CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 18 octobre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6550
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 18 octobre 2016 : RG n° 13/04831 ; arrêt n° 2016/313
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2016-022242
Extrait : « Considérant qu'il s'en évince, que le vol - dont l'assureur ne remet pas en cause la réalité (page 5, 3ème § de ses conclusions) - est défini au contrat comme la soustraction frauduleuse du bien assuré commise avec effraction et dès lors l'énumération des conditions matérielles auxquelles l'assureur soumet la reconnaissance de l'effraction du véhicule, dans l'hypothèse où le véhicule est retrouvé après le règlement de l'indemnité ne constitue pas une exclusion de garantie mais une condition de celle-ci ;
Considérant cependant, que sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement, comme en l'espèce, limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors, d'une part, qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre et que, d'autre part, le mode de preuve restrictif et qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules ainsi imposé aux consommateurs contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;
Que l'assureur n'invoque aucun motif légitime à cette restriction de la preuve et dès lors, il convient de constater le caractère abusif et de réputer non écrites les dispositions citées ci-dessus en ce qu'elle impose à l'assuré dont le véhicule est retrouvé, de prouver une effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU18 OCTOBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/04831. Arrêt n° 2016/313 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 décembre 2012 - Tribunal d'Instance de Saint-Denis (93200) - R.G. n° 12/000839.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], Représentée et assistée par Maître Emmanuel L., avocat au barreau de PARIS, toque : C2020 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE :
Mutuelle MACIF
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, N° SIRET : XX, Représentée par Maître Pascale B., avocat au barreau de PARIS, toque : D0140, Assistée de Maître Vanessa R. du cabinet B.-C. & R., avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : B04
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, Monsieur Christian BYK, Conseiller, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 22 mars 2011, Mme X. a déposé une plainte pour le vol de son véhicule Renault Megane Scenic, immatriculé XX et elle a sollicité la garantie de son assureur, la MACIF, qui l'a indemnisée à hauteur de 4.950 euros, correspondant à la valeur de remplacement, déduction faite de la franchise contractuelle.
Le 12 octobre 2011, les services de police ont informé Mme X. de la découverte de son véhicule, que la MACIF a fait examiner par son expert, le cabinet C., le 2 décembre 2011. Dans son rapport, le technicien relève un choc latéral gauche sur la voiture, dont le coût de réparation est évalué à 3.951,67 euros et précise ne pas avoir trouvé de trace d'effraction au niveau du barillet de la porte avant gauche ni sur le système de mise en route. Le 13 janvier 2012, l'assureur a fait dresser un procès-verbal de constat, l'huissier instrumentaire relevant l'absence d'effraction au niveau du barillet de la porte avant-gauche ainsi que la possibilité de débloquer l'antivol de direction avec les deux cartes (de démarrage) qui étaient présentes dans le véhicule.
C'est dans ce contexte, que le 7 février 2012, la MACIF a, en vain, mis en demeure Mme X. de rembourser l'indemnité versée faute de preuve d'une effraction, puis, par acte en date du 8 juin 2012, a engagé une action devant le tribunal d'instance de Saint-Denis.
Par jugement en date du 17 décembre 2012 ce tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné Mme X. à payer à la MACIF la somme de 4.950 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision et aux dépens, rejetant le surplus des demandes présentées par la MACIF et disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 8 mars 2013, Mme X. a interjeté appel de cette décision et, par conclusions du 4 juin 2013, elle demandait à la cour sous divers dire et juger reprenant ses moyens, d'infirmer la décision déférée et de condamner la MACIF à l'indemniser et subsidiairement, d'ordonner une mesure d'expertise. En tout état de cause, son conseil réclamait la somme de 3.000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et Mme X. sollicitait la condamnation de l'intimée aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions signifiées du 31 juillet 2013, la MACIF soutenait la confirmation du jugement en ce qu'il entre en voie de condamnation à son profit et son infirmation pour le surplus, sollicitant la condamnation de Mme X. au paiement de la somme de 707,79 euros, sauf à parfaire au titre des frais de gardiennage arrêté au 15 mars 2012, l'autorisation de faire procéder à la destruction du véhicule, en l'absence de sa reprise par Mme X. après remboursement de l'indemnité d'assurance, et la condamnation de l'intimée au paiement d'une indemnité de procédure de 2.500 euros et aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par un premier arrêt en date du 16 décembre 2014, la cour a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. H., celui-ci devant déterminer « si le véhicule litigieux a fait l'objet d'une effraction telle que décrite au contrat et fournir à la cour tous éléments permettant de statuer en connaissance de cause ».
Le technicien a déposé un rapport de carence, évoquant la cession par l'assureur du véhicule de Mme X.
Par un second arrêt du 31 mai 2016, la cour a rouvert les débats afin que les parties concluent sur :
- la régularité des articles 5-A-1 et 5-C des conditions générales de la police d'assurance au regard des dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précise que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur
- la charge de la preuve des éléments de fait établissant l'absence d'effraction, la cour étant saisie d'une action en répétition de l'indu ;
- l'application de l'article 11 du code de procédure civile, dans l'hypothèse où la preuve de la date alléguée de la cession du véhicule litigieux ne serait pas justifiée.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 29 août 2016, les parties répondent aux moyens de droit soulevés par la cour et reprennent leurs demandes présentées dans leurs écritures précédentes, à l'exception, pour la MACIF de sa demande principale ramenée à la somme 3695 euros, l'assureur venant déduire de sa demande initiale la somme reçue en contrepartie de la cession du véhicule, le 1er octobre 2012 et de sa demande d'injonction sous astreinte à Mme X. de reprendre son véhicule.
