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CA ANGERS (ch. A civ.), 21 juin 2016

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. A civ.), 21 juin 2016
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), 1re ch. A
Demande : 15/01041
Date : 21/06/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/04/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5654

CA ANGERS (ch. A civ.), 21 juin 2016 : RG n° 15/01041

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste, accessoire à un contrat d'entreprise, est présumé fait à titre onéreux ; qu'il appartient au propriétaire du véhicule de rapporter la preuve du caractère gratuit du contrat ».

2/ « Qu'enfin, les développements de l'appelante relatifs à l'existence d'une clause abusive ne sont pas pertinents en l'espèce, puisque la somme réclamée ne procède pas d'une clause ayant pour effet de constater son adhésion à une clause ne figurant pas dans l'écrit accepté ou à une clause reprise dans un autre document auquel il n'a pas été fait expressément référence lors de la conclusion du contrat ».

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A CIVILE

ARRÊT DU 21 JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/01041. Jugement du 19 mars 2015, Tribunal d'Instance de LA FLECHE, R.G. de première instance n° 14/0023.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville] (bénéficiant de l'aide juridictionnelle Totale numéro 2015/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS), Représentée par Maître Véronique L., avocat postulant au barreau d'ANGERS et Maître B.-J., avocat plaidant au barreau du MANS

 

INTIMÉE :

SAS ALTEAM SABLE

agissant en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître M. substituant Maître Alain P. de la SCP M. - P., avocat au barreau du MANS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 23 mai 2016 à 14 H 15, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame PORTMANN, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame ROEHRICH, Président de chambre, Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller, Madame PORTMANN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRÊT : contradictoire, Prononcé publiquement le 21 juin 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Monique ROEHRICH, Président de chambre et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 20 avril 2009, Mme X. a acheté auprès de la société Alma Invest un véhicule d'occasion de marque Nissan, lequel est tombé en panne le 30 avril suivant. Il a été remorqué par la société Alteam Sablé, chez laquelle il est resté en dépôt.

Par un jugement en date du 6 novembre 2013, le tribunal de grande instance du Mans a, après qu'a été réalisée une expertise judiciaire, prononcé la résolution de la vente du véhicule, fixé la créance de Mme X. à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Alma Invest, laquelle créance incluait les frais de gardiennage exposés entre le 28 mai 2009 et la date de reprise effective de la voiture, et condamné M. B., intervenu sur le véhicule avant la vente, à payer à Mme X. lesdits frais de gardiennage.

Suivant exploit en date du 22 septembre 2014, la société Alteam Sablé a fait assigner Mme X. devant le tribunal d'instance de La Flèche, aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 8.932 euros au titre des frais de gardiennage jusqu'au 23 novembre 2012, outre ceux échus postérieurement jusqu'à la reprise du véhicule, et une indemnité pour frais irrépétibles.

Par un jugement en date du 19 mars 2015, ladite juridiction a :

- ordonné la réouverture des débats,

- déclaré l'action recevable,

- condamné Mme X. à payer à la société Alteam Sablé la somme de 8.932 euros pour les frais de gardiennage pour la période arrêtée au 23 novembre 2012,

- accordé à Mme X. la possibilité d'apurer sa dette par 24 versements mensuels de 373 euros, la dernière devant la solder,

- débouté Mme X. pour le surplus,

- débouté la société Alteam Sablé de sa demande pour frais irrépétibles,

- condamné Mme X. aux dépens.

Mme X. a interjeté appel de cette décision par déclaration du 14 avril 2015.

Les deux parties ont conclu et l'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2016.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :

- du 10 juillet 2015 pour Mme X.,

- du 9 septembre 2015 pour la société Alteam Sablé,

qui peuvent se résumer comme suit.

Mme X. demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et :

- de dire que l'action diligentée par la société Alteam Sablé est prescrite et la débouter de ses demandes,

- à titre infiniment subsidiaire de fixer le montant des frais de gardiennage à la somme de 7.468,23 euros HT et non 8.932 euros TTC,

- de lui accorder des délais de grâce et de dire que les paiements s'effectueront prioritairement sur le capital,

- de condamner la société Alteam Sablé à verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et subsidiairement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à supporter les dépens.

Pour prétendre que la créance de son adversaire est prescrite, elle invoque les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation et soutient que le point de départ du délai biennal est la date à laquelle la créance prétendument contractuelle de son adversaire est née.

