CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 1er juin 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6558
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 1er juin 2016 : RG n° 14/00997
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que la réponse à la seconde question n'a pas d'intérêt pour les affiliés, sinon pour les fournisseurs et éventuellement le Ministre de l'Economie, des Finances et du Numérique comme la loi le prévoit dans l'article L. 442-6 III du Code de commerce ; que pour ce qui les concerne, les affiliés doivent pouvoir vérifier les informations qui lui sont données par la centrale conformément aux dispositions du contrat d'affiliation et savoir pour quel montant exact les sommes versées par les fournisseurs au titre des «services de coopération» ont été prises en compte, en l'espèce à tort, pour le calcul des RRR à reverser aux affilés ;
qu'en effet, selon l'article 2 du contrat d'affiliation, la centrale, en tant que mandataire des affiliés doit remettre à ses mandants les conditions d'achat qu'elle a obtenues, ainsi que les rémunérations que ces fournisseurs lui ont versées ; que la société Jardiland doit fournir ainsi les renseignements qu'elle s'est engagée contractuellement à donner ; que cependant, selon les termes du rapport d’expertise amiable en date du 21 juin 2012 réalisée après un travail sur une dizaine de fournisseurs et sur trois ans, les experts Messieurs C., L. et N. ont conclu que « la présentation de l'avoir de rétrocession n'est pas assez transparente, qu'il est quasiment impossible pour le franchisé de vérifier les informations. » et que seul l'examen du grand livre comptable de la société Jardiland et de la balance générale permettrait de vérifier quel est le montant exact des sommes versées par les fournisseurs à la centrale ; qu'en outre, Jardiland a donné des chiffres différents de ceux que son commissaire aux comptes a certifiés ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 1er JUIN 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/00997 (16 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 décembre 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 10/000656.
APPELANTES :
SARL OGOUE
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François T., avocat au barreau de PARIS, toque : J125,Ayant pour avocat plaidant Maître Serge M., avocat au barreau de PARIS, toque : P0166
SARL GAMBA
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : YYY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François T., avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Ayant pour avocat plaidant Maître Serge M., avocat au barreau de PARIS, toque : P0166
SAS GARDEM
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : ZZZ, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François T., avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Ayant pour avocat plaidant Maître Serge M., avocat au barreau de PARIS, toque : P0166
SARL IGUELA
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : WWW, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François T., avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Ayant pour avocat plaidant Maître Serge M., avocat au barreau de PARIS, toque : P0166
SARL OGOUE
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : VVV, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François T., avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Ayant pour avocat plaidant Maître Serge M., avocat au barreau de PARIS, toque : P0166
INTIMÉE :
SASU JARDILAND ENSEIGNES
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : UUU, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Frédérique E., avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, Ayant pour avocat plaidant Maître Gilles M., avocat au barreau de PARIS, toque : C0438
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Monsieur François THOMAS, Conseiller, qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise COCCHIELLO dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I/ FAITS ET PROCÉDURE :
Le groupe JARDILAND est spécialisé dans la jardinerie. Elle exploite plusieurs enseignes JARDILAND, ESPRIT JARDILAND et VIVE LE JARDIN. Elle a acquis l'enseigne Vive le Jardin au début de l'année 2008. Le groupe exploite 95 magasins en propre et 117 magasins en franchise. Le groupe Jardiland a absorbé au premier janvier 2007 la centrale d'achat Semaphor.
La famille LE B. a constitué, entre 1987 et 2008 les sociétés GARDEM, OZOURI, OGOUE, IGUELA et GAMBA, exploitant chacune un magasin spécialisé dans la jardinerie (ci-après groupe LE B.) sous enseigne Vive le Jardin depuis 2006. Les sociétés avaient un partenariat avec la société Semaphor.
Le 2 juillet 2008, ces cinq sociétés du groupe Le B. ont signé avec la société JARDI ENSEIGNES (désormais Jardiland Enseignes dite dans cet arrêt Jardiland)) un contrat de franchise d'une durée de 5 ans, entrant en vigueur le 1er janvier 2008 et s'achevant le 31 décembre 2012, pour exploiter leur magasin sous enseigne VIVE LE JARDIN. Concomitamment, elles ont signé un contrat d'affiliation leur permettant de se fournir directement auprès des fournisseurs référencés par la centrale du groupe JARDILAND.
