CA MONTPELLIER (2e ch.), 17 mai 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5627
CA MONTPELLIER (2e ch.), 17 mai 2016 : RG n° 14/06060
Publication : Jurica
Extrait : « S'agissant d'une personne morale, la société B. ne peut alléguer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 17 MAI 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/06060. Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JUILLET 2014, TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ : R.G. n° 13001900.
APPELANTE :
SAS LOCAM
Représenté par Maître Yann G. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant
INTIMÉS :
Monsieur Patrick L. DE G. ès qualités de liquidateur à la liquidation de RISC GROUP
Assigné à personne le 19 octobre 2014
SARL B. ECONOMISTE
Représentée par Maître Karen M. P., avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 22 mars 2016
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 AVRIL 2016, en audience publique, Madame Florence FERRANET ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, président, Madame Brigitte OLIVE, conseiller, Madame Florence FERRANET, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES
ARRÊT : - Réputé contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvia TORRES, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURES - MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 30 janvier 2009, la société à responsabilité limitée B. Economiste (la société B.) qui a une activité de conseil dans le domaine de la construction, a souscrit auprès de la société Risc Group (la société Risc) un contrat d'abonnement et de location d'un serveur incluant des matériels, logiciels et services adaptés aux fins de stockage et de sauvegarde automatique de données informatiques.
Le contrat d'une durée de 60 mois prévoyait un loyer mensuel de 299 euros TTC outre des frais d'installation de 897 euros TTC, et l'intervention de la société Locam, cessionnaire, qui, à réception du procès-verbal d'installation et de livraison du matériel, a réglé le prix à la société Risc et a procédé au prélèvement mensuel des loyers.
La société B. a rencontré des difficultés dans l'utilisation quotidienne du serveur et a ainsi adressé plusieurs courriels de mécontentement à partir du mois de mai 2012 puis des courriers recommandés à compter du mois de juin, avant de rompre le contrat et de bloquer les prélèvements par courrier recommandé du 30 août 2012.
Par courrier recommandé du 22 octobre 2012, reçu le 2 novembre 2012, la société Locam a mis en demeure la société B. d'avoir à lui régler la somme de 5.913,15 euros, correspondant aux échéances dues au titre du contrat résilié.
Par acte des 24 avril et 15 mai 2013, la société B. a fait assigner les sociétés Locam et Risc devant le tribunal de commerce de Rodez en résolution des contrats litigieux et condamnation solidaire au paiement de la somme de 15.847 euros correspondant à la restitution des loyers depuis le 30 janvier 2009, et 897 euros au titre des frais d'installation.
Le 24 octobre 2013 le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Risc, convertie le 18 décembre 2013 en liquidation judiciaire, M. L. étant maintenu en qualité de liquidateur judiciaire.
Par courrier recommandé du 21 novembre 2013, reçu le 26 novembre 2013, la société B. a déclaré sa créance au passif de la société Risc pour la somme totale de 20.037 euros correspondant au montant des loyers du 30 janvier 2009 au 30 janvier 2014 (17.940 euros), aux frais d'installation (897 euros) et aux frais irrépétibles (1.200 euros).
Par jugement réputé contradictoire rendu le 15 juillet 2014 le tribunal de commerce de Rodez a :
Rejeté la demande de résolution du contrat d'abonnement et de location ;
Prononcé la résiliation du contrat d'abonnement et de location à la date du 1er juillet 2012 ;
Débouté la société Locam du surplus de ses demandes ;
Condamné solidairement la société Locam et M. L., ès qualités, à payer à la société B. la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'instance.
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Le 6 août 2014 la société Locam a régulièrement interjeté appel du jugement, intimant la société B. et M. L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Risc.
Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 28 janvier 2015, la société Locam conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour statuant à nouveau :
- de condamner la société B. à lui verser la somme de 5.920,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2012 et capitalisation des intérêts,
- de condamner la société B. aux dépens dont distraction au profit de Maître G. et au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Elle fait valoir que :
- tout grief lié au fonctionnement et à la conformité du matériel donné à bail lui est inopposable par application des articles 1 et 2-6 des conditions générales du contrat,
- l'article 6-3 des mêmes conditions générales a transféré au locataire les droits et actions à l'égard du fournisseur en contrepartie de quoi celui-ci a renoncé à tout recours du chef d'une défaillance du fournisseur à l'encontre du bailleur,
- faute d'avoir agi préalablement en résolution ou nullité du contrat à l'égard du fournisseur, la société B. avait perdu sa qualité à agir au jour de la résiliation du contrat par la société Locam le 20 octobre 2012,
- les dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation ne sont pas applicables en l'espèce,
- en l'absence de contrat de vente entre elle-même et la société B., elle n'est pas tenue à une obligation d'information et de conseil,
- les dispositions de l'article L. 442-6-I ne s'appliquent pas aux contrats de location,
- conformément à l'article 10 des conditions générales, elle est fondée à solliciter le paiement des loyers échus (du 30 juillet 2012 au 30 septembre 2012) soit 897 euros, les loyers à échoir (du 30 septembre 2012 au 30 décembre 2013) soit 4.485 euros, outre une indemnité de 10 % soit 538, 20 euros,
- subsidiairement si la cour retenait la résolution judiciaire du contrat et la résiliation du contrat de location, la société B. ne pourrait être déchargée du paiement des loyers que pour l'avenir.
