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5906 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Exécution du contrat - Modalités de paiement ou de comptabilisation du prix

Nature : Synthèse
Titre : 5906 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Exécution du contrat - Modalités de paiement ou de comptabilisation du prix
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5906 (16 septembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

DOMAINE D’APPLICATION - PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION

PROFESSIONNELS CONTRACTANT À L’OCCASION DE LEUR ACTIVITÉ

INDICES - EXÉCUTION DU CONTRAT : MODALITÉS DE PAIEMENT OU DE COMPTABILISATION DU PRIX

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Présentation. Les modalités de paiement du prix peuvent constituer un indice du caractère professionnel du contrat. Les décisions recensées visent notamment souvent la nature professionnelle du compte bancaire qui a été débité, laquelle peut venir confirmer une conclusion en qualité de professionnel (V. Cerclab n° 5893) ou au contraire venir éclairer une conclusion faite de façon plus neutre.

L’indice reste cependant d’une portée limitée. Tout d’abord, parce que la rigueur dans la séparation des comptes est sans doute relative chez les petits professionnels, personnes physiques. Ensuite, et surtout, parce que si l’indice peut permettre d’établir que le contrat a été conclu dans le cadre de la profession (ce qui peut être suffisant pour un critère étroit tel que les contrats étrangers à l’activité), il ne suffit pas à prouver l’existence d’un lien plus étroit avec l’activité exigé par certain critères (rapport direct, activité spécifique, objet du contrat entrant dansle champ de l’activité principale de l’art. L. 221-3 C. consom., anciennement art. L. 121-16-1 C. consom.), ni a fortiori la compétence du professionnel ou son identité de spécialité avec son cocontractant.

Quelques arrêts évoquent aussi le traitement comptable ou fiscal du contrat, mais ils sont très marginaux au regard de la masse des décisions recencées et cette faiblesse confirme plutôt l’autonomie des analyses consuméristes et fiscales.

Article liminaire (ord. du 14 mars 2016 - loi du 21 février 2017). Depuis l’ordonnance du 14 mars 2016, la seule marge de manœuvre, pour les personnes physiques, réside, soit dans le fait que l’activité ne figure pas dans la liste de l’article liminaire, soit dans le fait que le contrat est conclu dans une finalité qui n’entre pas dans le cadre d’une de ces activités. S’agissant de l’article liminaire, résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016, les modalités de paiement du prix ne sont pas décisives pour conclure que le contrat a pour finalité d’entrer dans le cadre de l’activité.

