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CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 27 juillet 2016

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 27 juillet 2016
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 15/02983
Décision : 614/16
Date : 27/07/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/05/2015
Numéro de la décision : 614
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5685

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 27 juillet 2016 : RG n° 15/02983 ; arrêt n° 614/16 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que la clause de valeur monnaie étrangère, telle le cas en l'espèce s'agissant d'une clause de valeur en francs suisses, est assimilée par la Cour de cassation à une clause d'indexation, ce dont les parties conviennent ;

Attendu que l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier n'autorise les clauses d'indexation que si elles sont en rapport direct avec l'objet de la convention, ou l'activité de l'une des parties ; […]

Attendu qu'en l'état la promesse d'embauche en Suisse dans la semaine de la signature du prêt établit une activité professionnelle de Monsieur X., rémunéré en francs suisses, et permet légitimement aux parties de recourir à une clause d'indexation euros/ francs suisses ; Que c'est par conséquent à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de nullité de la clause d'indexation ;

Attendu par ailleurs que la fixation de la créance en monnaie étrangère est en relation directe avec l'activité de banquier du CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES, de sorte que la clause d'indexation objet du litige, fut-elle intégrée à un contrat purement interne, n'est pas prohibée ; Qu'en effet le commerce de l'argent est au cœur de l'activité du banquier, qui en l'espèce pour octroyer le crédit litigieux a, notamment, lui-même acquis les devises sur le marché monétaire international ;

Attendu que l'appel de Monsieur X. et Madame Y. tendant à l'annulation de la clause d'indexation pour violation de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier est rejeté ».

2/ « Attendu que c'est fort justement que le premier juge a relevé que les clauses valeur monnaie étrangère ont pour caractéristique essentielle d'introduire un aléa lié au taux de change de la monnaie choisie au moment de la souscription du contrat, et à son évolution ultérieure, et que cet aléa qui peut jouer, indépendamment de la volonté de l'une ou l'autre partie, soit en faveur, soit en défaveur de chacune, est incompatible avec la notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », puisque les deux parties sont soumises au même aléa ; Que cette motivation est d'autant plus pertinente que dans ses relations contractuelles avec la banque Monsieur X. se présentait comme travaillant en Suisse et donc rémunéré en francs suisses, de sorte que tant qu'il percevait sa rémunération dans cette devise, il ne subissait pas même cet aléa ; Que la banque qui a emprunté les devises sur le marché financier à un taux de change donné, subit indiscutablement l'aléa lié à la fluctuation du cours, dans le cadre du remboursement des échéances, et ce tant à la hausse, qu'à la baisse ; Qu'enfin si le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES s'est assuré contre le risque de fluctuation, les emprunteurs pouvaient de même souscrire une garantie en ce sens, ce dont ils se sont abstenus ;

Attendu enfin qu'ils soutiennent que le risque de change est contractuellement à leur seule charge, puisque le contrat dispose en page 4 « il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur conformément aux dispositions de la réglementation des changes.. » ; Que cependant ils ne citent qu'incomplètement le texte qui poursuit « et qu'en conséquence, le présent prêt ne pourra faire l'objet d'une couverture du risque de change par achat à terme par l'emprunteur du capital à rembourser et des intérêts à régler, que dans la mesure où la réglementation des changes l'autorise » ; Que cette clause ne signifie pas que tout aléa est supprimé pour le prêteur, ce qui est matériellement impossible, et que les risques du taux de change seraient encourus par l'emprunteur seul, mais informe ce dernier qu'il ne peut se prémunir de l'aléa résultant de la fluctuation du cours de la devise choisie en rachetant le prêt dans une devise autre que celle choisie par les parties pour le remboursement du prêt, en l'espèce le franc suisse ».

3/ [Information et déséquilibre : voir l’arrêt]

4/ « Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la clause d'indexation dite « clause valeur monnaie étrangère » du contrat liant les parties n'a pas pour objet, ou pour effet, de créer au détriment de Monsieur X. ou de Madame Y., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au sens de l'article L. 132 1 du Code de la consommation ; Attendu que c'est également vainement que les appelants se réfèrent à la Directive n° 93-13 du 5 avril 1993 qui prévoit que les dispositions conventionnelles des prêts sont rédigées de manière claire et compréhensible ; Que tel est le cas en l'espèce s'agissant de ce prêt et de la notice d'informations ci-dessus rappelée attirant l'attention des emprunteurs sur le risque d'un prêt en devises ; Que par ailleurs il n'y a pas lieu a posé une question préjudicielle, le litige ayant pu être tranché ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 27 JUILLET 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A 15/02983. Arrêt n° 614/16. Décision déférée à la Cour : 25 mars 2015 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

Madame Y.