Sur le fond, elle fait valoir que compte tenu de l'anéantissement rétroactif de la vente du véhicule Nissan par suite de la résolution prononcée par le tribunal de grande instance du Mans, elle doit être considérée comme n'ayant jamais été propriétaire de la voiture.

Subsidiairement, elle soutient qu'elle n'a pas souscrit de contrat de gardiennage, et qu'en tout état de cause, la société Alteam Sablé ne l'a pas informée du caractère onéreux dudit gardiennage. Sur le premier point, elle fait valoir en effet qu'elle n'a conclu avec la société Alteam Sablé qu'un contrat de remorquage, soulignant que si le véhicule est resté dans le garage de son adversaire, c'est en raison du litige l'opposant à la société Alma Invest et affirmant n'avoir signé aucun ordre de travaux.

Elle prétend que s'il était admis qu'un contrat de gardiennage a été conclu, la société Alteam Sablé aurait manqué à ses obligations d'information et de bonne foi en gardant le silence sur le montant de ses prétentions financières et en laissant se perpétuer sans mise en garde un contrat de gardiennage excessivement onéreux et disproportionné à l'état et à la valeur du véhicule, soulignant qu'elle n'a pas reçu les lettres simples et que les courriers recommandés qui lui sont parvenus ne lui permettaient pas de savoir que c'étaient des frais de gardiennage qui lui étaient réclamés, contestant avoir vu une affiche sur ce point dans les locaux du garage. Elle conclut au caractère abusif de la clause qui a pour effet de constater l'adhésion du non professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte. Les manquements de son adversaire doivent, selon elle, être sanctionnés par la nullité du contrat pour dol ou, à tout le moins, par l'allocation de dommages et intérêts venant en compensation avec les sommes qui pourraient éventuellement être réclamées au titre du gardiennage.

Mme X. précise qu'elle n'a rien perçu de son vendeur.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande que la créance de son adversaire soit retenue pour une somme hors taxes, véritable préjudice subi par la société Alteam Sablé, et qu'il lui soit accordé des délais de paiement.

 

La société Alteam Sablé poursuit la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner Mme X. à lui payer une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle prétend que son action n'est pas prescrite, au motif que le délai de prescription biennal n'a commencé à courir que le jour de l'établissement de la facture du 23 novembre 2012. Elle ajoute que le 21 mai 2013, elle a saisi le tribunal d'instance de la Flèche d'une demande déclarée irrecevable.

Sur le fond, elle prétend que le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste est l'accessoire du contrat d'entreprise et qu'il est présumé à titre onéreux. Elle soutient qu'elle était liée avec Mme X. qui avait signé une fiche de remorquage et une fiche de recherche de panne, que son adversaire ne démontre pas le caractère gratuit du dépôt, soulignant qu'elle a sollicité le paiement des frais de gardiennage dans le cadre de l'instance l'opposant au vendeur de la voiture. Elle précise que dans le cadre de ladite procédure, elle avait d'ailleurs versé aux débats les factures de dépannage, de réparation et de frais de gardiennage.

Elle conteste avoir manqué à ses obligations d'information et de mise en garde, soutenant que les prix étaient affichés dans ses locaux et qu'elle a envoyé à son adversaire plusieurs lettres de relance.

Enfin, la société Alteam Sablé fait valoir qu'elle ne peut agir contre le vendeur, et que Mme X. est redevable à son égard de la TVA, laquelle doit être reversée à l'Etat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu tout d'abord que c'est par suite d'une erreur que le premier juge a indiqué dans le dispositif de sa décision qu'il ordonnait la réouverture des débats ;

Attendu sur la prescription de l'action, qu'aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation : « l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans » ;

Attendu que la prescription ne court pas, à l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé ; qu'en revanche, pour déterminer le point de départ du délai de prescription d'une créance périodique, il convient de se situer au terme de chacune des périodes ;

Attendu qu'en l'espèce, Mme X. a confié à la société Alteam Sablé, suivant deux documents signés par elle le 30 avril 2009, le remorquage de son véhicule dans ses ateliers ainsi que la recherche de panne et la dépose de la culasse pour un examen du moteur et de la culasse ; qu'elle était donc liée au garagiste par un contrat d'entreprise et accessoirement par un contrat de dépôt, lesquels contrats n'ont pas rétroactivement disparu par suite de la résolution du contrat de vente du véhicule conclu avec un tiers ; qu'il s'en suit que les dispositions précitées sont applicables à la relation contractuelle des parties ;