A. MODALITÉS DE PAIEMENT DU PRIX

Utilisation de l’indice : paiement par un compte professionnel. Pour des décisions évoquant comme indice du caractère professionnel du contrat le fait que le prix soit réglé à partir d’un compte bancaire professionnel, V. par exemple : CA Paris (pôle 1 ch. 3), 22 novembre 2017 : RG n° 17/12472 ; arrêt n° 779 ; Cerclab n° 7251 ; Juris-Data n° 2017-023995 (dispositions protectrices du code de la consommation ; rapport direct et cadre de l’activité ; location financière par une Sarl d’un matériel de vidéo surveillance et de sauvegarde des données ; indices multiples et notamment le fait que les mensualités étaient « en outre comptabilisées en charge d'exploitation et débitées sur le compte bancaire de son exploitation»), sur appel de T. com. Meaux (réf.), 30 mai 2017 : RG n° 2016007599 ; Dnd - CA Paris (pôle 4 ch. 9), 9 février 2017 : RG n° 15/10859 ; Cerclab n° 6733 ; Juris-Data n° 2017-002693 (clauses abusives ; location avec option d'achat d’un véhicule pour une avocate ; contrat souscrit en sa qualité d'avocat, avec apposition de son cachet professionnel et, en outre, transmission de son certificat d'immatriculation au répertoire Sirene, d’un relevé d’identité bancaire concernant un compte professionnel et d’une lettre de l’opérateur téléphonique évoquant un forfait professionnel), sur appel de TI Étampes, 18 mars 2015 : RG n° 11-14-000315 ; Dnd - CA Pau (2e ch. sect. 1), 3 juillet 2007 : RG n° 06/00611 ; arrêt n° 2889/07 ; Cerclab n° 2297 (démarchage ; rapport direct et besoins de l’activité ; autorisation bancaire de prélèvements des loyers domiciliée sur le compte professionnel) - TI Molsheim, 13 juin 2006 : RG n° 11-05-000443 ; Cerclab n° 1639 (clauses abusives : absence de critère explicite ; crédit : besoins de l’activité ; prélèvement sur le compte bancaire d’une tannerie), confirmé par CA Colmar (3e ch. civ. A), 9 février 2009 : RG n° 06/03402 ; arrêt n° 09/0070 ; Cerclab n° 1383 (même argument pour le crédit seulement ; preuve établie par le relevé d’identité bancaire remis pour mettre en place le prélèvement) - T. com. Paris (8e ch.), 7 mai 2003 : RG n° 2001/056932 ; Cerclab n° 1609 (démarchage ; rapport direct ; relevé d’identité bancaire du compte mentionnant l’adresse du magasin), confirmé sur ce point par CA Paris (5e ch. sect. A), 3 octobre 2007 : RG n° 03/15141 ; Cerclab n° 1189 ; Lamyline (admission d’un rapport direct, sans reprise de l’argument) - CA Versailles (1re ch. B), 9 novembre 2001 : RG n° 2000-778 ; arrêt n° 681 ; Legifrance ; site CCA ; Cerclab n° 1727 (clauses abusives ; besoins de l’activité ; prélèvement sur le compte bancaire professionnel) - CA Poitiers (ch. civ. sect. 2), 8 janvier 1992 : Juris-Data n° 1992-052099 ; Dnd (démarchage ; besoins de l’activité ; apposition du tampon de cafetier sur une lettre de change), sur appel de T. com. Jonzac, 23 avril 1990, Dnd.

Utilisation inversée de l’indice. Pour une utilisation inversée, lorsque la preuve de cette modalité de paiement n’est pas rapportée : CA Bordeaux (1re ch. civ. sect. B), 30 juin 2016 : RG n° 13/06819 ; Cerclab n° 5679 (clauses abusives et crédit à la consommation ; absence de preuve du caractère professionnel et application conventionnelle ; prêt affecté d’un véhicule pour un avocat ; argument retenu entre autre : absence de preuve que le prélèvement automatique soit effectué sur un compte spécifiquement professionnel), sur appel de TGI Libourne, 16 mai 2013 : RG n° 11/00425 ; Dnd - CA Nancy (2e ch. civ.), 8 septembre 2011 : RG n° 08/02920 ; Cerclab n° 3323 ; Juris-Data n° 2011-032142 (démarchage ; rapport direct et cadre de l’activité ; protection accordée, la preuve n’étant pas rapportée de la fourniture d’un RIB professionnel et aucune déduction fiscale pour frais professionnel n’ayant été sollicitée).

Limites de l’indice. L’indice n’est cependant pas toujours retenu et le paiement par un compte professionnel n’est pas toujours un obstacle à l’octroi de la protection consumériste. V. par exemple (en notant que dans ces espèces, le compte ou l’utilisation sont mixtes) : CA Colmar (3e ch. civ. B), 3 octobre 2007 : RG n° 06/00447 ; arrêt n° 07/0581 ; Cerclab n° 1390 (vente à distance, ancien art. L. 121-16 c. consom. ; besoins de l’activité ; achat d’un véhicule par un artisan-peintre ne disposant que d’un compte bancaire : le fait que deux chèques aient été émis de ce compte avec la mention artisan n’est pas déterminant ; arrêt estimant par ailleurs que les termes utilisés par l’artisan dans divers courriers, aux termes desquels son comptable ou le Centre de gestion lui auraient déconseillé d’investir dans ce véhicule, ne sont pas significatifs d’un achat professionnel compte tenu de la confusion des patrimoines s’appliquant aux artisans), sur appel de TI Molsheim, 11 octobre 2005 : RG n° 11-05-000068 ; Dnd ; Cerclab n° 1855. - CA Rennes (1re ch. B), 15 mars 2001 : RG n° 00/03045 ; arrêt n° 280 ; Cerclab n° 1807 ; Juris-Data n° 149221 (démarchage ; rapport direct ; artisan parqueteur faisant surveiller un local à usage mixte privé et professionnel : « le paiement effectué sur le compte professionnel ne saurait avoir d’incidence sur la qualification du contrat ») - TGI Grenoble (6e ch.), 7 septembre 2000 : RG n° 199905575 ; jugt n° 196 ; Site CCA ; Cerclab n° 3162 ; Juris-Data n° 2000-133385 ; D. 2000. 385, note Avena-Robardet (clauses abusives ; contrat de téléphone portable souscrit par un restaurateur ; le fait que le paiement pouvait être assuré à partir du compte professionnel ne suffit pas pour donner cette qualification au contrat, même si cette pratique est jugée fiscalement discutable).