Représentés par Maître Anne Marie B., avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

Société CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Laurence F., avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, entendue en son rapport, Mme DORSCH, Conseillère, Mme ALZEARI, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER

ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Christine DORSCH, Conseillère en ayant délibéré, en l'absence de la Présidente légitimement empêchée, et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 27 mai 2008, Monsieur X. et Madame Y. ont accepté une offre de prêt immobilier, de la Caisse de CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES, pour la contre-valeur en francs suisses de 221.600 euros, soit au 14 mai 2008 un montant de 361.363,17 francs suisses. Le taux d'intérêt annuel fixe s'élevait à 4,15 %, et la durée des remboursements était fixée à 300 mois, selon 100 échéances trimestrielles. L'offre de prêt a été réitérée par acte authentique reçu par Maître A., notaire à [ville S.], le 29 mai 2008.

Par courrier du 24 avril 2012 les emprunteurs sollicitaient auprès de la banque une renégociation du prêt en euros. Ils affirment que malgré le remboursement des échéances, le capital restant dû augmente.

Le 28 janvier 2013, Monsieur X. et Madame Y. ont assigné le CRÉDIT AGRICOLE devant le tribunal de grande instance de STRASBOURG aux fins de voir dire que la référence en francs suisses stipulée dans le contrat de prêt constituait une indexation illicite dont il fallait prononcer l'annulation, et demandaient au Tribunal, de dire et juger que le contrat se poursuivra aux seules conditions financières initialement définies en euros. Ils sollicitaient en outre la restitution d'une somme de 6.996,39 euros indûment payée, et la condamnation du CRÉDIT AGRICOLE à une somme de 3.000 euros au titre du préjudice subi.

Par jugement en date du 25 mars 2015, Monsieur X. et Madame Y. ont été déboutés de leurs demandes, et condamnés à payer au CRÉDIT AGRICOLE 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile augmentée des dépens de l'instance. Le tribunal a en outre dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel formalisée par Monsieur X. et Madame Y. le 28 mai 2015,

 

Vu les dernières conclusions récapitulatives des appelants en date du 28 janvier 2016 tendant à :

- REFORMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau,

A titre principal

- DIRE l'indexation nulle et de nul effet :

* en ce qu'elle est contraire aux prescriptions de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier,

* en ce qu'elle constitue une clause abusive en application des prescriptions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et de la directive 93/13 du Conseil en date du 5 avril 1993,

* ou, pour le cas où le commanderait la bonne administration de la justice, interroger la CJUE en une question préjudicielle ad'hoc en application de l'article 267 du TFUE, ou tout le moins solliciter l'avis de la Commission des clauses abusives en application de l'article L. 141-4 du Code de la Consommation au sujet de l'applicabilité des normes européennes à la matière présente,

* ou subsidiairement et pour le cas où ne serait pas reconnue l'illicéité, en suite du vice affectant le consentement des co-emprunteurs en application des articles 1108, 1110, ou 1116 du Code civil et L. 111 1 du Code de la consommation ;

En conséquence,

- PRONONCER l'annulation de l'indexation et DIRE que le contrat de prêt s'exécute aux seules conditions financières initialement définies conventionnellement en euros,

- DEBOUTER le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES de l'intégralité de ses demandes, fins et Conclusions,

En tout état de cause,

- CONDAMNER le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES à indemniser Monsieur X. et Madame Y. pour l'atteinte à la gestion paisible et à la confiance contractuelle, le préjudice étant justement évalué à 3.000 euros, ceci en application des articles 1134 alinéa 3 et 1147 du Code Civil,

- CONDAMNER le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens,

 

Vu les dernières conclusions récapitulatives de l'intimée en date du 25 février 2016 tendant à :

- REJETER l'appel,

- DÉBOUTER les appelants de l'intégralité de leurs fins et conclusions,

- CONFIRMER en tous points le jugement du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG en date du 25 mars 2015,

- CONDAMNER solidairement Monsieur X. et Madame Y. à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- CONDAMNER solidairement Monsieur X. et Madame Y. aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