Attendu que la somme réclamée correspond aux frais de gardiennage du 28 mai 2009 au 23 novembre 2012, étant observé que le tribunal d'instance de La Flèche n'a pas condamné Mme X. à payer à la société Alteam Sablé les sommes échues postérieurement et que l'intimée poursuit la confirmation pure et simple dudit jugement, de sorte que la cour n'est pas saisie d'une demande tendant à ce que Mme X. soit condamnée à payer les sommes postérieures au 23 novembre 2012 ;

Attendu que la déclaration au greffe régularisée par la société Alteam Sablé le 21 mai 2013, n'a, en application de l'article 2243 du code civil, pas eu d'effet interruptif de la prescription dès lors qu'elle a été déclarée irrecevable par une décision du 21 novembre 2013 ;

Attendu que par application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, la demande en paiement des sommes échues plus de deux ans avant l'assignation du 22 septembre 2014, soit jusqu'au 21 septembre 2012, sont prescrites ;

Attendu que le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste, accessoire à un contrat d'entreprise, est présumé fait à titre onéreux ; qu'il appartient au propriétaire du véhicule de rapporter la preuve du caractère gratuit du contrat ;

Attendu qu'en l'espèce, force est de constater que Mme X. ne rapporte pas cette preuve, et qu'au contraire, elle a admis le caractère onéreux du gardiennage, puisqu'elle en a demandé le remboursement dans le cadre de l'instance l'opposant à son vendeur et que par un jugement du 6 novembre 2013, le tribunal de grande instance du Mans a fait droit à sa demande ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1947 du code civil : « La personne qui a fait le dépôt est tenue de rembourser au dépositaire les dépenses qu'il a faites pour la conservation de la chose déposée, et de l'indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées » ;

Attendu que si la société Alteam Sablé ne démontre pas que le coût des frais de gardiennage était affiché dans son établissement, il résulte d'un avis de réception signé d'une lettre recommandée qui a été envoyée le 16 février 2011 à Mme X., que celle-ci a, dès cette date, eu connaissance des sommes réclamées par son adversaire, ce que confirment les énonciations du jugement du 6 novembre 2013, qui précise la somme due au titre des frais de gardiennage déjà échus dont Mme X. demandait à être indemnisée sans réserves, ce qui démontre qu'elle n'en contestait pas le montant ; que bien plus, dans l'assignation qu'elle a fait délivrer devant le tribunal de grande instance, elle indique que les frais de gardiennage s'élevaient à 5.054 euros lors de l'expertise ; qu'il apparaît donc qu'avant le dépôt du rapport de M. D. le 24 septembre 2011, elle connaissait l'importance des frais de gardiennage ; qu'elle ne peut dès lors reprocher à la société Alteam de ne pas lui avoir délivré d'information et de mise en garde ;

Qu'enfin, les développements de l'appelante relatifs à l'existence d'une clause abusive ne sont pas pertinents en l'espèce, puisque la somme réclamée ne procède pas d'une clause ayant pour effet de constater son adhésion à une clause ne figurant pas dans l'écrit accepté ou à une clause reprise dans un autre document auquel il n'a pas été fait expressément référence lors de la conclusion du contrat ;

Attendu qu'il convient, par suite de condamner Mme X. à payer à la société Alteam Sablé la somme de 441 euros correspondant aux frais de gardiennage calculés du 22 septembre au 23 novembre 2012, soit 63 jours à 7 euros TTC, la TVA étant applicable s'agissant d'une somme allouée en contrepartie d'une prestation ;

Attendu que compte tenu du montant et de l'ancienneté de la dette, il n'y a pas lieu d'accorder de délais de paiement à Mme X., laquelle en a déjà, de fait, bénéficié ;

Attendu que l'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

Attendu que chacune d'elle ayant succombé partiellement, il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel, Mme X. d'une part, et la société Alteam Sablé, d'autre part, en supportant la moitié ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Infirme le jugement rendu le 19 mars 2015 par le tribunal d'instance de La Flèche,

Statuant à nouveau,

- Déclare les demandes de la société Alteam Sablé prescrites en ce qu'elles tendent au paiement des frais de gardiennage exposés jusqu'au 21 septembre 2012,

- Condamne Mme X. à payer à la société Alteam Sablé une somme de 441 euros,

- Fait masse des dépens de première instance et d'appel, et Dit qu'ils seront supportés à concurrence de la moitié par chaque partie,

- Rejette les demandes pour le surplus.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT

C. LEVEUF                          M. ROEHRICH