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La société B. dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 15 décembre 2015 demande à la cour d'infirmer le jugement rendu et de :
- Dire que la société Risc et la société Locam ont manqué à leur devoir de conseil et à l'obligation d'information en ne l'informant pas de la globalité du prix de la prestation et de l'incompatibilité du serveur proposé avec le logiciel métier utilisé par la société B. ;
- Dire que l'article 3 du contrat de location est une clause réputée non écrite dans la mesure où, selon ses termes, elle serait contrainte de régler les loyers à la société Locam même si la prestation de la société Risc n'était pas réalisée ;
- Ordonner la résolution des deux contrats et condamner solidairement la société Locam et M. L. ès qualités, au paiement de la somme de 12.857 euros correspondant à la restitution les loyers du 30 janvier 2009 au 30 août 2012, outre 897 euros ;
- À titre subsidiaire, ordonner la résiliation des contrats à compter du 1er mai 2012 et de condamner solidairement la société Locam et M. L. ès qualités, au paiement de la somme 1.196 euros correspondant à la restitution des loyers du 1er mai 2012 au 30 août 2012 ;
- Condamner solidairement la société Locam et M. L. ès qualités au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- l'article 3 du contrat de location constitue une clause abusive qui pourrait engager la responsabilité de la société Risc au visa de l'article L. 442-6-I-2°du code du commerce,
- la résolution du contrat de prestation entraîne nécessairement la résiliation du contrat de location qui est dépourvu d'objet,
- la lettre de résiliation de la société Locam est postérieure à celle du 30 août 2012 dans laquelle elle avait informé celle-ci que le contrat était résilié depuis le 30 juin 2012,
- il est démontré que le matériel était inadapté au logiciel utilisé dans la société.
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M. L. ès qualités, à qui la déclaration d'appel a été régulièrement signifiée à personne le 9 octobre 2014, n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 22 mars 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La déclaration d'appel ayant été signifié à la personne de M. L., ès qualités, l'arrêt sera réputé contradictoire.
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Sur la demande de résolution du contrat de prestation de services :
La société B. a souscrit le 30 janvier 2009 un contrat d'abonnement et de location « risc box » et a signé le même jour le procès-verbal d'installation et de livraison du matériel, dans lequel elle a attesté avoir vérifié que le processus de sauvegarde et de restauration était opérationnel, et qu'après sélection de l'ensemble des fichiers à sauvegarder la première sauvegarde avait été effectuée en ligne.
S'agissant d'une personne morale, la société B. ne peut alléguer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation.
Le contrat signé explique précisément que le contrat d'abonnement et de location est d'une durée de 60 mois avec un loyer mensuel de 250 euros hors-taxes et un forfait d'installation de 750 euros hors-taxes, et permet l'accès distant VPN, des serveurs de fichiers et une sécurité et sauvegarde en ligne pour un volume de 10 Go.
La société B. n'a émis aucune réclamation relative au dysfonctionnement du matériel pendant plus de 3 années. Ce n'est que le 30 avril 2012, en réponse à un courriel du service relation client de la société Risc, qu'elle a indiqué qu'elle n'était pas contente du service rendu, que son collaborateur s'était retrouvé dans l'impossibilité de travailler car il n'a pas eu accès au serveur et qu'il sollicitait le remboursement d'une journée d'ingénieurs soit 500 euros hors taxes.
La société B. a adressé, le 2 mai 2012, un courriel identique aux services techniques de la société Risc se plaignant toujours que de son collaborateur n'avait pas eu accès au serveur ce jour-là.
Le 7 mai 2012 elle a adressé un courriel demandant au service support de la société Risc de la recontacter car elle ne pouvait pas se connecter.
En réponse au courriel du 9 mai 2015 du service support technique qui l’a informé qu'après vérification des journaux du logiciel, 12.300 objets avaient été restaurés, et qu'il lui appartenait de vérifier que tous les dossiers étaient présents, elle a répondu le même jour que « c'est le bordel!!!!!!! pas possible car personne a travaillé sur le serveur depuis jeudi dernier ».
Le 14 mai 2012 elle a encore envoyé un courriel au service Risc hotline, l'informant qu'il était impossible d'accéder aux serveurs.