Vu l'ordonnance de clôture du 23 mars 2016,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la nullité de la clause d'indexation au regard de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier :

Attendu que le tribunal de grande instance de STRASBOURG a jugé que le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES ne peut se prévaloir de la nature de son activité (commerce de l'argent) pour justifier du choix d'un prêt en monnaie, étrangère, des lors que la banque ne développe, ni exclusivement, ni principalement, son activité à 1'international, mais au contraire essentiellement en France, et qu'en l'espèce l'opération en cause concerne une banque française, des emprunteurs français résidents en France, et qu'elle avait pour objet de financer l'achat d'un bien immobilier situé en FRANCE ;

Qu'en revanche le tribunal a retenu l'activité de Monsieur X. conformément à l'attestation qu'il avait remis à la banque établissait une embauche par l'Institut Fédéral Suisse de technologie de ZURICH, pour rejeter la demande de nullité de la clause ;

Attendu que les appelants contestent cette décision s'agissant de l'activité de Monsieur X., soutenant que le document fourni ne constitue pas une promesse d'embauche en ce qu'il ne comporte pas les mentions obligatoires telles la rémunération, la date d'embauche, le poste et l'activité concernée ;

Qu'ils déclarent que le document est une simple offre d'emploi, au caractère vague, qui n'engage pas l'entreprise en cas de rétractation, et que Monsieur X. n'a pas été embauché par l'institut Fédéral Suisse de Technologie ;

Attendu qu'à l'inverse le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES conclut que c'est à juste titre que le Premier Juge s'est basé sur l'activité professionnelle de Monsieur X. pour valider la clause, mais qu'il aurait également dû retenir sa validité au regard de l'activité du prêteur ;

* * *

Attendu que la clause de valeur monnaie étrangère, telle le cas en l'espèce s'agissant d'une clause de valeur en francs suisses, est assimilée par la Cour de cassation à une clause d'indexation, ce dont les parties conviennent ;

Attendu que l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier n'autorise les clauses d'indexation que si elles sont en rapport direct avec l'objet de la convention, ou l'activité de l'une des parties ;

Attendu que la promesse d'embauche datée du 9 avril 2008 remise par les emprunteurs à la banque lors de la conclusion du contrat dispose : « J'atteste par la présente que Y. X. né le 16 janvier 1978, originaire de France, prendra ses fonctions le 1er juin 2008 en tant qu'assistant post doctorat au sein du groupe de recherches en géologie structurale et tectonique du Département de Géologie. Il percevra un salaire annuel brut de 81.400 CHF. Son projet de recherche approuvé par la commission pour la technologie de l'innovation(CTI) aura pour intitulé (...) ;

Que c'est avec une mauvaise foi certaine que les appelants soutiennent qu'il s'agit d'une vague offre d'emploi qui ne lie pas l'entreprise, et ne comporte pas les précisions relatives au salaire, à la date d'embauche, et au poste occupé, alors que toutes ces mentions figurent bien dans le document signé le 9 avril 2008 par les professeurs B. et C. ;

Que les emprunteurs se sont prévalus de ce document en le remettant à la banque au moment de la signature du contrat ;

Que ce document prévoyant une prise de fonction de 1er juin 2008, est concomitant au prêt du 27 mai 2008, et que les appelants qui aujourd'hui soutiennent que Monsieur X. n'a pas occupé ce poste n'en rapportent pas la moindre preuve, et ne précisent pas quelle aurait été la situation de ce dernier à moment de la signature, car en effet soit il a occupé ce poste et les contestations sont vouées à l'échec, soit il ne l'a pas occupé et s'est frauduleusement prévalu de ce document pour négocier le prêt et en particulier la clause de monnaie de compte ;

Attendu qu'en l'état la promesse d'embauche en Suisse dans la semaine de la signature du prêt établit une activité professionnelle de Monsieur X., rémunéré en francs suisses, et permet légitimement aux parties de recourir à une clause d'indexation euros/ francs suisses ;

Que c'est par conséquent à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de nullité de la clause d'indexation ;

Attendu par ailleurs que la fixation de la créance en monnaie étrangère est en relation directe avec l'activité de banquier du CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES, de sorte que la clause d'indexation objet du litige, fut-elle intégrée à un contrat purement interne, n'est pas prohibée ;

Qu'en effet le commerce de l'argent est au cœur de l'activité du banquier, qui en l'espèce pour octroyer le crédit litigieux a, notamment, lui-même acquis les devises sur le marché monétaire international ;

