6014 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Absence de déséquilibre - Déséquilibre non significatif
- 6012 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Articulation avec les protections de droit commun (cause; obligation essentielle)
- 6013 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Absence de déséquilibre - Clauses favorables
- 6180 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Principes généraux
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6014 (12 janvier 2023)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF
ABSENCE DE DÉSÉQUILIBRE : DÉSÉQUILIBRES NON SIGNIFICATIFS
Présentation. Dès la loi initiale du 10 janvier 1978, la rédaction du texte évoquant un « avantage excessif » pouvait conduire à considérer qu’il pouvait exister des avantages non excessifs et que seuls les excès, imposés au surplus par un « abus » de puissance économique, devaient être sanctionnés. § Pour une tentative de définition : CA Orléans (ch. civ. sect. 2), 21 mars 1995 : RG n° 93/001213 ; arrêt n° 437 ; Cerclab n° 2971 (la notion d’avantage excessif fait référence à un « excès » et donc au caractère anormal de l'avantage que procure un contrat dont le but principal est de procurer un bénéfice au professionnel qui en tire ses moyens d'existence : la clause doit donc, par son résultat outrancier, procurer au professionnel des avantages que le simple jeu naturel des relations commerciales est incapable de lui assurer ou que les références au droit commun empêcheraient s'il n'y était dérogé).
La loi du 1er février 1995 invitait aussi à une distinction entre les déséquilibres significatifs et les déséquilibres non significatifs (solution valable aussi pour tous les textes ultérieurs, art. L. 132-1 puis L. 212-1 C. consom.). Au vu des très nombreuses décisions recensées, il apparaît que si quelques-unes d’entre elles ont effectivement opéré une telle distinction, elles sont en nombre très limité et concentrées autour d’hypothèses peu nombreuses. La jurisprudence semble s’être orientée vers une justification des déséquilibres plutôt que sur la quantification de leur degré, délicate à mettre en œuvre. Rappr. laissant la question au juge interne : CJCE (5e ch.), 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten GmbH Baugesellschaft & Co. / Hofstetter : Aff. C-237/02 ; Rec. 2004 I-03403 ; Cerclab n° 3940 ; Procédures 2004, n° 7, p. 21, note Nourrissat ; Juris-Data n° 2004-246399 (point n° 18 : si, au terme d’une analyse approfondie du droit allemand, la Commission parvient à la conclusion que la clause litigieuse entraîne, en toute hypothèse, un désavantage au détriment du consommateur, la question de savoir s’il s’agit d’un déséquilibre significatif et injustifié au sens de l’art. 3, paragraphe 1, de la directive est une question d’appréciation à laquelle il appartient au juge national de répondre).
Nécessité de contrôler l’ampleur du déséquilibre : clause d’année lombarde. Il incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois cent soixante jours, d'un semestre de cent quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Cass. civ. 1re, 9 septembre 2020 : pourvoi n° 19-14934 ; arrêt n° 432 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8557, cassant CA Limoges, 7 février 2019 : Dnd (arrêt estimant la clause abusive quelle que soit l'importance de son impact réel).
Pour les juges du fond, estimant le déséquilibre insuffisant en cas de différence de calcul entre l’année civile et l’année lombarde : CA Lyon (1re ch. civ. B), 23 juin 2020 : RG n° 19/01328 ; Cerclab n° 8473 (crédit immobilier, clause d’année lombarde ; à supposer que la clause litigieuse ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, elle n'a pas entraîné de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au vu de son effet très limité et ne saurait en conséquence être qualifiée d'abusive), sur appel de TGI Lyon (4e ch.), 8 janvier 2019 : RG n° 15/01694 ; Dnd - CA Bourges (ch. civ.), 13 août 2020 : RG n° 19/01096 ; Cerclab n° 8506 (absence de preuve de l'existence et de l'ampleur du surcoût qui aurait été engendré au détriment