Enfin le 26 mai 2012 elle informait ce service qu'elle n'avait pas reçu de rapport de sauvegarde.
Dans le courrier recommandé adressé à la société Risc le 31 mai 2012 la société B. se plaint d'une absence d'accès aux serveurs le 7 mai 2012, de l'intervention du technicien que le 10 mai 2012, ce qui lui a occasionné un préjudice de trois jours.
Elle a repris dans son courrier recommandé du 25 juin 2012 le grief consistant dans la lenteur du serveur, mais elle n'indique à aucun moment que le système ne fonctionne pas.
Dans le courrier que la société Risc lui a adressé le 4 octobre 2012, celle-ci l'informe que les lenteurs d'accès sont dues à la particularité du logiciel métier qu'elle utilise, que face à cette situation son collaborateur M. S., l'a contactée afin de proposer une solution commerciale consistant notamment en un changement de matériel, mais qu'il n'a pu reprendre contact avec la société B. du fait de déplacements et qu'elle l’invite donc à prendre contact avec l'agence commerciale afin d'envisager cette solution commerciale.
Dans son courriel du 14 février 2013, la société B. se plaint toujours du problème de lenteur du serveur informatique, elle reconnaît avoir eu contact avec M. S. en janvier 2013 qui lui avait promis de faire avancer les choses rapidement, mais qu'elle est sans nouvelles de sa part depuis le 14 février.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le serveur a correctement fonctionné du 30 janvier 2009 au 30 avril 2012, que des problèmes ponctuels sont intervenus le 2, 7, 9 et 14 mai, et que, par la suite, la société B. s'est essentiellement plainte d'une lenteur du serveur.
Elle soutient que cette lenteur est due à une inadaptation du matériel fourni par la société Risc avec le logiciel qu'elle utilisait depuis 2003, toutefois il paraît surprenant qu'aucune réclamation ne soit intervenue entre le 30 janvier 2009 et le 30 avril 2012, si réellement le serveur était inadapté.
Il ressort des échanges de courriels que les dysfonctionnements ponctuels intervenus entre le 30 avril et le 14 mai 2012, et notamment l'impossibilité de se connecter au serveur, ont été résolus.
Le seul grief qui demeure est celui de la lenteur du système, mais la société B. ne produit aucune pièce justifiant qu'elle a pris contact avec le service commercial de la société Risc dans le cadre de la proposition commerciale qui lui avait été faite le 4 octobre 2012, pour résoudre ce problème.
La société B. ne démontre donc aucun manquement au devoir de conseil et à l'obligation d'information dus par la société Risc lors du choix et de l'installation du matériel et ne démontre aucun manquement grave de la société Risc dans l'exécution du contrat, elle sera déboutée de sa demande de résolution du contrat de prestation, le jugement sera infirmé de ce chef.
La société B. sera déboutée de sa demande principale en paiement des sommes de 12.857 et 897 euros, et de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 1.196 euros.
En ce qui concerne le contrat de location :
La société B. a cessé, à compter du 31 juillet 2012, de payer les loyers dus à la société Locam, celle-ci était donc fondée, en application des dispositions de l'article 10 du contrat, à lui adresser le 22 octobre 2012 une lettre de résiliation pour défaut de paiement. Cette lettre recommandée reçue le 2 novembre 2012 n'a pas été suivie d'effet, le contrat de location a donc été valablement résilié 8 jours après l'envoi de la lettre recommandée conformément aux dispositions de l'article 10-1 du contrat, aux torts de la société B.
La société Locam est fondée à solliciter, en application des dispositions des articles 10.3 et 10.4 du contrat, le paiement des loyers échus non payés, des loyers non échus outre une indemnité de résiliation égale à 10 % de ces sommes.
La société B. n'a pas versé les loyers de juillet, août et septembre 2012, soit 3 x 299 = 897 euros.
Les loyers non échus correspondent à la période du 30 novembre 2012 au 30 décembre 2013, soit 14 x 299 = 4.186 euros.
L'indemnité de résiliation est égale à 10 % du total de ces deux sommes soit 10 % x (897 + 4.186) = 508,30 euros.
La société Locam est donc fondée à solliciter le paiement de la somme de 5.591,30 euros en exécution du contrat, il sera fait droit à sa demande en paiement dans cette limite, la somme portant intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2012, le jugement sera infirmé de ce chef.
La société B. qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel, le jugement sera infirmé de ce chef.
Il ne paraît pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans le présent litige, le jugement sera de même infirmé de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de résolution du contrat de prestation de services,
Constate la résiliation du contrat de location à compter du 30 octobre 2012,
Condamne la société B. à payer à la société Locam la somme de 5.591,30 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2012 et capitalisation des intérêts,
Déboute la société B. de toutes ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société B. aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître G.
Le greffier, Le président,
F.F.
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