Par courrier du 23 décembre 2009, la société Jardiland a proposé à ses franchisés VIVE LE JARDIN de passer sous enseigne JARDILAND ou ESPRIT JARDILAND et de signer un nouveau contrat de franchise, étant précisé que les contrats en cours se poursuivraient jusqu'à leur terme pour ceux qui souhaitaient rester sous l'enseigne VIVE LE JARDIN.
Par courrier du 31 mars 2010, les cinq sociétés du groupe LE B. ont résilié le contrat, de franchise et le contrat d'affiliation avec effet au 30 septembre 2010.
Le 27 avril 2010, la société Jardiland a contesté la dénonciation des contrats.
Par acte en date du 25 juin 2010, la société Jardiland a assigné les cinq sociétés devant le tribunal de commerce de Paris à qui elle demandait d'ordonner la poursuite des contrats jusqu'à leur terme.
Estimant que la société Jardiland n'avait pas respecté ses engagements, notamment les obligations contractuelles de reversement des ristournes fournisseurs, les cinq sociétés ont, par acte du 20 juillet 2010 assigné Jardiland en résolution judiciaire du contrat.
Les instances ont été jointes.
En définitive, les contrats ont été exécutés jusqu'à leur terme ; les sociétés du groupe Le B. ont adressé un courrier recommandé le 11 juin 2011 à Jardiland pour indiquer qu'elles entendaient résilier les contrats à échéance du 31 décembre 2012.
Par jugement en date du 18 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :
- Débouté les SARL OZOURI, SARL SAMBA, SAS GARDEM, SARL IGUELA et SARL OGOUE de l'ensemble de leurs demandes,
- Débouté la SAS JARDI ENSEIGNES de ses demandes reconventionnelles,
- Condamné les SARL OZOURI, SARL GAMBA, SAS GARDEM, SARL IGUELA et SARL OGOUE a payer chacune a la SAS JARDI ENSEIGNES la somme de 2.000 euros au litre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- Condamné les SARL OZOURI, SARL GAMBA, SAS GARDEM, SARL IGUELA et SARL OGOUE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquides à la somme de 175,46 euros dont 28,54 euros de TVA.
Vu l'appel interjeté le 15 janvier 2014 par SARL OZOUR/ SARL GAMBA/ SAS GARDEM/ SARL IGUELA/ SARL OGOUE devant la cour d'appel de Paris ;
II/ DEMANDES DES PARTIES :
a/ L'appelant : SARL OZOUR/ SARL GAMBA/ SAS GARDEM/ SARL IGUELA/ SARL OGOUE :
Vu les dernières conclusions de SARL OZOUR/ SARL GAMBA/ SAS GARDEM/ SARL IGUELA/ SARL OGOUE signifiées le 29 mars 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 1134, 1149, 1150 et 1993 du code civil.
Vu le code de déontologie européen de la franchise
Infirmer le jugement rendu le 18 décembre 2013 par le tribunal de commerce de Paris.
