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6247 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Mise en cause

Nature : Synthèse
Titre : 6247 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Mise en cause
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6247 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)

RÉGIME DE L’ACTION - RECEVABILITÉ - RÔLE DES VICTIMES - MISE EN CAUSE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

L’ordonnance du 24 avril 2019 a confirmé la solution dégagée par la jurisprudence antérieure en se contentant de viser l’information des victimes et encore, lorsque le ministre souhaite demander la nullité des clauses et la restitution de l’indu : selon l’art. L. 442-4-I C. com., « Le ministre chargé de l'économie ou le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8. Ils peuvent également, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indument obtenus, dès lors que les victimes de ces pratiques sont informées, par tous moyens, de l'introduction de cette action en justice. »

A. MISE EN CAUSE DES VICTIMES

Absence d’obligation de mettre en cause les victimes. L’action du Ministre chargé de l’économie, exercée en application des dispositions l’anc. art. L. 442-6-III [L. 442-4] C. com., n’est pas soumise à la présence des fournisseurs dans la procédure intentée contre leur distributeur. Cass. com., 8 juillet 2008 : pourvoi n° 07-16761 ; Bull. civ. IV. n° 103 ; Cerclab n° 3534 ; D. 2008, 3046, note M. Bandrac ; D. 2010, pan. p. 2892, obs. D. Ferrier ; JCP G 2008. 1. 218, n° 18, obs. M. Chagny ; JCP E 2008, n° 30, p. 8, note A.-M. Luciani ; JCP E 2009, 1739, obs. G. Decocq ; Contr. conc. consom. 2008, comm. 237, note M. Malaurie-Vignal ; Rev. Lamy conc. 2008, 43, obs. M. Behar-Touchais ; Lettre distrib. 2008-7/8, p. 1, obs. J. Raynard, cassant CA Versailles (12e ch. sect. 2), 3 mai 2007 : RG n° 05/09223 ; Cerclab n° 3986 ; précité - Cass. com., 8 juillet 2008 : pourvoi n° 07-13350 ; Cerclab n° 3535, rejet du pourvoi contre CA Paris, 20 décembre 2006 : Dnd - Cass. com., 16 décembre 2008 : pourvoi n° 08-13162 ; Cerclab n° 3648 ; JCP G 2009. 1. 138, obs. M. Chagny, rejetant le pourvoi contre CA Nîmes (2e ch. com. sect. B), 17 janvier 2008 : RG n° 05/01724 ; Cerclab n° 3652 (idem), sur appel de T. com. Aubenas, 8 mars 2005 : Dnd - Cass. com., 5 mai 2009 : pourvoi n° 08-15264 ; Cerclab n° 3998 (l’action du Ministre chargé de l’économie, exercée en application des dispositions de l’anc. art. L. 442-6-III [L. 442-4], est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n’est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs ; cassation pour violation de l’anc. art. L. 442-6-III C. com., ensemble l’art. 6 § 1 Conv. EDH), cassant CA Grenoble (ch. com.), 6 mars 2008 : RG n° 06/02022 ; Cerclab n° 3997 ; Juris-Data n° 2008-367931 (arrêt estimant que, si le Ministre exerce bien un pouvoir propre, il reste que, dans la mesure où il se substitue à la victime des pratiques dénoncées, il met nécessairement en œuvre les droits privés de ces victimes pour les rétablir dans leurs droits patrimoniaux : cette finalité de défense de l'ordre économique ne justifie pas l’absence de mise en cause des cocontractants fournisseurs, qui s’impose en application de l’art. 6 § 1 Conv. EDH), sur appel de T. com. Vienne, 14 mars 2006 : RG n° 2005J66 ; Dnd.

Dans le même sens pour les juges du fond : l’action du Ministre chargé de l’économie n’est pas une action de substitution, mais confère à l’administration un droit d’action autonome qui n’est dès lors pas soumise à la présence à la cause du cocontractant, fut-il victime de ces pratiques. CA Rennes (2e ch. com.), 20 janvier 2009 : RG n° 07/07013 ; arrêt n° 21 ; Legifrance ; Cerclab n° 3291 (la partie poursuivie peut faire intervenir les fournisseurs), sur appel de T. com. Saint-Nazaire, 24 octobre 2007 : Dnd - CA Rennes (2e ch. com.), 20 janvier 2009 : RG n° 08/00246 ; Cerclab n° 4334 ; Juris-Data n° 2009-005280, sur appel de TGI Dinan, 13 novembre 2007 : Dnd (idem). § Dans le même sens : CA Versailles (12e ch. sect. 2), 24 septembre 2009 : RG n° 08/05366 ; Cerclab n° 3293, sur appel de T. com. Nanterre (6e ch.), 28 mars 2007 : RG n° 2006F01964 ; Cerclab n° 4356 ; Juris-Data n° 2007-363867 - CA Bastia (ch. civ.), 30 septembre 2009 : RG n° 07/00993 ; Cerclab n° 3903, sur appel de T. com. Ajaccio, 3 décembre 2007 : RG n° 06/1419 ; Dnd - T. com. Créteil (1re ch.), 13 octobre 2009 : RG n° 2008F00629 ; Cerclab n° 4355 - CA Versailles (12e ch. sect. 1), 29 octobre 2009 : RG n° 08/07356 ; Cerclab n° 4332 ; Juris-Data n° 2009-015907 - T. com. Lille, 6 janvier 2010 : RG n° 2009/5184 ; Cerclab n° 4251 ; D. 2010. p. 1000, note J. Sénéchal ; JCP G. 2010. 516, obs. M. Chagny ; Contr. conc. consom. 2010/3. Comm. n° 71, note N. Mathey ; RDC 2010/3. p. 928, obs. M. Behar-Touchais ; Rev. Lamy conc. 2010, n° 23, p. 43, note M. Behar-Touchais ; Lettre distrib. n° 1-2010, note J.-M. Vertut - CA Aix-en-Provence (2e ch.), 15 septembre 2010 : RG n° 08/10314 ; arrêt n° 2010/346 ; Cerclab n° 4308 (absence de violation de l’art. 6 Conv. EDH), sur appel de T. com. Manosque, 6 mai 2008 : RG n° 2006/000120 ; Dnd - CA Nîmes (2e ch. sect. B com.), 10 mars 2011 : RG n° 08/04995 ; Cerclab n° 3272, cassé sur un autre point par Cass. com., 9 octobre 2012 : pourvoi n° 11-19833 ; Cerclab n° 3979 - CA Nîmes (ch. com. 2 B), 26 janvier 2012 : RG n° 09/05026 ; Cerclab n° 3674 (arrêt admettant de façon erronée le droit pour la victime de mettre fin à l’action, V. Cerclab n° 6246), sur appel de T. com. Avignon, 2 octobre 2009 : RG n° 2007/040080 ; Dnd - CA Nîmes (ch. com. 2 B), 26 janvier 2012 : RG n° 09/05027 ; Cerclab n° 3673 (idem), sur appel de T. com. Avignon, 2 octobre 2009 : RG n° 2007/040081 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut (l'intérêt de ces dispositions législatives d'ordre public est de permettre l'action du Ministre pour obtenir la condamnation des opérateurs ayant commis des pratiques illicites à des sanctions, sans possibilité pour des parties privées de paralyser leur application de par leur seule volonté), pourvoi rejeté par Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624 - T. com. Paris (1re ch. A), 20 mai 2014 : RG n° 2013070793 ; Cerclab n° 6972 (le Ministère a qualité propre et autonome pour agir en tant que garant de l'ordre public économique, indépendamment de tout préjudice démontré et de toute action éventuelle par des personnes lésées par la pratique contestée, ou susceptibles de l'être) - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (action non soumise à la présence des fournisseurs, conformément à l’arrêt du 4 juillet 2008), sur appel de T. com. Evry (3e ch.), 26 juin 2013 : RG n° 2009F00729 ; Dnd - CA Paris (pôle 1 ch. 1), 15 septembre 2015 : RG n° 15/07435 ; Cerclab n° 5312, contredit sur T. com. Paris, 24 mars 2015 : RG n° 2014027403 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 septembre 2017 : RG n° 16/00671 ; Cerclab n° 7064 - CA Grenoble (ch. com.), 31 janvier 2019 : RG n° 12/02494 ; Cerclab n° 7957, sur appel de T. com. Romans-sur-Isère, 28 mars 2012 : RG n° 07J70079 ; Dnd.

B. INTERVENTION VOLONTAIRE OU FORCÉE DES VICTIMES

Constitutionnalité subordonnée au maintien de la possibilité d’une intervention des victimes, volontaire ou forcée. Les dispositions de l’anc. art. L. 442-6-III [L. 442-4] C. com., dans la rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, ne sont pas contraires au principe du contradictoire, dès lors qu’elles n’interdisent ni au partenaire lésé par la pratique restrictive de concurrence d’engager lui-même une action en justice pour faire annuler les clauses ou contrats illicites, obtenir la répétition de l’indu et le paiement de dommages et intérêts ou encore de se joindre à celle de l’autorité publique par voie d’intervention volontaire, ni à l’entreprise poursuivie d’appeler en cause son cocontractant, de le faire entendre ou d’obtenir de lui la production de documents nécessaires à sa défense. Cons. constit., 13 mai 2011 : Décision QPC n° 2011-126 ; Cerclab n° 3678 ; Contr. conc. consom. 2011, alerte 52 ; JCP G 2011, 717, note A.-M. Luciani ; D. 2012, p. 507, note J. Barthémy et L. Boré, sur demande de Cass. com. 8 mars 2011 : pourvoi n° 10-40070 ; arrêt n° 338 ; Cerclab n° 3677 ; Contr. conc. consom. 2011, alerte 34.

V. aussi : l'exercice par le Ministre d'une action en justice sur le fondement des dispositions de l’anc. art. L. 442-6-III [L. 442-4] C. com. ne prive pas le fournisseur de son droit d'ester en justice à titre principal sur le même fondement ; le fait que le Ministre et le fournisseur puissent présenter les mêmes demandes ne rend pas irrecevable l'action exercée par le fournisseur, même si cette action est intentée postérieurement à celle du Ministre. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 13/19251 ; Cerclab n° 5288 ; Juris-Data n° 2015-016920, sur appel de T. com. Paris (1re ch. A), 24 septembre 2013 : RG n° 2011058615 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 25 janvier 2017 : pourvoi n° 15-23547 ; arrêt n° 135 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 6707 (problème non examiné). § V. déjà : le droit d'action reconnu à l'autorité publique nécessite, tant au regard des dispositions de l'art. 6 § 1 Conv. EDH, que de celles des art. 4 et 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, que le partenaire lésé puisse engager lui-même l'action ou se joindre à celle de l'autorité publique. CA Nîmes (ch. com. 2 B), 26 janvier 2012 : RG n° 09/05026 ; Cerclab n° 3674, sur appel de T. com. Avignon, 2 octobre 2009 : RG n° 2007/040080 ; Dnd - CA Nîmes (ch. com. 2 B), 26 janvier 2012 : RG n° 09/05027 ; Cerclab n° 3673, sur appel de T. com. Avignon, 2 octobre 2009 : RG n° 2007/040081 ; Dnd (idem).

Sur la possibilité d’intervention forcée : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 13/19251 ; Cerclab n° 5288 ; Juris-Data n° 2015-016920 (le poursuivi a la possibilité, en application de l'art. 331 CPC, d'assigner en intervention forcée les fournisseurs concernés par la procédure), sur appel de T. com. Paris (1re ch. A), 24 septembre 2013 : RG n° 2011058615 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 25 janvier 2017 : pourvoi n° 15-23547 ; arrêt n° 135 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 6707 (problème non examiné).

