5825 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’exception
- 5959 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats mixtes - Usage mixte professionnel et privé
- 5986 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Lien de la clause avec le litige : clauses abusives
- 6006 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 2, C. consom.) - Présentation
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5825 (10 juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
PRÉSENTATION GÉNÉRALE - NATURE DE LA PROTECTION
LÉGISLATION D’EXCEPTION
Présentation. Au regard du droit commun et du principe général de liberté contractuelle, les réglementations d’ordre public instituées par le droit de la consommation, notamment celle concernant les clauses abusives, peuvent apparaître comme des législations d’exception. L’interrogation n’est pas purement théorique et peut avoir un intérêt notamment pour déterminer si le domaine d’application de ces protections doit être interprété strictement ou pas. Les décisions présentées ci-dessous sont trop peu nombreuses pour en déduire des tendances générales significatives et, par ailleurs, chaque position peut avancer des arguments en sa faveur. Compte tenu de l’ampleur prise par le droit de la consommation, la question est ouverte de savoir si ce droit n’a pas acquis une autonomie suffisante pour permettre de dépasser cette opposition principe/exception.
Clauses abusives. Quelques décisions estiment que la protection du consommateur en matière de clauses abusives est une réglementation d’exception, qui doit être interprétée strictement, notamment pour apprécier le domaine d’application des textes. V. en ce sens : CA Paris (25e ch. A), 22 octobre 1999 : RG n° 1997/07492 ; arrêt n° 436 ; Cerclab n° 933 ; RJDA 2000/1 n° 103 (dans le dernier état du droit positif, il ne peut non plus y avoir application de la législation des clauses abusives aux contrats conclus entre professionnels, dont l'acceptation doit être entendue strictement) - TGI Paris (1re ch. 1re sect.), 26 mai 1997 : RG n° 18076/96 ; Cerclab n° 3221 ; Juris-Data n° 1997-048869 ; Bull. inf. C cass. 1997, n° 1408 ; D. affaires 1997. 1075 ; Gaz. Pal. 1997. somm. 339 (si, en vertu du sixième alinéa de l’art. L. 132-1 [L. 241-1 nouveau] C. consom., les clauses abusives sont réputées non écrites, le bénéfice de ces dispositions, en tant qu'elles constituent une exception à la liberté contractuelle et à la force obligatoire des conventions, est réservé à ceux qui, contractant pour leurs besoins personnels, sont susceptibles de ne pas mesurer la portée exacte de leurs engagements et de ne pas pouvoir négocier librement l'étendue des prérogatives accordées au cocontractant), infirmé sur appel par CA Paris (25e ch. B), 28 mai 1999 : RG n° 1997/18167 ; Cerclab n° 938 ; Gaz. Pal. 1999. 2. somm. p. 734 (syndicat n’ayant pas la qualité de professionnel, faute d’exercer une activité économique) - CA Paris (5e ch. A), 15 juin 1987 : arrêt n° 7681 ; Cerclab n° 1309 ; Bull. rap. Drt. Affaires 1987, n° 24, p. 9 (les art. 35 et 36 de la loi du 10 janvier 1978, en raison de leur spécialité et de leur caractère dérogatoire, sont d’interprétation stricte ; détermination du domaine d’application ; contrat conclu en qualité de professionnel), sur appel de T. com. Paris (1re ch.), 16 février 1985 : RG n° 82/5359 ; Cerclab n° 273 (problème non abordé).
N.B. 1 Les décisions sont assez anciennes et l’art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. peut aussi bien être vu comme une limitation des abus de la liberté contractuelle dans la détermination unilatérale du contenu du contrat par le professionnel qui n’est pas l’expression la plus emblématique de cette liberté. En revanche, la loi n° 2014-34 du 17 mars 2014, suivant en cela nombre de directives, a introduit dans le Code de la consommation un article préliminaire apportant une définition restrictive du consommateur. Selon cet article, « au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». L’ordonnance de 2016 a repris une rédaction voisine dans l’article liminaire : « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
Pris littéralement, ces textes pourraient aboutir à exclure du droit de la consommation les contrats n’ayant qu’un lien secondaire avec la profession, ce qui reviendrait à admettre que, dans un contrat mixte, une part minoritaire relevant du droit commun l’emporte sur le droit de la consommation (V. Cerclab n° 5959), ce qui est plutôt un indice, quant à son champ d’application, du caractère exceptionnel de cette protection (à l’intérieur du domaine, la solution peut sembler inverse, par exemple lorsque le doute profite au consommateur dans l’interprétation du contrat, Cerclab n° 6006, ou lorsque l’inapplication d’une clause reste sans influence sur l’appréciation de son caractère abusif, Cerclab n° 5986).
N.B. 2. En droit de l’Union européenne, la CJUE a en revanche considéré à plusieurs reprises que les dispositions limitant la protection contre les clauses abusives étaients d’interprétation strictes.
V. par exemple pour les clauses reflétant une disposition impérative : compte tenu de l’objectif de la directive, à savoir la protection des consommateurs contre les clauses abusives insérées dans les contrats conclus avec ces derniers par les professionnels, l’exception instituée à l’article 1er § 2 est d’interprétation stricte. CJUE (2e ch.), 20 septembre 2017, Ruxandra Paula Andriciuc e.a./ Banca Românească SA : Aff. C‑186/16 ; Cerclab n° 7151 (point n° 31 ; arrêt citant l’arrêt du 10 septembre 2014, Kušionová, C‑34/13, point 77).