Débouter la société JARDILAND de toutes ses demandes,
Dire et juger que la société JARDILAND a commis des fautes qui engagent sa responsabilité contractuelle pour avoir procédé à la fermeture du réseau de franchise VIVE LE JARDIN en cours de contrat, pour avoir, de ce fait, porté atteinte à la notoriété de la marque et de l'enseigne franchisée, pour avoir supprimé les MDD VIVE LE JARDIN dès 2008, pour avoir fait migré plus de 90% des magasins franchisés VIVE LE JARDIN dans le réseau de franchise concurrent JARDILAND, pour ne pas avoir développer le réseau VIVE LE JARDIN et sa notoriété comme elle s'y était obligée contractuellement, pour avoir appauvri le réseau de franchise VIVE LE JARDIN en lui retirant les matériels nécessaires à son maintien et à son développement moyens humains, pour avoir cessé toute publicité de notoriété nationale sur la marque et le réseau VIVE LE JARDIN dès 2010, trois ans avant le terme des contrats et pour avoir contraint les concluantes à rester dans ce réseau en cours de fermeture jusqu'à l'échéance des contrats soit jusqu'au 31 décembre 2012 en refusant leur départ amiable anticipé,
Condamner en conséquence la société JARDILAND à indemniser les sociétés GARDEM, OZOURI, OGOUE, IGUELA, GAMBA de leurs préjudices qui sera évalué à la somme de 828.000 euros + 126.000 euros = 954.000 euros,
Dire et juger que la société JARDILAND doit reverser aux sociétés GARDEM, OZOURI, OGOUE, IGUELA, GAMBA la totalité des remises, rabais et ristournes consenties sur volume et/ou objectif versées par les fournisseurs référencés au titre des achats de produits effectués ou au titre des services correspondants à une prestation en magasin rendus par les dites sociétés, tel que stipulé à l'article 5 du contrat d'affiliation,
Dire et juger que la société JARDILAND doit rendre compte du mandat de gestion du reversement des RFA et des rémunérations de services qu'elle a négocié auprès des fournisseurs pour les magasins franchisés, dont les concluantes, et pour elle-même en tant que centrale, mais aussi de toutes les rémunérations qu'elle a reçu de ces fournisseurs à quelque titre que ce soit, en application de l'article 2.1 du contrat d'affiliation et de l'article 1993 du code civil,
Dire et juger que la société JARDILAND ne justifie pas du bienfondé des 53.632.720 euros qu'elle s'est attribuée de 2008 à 2012 sous l'appellation « part centrale », somme qui a diminué d'autant la part des RFA et rémunération de services à reverser aux magasins franchisés,
Condamner en conséquence la société JARDILAND à reverser, par provision, les sommes de :
- 80.613 euros à la société GAMBA
- 146.536 euros à la société GARDEM
- 165.516 euros à la société OZOURI
-164.598 euros à la société OGOUE
- 72.402 euros à la société IGUELA
Et pour le surplus,
Ou subsidiairement,
Désigner un expert avec mission :
- De prendre connaissance de toutes les conventions passées entre la société JARDILAND ENSEIGNES et les fournisseurs du réseau VIVE LE JARDIN/JARDILAND du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2012, d'entendre tout sachant qu'il jugera utile de rencontrer, se rendre en tous lieux et se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,
- De dire si les sommes perçues par JARDILAND en « part centrale » correspondent à des rémunérations de services effectivement rendus par JARDI ENSEIGNES aux fournisseurs en sa qualité de centrale, décrire lesdits services et dire si les sommes perçues à ce titre correspondent à des contreparties réelles et ne sont pas disproportionnées au regard de la valeur des services rendus auxdits fournisseurs,
- De comparer, en valeur absolue et en pourcentage, la rémunération des services rendus par le franchiseur en « part centrale » agissant pour son seul compte en qualité de centrale, avec les remises, rabais, ristournes et rémunérations de services rendus par les magasins franchisés, qui ont été négociés par le franchiseur JARDILAND avec les fournisseurs, pour leurs comptes,
- De vérifier si JARDILAND dans ses négociations avec les fournisseurs n'a pas transféré en « part centrale » à son profit une partie des RFA et des rémunérations de services devant revenir aux magasins franchisés,
- De vérifier si l'augmentation de 57 % des conditions commerciales négociées par JARDILAND pour elle-même au titre de la « part centrale » ou à tout autre titre entre 2006 et 2012 est justifiée par des contreparties réelles et proportionnelles,
