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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 8 juin 2016

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 8 juin 2016
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 14/03784
Date : 8/06/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/05/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5647

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 8 juin 2016 : RG n° 14/03784

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu qu'il est d'abord reproché l'existence d'une clause abusive au regard de l'article L. 132-un du code de la consommation, car l'artisan s'est réservé « la possibilité d'apporter à nos produits, le cas échéant, les modifications que nous jugerions opportunes, sans toutefois que les caractéristiques de qualité et de fonctionnement puissent s'en trouver affectées » ; Attendu qu'en d'autres termes, il est soutenu que la société s'octroyait toute latitude pour décider unilatéralement de rendre indissociables l'escalier et le rangement (page cinq des conclusions de l'appelante in fine) ;

Mais attendu que l'appelante oublie d'une part qu'elle a signé un devis en date du 9 août 2011 prévoyant bien la confection de « rangements rattachés à l'escalier », et d'autre part que l'artisan n'a jamais excipé de cette clause pour imposer un quelconque changement, ayant toujours soutenu que les ouvrages qu'il tient à disposition sont conformes à la commande ;

Attendu qu'au surplus, cette clause, s'agissant d'un artisan qui est meilleur ouvrier de France et qui procède à des ouvrages en bois sur mesure, à adapter nécessairement à un bâti préexistant, n'introduit nullement un déséquilibre significatif entre les parties, mais permet simplement de modifier non pas les commandes, mais les produits, c'est-à-dire d'adapter les éléments de bois, le tout sans porter atteinte aux caractéristiques de qualité et de fonctionnement, rien ne permettant d'en déduire une possibilité de modification de la commande à la guise de l'artisan ;

Attendu qu'enfin, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le libellé de cette clause ne permettait nullement à l'artisan de s'affranchir de recueillir l'accord de son client sur « les caractéristiques essentielles des deux ouvrages commandés », étant rappelé là aussi que l'artisan soutient que ces caractéristiques ont été discutées et que le produit à livrer est conforme à la commande, sans avoir à s'appuyer sur la clause querellée ».

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 8 JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/03784. Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 AVRIL 2014, TRIBUNAL D'INSTANCE DE RODEZ : R.G. n° 11-12-305.

 

APPELANTE :

Madame X.

de nationalité Française, représentée par Maître Gilles A. de la SCP GILLES A., EMILY A. - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Maître Cécile D.-C., avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

SARL F.

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître Philippe C. de la SELARL C. PHILIPPE, avocat au barreau d'AVEYRON, avocat postulant et plaidant

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 avril 2016

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 MAI 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, Madame Chantal RODIER, Conseiller, Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ; - signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les faits, la procédure et les prétentions :

Vu le jugement du tribunal d'instance de Rodez en date du 10 avril 2014,

Vu l'appel régulier et non contesté de Mme X. en date du 20 mai 2014,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de l'appelant en date du 29 mars 2016,

Vu les conclusions de l’EURL F. en date du 16 octobre 2014,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 avril 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu qu'il n'est pas inutile de rappeler en liminaire que le présent litige est à l'initiative de Mme X., qui voulait obtenir la résolution du contrat d'entreprise et la restitution de la somme de 2.400 euros qu'elle avait versée, ce montant étant doublé pour être porté à 4.800 euros, car il s'agissait selon elle d'arrhes ;

Attendu qu'au plan reconventionnel, l'artisan F. sollicitait les conséquences logiques du contrat d'entreprise, en donnant acte de ce qu'il tenait l'escalier à disposition ;

Attendu qu'il s'en déduit tout d'abord qu'il a bien existé un contrat d'entreprise, et que la question juridique est celle des reproches formulés à l'encontre de l'artisan, qui fonderaient la résolution du contrat, étant précisé que la charge de la preuve incombe au demandeur initial, c'est-à-dire Mme X. ;

Attendu qu'il est d'abord reproché l'existence d'une clause abusive au regard de l'article L. 132-un du code de la consommation, car l'artisan s'est réservé « la possibilité d'apporter à nos produits, le cas échéant, les modifications que nous jugerions opportunes, sans toutefois que les caractéristiques de qualité et de fonctionnement puissent s'en trouver affectées » ;

Attendu qu'en d'autres termes, il est soutenu que la société s'octroyait toute latitude pour décider unilatéralement de rendre indissociables l'escalier et le rangement (page cinq des conclusions de l'appelante in fine) ;

Mais attendu que l'appelante oublie d'une part qu'elle a signé un devis en date du 9 août 2011 prévoyant bien la confection de « rangements rattachés à l'escalier », et d'autre part que l'artisan n'a jamais excipé de cette clause pour imposer un quelconque changement, ayant toujours soutenu que les ouvrages qu'il tient à disposition sont conformes à la commande ;

