CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA POITIERS (ch. civ. 2e sect.), 20 mai 1997

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (ch. civ. 2e sect.), 20 mai 1997
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), ch. civ. sect. 2
Demande : 94/03884
Date : 20/05/1997
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 14/11/1994
Numéro de la décision : 510
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 594

CA POITIERS (ch. civ. 2e sect.), 20 mai 1997 : RG n° 94/03884 ; arrêt n° 510

Publication : Juris-Data n° 056128

 

Extrait  : « Il n'est nullement contesté par Mme X. que le matériel, y compris les meubles, que lui proposait la société SELECTIF était destiné à l'extension vers un nouveau secteur de son activité professionnelle d'infirmière libérale. Il n'est pas non plus contestable que Mme X. avait, de par ses connaissances et sa pratique professionnelle, la possibilité d'apprécier l'efficacité du matériel qui lui était proposé et de se faire une exacte opinion de l'opportunité d'un tel achat. Il est d'ailleurs abondamment discuté par les parties des articles parus dans les revues professionnelles destinées aux infirmiers et relatifs aux produits commercialisés par la société SELECTIF. Il échappe bien évidemment à la Cour dans le présent litige de se déterminer sur la valeur intrinsèque de ce matériel, mais il peut être déduit des pièces échangées par les parties que les produits litigieux ont été soumis à un examen critique de la profession exercée par Mme X. »

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

CHAMBRE CIVILE DEUXIÈME SECTION

ARRÊT DU 20 MAI 1997

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 9403884. Arrêt n° 510.

 

APPELANTE :

SARL SELECTIF

dont le siège social est [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Suivant Déclaration d'appel du 14 novembre 1994 d'une décision rendue par le TGI de LA ROCHELLE, le 25 août 1994,

Représentée par la SCP LANDRY-TAPON, son avoué près la Cour, Ayant pour Avocat Maître LUCIANI du barreau de NICE, [arrêt rectificatif du 16 décembre 1997 : « la SARL SELECTIF était assistée de Maître TORRES-FORET-DODELIN du Barreau de Grasse et non de Maître LUCIANI du Barreau de Nice »].

 

INTIMÉE

Madame Claudine X.,

née le […] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], Représentée par la SCP PAILLE-THIBAULT, son avoué près la Cour, Ayant pour Avocat Maître RIVAILLON Alain (Barreau ROCHELLE)

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : M. LERNER, Président,

MM. ANDRAULT et TAILLEBOT, Conseillers,

GREFFIER : Mme GARANDEAU,

DÉBATS : A l'audience publique du 7 avril 1997, Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré au 20 mai 1997, Ce jour a été rendu, contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] I – FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat du 17 novembre 1993, Mme X. a passé commande auprès de la SARL SELECTIF d'un matériel HYGIAFORM d'une valeur de 119.000 francs et d'un mobilier d'une valeur de 3.500 francs. Elle a réglé un acompte de 14.500 francs, mais, par lettre du 19 novembre 1993, elle a déclaré annuler sa commande.

La SARL SELECTIF a refusé de prendre cette annulation en considération et l'a assignée en paiement.

Par jugement du 25 août 1994, le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE a prononcé la nullité du bon de commande du 17 novembre 1993, débouté la SARL SELECTIF de ses demandes et dit qu'elle devrait restituer à Mme X. le montant de son acompte. Le Tribunal a en outre débouté Mme X. de sa demande de dommages et intérêts et a condamné la SARL SELECTIF à lui payer 7.000 francs par application de l'article 700 du NCPC.

Par acte du 14 novembre 1994, la SARL SELECTIF a interjeté régulièrement appel de cette décision.

 

LA SARL SELECTIF demande à la Cour la réformation totale de la décision contestée, de condamner Mme X. à prendre possession du matériel vendu et à lui payer en deniers ou quittance la somme de 145.285 francs avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 1994, outre 43.585 francs au titre de la clause pénale contractuelle et 25.000 francs par application de l'article 700 du NCPC (demandes ramenées ultérieurement à respectivement 130.785 francs, 43.585 francs et 15.000 francs).

Elle soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, la loi du 22 décembre 1972 ne peut s'appliquer, l'acheteur ayant expressément déclaré que le matériel acheté avait un lien direct avec son activité professionnelle, et que tel est bien le cas du matériel acheté. Elle expose en effet qu'il s'agit d'un matériel de diététique et d'esthétique tout à fait en relation avec la profession d'infirmière libérale de Mme X.

Elle souligne le fait que Mme X. a elle-même coché la case du bon de commande par laquelle elle reconnaissait que l'achat avait un lien direct avec son activité professionnelle et qu'elle l'a émargée, et qu'elle a signé et reproduit la clause rappelant que la vente était ferme et définitive.

Enfin, elle rappelle que le contrat l'autorise à percevoir une indemnité de 30 % en cas de défaut de paiement par l'acquéreur.

 

Mme X. forme appel incident et demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, de condamner la SARL SELECTIF à lui payer 10.000 francs de ce chef, de la condamner à lui restituer l'acompte déjà versé, de confirmer le jugement pour le surplus et de lui allouer 10.000 francs par application de l'article 700 du NCPC.

Elle soutient que l'activité d'esthéticienne ne figure pas au nombre des actes que peut accomplir une infirmière et que l'achat de matériel d'esthétique ne peut donc avoir de rapport direct avec l'exercice de cette profession.

