T. COM. PAU, 10 juin 1998
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 642
T. COM. PAU, 10 juin 1998 : RG n° 97/000515
(sur appel sur appel CA Pau (2e ch. 1), 6 déc. 2001 : RG n° 00/03333)
Extrait : « Attendu que Mme X. n'apporte aucune preuve établissant que le contrat a été établi dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile. Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de retenir les dispositions de la Loi du 22 décembre 1972. »
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU
JUGEMENT DU 10 JUIN 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 97/000515.
DEMANDEUR(S) :
LOCAM SA
[adresse], REPRÉSENTANT(S) : Maître BRIN
DÉFENDEUR(S) :
Madame X.
[adresse], REPRÉSENTANT(S) : SCP ABADIE GABET
COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT : A. LAUFER.
JUGES : J.P. DUDON – J.C. PARDO.
GREFFIER : I. SARTHOU.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Attendu que suivant exploit de Maître Y., huissier de justice à [ville], en date du 24 janvier 1997, la SA LOCAM a fait donner assignation à Madame X., pour l'entendre condamner au paiement :
- de la somme de 26.770,39 francs outre les intérêts légaux et autres accessoires de droit ;
- la somme de 2.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- des entiers dépens ;
Pour entendre ordonner l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant opposition ou appel et sans caution.
LES FAITS :
Un contrat de location a été établi entre la SA LOCAM et Madame X. en date du 14 janvier 1993 d'un montant frais et agios compris de 32.448,96 Francs remboursable en 48 mensualités de 676,02 Francs chacune s'échelonnant du 30 février 1993 au 30 janvier 1997 destiné à financer le matériel de télésurveillance.
Au terme de l'article 6 du contrat location il a été expressément convenu que le défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance et faute d'un règlement dans les huit jours d'une mise en demeure la totalité des sommes dues deviendra de plein droit immédiatement exigible et que la SA LOCAM ou son subrogé pourra en poursuivre le recouvrement par toutes voies et tous moyens.
Plusieurs échéances sont demeurées impayées et n’ont pas été réglées dans les huit jours de la mise en demeure.
Les sommes dues s'élèvent à 12 loyers échus impayés avec clause pénale de 10 % et 24 loyers à échoir avec clause pénale de 10 %, total des sommes dues 26.770,39 Francs, outre intérêts de retard, accessoire de droit, frais de procédure.
PROCÉDURE ET PRÉTENTION DES PARTIES :
- Le 24 janvier 1997 la société LOCAM a assigné Madame X. devant le Tribunal de Commerce de Pau.
La SA LOCAM demande :
- de condamner Madame X. à lui payer la somme de 26.770,39 Francs outre les intérêts légaux et autres accessoires de droit ;
- condamner Madame X. au paiement de la somme de 2.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC ;
- entendre, dire le jugement à intervenir exécutoire ;
- condamner Madame X. aux dépens ;
Madame X. demande :
- de faire droit à l'exception de litispendance qu'elle a soulevée.
- subsidiairement que le Tribunal se déclare incompétent au profit du Tribunal d'Instance.
- subsidiairement déclarer prescrite l'action engagée par la Société LOCAM.
- subsidiairement dire que la Société LOCAM n'a pas capacité pour agir en justice à l'encontre de Madame X.
- subsidiairement débouter la Société LOCAM de l'ensemble de ses demandes.
- reconventionnellement la condamner à 20.000 Francs à titre de dommages et intérêts.
- [minute page 3] la condamner à 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens.
MOYEN DES PARTIES :
La Société LOCAM prétend :
- Que bien plutôt que devoir perdurer la procédure sur des moyens de pure forme la société LOCAM a préféré reprendre son action devant le Tribunal de Commerce de Pau nonobstant des clauses attributives de compétence qui figurent dans ces contrats et à faire rayer l'affaire du rôle du tribunal de commerce de Saint Étienne.
- Qu'il convient d'examiner les moyens opposés sur le fond.
- Qu'il n'y a pas à revenir sur l'argumentation tirée par Madame X. de sa volonté de voir le litige connu du Tribunal d'Instance puisque c'est elle même qui s'est placée sous le bénéfice du Tribunal de Commerce de Pau.
- Que son empressement à appeler à son secours les lois sur le démarchage ou le code de la consommation sont tout autant dénués d'intérêts que ces exceptions d'incompétences ou de litiges pendant.
- Que le contrat qu'elle a conclu avec la société LOCAM n'est pas une convention de crédit mais une convention de location pure et simple souscrit pour les besoins de son commerce.
- Qu'il a en effet à juste titre été rappelé par la cour d'appel de Lyon dans un arrêt du 20 juin 1997 que l'installation d'une télésurveillance est manifestement en relation directe avec l'activité professionnelle puisqu'elle vise à protéger ses mêmes locaux de toutes intrusions.
- Que la meilleure preuve en est d'ailleurs donné par Madame X. puisqu'elle critique le contrat de télésurveillance qu'elle a régularisé avec la société PROTEXT dès lors qu'elle a été victime d'un cambriolage dans la nuit du 16 au 17 avril 1993.