V. aussi pour l’hypothèse inverse (contrat professionnel en dépit d’un paiement par un compte personnel), en notant que la décision réserve la preuve contraire : CA Bordeaux (1re ch. civ. sect. A), 13 janvier 2016 : RG n° 14/02832 ; Cerclab n° 5450 (clauses abusives ; prêt à un agent immobilier expressément qualifié de professionnel par le contrat : le fait que les échéances de l'emprunt aient été prélevées sur le compte personnel est insuffisant pour lui ôter tout caractère professionnel s'agissant du numéro de compte que l'emprunteur ; l’agent immobilier qui a souscrit un prêt professionnele supporte la charge de la preuve du caractère erroné de cette qualification), sur appel de TGI Périgueux, 4 mars 2014 : RG n° 11/01301 ; Dnd.

Obtentions de financement professionnels. Certains investissements peuvent bénéficier de financements professionnels. Si les conditions d’obtention du crédit rendent celui-ci nécessairement professionnel, cette nature peut influer celle du contrat financé. Pour une illustration : CA Grenoble (1re ch. civ.), 30 juin 2015 : RG n° 14/05924 ; Cerclab n° 5208 (démarchage ; rapport direct ; exploitante agricole faisant réaliser un bâtiment prévu pour recevoir des panneaux photovoltaïques ; nature professionnelle déduite de la mention de la profession d'agricultrice dans un mail et de l’obtention de l’autorisation préfectorale pour un prêt bonifié destiné à financer cet investissement dans son exploitation, dans le cadre de la politique d'aides destinées à alléger les charges des jeunes agriculteurs ; contestation en référé n’étant pas jugée sérieuse), sur appel de TGI Gap (réf.), 2 décembre 2014 : RG n° 14/00124 ; Dnd.

B. TRAITEMENT COMPTABLE ET FISCAL DU CONTRAT

Utilisation de l’indice : traitement comptable et fiscal. Pour des décisions évoquant comme indice du caractère professionnel du contrat le fait que le contrat (ou le bien sur lequel il porte) ait été pris en compte dans la comptabilité professionnelle ou/et que sa nature professionnelle ait permis d’obtenir un statut ou un avantage fiscal particulier, V. par exemple : CA Paris (pôle 5 ch. 8), 13 décembre 2011 : RG n° 10/21732 ; Cerclab n° 3520 (clauses abusives ; contrat conclu pour l’exervice de l’activité ; comptabilisation des loyers du photocopieur en charge d’exploitation et utilisation d’une déduction fiscale), sur appel de T. com. Paris, 7 juillet 2010 : RG n° 2008/089345 - CA Nîmes (2e ch. B com.), 16 février 2006 : RG n° 03/02464 ; arrêt n° 96 ; Cerclab n° 1052 ; Juris-Data n° 2006-299900 (clauses abusives ; besoins de l’activité ; prise en comptes des loyers dans la comptabilité de l’entreprise).

V. pour le maintien de l’argument dans le cadre de l’article préliminaire (loi du 17 mars 2014) : CA Paris (pôle 4 ch. 9), 25 juin 2020 : RG n° 17/16211 ; Cerclab n° 8478 (code de la consommation ; contrat conclu en février 2015 pour la création d’un site internet pour un disc-jockey professionnel ; mensualités payées au loueur comptabilisées en charges d'exploitation), sur appel de TI Lagny-sur-Marne, 7 juillet 2017 : RG n° 11-17-000243 ; Dnd.