Attendu que l'appel de Monsieur X. et Madame Y. tendant à l'annulation de la clause d'indexation pour violation de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier est rejeté ;

 

Sur la nullité de la clause d'indexation au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation :

Attendu que les appelants invoquent, comme en première instance, le caractère abusif de la clause prévoyant le remboursement sur la valeur du franc suisse au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, et de la directive 93-13 du Conseil en date du 5 avril 1993 de sorte que cette clause d'indexation est selon eux, réputée non écrite ;

Qu'ils affirment que la clause d'indexation conduit à un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties dès lors que le prêteur bénéficie ainsi d'une rémunération supplémentaire alors qu'il est déjà rémunéré par le taux d'intérêt énoncé, place le « consommateur emprunteur » dans un état d'infériorité à l'égard du professionnel prêteur, tant en ce qui concerne le niveau d'information, que le pouvoir de négociation, et fait supporter unilatéralement le risque de change à l'emprunteur ;

* * *

Attendu qu'en effet l'article L. 132 1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la signature du contrat, dispose que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », et qu'il est précisé que « Les clauses abusives sont réputées non écrites » ;

Attendu que c'est fort justement que le premier juge a relevé que les clauses valeur monnaie étrangère ont pour caractéristique essentielle d'introduire un aléa lié au taux de change de la monnaie choisie au moment de la souscription du contrat, et à son évolution ultérieure, et que cet aléa qui peut jouer, indépendamment de la volonté de l'une ou l'autre partie, soit en faveur, soit en défaveur de chacune, est incompatible avec la notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », puisque les deux parties sont soumises au même aléa ;

Que cette motivation est d'autant plus pertinente que dans ses relations contractuelles avec la banque Monsieur X. se présentait comme travaillant en Suisse et donc rémunéré en francs suisses, de sorte que tant qu'il percevait sa rémunération dans cette devise, il ne subissait pas même cet aléa ;

Que la banque qui a emprunté les devises sur le marché financier à un taux de change donné, subit indiscutablement l'aléa lié à la fluctuation du cours, dans le cadre du remboursement des échéances, et ce tant à la hausse, qu'à la baisse ;

Qu'enfin si le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES s'est assuré contre le risque de fluctuation, les emprunteurs pouvaient de même souscrire une garantie en ce sens, ce dont ils se sont abstenus ;

Attendu enfin qu'ils soutiennent que le risque de change est contractuellement à leur seule charge, puisque le contrat dispose en page 4 « il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur conformément aux dispositions de la réglementation des changes.. » ;

Que cependant ils ne citent qu'incomplètement le texte qui poursuit « et qu'en conséquence, le présent prêt ne pourra faire l'objet d'une couverture du risque de change par achat à terme par l'emprunteur du capital à rembourser et des intérêts à régler, que dans la mesure où la réglementation des changes l'autorise » ;

Que cette clause ne signifie pas que tout aléa est supprimé pour le prêteur, ce qui est matériellement impossible, et que les risques du taux de change seraient encourus par l'emprunteur seul, mais informe ce dernier qu'il ne peut se prémunir de l'aléa résultant de la fluctuation du cours de la devise choisie en rachetant le prêt dans une devise autre que celle choisie par les parties pour le remboursement du prêt, en l'espèce le franc suisse ;

Attendu en second lieu que les appelants affirment se trouver en situation d'infériorité s'agissant de la [N.B. conforme à la minute Jurica] de l'information, et de la négociation ;

Or Attendu que s'agissant de l'information les emprunteurs ont lors de la signature de l'offre bénéficié d'une information très claire, par la remise d'une notice d'information sur les prêts en devises qu'ils ont tous deux signée ;

Que cette notice dispose que :

« Après discussion avec votre agence, vous souhaitez bénéficier d'un prêt en devises. Nous tenons à attirer votre attention sur quelques particularités du prêt en devises.

L'emprunteur de devises bénéficie d'un taux d'intérêts, fixé pour une période définie, qui n'est pas lié au marché financier français. Ce taux peut donc paraître particulièrement favorable selon la devise choisie, par rapport au taux des prêts en Euros.

Mais attention, le taux n'est pas le seul élément qui intervient dans le coût de ce type de prêt. Selon que, au moment des paiements d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l'Euros, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l'emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit.

