu'il aurait cédé la responsabilité de l'entreprise à quiconque et qu'au contraire, l'associé unique se déclarait « satisfait des résultats » que s'il a dû renoncer à sa participation au travail manuel d'installateur, il a continué à gérer son entreprise, ce qu'il pouvait faire ainsi que cela résulte du rapport du docteur A., que ce n'est que pour le métier manuel d'installateur que le RSI l'a déclaré en « incapacité au métier », qu'il a d'ailleurs été indemnisé à ce titre et que son incapacité de travail en qualité de travailleur manuel n'est pas l'objet de la garantie, qu'il ne peut être prétendu qu'il n'aurait pas souscrit le contrat souhaité alors qu'il a clairement voulu garantir son activité de dirigeant d'entreprise qui est son activité principale et que les organismes sociaux ne garantissent pas et non son activité de monteur installateur assuré par le régime des travailleurs indépendants ;
Considérant qu'aux termes du contrat Swiss Prévoyance « Gérant majoritaire », Monsieur X. peut percevoir, en sa qualité de gérant majoritaire d'une SARL, des indemnités journalières selon l'article 10, « En cas d'incapacité temporaire totale de travail causée par une maladie ou un accident', l'incapacité temporaire de travail correspondant, selon la définition figurant à la page 3 du contrat, à 'l'impossibilité momentanée pour l'assuré d'exercer toute occupation professionnelle par suite d'une maladie ou d'accident, reconnue médicalement » ;
Considérant que Monsieur X. a déclaré un arrêt de travail à compter du 5 juillet 2010, pour des troubles musculo-squelettiques des membres supérieures qui a été pris en charge par l'assureur du 4 août 2010, après application de la franchise de 30 jours, au 31 décembre 2010, qu'il résulte du rapport du professeur B. du 1er décembre 2010 que depuis le 5 juillet 2010, l'arrêt du travail manuel est justifié mais que le travail de bureau a pu être poursuivi, qu'aux termes de l'expertise réalisée dans le cadre d'un protocole d'arbitrage amiable, le docteur A. a, après avoir examiné l'appelant le 19 juillet 2011, exposé que l'examen de Monsieur X. « confirme une situation de gêne fonctionnelle douloureuse en rapport avec un syndrome de charnière cervico-dorsale associé à des éléments de conflit du territoire radiculaire cubital gauche confirmant ainsi l'impossibilité pour l'intéressé de participer à des activités physiques dans son artisanat » et a conclu que « on peut confirmer l'impossibilité complète pour M. X. de participer à une activité significative sur le plan physique, celui-ci étant empêché de toute manipulation, de tout effort de soulèvement. Ses capacités sont réduites à la conduite sur de petits trajets. Il peut par ailleurs continuer à gérer son entreprise ainsi qu'à l'administrer ».
Considérant qu'il résulte de ces conclusions que Monsieur X. n'est pas dans l'incapacité d'exercer toute activité professionnelle puisqu'il est en mesure de gérer et d'administrer son entreprise ;
Considérant que ces conclusions ne sont pas utilement contredites par le fait que l'intéressé perçoive depuis le 12 janvier 2012 une pension d'invalidité temporaire de la part du Régime social des Indépendants alors que qu'il résulte de l'attestation de cet organisme en date du 18 novembre 2011 que cette allocation est versée en cas d'incapacité au métier qui constitue une forme d'invalidité propre aux professions artisanales et concerne les conditions physiques requises pour l'exercice de son activité professionnelle ;
Considérant que les conclusions médicales ci-dessus relatées ne sont pas utilement contredites par le rapport du Docteur C. du 1er octobre 2012 aux termes duquel ce médecin faisait état d'une répercussion de l'état de Monsieur X. de 40 % sur le rapport activités professionnelles et de loisirs et prévoyait une prise en charge pluridisciplinaire en hôpital de jour pour une durée prévisionnelle de six semaines, faisant intervenir un kinésithérapeute et un ergothérapeute, qui a, en fait été réalisée du 5 novembre au 29 novembre 2013, alors que le médecin expose que la gêne fonctionnelle du patient se révèle lors des activités au quotidien notamment lors des tâches en hauteur nécessitant le maintien des membres supérieurs en position élevée ce qui démontre la réalité de l'incapacité au travail physique mais ne contredit pas la possibilité pour l'appelant de continuer à gérer son entreprise, que ce fait n'est pas plus contredit par la circonstance qu'il se soit vu prescrire ultérieurement de nouvelles séances de kinésithérapie ;
Considérant que l'attestation de Madame D., qui déclare le 19 mars 2013, qu'elle travaille toujours bénévolement pour Monsieur X. pour la survie de son entreprise, est également insuffisante pour démontrer que celui-ci serait dans l'incapacité physique d'assurer la gestion de son entreprise alors qu'il est resté à la tête de celle-ci ainsi que cela résulte des rapports de gestion pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014, tous signés par Monsieur X. ;
Considérant qu'alors que le contrat d'assurance avait pour objet de l'assurer en sa qualité de gérant de société et qu'il n'est pas en incapacité d'exercer cette activité, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la garantie n'était pas due ;
Considérant qu'en application de l'alinéa 7 de l'article L. 132-1 du code de la consommation, « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » ;
Considérant qu'en l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la clause relative à la garantie de l'incapacité totale de travail qui prévoit que les indemnités journalières sont versées au cours de la période pendant laquelle l'assuré est dans l'impossibilité momentanée d'exercer toute occupation professionnelle par suite d'une maladie ou d'accident, reconnue médicalement est rédigée en des termes clairs et compréhensibles et ne peut dès lors être qualifiée d'abusive ;
Considérant de même que le manquement de l'assureur à son devoir de conseil reproché par l'appelant à l'intimée pour ne pas l'avoir informé du peu d'intérêt de la couverture proposée n'est pas caractérisé alors que le contrat avait pour objet de le garantir en qualité de gérant majoritaire dans l'hypothèse où il était dans l'incapacité d'exercer cette activité et qu'il existe de nombreuses situations résultant d'une maladie ou d'un accident dans lesquelles Monsieur X. pouvait se retrouver dans l'incapacité d'exercer son activité de gérant de société ;
Considérant que sa demande principale étant rejetée, Monsieur X. ne peut qu'être débouté de sa demande de réparation du préjudice subi de l'absence de prise en charge par l'assureur ; que le jugement sera également confirmé à ce titre ;
Considérant qu'alors que les premiers juges ont fait une juste appréciation de la somme qui devait être allouée à l'assureur en première instance, il convient d’allouer à celui-ci une somme de 1000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur X. à payer à la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Monsieur X. aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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