- De vérifier et de dire si les remises, rabais, ristournes et les rémunérations de services en provenance des fournisseurs à destination des franchisés du groupe VIVE LE JARDIN/JARDILAND ont bien été reversés en totalité par JARDILAND prise en sa qualité de mandataire des franchisés-affiliés, selon les conditions visées aux contrats de coopération commerciale négociés par JARDILAND avec lesdits fournisseurs,
- De vérifier et de dire si la « part centrale » prélevée par JARDILAND a amputé ou non et si oui de combien, la part des avantages commerciaux globaux alloués par les fournisseurs au réseau des magasins VIVE LE JARDIN,
- D'établir, en tant que de besoins, les comptes de reversement des RFA et des rémunération de services entre les sociétés GARDEM, OZOURI, OGOUE, IGUELA et GAMBA et JARDILAND, selon le résultat de ses investigations,
Dire que les frais de l'expertise seront à la charge de JARDILAND qui est débitrice de l'obligation,
Condamner JARDILAND à déposer au greffe du tribunal de commerce ses comptes sociaux et les rapports de son commissaire aux comptes pour les exercices 2006 à 2012 sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt,
Condamner la société JARDILAND au paiement de la somme de 10.000 euros au bénéfice de chacune des 5 sociétés concluantes, soit la somme de 50.000 euros globalement, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154 du code civil à compter du 20 juillet 2010, date de l'assignation valant mise en demeure,
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître T., Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
b/ L'intimé : SASU JARDILAND ENSEIGNES
Vu les dernières conclusions de SASU JARDILAND ENSEIGNES signifiées le 18 mars 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Déclarer mal fondé l'appel interjeté par les sociétés OZOURI, GAMBA, IGUELA GARDEM et OGOUE,
Les en débouter,
A. SUR LES DEMANDES DES SOCIÉTÉS DU GROUPE LE B.
(i) sur la demande de dommages et intérêts de 954.000 euros :
Vu les contrats de franchises et d'affiliation
Vu les articles 1149 et suivants du Code civil
Vu les pièces communiquées
Vu la jurisprudence
- A titre principal, confirmer le jugement rendu en première instance et, en conséquence, débouter les sociétés OZOURI, GAMBA, IGUELA GARDEM et OGOUE de toutes leurs demandes, moyens fins et conclusions
- Subsidiairement, désigner tel expert qu'il lui plaira
* Afin de faire un historique précis des commandes de MDD VIVE LE JARDIN et JARDILAND de 2008 à 2012
* Chiffrer la marge commerciale réelle sur MDD VIVE LE JARDIN telle que réalisée par les sociétés du groupe L. depuis 2008
(ii) sur la demande de restitution au titre des services facturés par JARDILAND pour les services rendus pour son seul compte aux fournisseurs :
Vu l'article 5 du contrat d'affiliation et la convention unique
Vu l'article 31 du code de procédure civile
- Confirmer le jugement rendu en première instance et, en conséquence :
- juger n'y avoir lieu à restitution.
(iii) sur l'expertise judiciaire pour le surplus :
A titre principal : Confirmer le jugement rendu en première instance et, en conséquence, débouter les sociétés OZOURI, GAMBA, IGUELA GARDEM et OGOUE de leur demande d'expertise judiciaire,
A titre subsidiaire, avant dire droit :
- ajouter à la mission celle de déterminer si les sociétés du groupe LE B. ont respecté le taux d'approvisionnement à hauteur de 80% et chiffrer les éventuels services ou RRR directement négociés par eux avec les fournisseurs,
B. SUR L'APPEL INCIDENT DE JARDILAND :
Vu l'article 1134 alinéa 3 du code civil
Vu les articles 1146 et suivants du code civil
A titre principal :
- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de PARIS, et, en conséquence :
- juger que les sociétés du groupe LE B. ont manqué à leur obligation d'approvisionnement, et
- juger que les sociétés du groupe LE B. ont manqué à leur obligation confidentialité et de loyauté
(iv) en conséquence :
a. Condamner les sociétés OZOURI, GAMBA, IGUELA, GARDEM et OGOUE à payer à la société JARDILAND ENSEIGNES la somme de
- 149.292 euros au titre du manque à gagner
- 100.000 euros au titre du préjudice moral
A titre subsidiaire :
(v) Désigner tel expert qu'il lui plaira afin de déterminer si les franchisés ont respecté le taux d'approvisionnement contractuel de 80%.
(vi) Fixer le taux d'approvisionnement pour chaque année de 2008 à 2012.
(vii) Chiffrer le manque à gagner du franchiseur.
C. EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :
(viii) Débouter les sociétés du groupe L. de toutes leurs autres demandes, moyens, fins et conclusions ;
- Condamner les sociétés OZOURI, GAMBA, IGUELA GARDEM et OGOUE à payer chacune à la société JARDILAND ENSEIGNES la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 CPC.
- Condamner les sociétés OZOURI, GAMBA, IGUELA GARDEM et OGOUE aux dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique E. Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
a) Sur le rejet des conclusions :
Considérant que les sociétés appelantes demandent le rejet des conclusions de l'intimée du 18 mars 2016 pour non-respect du principe de loyauté du débat et du principe du contradictoire alors que Jardiland a transmis quatre jours avant la clôture des nouvelles conclusions augmentées de 20 pages et s'appuyant sur 177 pièces dont les passages ne sont pas indiquées,
Considérant toutefois que cette demande faite dans le corps des écritures n'est pas reprise dans le dispositif de sorte que n'étant pas saisie de cette demande, la cour n’y répondra pas,
b) Sur l'exécution des contrats signés en 2008 et les dommages-intérêts demandés :
Considérant que les parties font état de divers manquements de l'adversaire ; que les appelantes reprochent principalement à la société Jardiland de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles en décidant la fermeture du réseau Vive le Jardin ; que la société Jardiland reproche aux appelantes d'avoir manqué à leur obligation d'approvisionnement et à leur obligation de loyauté et de confidentialité ;
Sur la réorganisation du réseau Jardiland et la disparition du réseau Vive le Jardin
Considérant que les appelantes rappellent que le concept VIVE LE JARDIN, objet du contrat, a séduit le dirigeant, Mr LE B. ; qu'elles expliquent qu'elles n'ont jamais su avant la signature du contrat que le réseau Vive le Jardin serait fermé ; qu'elles soutiennent que le franchiseur n'a pas exécuté loyalement et de bonne foi les contrats de franchise et d'affiliation VIVE LE JARDIN jusqu'à leur terme et qu'il ne peut soutenir qu'il s'agissait pour lui de faire évoluer la stratégie du réseau alors qu'il s'agissait tout simplement de le fermer à court terme, ce que traduit la disparition de 92% des enseignes de magasins Vive le Jardin au cours de l'exécution du contrat ; que la fermeture du réseau de franchise VIVE LE JARDIN en cours de contrat est fautive, qu'elle dévalorise la marque, appauvrit le savoir-faire, détourne les moyens financiers humains consacré au réseau Vive le Jardin au profit du réseau Jardiland, fait disparaître la structure commerciale dans laquelle le contrat doit s'exécuter ; que la fermeture du réseau porte une atteinte grave à l'économie du contrat et a pour effet d'empêcher l'exécution du contrat dans des conditions «paisibles» (article 3.4) ;
qu'en effet, le franchiseur ne respecte pas les termes du contrat, les dispositions des articles 1.1(le contrat doit traduire la stratégie du réseau), des 3.1 et 3.3, de l'article 5.1(« système de progrès et d'évolution »), de l'article 5 (animation du réseau et communication), de l'article 5.8 (« orientation de la clientèle potentielle et promotion et développement de la notoriété du réseau »), de l'article 5.3 (« promotion de l'image de marque et du réseau »), de l'article 6.1.2 («vente de produit sous marque MDD Vive le Jardin pour montrer l'identité commune et la réputation du réseau),
Considérant que l'intimée rappelle qu'elle a le droit de modifier l'organisation de son réseau dès lorsqu'elle ne remet pas cause ses engagements de franchiseur et permet grâce à un délai suffisant au franchisé qui ne souhaite pas participer au réseau réorganisé de prendre ses dispositions ; qu'en l'espèce, il était notoire que l'enseigne Jardiland était destinée à se développer et que les partenaires exploitant sous d'autres enseignes allaient progressivement changer d'enseigne, que les transitions ont été préparées et exécutées de bonne foi et en parfaite transparence ; que rappelant ses obligations, elle soutient avoir respecté ses engagements contractuels : que selon elle, les sociétés franchisées ont continué à exploiter la marque jusqu'au terme des