Nous pensons qu'il est important pour l'emprunteur de garder ces éléments à l'esprit pendant toute la durée du prêt et l'invitons à contacter son agence habituelle s'il devait estimer qu'une couverture de risque de change (par achat à terme) pourrait être opportune… » ;

Qu'elle est présentée sur une page indépendante pour attirer l'attention des emprunteurs, est signée par Monsieur X. et Madame Y., et est reprise dans l'acte authentique ;

Que les explications écrites contenues dans cette notice sont particulièrement claires, qu'elles suivent des explications orales fournies par l'agence, et ont nécessairement été reprises par le notaire instrumentaire auquel les emprunteurs pouvaient poser toute question utile ;

Qu'il convient enfin de souligner que selon l'acte authentique Madame Y. est infirmière, et Monsieur X. enseignant chercheur, de sorte qu'ils disposaient des capacités nécessaires pour comprendre les mises en garde de cette notice ;

Attendu enfin que les emprunteurs ne se trouvent pas en état d'infériorité par rapport à la banque du fait de l'impossibilité avancée de renégocier le prêt ;

Que non seulement une telle possibilité légalement garantie ne peut être interdite, mais qu'en outre Monsieur X. et Madame Y. l'ont utilisé puisqu'ils ont par courrier du 24 avril 2012 sollicité une renégociation du prêt en euros auprès du CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES, qui a le 29 juin 2012 répondu qu'une demande de réaménagement du prêt « est tout à fait envisageable », et que les emprunteurs n'apportent aucune précision sur les suites de cet échange de courriers ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la clause d'indexation dite « clause valeur monnaie étrangère » du contrat liant les parties n'a pas pour objet, ou pour effet, de créer au détriment de Monsieur X. ou de Madame Y., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au sens de l'article L. 132 1 du Code de la consommation ;

Attendu que c'est également vainement que les appelants se réfèrent à la Directive n° 93-13 du 5 avril 1993 qui prévoit que les dispositions conventionnelles des prêts sont rédigées de manière claire et compréhensible ;

Que tel est le cas en l'espèce s'agissant de ce prêt et de la notice d'informations ci-dessus rappelée attirant l'attention des emprunteurs sur le risque d'un prêt en devises ;

Que par ailleurs il n'y a pas lieu a posé une question préjudicielle, le litige ayant pu être tranché ;

Attendu que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il rejette la demande de nullité de la clause valeur monnaie étrangère ;

 

Sur la responsabilité de la banque :

Attendu que les appelants reprochent au CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES de leur avoir proposé une formule d'indexation sans les éclairer, et sans les mettre en garde sur les risques auxquels ils s'exposaient, faisant ainsi valoir :

Que le Crédit Agricole se garde de produire la notice d'information, dont ils contestent formellement avoir été les destinataires ;

Que la Cour de cassation a dans deux arrêts de Chambre Mixte le 29 juin 2007 affirmé l'existence d'une obligation de mise en garde à la charge du banquier pour les emprunteurs non avertis ;

Que le défaut d'information s'agissant des risques encourus s'est traduit par une réticence dolosive fondée sur l'article 1116 du Code civil ;

Que la confusion dont ils ont été victimes confirme l'existence à tout le moins d'une erreur ;

Qu'ils estiment enfin que l'attitude de la banque est contraire à la loyauté qu'un professionnel doit à un co-contractant néophyte, selon l'article 1134 alinéa 3 du Code civil et L111-1 du Code de la consommation ;

 

Sur le manquement à l'obligation de conseil :

Attendu que les appelants mêlent dans leur argumentation, devoir de mise en garde, obligation de conseil, et obligation d'information, sans distinction ;

Attendu que le banquier, en sa qualité de dispensateur de crédit, est soumis au principe de non immixtion dans les affaires de son client, de sorte qu'il ne lui appartient pas de vérifier l'opportunité économique de l'opération financée, et qu'il ne peut lui être reproché un défaut de conseil ;

 

Sur le manquement à l'obligation d'information :

Attendu qu'il appartient au banquier dispensateur de crédit d'informer l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du prêt consenti, et s'agissant d'un prêt avec une clause d'indexation de type « clause de monnaie compte en devises », de l'informer de manière claire et précise sur les risques de fluctuation du taux de change ;

Attendu que c'est en vain, que les appelants soutiennent ne pas avoir reçu la notice d'informations ci-dessus recopiée ;