La clôture est intervenue, le 29 août 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que Mme X. soutient que la clause dite de « vol avec effraction », constitue une exclusion de garantie, qui lui est inopposable, faute de figurer au contrat en caractères très apparents et faute pour l'assureur de prouver de manière irréfutable, par des moyens de preuve contradictoires, la réunion des conditions de fait de cette exclusion ; que la MACIF lui oppose les dispositions contractuelles qui instituent les conditions de sa garantie, disant que l'expert puis l'huissier qu'elle a commis ont constaté l'absence de forcement de la direction ainsi que l'absence d'effraction tant au niveau du barillet d'ouverture de la porte avant gauche qu'au niveau du système de mise en route ; qu'elle ajoute que la clause concernée n'a ni pour objet ni pour effet de limiter les moyens de preuve de l'effraction dont disposent les parties au contrat ; qu'elle prétend rapporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'effraction des organes de mise en route ou de direction et en dernier lieu, dit justifier de la vente du véhicule en octobre 2012, soit avant le prononcé de l'arrêt ordonnant une mesure d'expertise ;
Considérant que la garantie due par l'assureur est, au titre de l'article 5-A-1 (vol total du véhicule) des conditions générales :
- la disparition du véhicule assuré et de ses accessoires par : soustraction frauduleuse (article 311-1 du code pénal)
(...)
- si le véhicule est retrouvé :
les détériorations du véhicule assuré et de ses accessoires, s'il est prouvé qu'il y a eu forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en état de fonctionnement ;
ce texte étant suivi, en page 28, de l'indication dans un encadré grisé : « attention le vol sans effraction du véhicule n'est pas garanti. »
Que dans l'hypothèse de la découverte du véhicule volé, après le paiement de l'indemnité d'assurance, l'article 5-C stipule que le véhicule devient propriété de l'assureur et que « toutefois, si votre véhicule est retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) la garantie vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l'indemnité déjà versée » ;
Considérant qu'il s'en évince, que le vol - dont l'assureur ne remet pas en cause la réalité (page 5, 3ème § de ses conclusions) - est défini au contrat comme la soustraction frauduleuse du bien assuré commise avec effraction et dès lors l'énumération des conditions matérielles auxquelles l'assureur soumet la reconnaissance de l'effraction du véhicule, dans l'hypothèse où le véhicule est retrouvé après le règlement de l'indemnité ne constitue pas une exclusion de garantie mais une condition de celle-ci ;
Considérant cependant, que sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement, comme en l'espèce, limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors, d'une part, qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre et que, d'autre part, le mode de preuve restrictif et qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules ainsi imposé aux consommateurs contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;
Que l'assureur n'invoque aucun motif légitime à cette restriction de la preuve et dès lors, il convient de constater le caractère abusif et de réputer non écrites les dispositions citées ci-dessus en ce qu'elle impose à l'assuré dont le véhicule est retrouvé, de prouver une effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) ;
Considérant que recherchant à voir répéter un paiement indu, la MACIF supporte la charge de la preuve d'un paiement par erreur or, les pièces qu'elle produit - par ailleurs établies de façon non contradictoire - ne tendent qu'à démontrer l'absence de forcement des organes de mise en route ou de direction et non l'absence d'effraction accompagnant le vol dont l'assureur avait admis qu'elle était suffisamment prouvée puisqu'il avait spontanément versé l'indemnité d'assurance ;
Considérant que la MACIF qui échoue dans la preuve qui lui incombe doit être déboutée de sa demande de restitution de l'indemnité d'assurance, la décision déférée devant être infirmée sur ce point ;
Considérant que la demande de l'assureur de voir régler les frais de gardiennage pour un véhicule dont il était devenu propriétaire en exécution des stipulations de sa police, ne peut pas prospérer, la décision déférée devant être confirmée en ce qu'elle rejette cette demande ;
Considérant que la MACIF partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; qu'intervenant au titre de l'aide juridictionnelle et sollicitant l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le conseil de Mme X. se verra allouer au titre de ses diligences une somme de 3.000 euros, somme dont il ne pourra poursuivre le recouvrement qu'à l'encontre de la MACIF ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Saint-Denis en date du 17 décembre 2012 en ce qu'il a condamné Mme X. à payer à la MACIF la somme de 4.950 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision et aux dépens et le confirmant pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la MACIF de sa demande de remboursement de l'indemnité d'assurance ;
Condamne la MACIF au paiement de la somme de 3.000 euros au profit de Maître Emmanuel L. (Selarl M. & Associés) avocat désigné de Mme X., sous réserve qu'il renonce effectivement à percevoir la contribution de l'État, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Condamne la MACIF aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les modalités légales et réglementaires relatives à l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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