- Qu'elle a donc bien fait équiper son pressing de cette télésurveillance parce qu'elle redoutait que son activité professionnelle soit perturbée par un cambriolage.
- Quant à ce qui touche aux contestations qu’elle élève contre la société PROTEXT, il lui sera rappelé là encore des dispositions qui ne sont pas spécifiques à la cour d'appel de Lyon mais qui relève tout autant que l'arrêt du 20 juin 1997 précité des moyens retenus désormais par la cour de cassation. Qu'il a en effet été jugé « qu'en raison même de ce que le contrat de location financière n'était que l'accessoire du contrat de fourniture de prestation de service la résiliation de ce même contrat financier ne pouvait trouver sa source que dans la constatation préalable de la résolution du contrat principal ».
- Qu'il est patent que Madame X. n'a jamais entrepris quelque procédure que ce soit avec la société PROTEXT.
- Qu'elle n'avait pourtant pas manqué d'écrire à cette même société dès 1993.
- Qu'il lui appartenait de mettre en œuvre les procédures qui s'imposaient et ce alors même qu'elle a été assignée pour la première fois devant le Tribunal de Commerce de Saint-Étienne le 28 février 1995.
- Que puisqu'elle continue à ne pas vouloir connaître la société LOCAM, lui sera produit le courrier qu'elle lui adressait le 17 décembre 1993 pour répondre à une mise en demeure d'avoir à régler les échéances de septembre, octobre et novembre 1993.
- Qu’à cette époque donc elle avait parfaitement fait la distinction entre ce qui était litige avec PROTEXT et contentieux avec la société financière.
Madame X. prétend :
- [minute page 4] Qu'il convient tout d'abord de porter à la connaissance du Tribunal que Madame X. avait fait l'objet d'une assignation devant le Tribunal de Commerce de Saint Étienne en date du 28 février 1995
- Qu'ainsi la concluante est bien fonde à soulever l'exception de litispendance en vertu de l'article 100 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- Qu’en effet cet article stipule « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office. »
- Que subsidiairement le Tribunal de Commerce n'a pas compétence en l'espèce.
- Qu'en effet, le litige est relatif à un « contrat de mise à disposition de matériel de sécurité avec maintenance » au titre d'un contrat de télésurveillance qui a été présenté à Madame X., qui exploite une blanchisserie, par la Société PROTEXT.
- Que ce contrat a été établi dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile
- Que les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection du Consommateur en matière de démarchage et de vente à domicile n'ont pas été respectées, alors même que Madame X. peut en bénéficier (en ce sens Cass. civ. 25 mars 1992).
- Qu'aux termes de l'article L. 311-37 alinéa 1 du Code de la Consommation « Le tribunal d'Instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions formées devant lui doivent être formées dans les deux ans de l'évènement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ».
- Qu'ainsi le Tribunal de Commerce n'a pas compétence pour avoir connaissance de ce litige.
- Que si par extraordinaire, le tribunal de commerce se reconnaissait compétent, il ne pourrait alors que constater la forclusion de l'action engagée par la SA LOCAM, le délai prévu par le code de la consommation étant un délai préfix qui n'est susceptible ni d'interruption, ni de suspension.
- Que la saisie d'un Tribunal incompétent n'interrompt pas le délai de deux ans auquel il ne saurait être substitué la prescription décennale au simple motif que l'assignation est portée devant le Tribunal de Commerce.
- Que de toute manière la Société LOCAM n'a aucune qualité pour agir à l'encontre de Madame X.
- Qu'en fait Mme X. avait traité avec la Société PROTEXT un contrat de télésurveillance.
- Qu'en réalité derrière la présentation de contrat de télésurveillance, se dissimule une location de matériel.
- Que Madame X. ne connaît pas la Société LOCAM.
- Qu'elle n'a jamais accepté le transfert du contrat à cette société ainsi qu'en témoigne le double qui lui a été transmis par la société PROTEXT le 3 mai 1994 et qui montre bien que « l'acte de transfert » n'a pu être complété par les Sociétés COFILEASE et LOCAM que postérieurement à cette date.
- Qu'en Madame X. avait résilié le contrat qui la liait à la Société PROTEXT
- Que cette résiliation provient de la défaillance du matériel et/ou du responsable de la télé-écoute, puisque lors d'un cambriolage dans la nuit du 16 au 17 avril 1993, aucune intervention n'a été effectuée.
- Qu'ainsi les demandes formulées par la Société LOCAM sont dénuées de tout fondement.
- Que les poursuites abusives et infondées de la Société LOCAM sont particulièrement préjudiciables à Madame X. d'autant plus que l'effraction dont a été victime Madame X. aurait pu être évitée si la Société de surveillance avait eu une quelconque efficacité.
- [minute page 5] Que si par extraordinaire, les prétentions de LOCAM étaient accueillies, il sera alloué à titre reconventionnel à Madame X. la somme de 20.000 Francs à titre de dommages et intérêts, la responsabilité du cocontractant défaillant dans l'exécution de sa mission était engagée (en ce sens CA Bordeaux, 17 décembre 1992).