Qu'en effet non seulement ils ont tous deux signé cette notice en précédant leur signature de la mention manuscrite « lu et approuvée », et l'ont paraphée ; mais qu'en outre l'acte de prêt mentionne en page 7 qu'ils reconnaissent avoir été informés « du risque particulier lié à ce type de prêt notamment par la notice d'information sur le prêt en devises, ci-annexée », et qu'en effet la notice est annexée au prêt ;

Attendu que le texte intégral de cette notice a été reproduit ci-dessus et qu'il est constant qu'en écrivant :

« attention, le taux n'est pas le seul élément qui intervient dans le coût de ce type de prêt. Selon que, au moment des paiements d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l'Euros, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l'emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit. Nous pensons qu'il est important pour l'emprunteur de garder ces éléments à l'esprit » ;

Le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES a bien respecté son obligation d'information, dès lors que le contrat, et cette notice plus particulièrement, attire l'attention de l'emprunteur en des termes simples, clairs, et sans aucune ambiguïté, de sorte que ce dernier ne peut se méprendre sur le risque encouru ;

Attendu par ailleurs que la clause d'indexation sur une devise, en l'espèce le franc suisse, était particulièrement adaptée à la situation des emprunteurs puisque Monsieur X. se prévalait d'une promesse d'embauche dans un Institut Suisse lui versant un salaire annuel brut de 81.400 CHF ;

 

Sur le devoir de mise en garde :

Attendu que l'objet du devoir de mise en garde porte sur le risque d'endettement excessif, et ce au bénéfice de l'emprunteur non averti, au regard de ses facultés contributives au moment de la conclusion du contrat ;

Attendu que, le risque d'une indexation sur une devise, peut impacter fortement l'économie générale du contrat et même dans les cas extrêmes entrainer un risque d'endettement excessif ;

Que cependant en l'espèce Monsieur X. qui se prévalait au moment du contrat d'une promesse d'embauche dans un Institut Suisse lui versant un salaire annuel brut de 81.400 CHF ne supportait pas ce risque puisque son salaire subissait la même fluctuation monétaire que les échéances du prêt ;

Attendu que le risque d'endettement excessif s'apprécie au jour de la conclusion du contrat de prêt et non en fonction d'éventuels évènements futurs et incertains, de sorte que la banque n'est pas au jour de la conclusion du contrat débitrice de ce devoir ;

Attendu qu'il est néanmoins surabondamment relevé qu'en tout état de cause la notice précitée attire l'attention de l'emprunteur en des termes simples, clairs, et sans aucune ambiguïté sur le risque de change, de sorte que ce dernier ne peut se méprendre sur le risque encouru de nature en entrainer un endettement excessif pour un emprunteur non rémunéré en francs suisses ;

Que par conséquent il ne saurait être reproché au CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES de ne pas avoir respecté son devoir de mise en garde ;

 

Sur les vices du consentement :

Attendu que pour les mêmes motifs les emprunteurs sont mal fondés à invoquer un vice du consentement soit une réticence dolosive, soit une erreur, inexistantes en l'espèce, ou encore soutenir que le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES n'aurait pas été loyal envers eux en leur proposant ce type de prêt, alors que celui-ci adapté à leur situation personnelle, leur permettait de bénéficier d'un taux d'intérêt beaucoup plus avantageux que celui en cours dans des prêts classiques, sans supporter de risques excessifs compte tenu de l'emploi de Monsieur X. rémunéré en francs suisses ;

Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a conclu que les consorts X. et Y. ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils n'ont pas été informés, voire mis en garde par la banque contre le risque qu'ils prenaient en contractant ce prêt, la notice étant parfaitement explicite sur le risque encouru a fortiori pour des emprunteurs du niveau intellectuel des demandeurs ;

Que l'appel est- rejeté sur ce point également et le jugement confirmé ;

 

Sur le surplus :

Attendu que les appelants qui succombent sur les mérites de leur appel sont condamnés aux entiers frais et dépens de la procédure ;

Que l'équité ne commande pas de faire application à leur profit de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'à l'inverse l'équité commande d'allouer une somme de 1.500 euros sur ce même fondement à la société CAISSE REGIONALE de CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Rejette l'appel,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur X. et Madame Y. in solidum aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel,

Déboute Monsieur X. et Madame Y. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur X. et Madame Y. solidairement à payer à la société CAISSE REGIONALE de CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :                                   la Conseillère :