V. par exemple pour les clauses portant sur la définition de l’objet principal ou l’adéquation au prix : l’art. 4 § 2 de la directive 93/13 édictant ainsi une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives tel que prévu dans le cadre du système de protection des consommateurs mis en œuvre par cette directive, il convient de donner une interprétation stricte à cette disposition. CJUE (4e ch.), 30 avril 2014, Árpád Kásler - Hajnalka Káslerné Rábai / OTP Jelzálogbank Zrt : Aff. C-26/13 ; Cerclab n° 6885 (points n° 42 et n° 49) - CJUE (2e ch.), 20 septembre 2017, Ruxandra Paula Andriciuc e.a./ Banca Românească SA : Aff. C‑186/16 ; Cerclab n° 7151 (point n° 34 ; arrêt citant l’arrêt du 23 avril 2015, Van Hove, C‑96/14, point 31).
Démarchage. En matière de démarchage, quelques décisions ont clairement admis que ce sont les exceptions à la protection qui devaient être interprêtées strictement. V. pour la Cour de cassation : l’arrêt attaqué a, à bon droit, énoncé que les exclusions prévues par l’art. 8-I-e de la loi du 22 décembre 1972 devaient s’interpréter strictement. Cass. civ. 1re, 14 mars 1984 : pourvoi n° 82-15991 ; arrêt n° 269 ; Bull. civ. I, n° 101 ; Cerclab n° 2118, pourvoi contre CA Dijon (1re ch.), 1er juillet 1982 : Dnd.
Dans le même sens pour les juges du fond : CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 6 octobre 2015 : RG n° 14/16787 ; Cerclab n° 5341 ; Juris-Data n° 2015-022514 (construction de serres photovoltaïques pour un agriculteur retraité en vue de leur location ; le critère du rapport direct avec l’activité professionnelle doit s’interpréter strictement), sur appel de TGI Tarascon, 24 juillet 2014 : RG n° 13/0009 ; Dnd - CA Colmar (1re ch. civ. sect. B), 23 juin 2011 : RG n° 10/00013 ; Cerclab n° 3224 (la notion de « rapport direct » doit s'entendre strictement et suppose que soit caractérisé le caractère indispensable de l'objet du contrat pour l'activité commerciale) - CA Reims (ch. civ. sect. 1), 13 septembre 2010 : RG n° 09/01621 ; Cerclab n° 3011 (idem) - CA Versailles (1re ch. 2e sect.), 2 décembre 2008 : RG n° 07/06888 ; arrêt n° 582 ; Cerclab n° 2730 (rapport direct et compétence ; rapport direct devant être apprécié de façon stricte) - CA Reims (ch. civ. 1re sect.), 19 novembre 2007 : RG n° 06/02069 ; arrêt n° 919 ; Cerclab n° 1000 ; Juris-Data n° 2007-349656 ; JCP 2008. IV. 1497 (la notion de rapport direct doit s'entendre strictement, et suppose que soit caractérisé le caractère indispensable pour l'activité commerciale, de l'objet du contrat) - TGI Melun (ch. 1 cab. 1), 17 février 2004 : RG n° 02/03438 ; Cerclab n° 377 (démarchage ; rapport direct ; s’agissant d’exceptions, les exclusions visées par l’ancien art. L. 121-22 C. consom. doivent s’interpréter strictement ; arg. suppl. l’interprétation de ces textes ne peut contrevenir aux dispositions de la directive du 20 décembre 1985 dont ils ne sont que la transposition), sur appel CA Paris (5e ch. A), 1er février 2006 : RG n° 04/12433 ; Cerclab n° 785 ; Juris-Data n° 2006-296357 (confirmation sans reprise de cette incidente).
N.B. Il convient de noter, en sens inverse, que les règles encadrant le démarchage à domicile sont sanctionnées pénalement, ce qui pourrait justifier une interprétation stricte de leur domaine d’application.
Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000. Il ressort avec constance notamment des directives n° 93/13/CE relative aux clauses abusives, n° 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales et 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs - cette dernière ayant fait l'objet d'une transposition en droit français par la loi du 17 mars 2014 - qu’« est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». La CJCE, interprétant la notion de consommateur sous l'empire du précédent Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, a estimé, d'une part, qu'elle devait être entendue strictement dès lors qu'elle permet de déroger au principe de la compétence de la juridiction du lieu du domicile du défendeur et, d'autre part, que pour sa détermination, il y avait lieu de se référer à la position de la personne dans un contrat déterminé, en rapport avec la nature et la finalité de celui-ci. CA Paris (pôle 5 ch. 6), 9 décembre 2016 : RG n° 16/13848 ; Cerclab n° 6647 ; Juris-Data n° 2016-027095 (conséquence : pèse sur le consommateur la charge de la preuve que le contrat est étranger à son activité professionnelle), sur appel de TGI Meaux (Jme), 6 juin 2016 : RG n° 15/01889 ; Dnd.