CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 30 juin 2005

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 30 juin 2005
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch. sect. civ et com.
Demande : 04/01116
Date : 30/06/2005
Nature de la décision : Infirmation
Décision antérieure : T. COM. BAYEUX, 27 février 2004
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - FICHE N° 578

CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 30 juin 2005 : RG n° 04/01116

Publication : Juris-Data n° 289978

 

Extraits : 1/ « Les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de service qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant. En l'espèce, la décharge de responsabilité a été signée en exécution du contrat de mandat de recherche et de négociation relatif à l'acquisition du fonds de commerce par les époux X. professionnels de la boulangerie depuis 1988, ainsi qu'il résulte des mentions figurant à l'acte de cession du 2 août 1999. Cette décharge concernait la clause de non-concurrence dont il n'est pas contesté qu'elle est usuelle en matière de cession de fonds de boulangerie, une telle clause à la charge du vendeur étant d'ailleurs insérée dans l'acte du 29 novembre 2000 dont les termes sont identiques à ceux de l'acte du 2 août 1999, le délai étant cependant porté à sept ans. Il doit ainsi être considéré que ce contrat était accessoire à la cession du fonds de commerce et qu'il ne relève donc pas de la législation sur les clauses abusives applicable aux consommateurs. »

2/ « Cette décharge ne constitue pas une violation des obligations essentielles du contrat, puisqu'au contraire, son contenu démontre que la société LM IMMOBILIER a satisfait à son devoir de conseil en informant les acquéreurs du risque lié à l'obligation de non-concurrence par eux souscrite à l'égard des époux Z., et donc des incertitudes planant sur la réalisation de l'opération. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 30 JUIN 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 04/01116.

 

APPELANTE :

LA SARL LM IMMOBILIER

[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués, assistée de Maître Jean-Jacques SALMON., avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉS :

- Monsieur X.

- Madame Y. épouse X.

représentés par la SCP DUPAS-TRAUTVETTER YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués, assistés de Maître Franck THILL, avocat au barreau de CAEN

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur LEFEVRE, Président, Mademoiselle CHERBONNEL, Conseiller, Madame HOLMAN, Conseiller, rédacteur,

[minute page 2] DÉBATS : A l'audience publique du 26 mai 2005,

GREFFIER : Madame VERA, greffier, lors des débats,

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 juin 2005 et signé par Monsieur LEFEVRE, Président, et Madame VERA, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] La SARL LM IMMOBILIER a interjeté appel du jugement rendu le 27 février 2004 par le Tribunal de commerce de BAYEUX dans un litige l'opposant à M. X. et Mme Y. épouse X.

Par acte sous seing privé du 2 août 1999, les époux X. ont cédé aux époux Z. un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, situé à [ville A].

Aux termes de cet acte, était insérée à leur charge une clause de non-concurrence leur interdisant de se rétablir directement ou indirectement dans un fonds de commerce de même nature que celui vendu ou de faire concurrence sous quelque forme que ce soit à l'acquéreur durant un délai de cinq ans et dans un rayon de dix kilomètres à vol d'oiseau du fonds vendu, sous peine de fermeture immédiate et de tous dommages et intérêts.

Après avoir exploité un autre fonds de commerce à [ville B], des mois de février 2000 à octobre 2002, les époux X. ont recherché un nouveau fonds de commerce à développer, et ont donné mandat à la SARL LM IMMOBILIER exerçant sous l'enseigne « Cabinet A. », de négocier la cession du fonds de commerce de boulangerie exploité à [ville C] par M. et Mme W., à leur profit.

Le 29 novembre 2002, jour de signature de l'acte de cession du fonds de commerce, les époux X. ont signé une décharge de responsabilité ainsi libellée :

« Je, soussigné, M. et Mme X., indiquent que nous nous sommes portés acquéreurs du fonds de commerce [enseigne] situé à [ville C], en connaissance de cause par rapport à la clause de non-concurrence qui a été mentionnée dans l'acte de la vente de la boulangerie que nous avons vendue à M. et Mme Z. le 1er août 1999.

Nous nous interdisons tout recours de ce chef à l'encontre de l'Agence A. »,

et la cession a été régularisée le 29 novembre 2002 par acte sous seing privé reçu par un avocat au prix principal de 99.092 € outre frais de négociation pour 9.480,69 € et frais de rédaction pour 3.555,71 €.

[minute page 4] Sur requête des époux Z., par ordonnance de référé du Président du Tribunal de commerce de CONDÉ SUR NOIREAU du 27 mai 2003, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de CAEN du 20 novembre 2003, il a été ordonné aux époux LELIEVRE de fermer leur fonds sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du 27 novembre 2003, et ils ont été condamnés à payer aux époux Z. les sommes de :

- 4.181,00 € à titre de provision sur le préjudice économique subi, portée à 9.000 € en cause d'appel,

- 1.000,00 € à titre de provision sur le préjudice moral subi,

- 1.000,00 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la Cour ayant alloué une indemnité complémentaire de 1.000,00 €.

En exécution de cette décision, les époux X. ont cessé leur exploitation.