des emprunteurs par l'utilisation de l'année lombarde, alors que, le prêt immobilier conclu entre les parties étant remboursable par mensualités, le calcul des intérêts prenant pour base le mois normalisé ou la fraction d'année aboutit au même résultat que le rapport 30/360), sur appel de TGI Bourges, 25 juillet 2019 : Dnd - CA Aix-en-Provence (ch. 3-4), 19 novembre 2020 : RG n° 17/05685 ; arrêt n° 2020/168 ; Cerclab n° 8642 (clause d’année lombarde dans un prêt immobilier : il incombe au juge d'apprécier in concreto quels sont les effets de la clause sur le coût du crédit ; déséquilibre en l’espèce non significatif), sur appel de TGI Marseille, 30 janvier 2017 : RG n° 15/12620 : Dnd - CA Grenoble (1re ch. civ.), 29 juin 2021 : RG n° 19/02631 ; Cerclab n° 8968 (la clause 30/360 qui est une clause d'équivalence financière n'est nullement de nature à créer un déséquilibre au détriment des appelants et encore moins un déséquilibre significatif), sur appel de TGI Bourgoin-Jallieu, 14 mars 2019 : RG n° 18/00183 ; Dnd - CA Rennes (2e ch.), 16 septembre 2022 : RG n° 19/04017 ; arrêt n° 460 ; Cerclab n° 9804 (absence de preuve d'un écart d'intérêt suffisamment significatif pour générer un préjudice indemnisable et donc entraîner le caractère abusif de la clause), infirmant TGI Nantes, 28 mai 2019 : Dnd (nullité de la clause) - CA Pau (2e ch. sect. 1), 17 novembre 2022 : RG n° 20/01503 ; arrêt n° 22/4065 ; Cerclab n° 9967 (absence de preuve que la clause litigieuse a généré au détriment des emprunteurs un surcoût, ni a fortiori que ce surcoût aurait eu une incidence significative sur les droits et obligations des parties), sur appel de TJ Dax, 24 juin 2020 : Dnd.
Illustrations explicites. Pour des décisions reconnaissant l’existence d’un déséquilibre, mais refusant de considérer que celui-ci est significatif, à l’occasion de l’appréciation du caractère réciproque des prérogatives des parties, V. par exemple : CA Reims (ch. civ. 1re sect.), 24 septembre 2019 : RG n° 18/02237 ; Cerclab n° 8213 (prêt immobilier ; clause d’année lombarde ; emprunteurs se contentant d’affirmer l’existence d’une clause abusive, sans démontrer le caractère significatif du déséquilibre provoqué par la différence de calcul entre une année de 360 ou de 365 jours), sur appel de TGI Charleville-Mézières, 7 septembre 2018 : Dnd - CA Rennes (2e ch.), 18 mai 2018 : RG n° 15/00299 ; arrêt n° 270 ; Cerclab n° 7587 (prêt personnel et crédit renouvelable ; à supposer que la cession du contrat priverait l’emprunteur de son droit de saisir le médiateur de l'ASF, cette perte n'apparaît pas de nature à diminuer significativement les droits de l'emprunteur), sur appel de TI Rennes, 1er décembre 2014 : Dnd - T. com. Épinal, 31 mars 2015 : RG n° 2014/3279 ; Dnd (caution d’un prêt professionnel par la dirigeante de la société cautionnée ; jugement écartant l’existence d’un déséquilibre significatif), sur appel CA Nancy (5e ch. com.), 18 mai 2016 : RG n° 15/01336 ; Cerclab n° 5617 (éviction fondée non sur le caractère professionnel du cautionnement, mais sur le caractère définitif du montant de la créance admise lors de la procédure collective de la société débitrice principale) - CA Angers (ch. A com.), 28 janvier 2014 : RG n° 13/00224 ; Cerclab n° 4688 (crédit renouvelable ; information sur la révision du taux par lettre simple du prêteur, alors que l’emprunteur doit manifester son désaccord par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; clause ne créant pas un déséquilibre tel qu’elle puisse être qualifiée d’abusive), sur appel de TI Laval, 13 novembre 2012 : RG n° 11-11-000009 ; Dnd - CA Versailles (1re ch. 2e sect.), 4 mars 2003 : RG n° 01/07270 ; arrêt n° 178 ; Legifrance ; Cerclab n° 1716 ; Juris-Data n° 2003-239681 ; Bull. inf. C. cass. 15 novembre 2003, n° 1423 (location de voiture ; absence de caractère abusif de la clause pénale qui impose au locataire de continuer à payer les loyers non échus, dès lors que, même si la Commission estime qu’il existe un déséquilibre contractuel lorsque le contrat de location ne contient pas de clause pénale en faveur du locataire, le