Attendu qu'au surplus, cette clause, s'agissant d'un artisan qui est meilleur ouvrier de France et qui procède à des ouvrages en bois sur mesure, à adapter nécessairement à un bâti préexistant, n'introduit nullement un déséquilibre significatif entre les parties, mais permet simplement de modifier non pas les commandes, mais les produits, c'est-à-dire d'adapter les éléments de bois, le tout sans porter atteinte aux caractéristiques de qualité et de fonctionnement, rien ne permettant d'en déduire une possibilité de modification de la commande à la guise de l'artisan ;

Attendu qu'enfin, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le libellé de cette clause ne permettait nullement à l'artisan de s'affranchir de recueillir l'accord de son client sur « les caractéristiques essentielles des deux ouvrages commandés », étant rappelé là aussi que l'artisan soutient que ces caractéristiques ont été discutées et que le produit à livrer est conforme à la commande, sans avoir à s'appuyer sur la clause querellée ;

Attendu qu'il est ensuite soutenu l'existence d'un désaccord persistant sur les caractéristiques essentielles des ouvrages, en insistant notamment sur l'absence dans les devis d'un plan ou d'un croquis qui illustrerait le style, orientation, dessin de l'échiffre, de l'escalier, la forme, le style, le modèle des poignées etc. du placard ;

Mais attendu que l'artisan justifie de trois devis, en date du 3 mai, du 9 mai et du 10 mai 2011, qui ne sont pas signés ;

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contesté, avec attestation à l'appui du sieur R., que cela faisait suite à une sollicitation de ce dernier, suite au refus par l'appelante d'un escalier qu'il avait confectionné ;

Attendu que si la cour n'est pas saisie de cette première commande, il n'en demeure pas moins que ce contexte démontre un caractère exigeant et averti, dont on n'imagine pas qu'il puisse s'engager à la légère, puisqu'aussi bien trois premiers devis n'ont pas été signés ;

Attendu que le premier devis concernant l'escalier est daté du 27 mai 2011, Mme X. indiquant elle-même dans son courrier du 15 décembre 2011 qu'il a été signé lors de l'acompte du 29 septembre, à l'évidence parce qu'entre-temps une discussion a eu lieu entre les parties, la différence notable avec les devis précédents étant le prix inférieur, discussion parfaitement logique avant que les parties ne s'engagent, mais dont la cour ne conçoit pas que le terme n'ait pas été la conséquence d'un accord sur les caractéristiques de l'escalier, telles qu'elle résultent du devis, à savoir un chêne de deuxième choix lamellé-collé, 15 marches sans contremarches de 50 mm d'épaisseur environ, une marche cintrée, une échiffre centrale, un retour d'étage, un limon de fermeture, panneau de verre ;

Attendu que le deuxième devis est daté du 9 août 2011, avec la même motivation concernant la date exacte de son acceptation, soit après plusieurs mois de réflexion par rapport aux devis non signés et par rapport à celui de l'escalier, le tout portant sur un rangement rattaché à l'escalier, avec un placard composé d'une façade en panneaux lamellé-collé coulissants, une paroi séparative ajustée à l'escalier, un aménagement composé de quatre étagères en mélaminé blanc alésé, un rangement chaussures mitoyen sous la deuxième volet de marche comprenant deux portes à la française, un plateau formant corniche, trois étagères en mélamine blanc sur coulisses métalliques ;

Attendu qu'il s'agit là de devis parfaitement détaillés, étant précisé que les conditions générales précisent que « nos commandes sont exécutées suivant les spécifications figurant sur nos devis » ;

Attendu qu'au premier courrier en date du 15 décembre 2011 reprenant les récriminations de Mme X. qui se plaignait de l'absence de plan, l'artisan a répondu le 21 décembre 2011 que la réalisation serait faite selon les devis signés et que « vos différentes suggestions de rangement ne font que compliquer le travail, alors que le devis correspondant à votre demande initiale » ;

Attendu qu'au courrier du conseil de Mme X. en date du 24 janvier 2012, il a bien été répondu le 27 janvier 2012 par transmission « du plan que j'ai déjà présenté plusieurs fois Mme X. au cours de mes différents rendez-vous et qui correspond aux travaux commandés sur les devis 11 77 et 11 92 » ;

Attendu que le plan et les croquis qui ont été transmis sont parfaitement explicites et en accord avec les devis, la démonstration étant donc parfaite de ce que la signature des deux devis a été précédée d'une discussion et d'une présentation par plan des caractéristiques essentielles de l'ouvrage, le seul élément nouveau étant la volonté en date du 15 décembre 2011 de Mme X. de se désengager, en récupérant le double de la somme versée, ce qu'elle tente aujourd'hui mais sans y parvenir d'habiller juridiquement comme un manquement de l'artisan à une information sur les caractéristiques essentielles de l'ouvrage ;