Le 10 décembre 2003, un protocole d'accord a été régularisé entre les parties aux termes duquel :

- les époux Z. ont autorisé provisoirement et sans indemnité ni astreinte, la réouverture du fonds de commerce des époux X. à compter du 10 décembre 2003 jusqu'au 31 janvier 2004,

- les époux X. se sont engagés à rédiger sous le contrôle des époux Z. un communiqué de presse,

- les époux X. se sont engagés à introduire sans délai une procédure à l'encontre du Cabinet A. pour voir consacrer sa responsabilité civile professionnelle,

- pour la reprise de leurs tournées, M. et Mme X. se sont engagés à verser 500 € par mois à M. et Mme Z.

Par acte du 16 janvier 2004, les époux X. ont fait citer la société LM IMMOBILIER devant le Tribunal afin de la voir déclarer responsable du préjudice par eux subi, résultant de la violation des obligations d'Information et de conseil et condamner à régler le montant du dommage, à savoir les condamnations prononcées, outre une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile contre eux.

[minute page 5] Par le jugement déféré, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal a fait droit aux demandes dans leur intégralité la réclamation au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile étant cependant réduite à 1.000 €.

* * *

Vu les écritures signifiées :

* le 22 mars 2005 par la société LM IMMOBILIER qui conclut à l'irrecevabilité de l'action, subsidiairement au débouté et demande paiement d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

* le 24 mars 2005 par les époux X. qui concluent à la confirmation du jugement et demandent paiement des sommes complémentaires de :

- 16.184,80 € au titre de dommages et intérêts, des dépens et frais irrépétibles de l'instance les ayant opposés aux époux Z.,

- 5.800,00 € à titre de dommages et intérêts représentant le montant de la liquidation de l'astreinte due aux époux Z. outre les dépens et frais irrépétibles,

- 5.268,00 € en réparation de la perte subie du fait de la fermeture provisoire de leur fonds de commerce du 27 novembre 2003 au 10 décembre 2003,

- 4.500,00 € en réparation de préjudice matériel,

- 2.000,00 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

[minute page 6] ainsi que recours en garantie à l'encontre de la SARI, LM IMMOBILIER pour l'ensemble des condamnations susceptibles d'être définitivement prononcées à leur encontre au bénéfice de M. et Mme Z.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de service qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant. En l'espèce, la décharge de responsabilité a été signée en exécution du contrat de mandat de recherche et de négociation relatif à l'acquisition du fonds de commerce par les époux X. professionnels de la boulangerie depuis 1988, ainsi qu'il résulte des mentions figurant à l'acte de cession du 2 août 1999. Cette décharge concernait la clause de non-concurrence dont il n'est pas contesté qu'elle est usuelle en matière de cession de fonds de boulangerie, une telle clause à la charge du vendeur étant d'ailleurs insérée dans l'acte du 29 novembre 2000 dont les termes sont identiques à ceux de l'acte du 2 août 1999, le délai étant cependant porté à sept ans. Il doit ainsi être considéré que ce contrat était accessoire à la cession du fonds de commerce et qu'il ne relève donc pas de la législation sur les clauses abusives applicable aux consommateurs.

Cette décharge ne constitue pas une violation des obligations essentielles du contrat, puisqu'au contraire, son contenu démontre que la société LM IMMOBILIER a satisfait à son devoir de conseil en informant les acquéreurs du risque lié à l'obligation de non-concurrence par eux souscrite à l'égard des époux Z., et donc des incertitudes planant sur la réalisation de l'opération.

S'il est constant que cette décharge de responsabilité a été établie le jour même de la signature de l'acte de cession, les époux X. ne produisent aucun élément de nature à établir, comme ils le prétendent, qu'ils étaient dans l'impossibilité d'appréhender les contours exacts de la clause de non-concurrence et les conséquences liées à sa violation, spécialement l'impossibilité d'exploitation du fonds et ce alors que les termes de cette clause étaient particulièrement clairs puisque les conditions étaient indiquées de manière non équivoque, à savoir un fonds de commerce de même nature, un délai de cinq ans, un rayon de dix kilomètres à vol d'oiseau, que la sanction de « fermeture immédiate » du fonds était expressément précisée, qu'ils ont bénéficié d'une clause [minute page 7] identique lors de leur acquisition, et que dans la décharge du 29 novembre 2000, ils ont déclaré acquérir le fonds situé à [ville C] « en connaissance de cause » de cette clause de non-concurrence, tous éléments dont il résulte qu'ils étaient parfaitement informés tant de la nature et de la portée de la clause que des conséquences de sa violation.

Aux termes de cette clause, les acquéreurs ont expressément renoncé à tout recours à l'encontre de la société LM IMMOBILIER du chef de la clause de non-concurrence ; leur action est donc irrecevable.

En conséquence, le jugement sera infirmé.

La société LM IMMOBILIER conservera en équité la charge des frais irrépétibles par elle exposés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Infirme le jugement ;

- Déclare irrecevable l'action de M. X. et de Mme Y. épouse X. ;

- Déboute la SARL LM IMMOBILIER de sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

- Condamne les époux X. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.