- Qu'il ne serait pas équitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour assurer sa défense et qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 6.000 Francs.
1° - SUR LA COMPÉTENCE TERRITORIALE :
- Que c'est avec satisfaction que Madame X. prend acte que la Société LOCAM a purement et simplement abandonné l'action qu'elle avait intentée devant le Tribunal de Saint-Étienne et qu'elle a intenté une nouvelle action devant le Tribunal de Commerce de Pau.
2° - SUR L'INCOMPÉTENCE MATÉRIELLE :
- Qu'il est erroné de dire que Madame X. s'est placée sous le bénéfice du Tribunal de Commerce de Pau.
- Que la précédente procédure dont il est fait état est inopérante en ce qui concerne la procédure en cours.
- Qu'en conséquence, Madame X. est parfaitement fondée à soulever l'incompétence matérielle du Tribunal de Commerce de Pau au profit du Tribunal d'Instance, seul compétent.
3° - SUR L’APPLICATION DU CODE DE LA CONSOMMATION :
- Que l'arrêt de la Cour de Cassation dont il est fait référence ne modifie pas la position de la Jurisprudence de la Cour de Cassation en la matière.
- Qu'en effet, le Code de la Consommation vise l'existence d'un lien direct entre l'objet du démarchage et l'activité du professionnel démarché.
- Que si la Cour a pu considérer qu'un agent d'assurance habitué à négocier des contrats pouvait être considéré comme un professionnel par rapport à la souscription d'un contrat de location de journaux lumineux, on ne saurait prétendre que l'exploitant d'une blanchisserie soit un professionnel de la souscription des contrats.
- Que Madame X. est ainsi bien fondée dans les moyens qu'elle soulève.
- Qu'elle est d'autant plus novice que les différents changements de nomination, de présentation, de transfert de contrats et autres manœuvres des différentes sociétés sont de nature, sinon destinés, à l'induire en erreur.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LE TRIBUNAL :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de retenir l'exception de litispendance en vertu de l'article 100 du Nouveau Code de Procédure Civile puisque l'action entreprise par devant le Tribunal de Saint Etienne a été radiée.
Attendu que le Tribunal de Commerce de PAU est donc compétent.
Attendu que Mme X. n'apporte aucune preuve établissant que le contrat a été établi dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile.
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de retenir les dispositions de la Loi du 22 décembre 1972.
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de retenir la forclusion de l'action engagée par la SA LOCAM.
Attendu d'autre part que le contrat de mise à disposition de matériel de sécurité avec maintenance signe entre la Société PROTEXT et Mme X. précise « Réservé professionnels ».
[minute page 6] Attendu que Mme X. affirme, à tort, ne pas connaître la SA LOCAM, puisqu'elle a signé le 14 janvier 1993, un contrat de location longue durée avec cette société, contrat faisant partie des pièces présentées par cette société.
Attendu que par courrier du 17 décembre 1993, Mme X. précisait à la SA LOCAM, qu'elle réglait trois mois de loyer en retard et qu'elle adresserait un chèque chaque fin de mois suivant jusqu'au règlement du procès qu'elle intentait envers la Société PROTEXT.
Attendu que Mme X. n'a jamais entrepris de procédure avec la Société PROTEXT.
Attendu que Mme X. n'a pu apporter la preuve que selon ses dires, elle aurait signé et tamponné l'acte de transfert en blanc.
Attendu qu'il convient de condamner, Mme X. à payer à la SA LOCAM, la somme de 26.770,30 frs outre les intérêts légaux et autres nécessaires de droit.
Attendu que l'exécution provisoire sera ordonnée.
Attendu en outre, que Mme X. sera condamnée payer à la SA LOCAM une somme de 2.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que le Tribunal a déclaré qu'il serait statué sur son délibéré à l'audience du 14 Janvier 1998 et que ce dernier a été prorogé au 10 juin 1998.
Attendu que la partie qui succombe est condamnée aux entiers dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal après en avoir délibéré conformément à la loi statuant publiquement contradictoirement et en premier ressort,
Après avoir entendu Monsieur le Juge Rapporteur en son rapport verbal,
Se déclare compétent pour juger de la chose,
Condamne Mme X. à payer à la SA LOCAM,
La somme de VINGT SIX MILLE SEPT CENT SOIXANTE DIX FRANCS TRENTE NEUF CENTIMES, outre les intérêts légaux et autres accessoires de droit,
[minute page 7] Ordonne l'exécution provisoire du jugement nonobstant opposition ou appel et sans caution,
Condamne en outre, Mme X. à payer à la SA LOCAM, la somme de DEUX MILLE FRANCS sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La condamne enfin, aux entiers dépens dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de TROIS CENT SOIXANTE DIX HUIT FRANCS QUATRE VINGT DIX NEUF CENTIMES, en ce compris l'expédition de la présente décision,
Moyennant ce, déboute les parties du surplus de leurs conclusions,
La minute du présent jugement est signée par le Président de Chambre et le Greffier Audiencier.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER
A. LAUFER I. SARTHOU