Utilisation inversée de l’indice. Pour une utilisation inversée, lorsque la preuve de ce traitement comptable ou fiscal professionnel n’est pas rapportée : CA Nancy (2e ch. civ.), 8 septembre 2011 : RG n° 08/02920 ; Cerclab n° 3323 ; Juris-Data n° 2011-032142 (démarchage ; rapport direct et cadre de l’activité ; protection accordée, la preuve n’étant pas rapportée de la fourniture d’un RIB professionnel et aucune déduction fiscale pour frais professionnel n’ayant été sollicitée) - TI Valognes, 29 mai 2009 : RG n° 11-08-000104 ; jugt n° 50/2009 ; Cerclab n° 4212 ; Lexbase (protection dans les contrats conclus à distance et clauses abusives ; internet avec téléphonie pour l’exploitant d’un gîte rural ; refus d’assimiler l’activité de location de gîtes à une activité commerciale ou professionnelle, et analyse de celle-ci comme une simple activité de location en meublés, solution confortée par l’examen du régime fiscal, les avis d’imposition produits montrant que les exploitant du gîte avaient déclaré les revenus de cette activité au titre des « BIC non-professionnels régime micro »), confirmé CA Caen (1re ch. sect. civ. et com.), 16 décembre 2010 : RG n° 09/02214 ; Cerclab n° 4213 (confirmation implicite pour la protection dans les contrats conclus à distance, le caractère abusif n’étant pas examiné) - TGI Grenoble (6e ch.), 7 septembre 2000 : RG n° 1999/05575 ; jugt n° 196 ; Site CCA ; Cerclab n° 3162 ; Juris-Data n° 133385 ; D. 2000. 385, note Avena-Robardet (clauses abusives ; contrat de téléphonie mobile ; preuve non rapportée de la destination professionnelle et de l’absence d’utilisation personnelle).

Limites de l’indice. L’indice n’est cependant pas toujours retenu et l’autonomie des analyses consumériste et fiscale est parfois évoquée. V. par exemple : TGI Grenoble (6e ch.), 7 septembre 2000 : RG n° 1999/05575 ; jugt n° 196 ; Cerclab n° 3162 ; précité (clauses abusives ; contrat de téléphonie mobile ; le paiement par un compte professionnel n’est pas suffisant à établir le caractère professionnel du contrat, même s’il est fiscalement discutable).

V. aussi : au sens de l’ancien art. L. 121-22 C. consom., la notion de profession en tant que telle n'est pas définie juridiquement ; l'existence d'une réglementation, d'une production ou d'une prestation de service, d'une rémunération sont des éléments constitutifs de cette notion ; celle-ci doit être appréciée en fonction du texte précité et de la législation autonome du droit de la consommation, alors que, la législation fiscale étant distincte et conçue en fonction d'autres considérations, le régime fiscal de cette activité ne sont pas déterminants. CA Limoges (ch. civ.), 21 janvier 2010 : RG n° 09/00141 ; Cerclab n° 2272 ; Juris-Data n° 2010-003731 (démarchage), infirmant Jur. proxim. Tulle, 5 janvier 2009 : RG n° 91-08-000093 ; jugt n° 2009/14 ; Cerclab n° 3715 (ne saurait être considéré comme un professionnel au sens de l'ancien art. L. 121-22-2° C. consom., le contractant qui n'exerce aucune profession et n'est inscrit, ni à la MSA, ni au RCS, ni à la Chambre des Métiers, et qui de surcroît tire des recettes de son activité de location saisonnière en meublé des revenus inférieurss à 23.000 € par an, qui sont imposées par l'administration fiscale dans la catégorie des BIC non-professionnels).

Dans le même sens, dans le cadre de l’art. L. 221-3 C. consom. : CA Paris (pôle 4 ch. 9-A), 2 juin 2022 : RG n° 19/07934 ; Cerclab n° 9667 (défibrillateur pour une infirmière libérale ; il n'est pas possible de déduire de la déductibilité fiscale du montant de la location que le contrat litigieux entre dans le champ de l'activité principale), sur appel de TI Paris, 18 mars 2019 : RG n° 11-18-213051 ; Dnd.