déséquilibre existant ici n’est pas pour autant significatif), sur appel de TI Versailles, 20 septembre 2001 : RG n° 11/00/02238 ; jugement n° 793/2001 ; Cerclab n° 1693 (problème non examiné) - CA Rennes (1re ch. B), 13 novembre 2003 : RG n° 02/04714 ; arrêt n° 844 ; Cerclab n° 1790 ; Juris-Data n° 2003-232824 (téléphonie mobile ; s’il existe un déséquilibre entre les possibilités de résiliation des deux contractants, le déséquilibre n’est pas suffisamment significatif, dans la mesure où le client a la possibilité de résilier pour motifs légitimes même pendant la durée initiale), sur appel de TI Saint-Malo, 25 juin 2002 : RG n° 01-000192 ; jugt n° 415/02 ; Cerclab n° 141 (problème non abordé) - CA Angers (ch. A com.), 28 janvier 2014 : RG n° 13/00224 ; Cerclab n° 4688 (crédit renouvelable ; information sur la révision du taux par lettre simple du prêteur, alors que l’emprunteur doit manifester son désaccord par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; sol. implicite : clause ne créant pas un déséquilibre tel qu’elle puisse être qualifiée d'abusive), sur appel de TI Laval, 13 novembre 2012 : RG n° 11-11-000009 ; Dnd - CA Lyon (1re ch. civ. B), 23 juin 2020 : RG n° 19/01328 ; Cerclab n° 8473 (crédit immobilier, clause d’année lombarde ; à supposer que la clause litigieuse ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, elle n'a pas entraîné de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au vu de son effet très limité et ne saurait en conséquence être qualifiée d'abusive), sur appel de TGI Lyon (4e ch.), 8 janvier 2019 : RG n° 15/01694 ; Dnd
Pour l’utilisation de la même idée, lors d’une cession de contrat ou de créance : CA Rennes (2e ch.), 10 octobre 2013 : RG n° 11/02373 ; arrêt n° 330 ; Cerclab n° 4502 (clause de cession d’un contrat de prêt sans notification à l’emprunteur ; le seul préjudice éventuel invoqué, exigé par l’ancien art. R. 132-2-5° [R. 212-2-5° nouveau] C. consom., consiste dans l’impossibilité de recourir à la procédure de médiation prévue par le contrat, lequel, eu égard au caractère marginal des circonstances visées, ne peut être considéré comme engendrant une diminution suffisamment significative des droits de l’emprunteur), sur appel de TI Rennes, 14 mars 2011 : Dnd - CA Douai (8e ch. sect. 1), 24 mai 2012 : RG n° 11/05468 ; Cerclab n° 4539 (crédit renouvelable ; absence de caractère abusif d’une clause dérogeant à l’art. 1690 C. civ. en autorisant une transmission du contrat par endossement, sans notification, en raison du « caractère marginal des circonstances dans lesquelles cet endossement a vocation à s’appliquer »), sur appel de TI Dunkerque, 30 mars 2011 : RG n° 10/613 ; Dnd.
Illustrations implicites. Pour des décisions se fondant implicitement sur un raisonnement similaire sans qualifier expressément le déséquilibre de non significatif : La clause prévoyant un délai de 72 heures pendant lequel aucune déduction de frais de séjour n’est accordée en cas d’absence pour convenances personnelles ou hospitalisation, n’est pas abusive, faute de déséquilibre significatif, car elle est limitée dans le temps et n'a donc qu'une incidence financière limitée, et qu’elle se justifie par la nécessité d'éviter une tarification et une facturation trop complexes. CA Chambéry (2e ch.), 21 janvier 2016 : RG n° 14/02943 ; Cerclab n° 5507 (maison de retraite), sur renvoi de Cass. civ. 1re, 1er octobre 2014 : pourvoi n° 13-21801 ; arrêt n° 1095 ; Cerclab n° 4877.
Pour un arrêt de cassation pouvant éventuellement s’inscrire dans ce courant : Cass. civ. 1re, 14 novembre 2006 : pourvoi n° 04-15646 ; arrêt n° 1433 ; Bull. civ. I, n° 488 ; Cerclab n° 2801 ; D. 2006. AJ 2980, obs. Rondey ; Contr. conc. consom. 2007, chron. 2, G. Raymond ; RLDC 2007/36, n° 2432, note Sauphanor-Brouillaud ; RDC 2007. 337, obs. Fenouillet (vente de voiture ; absence de déséquilibre significatif dans la sanction des retards, même si celle du professionnel suppose une mise en demeure et se limite au taux d’intérêt légal, alors que le retard de paiement du consommateur est sanctionné d’un taux d’intérêt légal majoré d’une 1,5 fois).