Attendu qu'aucun malentendu n'est possible, puisque Mme X. n'explique pas à ce jour en quoi l'ouvrage proposé ne correspondait pas à ce qui a été convenu, son raisonnement poussé à sa logique laissant à penser qu'elle aurait versé une somme de 2.400 euros, sans que l'artisan ne lui ait proposé aucune caractéristique essentielle de l'ouvrage, et qu'elle n'aurait pas eu conscience de s'engager à partir des devis, et du paiement de ce qui constitue bien un acompte tel que contractuellement prévu de 20 %, à quelques euros près ;

Attendu qu'enfin, on peut valablement s'interroger sur ce qui constitue les caractéristiques essentielles d'un l'escalier, dès lors que le nombre de marches, la nature du bois, la pose d'une échiffre centrale sont prévues, dans un site parfaitement connu du client et dont il n'est pas soutenu qu'il aurait pu donner lieu à de multiples positionnements ;

Attendu que la même motivation s'applique au rangement « rattaché à l'escalier », la cour estimant au surplus que ce deuxième devis est particulièrement détaillé, y compris quant aux positionnements du rangement par rapport à l'échiffre et aux marches de l'escalier ;

Attendu qu'il est ensuite soutenu une non-conformité de l'ouvrage aux deux devis, alors même que l'ouvrage n'a pas été livré, dans des conditions qui ne sont pas opposables à l'artisan, et que le grief de non-conformité implique logiquement en droit que soient démontrées les caractéristiques de l'ouvrage commandé, qui font défaut à la livraison ;

Attendu que l'on cherchera vainement dans les conclusions de Mme X. la description de ce qu'elle aurait commandé et qui ne serait pas conforme à ce qu'on lui propose d'installer encore à ce jour, si ce n'est une contestation du caractère qualifié d'indissociable de l'escalier et du rangement, alors qu'elle ne peut nier avoir commandé un rangement « rattaché à l'escalier », et qu'elle se garde bien de décrire en quoi l'ensemble proposé ne peut être qualifié de la sorte ;

Attendu que s'agissant du délai de réalisation et de livraison, il est essentiel de noter que Mme X. indiquait elle-même dans son courrier premier de récriminations du 15 décembre 2011 qu'elle a signé les devis en envoyant l'acompte en date du 29 septembre, l'artisan lui répondant spontanément le 21 décembre que les travaux sont en cours de réalisation pour début 2012, ce qui constitue un délai parfaitement raisonnable, en l'absence de date de livraison portée sur les deux devis, pour des ouvrages en bois fabriqués sur mesure ;

Attendu qu'en l'espèce ce sont les difficultés intervenues suite au recommandé de Mme X. en date du 15 décembre, et à l'intervention de son avocat, qui sont à l'origine de l'absence de livraison, puisque dès le 8 février 2012, le conseil de Mme X. demandait de cesser les travaux, ayant l'intention d'assigner en résolution ;

Attendu que la cour estime par conséquent que la démonstration est suffisante d'un délai raisonnable qui n'a pas été respecté par le fait du client, et qui aurait donné lieu à une livraison au cours du mois de janvier, ce qui correspond bien au début de l'année, sachant que les photos produites des éléments de l'escalier réalisé, stockés dans l'atelier de l'intimé, ne sont ni commentées, ni a fortiori contestées ;

Attendu que c'est donc une confirmation du premier juge qui s'impose, qui a au demeurant parfaitement motivé, selon des motifs que la cour adopte, en ayant pris simplement le soin de souligner l'incohérence juridique et factuelle l'argumentation de l'appelante, qui ne peut s'expliquer que par sa conviction qu’elle avait tout loisir de discuter des modalités de mise en œuvre de l'ouvrage, sans être tenue par les termes du devis, et par la rencontre des volontés résultant de sa signature, du versement de l'acompte, le tout sur un ouvrage discuté pendant plusieurs mois et dont il a été motivé que les caractéristiques essentielles lui ont nécessairement été présentées, au point qu'elle s'abstient encore à ce jour de préciser en quoi précisément l'ouvrage proposé ne correspond pas à la commande, ou même au subsidiaire en quoi il y aurait défaut de conformité ;

Attendu que cette confirmation entraîne le rejet de toutes les demandes de l'appelante en dommages-intérêts, la versatilité n'étant pas assimilable à une mauvaise foi ou à une erreur grossière équipollente au dol (quoique) qui seules pourraient justifier l'allocation d'une somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par l'intimée ;

Attendu qu'en revanche une somme de 1.500 euros est parfaitement justifiée au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant contradictoirement :

Déclare l'appel infondé.

Confirme le jugement de premier ressort', dont notamment le donner acte de l'intimée sur la mise à disposition de l'escalier dans les quatre mois qui suivront le paiement de l'intégralité des sommes à la charge de l'appelante.

Condamne l'appelante aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, outre le paiement à l'intimée d'une somme de 1.500 euros au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT