CA PAU (1re ch.), 5 mai 1999
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 638
CA PAU (1re ch.), 5 mai 1999 : RG n° 97/001592 ; arrêt n° 1760/99
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 5 MAI 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 97/001592. Arrêt n° 1760/99. Nature affaire : Dde en nul du c. d’assur., et/ou en remb. des indemn., pour fausse déc inten/rétic de la part de l’assur.
ARRÊT prononcé par Monsieur SELMES, Président, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Monsieur GENSOU, Greffier, à l'audience publique du 5 mai 1999 date indiquée à l'issue des débats.
APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 24 mars 1999, devant : Monsieur SELMES, Président Madame MASSIEU, Conseiller Monsieur PETRIAT, Conseiller, assistés de Monsieur GENSOU, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi [minute page 2] dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Madame X.
[adresse]
Monsieur Noel Y.
[adresse],
représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE, avoué à la Cour, assistés de Maître DAGRES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
UNI EUROPE
[adresse], représentée par Maître MARBOT, avoué à la Cour, assistée de Maître AMEILHAUD, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision en date du 17 FÉVRIER 1997 rendue par le Tribunal de Grande Instance de TARBES.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Attendu que Madame X. a souscrit auprès de la Compagnie d'Assurance UNI EUROPE, le 4 septembre 1990 une garantie décès, puis le 22 novembre 1990, une garantie incapacité temporaire accident ;
Qu'elle a déclaré exercer la profession de médecin classe 1 et ne pas être atteinte d'une invalidité, maladie grave, chronique ou congénitale ;
Attendu qu'elle a été victime d'un accident le 1er septembre 1991 et a demandé le bénéfice de la garantie accident ;
Attendu qu'à l'occasion de ses investigations médicales, la Compagnie UNI EUROPE a appris que Madame X. n'exerçait plus sa profession depuis 1985, qu'elle était en arrêt de travail indemnisé par la CARMF, qu'elle présentait une névrose invalidante et qu'elle avait été placée en curatelle par jugement du 13 juin 1986 pour être assistée dans des opérations immobilières et des emprunts ;
Attendu que la Compagnie UNI EUROPE a assigné Madame X. devant le Tribunal de Grande Instance de TARBES pour voir prononcer la nullité du contrat ;
Attendu qu'après avoir annulé une première expertise confiée au Docteur W., pour non respect du principe du contradictoire et après le dépôt d'un second rapport d'expertise judiciaire établi par le Docteur Z., le Tribunal a fait droit à l'action de la Compagnie UNI EUROPE et condamné Madame X. à rembourser les prestations reçues en exécution du contrat (82.500 Francs) et à payer 5.000 Francs par application de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré que le consentement de Madame X. n'avait pu être vicié puisqu'au moment de la souscription, l'intéressée avait repris des études à l'issue desquelles elle a obtenu un diplôme, et qu'elle ne justifie pas avoir, comme elle le prétend, seulement signé un « papier en blanc » ; que dès lors Madame X. avait faussement et intentionnellement déclaré ne pas être atteinte de maladie grave, chronique ou congénitale ;
Attendu que Madame X., assistée de son curateur Monsieur Y., est régulièrement appelante de ce jugement pour voir dire n'y avoir lieu à nullité du contrat et pour obtenir une indemnité de 20.000 Francs et 10.000 Francs en application de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile (conclusions du 04 août 1997) ;
[minute page 4] Attendu que la Compagnie UNI EUROPE a conclu à la confirmation du jugement et demande 10.000 Francs supplémentaires par application de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile (conclusions du 05 mai 1998) ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que l'Article L. 113-8 du Code des Assurances dispose que le contrat d'assurance, indépendamment des causes ordinaires de nullité, est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre ;
Attendu que Madame X. prétend que l'imprécision du questionnaire qui lui a été soumis interdit à l'assureur d'invoquer la nullité du contrat, même si la sincérité de la réponse est suspecte ;
Mais attendu que la déclaration enregistrée : « Madame X. médecin de classe 1 déclare ne pas être atteinte d'une invalidité, maladie grave, chronique ou congénitale » est dénuée de toute ambiguïté et ne nécessite aucune interprétation possible ;
Que Madame X. ne peut donc invoquer le caractère prétendument imprécis de cette mention, notamment parce qu'elle n'exerçait plus sa profession, pour justifier la fausseté de ses dires ;
Attendu que Madame X. conteste aussi l'absence de fausseté de sa déclaration car, selon elle, son état ne constitue pas une « maladie grave chronique ou congénitale » ;
Mais attendu que l'expert judiciaire qui avait à répondre à cette question conclut que l'affection mentale de longue durée que présentait Madame X. peut être qualifiée de grave et chronique ;
Attendu qu'en l'absence d'éléments médicaux contraires, il convient de retenir la fausseté de la déclaration ;
Attendu que Madame X. prétend avoir agi de bonne foi, son état la mettant dans l'impossibilité d'apprécier la réalité de son état ; qu'elle évoque aussi son « absence de discernement » mais ne prétend pas que son consentement aurait été vicié, ce qui impliquerait la nullité du contrat en application des Articles 1109 et suivants du Code Civil ;
[minute page 5] Attendu qu'il convient seulement de rechercher si, en dépit de sa maladie, Madame X. a pu sciemment faire la déclaration litigieuse ;
Attendu qu'à cet égard la Cour, comme le Tribunal prendra en considération les éléments soulignés par la Compagnie UNI EUROPE :
- la qualité de médecin de l'assuré justifiant d'un niveau de connaissance adapté pour apprécier la gravité d'un état pathologique,
- le fait qu'à l'époque de la déclaration Madame X. avait repris ses études pour l'obtention d'un certificat de réparation du préjudice corporel et a été reçue à la première année (1989-1990),
- le caractère limité de la curatelle aux opérations immobilières ;
Attendu que ces circonstances démontrent que Madame X. suffisamment consciente de son état, a délibérément dissimulé l'arrêt de travail dont elle bénéficiait depuis cinq ans lorsqu'elle a déclaré être exempte de toute maladie grave, chronique ou congénitale ;
Attendu que les autres conditions d'application de l'article L. 113-8 du Code des Assurances et les conséquences de la nullité du contrat ne sont pas discutées par Madame X. ;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer le Jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'en application de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile Madame X. versera à la Compagnie UNI EUROPE la somme supplémentaire de 5.000 Francs;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable mais mal fondé,
Confirme en toutes ses dispositions le Jugement prononcé le 17 février 1997 par le Tribunal de Grande Instance de TARBES,
[minute page 6] Y ajoutant,
Condamne Madame X., assistée de Monsieur Y., à payer à la Compagnie UNI EUROPE la somme supplémentaire de 5.000 Francs sur le fondement de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La condamne aux dépens.
AUTORISE, conformément aux dispositions de l'Article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Maître MARBOT, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le Greffier G. GENSOU. Le PRÉSIDENT J.-P. SELMES.