[minute page 4] Elle soutient qu’au contraire l’activité d'esthéticien-diététicien est incompatible avec le statut de l'infirmière libérale.

Elle ajoute qu'elle a été démarchée à son domicile par deux représentants de la société SELECTIF, que ce sont eux qui ont coché la case relative à la reconnaissance du lien avec l'activité professionnelle et qu'ils ont, au mépris de la législation applicable, perçu immédiatement un acompte.

Elle estime que le contrat est nul par application de l'article L. 121-23 du Code de la Consommation, et qu'en toute hypothèse il est caduc puisqu'elle a fait usage de son droit de rétractation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 mars 1997.

La société SELECTIF a pris de nouvelles conclusions le 3 avril 1997.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

II - MOTIFS DE LA DÉCISION

2-1 : Sur la procédure

Il convient d'écarter d'office des débats les conclusions prises par la SARL SELECTIF postérieurement à l'ordonnance de clôture, étant observé qu'aucune demande en révocation de cette ordonnance n'a été formulée.

 

2 - 2 : Sur l'application de la loi relative au démarchage à domicile

Il convient de constater que Mme X. ne demande à la Cour que de dire applicable la loi sur le démarchage à domicile et d'en tirer les conséquences légales quant à la validité du bon de commande et quant à l'exercice de son droit de rétractation.

Mais l'article L. 212-21 [N.B. lire sans doute L. 121-22] du Code de la Consommation, dans sa rédaction alors applicable, excluait du bénéfice protecteur de la législation relative au démarchage les ventes de biens ayant un rapport direct avec les activités exercées à titre professionnel.

Il n'est nullement contesté par Mme X. que le matériel, y compris les meubles, que lui proposait la société SELECTIF était destiné à l'extension vers un nouveau secteur de son activité professionnelle d'infirmière libérale.

Il n'est pas non plus contestable que Mme X. avait, de par ses connaissances et sa pratique professionnelle, la possibilité d'apprécier l'efficacité du matériel qui lui était proposé et de se faire une exacte opinion de l'opportunité d'un tel achat. Il est d'ailleurs abondamment discuté par les parties des articles parus dans les revues professionnelles destinées aux infirmiers et relatifs aux produits commercialisés par la société SELECTIF. Il échappe bien évidemment à la Cour dans le présent litige de se déterminer sur la valeur intrinsèque de ce matériel, mais il peut être déduit des pièces échangées par les parties que les produits litigieux ont été soumis à un examen critique de la profession exercée par Mme X.

[minute page 5] Il est dès lors sans utilité pour la solution du présent litige de déterminer si l'exercice d'une activité de diététique-esthétique est, comme le soutient Mme X., incompatible avec une activité d'infirmière libérale, et encore moins de dire si cette adjonction serait pénalisant sur le plan fiscal : il suffit de constater que Mme X. ne peut invoquer le bénéfice des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation.

Il résulte d'ailleurs du décret du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières que ceux-ci peuvent exercer une activité complémentaire, sous la seule réserve qu'elle soit compatible avec la dignité et la qualité qu'exige son exercice professionnel.

Mme X. ne conteste pas les sommes qui lui sont réclamées ; il convient d'office, par application de l'article 1152 du Code Civil, de réduire le montant de la clause pénale qui est manifestement excessive par rapport aux pratiques habituelles en matière de contrat de vente, puisqu'elle a pour effet d'imposer une pénalité pratiquement égale au tiers du prix d'achat des marchandises.

Il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris et de condamner Mme X. à payer à la société SELECTIF la somme de 130.785 francs au titre du solde restant dû sur le bon de commande du 7 novembre 1993, outre celle de 5.000 francs au titre de la clause pénale, le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance valant mise en demeure.

Mme X. devra en outre prendre livraison du matériel qui lui a ainsi été vendu.

 

2 – 3 : Sur les autres demandes.

Mme X. ne peut prétendre que l'appel et les demandes de son adversaire seraient abusifs ; elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Elle supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et elle ne peut, de ce fait, réclamer aucune somme par application de l'article 700 du NCPC.

Il serait inéquitable de laisser à la société SELECTIF la charge de ses propres frais non compris dans les dépens; il lui sera alloué la somme de 6.000 francs pour l'ensemble de la procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

III – DÉCISION :

Par ces motifs, la Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire ;

Ecarte d'office des débats les conclusions signifiées par la société SELECTIF le 3 avril 1997 ;

Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE du 25 août 1994, et, statuant à nouveau,

Condamne Mme X. à prendre possession du matériel décrit dans le bon de commande du 7 novembre 1993 ;

[minute page 6] La condamne à payer à la société SELECTIF la somme de 130.785 francs (CENT TRENTE MILLE SEPT CENT QUATRE VINGT CINQ FRANCS) au titre du solde restant dû et la somme de 5.000 francs (CINQ MILLE FRANCS) au titre de la clause pénale, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 1994 ;

Déboute Mme X. de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 ;

La condamne à payer à la société SELECTIF la somme de 6.000 francs (SIX MILLE FRANCS) par application de cet article, la condamne aux dépens de première instance et d'appel, et autorise la SCP LANDRY-TAPON à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en recevoir préalablement provision.

Ainsi prononcé publiquement par Monsieur Bernard TAILLEBOT, Conseiller.

Signé par Monsieur Didier LERNER, Président de Chambre, et Madame Chantal GARANDEAU, Greffier.