Nature de l’intervention du fournisseur. Le fournisseur qui ne souhaite pas prendre l'initiative de l'action peut intervenir volontairement à l'instance introduite par le Ministre et, conformément aux dispositions de l’art. 329 CPC, il peut, soit intervenir à titre principal, afin d'élever une prétention à son profit, peu important que ses demandes soient les mêmes que celles du Ministre, l'office du juge étant de statuer sur les demandes qui lui sont soumises, soit intervenir à titre accessoire pour soutenir les demandes du Ministre. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 13/19251 ; Cerclab n° 5288 ; Juris-Data n° 2015-016920, sur appel de T. com. Paris (1re ch. A), 24 septembre 2013 : RG n° 2011058615 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 25 janvier 2017 : pourvoi n° 15-23547 ; arrêt n° 135 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 6707 (problème non examiné). § En application de l'art. 329 al. 1 CPC, l'intervention des victimes peut être effectuée à titre principal, c'est-à-dire avec élévation d'une prétention au profit de l'intervenant, puisque l'action du Ministre ne constitue pas une action de substitution et, dans ce cas, le sort de l'intervention principale n'est pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant se prévaut d'un droit propre, distinct de celui invoqué par le demandeur principal. CA Amiens (ch. écon.), 3 décembre 2015 : RG n° 13/01532 ; Cerclab n° 5346, sur appel de T. com. Compiègne, 26 février 2013 : RG n° 2008.00492 ; Dnd.

Conditions de l’intervention volontaire des victimes : intervention en appel. Comp. dans le cadre de l'abus de dépendance économique et de la rupture brutale des relations commerciales, prévues aux art. L. 442-6-I-2°-b) ancien et L. 442-6-I-5° anc. [L. 442-1-II] du code de commerce, susceptibles de caractériser également une faute relevant du nouvel art. 1240 C. civ. (ancien art. 1382) : l'intervention volontaire, tant en première instance qu'en appel, n'est recevable que lorsqu'elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant et si l’intervenant justifie avoir subi un préjudice personnel distinct de celui de la personne morale ; sont irrecevables, faute de lien suffisant, les demandes en réparation d'une perte de chance de percevoir à l'avenir une rémunération en qualité de dirigeant salarié des sociétés victimes de ces agissements et de percevoir une meilleure retraite à ce titre, qui serait imputable à la survenance de la liquidation judiciaire de ces sociétés, ainsi que la demande de réparation pour la perte de chance de ne pas être poursuivis en qualité de cautions des sociétés placées en liquidation judiciaire. CA Nîmes (2e ch. com. B), 8 mars 2012 : RG n° 11/00692 ; Cerclab n° 3765, sur appel de T. com. Avignon, 7 janvier 2011 : Dnd. § V. aussi : si l'art. 554 CPC permet une intervention volontaire en cause d'appel des personnes qui y ont intérêt, dès lors qu'elles n'ont été ni parties ni représentées en première instance, ce texte ne permet pas à l'intervenant de soumettre dans ce cas un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction ; il en résulte, d’une part, que, lorsque l'information n’a été donnée aux fournisseurs par le Ministre qu’en cause d'appel, ceux-ci n’ont pas le droit d’intervenir en présentant des demandes personnelles distinctes de celles du Ministre par leur objet et/ou leur étendue, notamment des demandes en dommages et intérêts, lesquelles seraient irrecevables pour méconnaissance du principe du double degré de juridiction et, d’autre part, que les demandes du Ministre en nullité des contrats litigieux et en restitution des sommes indûment versées par les fournisseurs sont irrecevables en raison de la tardiveté de l'information donnée. CA Poitiers (2e ch. civ.), 29 janvier 2013 : RG n° 11/03252 ; arrêt n° 40 ; Cerclab n° 4201, sur appel de T. com. La Roche-sur-Yon, 14 mars 2006 : Dnd.

Portée de l’intervention volontaire des victimes : réparation de leur préjudice personnel. Possibilité pour les fournisseurs d’intervenir volontairement pour solliciter la réparation de leur préjudice personnel causé par les pratiques anticoncurrentielles faisant l'objet de l'action du Ministre de l'Economie, excédant la simple répétition de l'indu que ce dernier peut demander en vertu de ce texte d'ordre public, dérogatoire au droit commun. CA Nîmes (2e ch. sect. B com.), 10 mars 2011 : RG n° 08/04995 ; Cerclab n° 3272, cassé sur un autre point par Cass. com., 9 octobre 2012 : pourvoi n° 11-19833 ; Cerclab n° 3979.