contrats, ont bénéficié des plans de communication (avec réalisation de visites, plans de communication et prospectus), du non prélèvement de la redevance pour le budget communication, qu'elles ont toujours bénéficié de son assistance, ce dont elle estime justifier, se sont approvisionnées de manière inchangée par le biais de la centrale de référencement et qu'elles se sont largement approvisionnées en produits de marque de distributeur(MDD) principalement Jardiland avant et après la proposition de conversion, ne pouvant soutenir qu'elles ont souffert de l'effondrement des MDD qui aurait affecté leurs marges alors qu'elles en achetaient peu avant la proposition de migration et qu'elles n'ont pas non plus respecté le seuil d'approvisionnement de 80 %,
qu'elle ajoute que les conversions ont été importantes (plus de 90 % des enseignes Vive le Jardin) et ont été pleinement réussies ; que les magasins restés sous enseigne Vive le Jardin n'ont pas pâti de cette migration,
Mais considérant que dans un article publié dans le magazine « Franchise » le 11 mars 2009, M. X., Directeur Général du groupe Jardiland, sur la question « Dans cette politique consistant à capitaliser sur le nom Jardiland, la second[e] enseigne du groupe Vive le Jardin conserve-t-elle sa raison d'être », répondait en ces termes : « Il est vrai que nous avons le souhait de passer de 30 à 40 des 58 magasins Vive le Jardin existant sous la bannière Jardiland. Cette migration concerne les points de vente que nous jugeons « jardi-compatibles ». Autrement dit les plus grands d'entre eux, qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 2,5 millions d'Euros. Neuf franchisés ont déjà opéré le basculement en 2008. Six autres s'y sont engagés pour cette année. Pour autant, l'enseigne Vive le Jardin conserve toute sa place dans notre stratégie. Précisément en tant que concept de proximité, ciblant dans les zones de chalandises de 50 à 100.000 habitants, une clientèle familiale. Et il est de nature à intéresser les pépiniéristes ou de petites jardineries indépendantes qui souhaiteraient bénéficier de tous les apports d'une centrale performante. Nous ne prévoyons donc pas de l'abandonner»,
Considérant que c'est au cours de cette réorganisation amorcée en 2008 que les contrats de franchise Vive le Jardin liant les appelantes à Jardi-Enseigne ont été signés ; que rien ne permet de savoir et vérifier - alors que les parties sont en désaccord sur ce point - si la réorganisation était de « notoriété publique » (à cet égard, la production du document d'information précontractuel remis aux candidats à la franchise eût été intéressante) et connue de Monsieur Le B. lors de la signature des contrats et dans l'affirmative, de vérifier que des «assurances» auraient été données à Monsieur Le B. ;
Considérant qu'il a été proposé par Jardiland après une réunion d'information tenue en novembre 2009 et par courrier du 23 décembre 2009 aux sociétés de changer d'enseigne mais il était précisé que « l'offre n'avait aucun caractère obligatoire » ; que le franchiseur précisait que si la poursuite du contrat en cours était souhaitée, le franchiseur poursuivrait alors pour sa part les obligations mises à sa charge en vertu du contrat de « manière inchangée » ; qu'à la suite de l'opposition manifestée par Jardiland, des cinq sociétés appelantes sont restées dans le réseau jusqu’au terme initial du contrat mais lui reprochent actuellement de ne pas avoir respecté ses obligations,
Considérant que rien n'interdisait à la société Jardiland de réorganiser ses réseaux ce qui pouvait entraîner la disparition de l'un d'eux ; que les membres du réseau Vive le Jardin ne peuvent le lui reprocher dès lorsqu'ils ont un temps suffisant pour eux-mêmes prendre leurs dispositions afin d'assurer leur sortie, ce qui était en l'espèce permis par la poursuite du contrat jusqu'à son terme initial, et dès lors que les obligations du franchiseur précisées dans le contrat sont respectées jusqu'au terme prévu par le contrat,
Sur les obligations du franchiseur :
Considérant que lors de l'exécution du contrat et selon les termes de ce contrat, le franchiseur a l'obligation d'assurer la jouissance paisible de la marque (article 3.4), d'apporter des services au franchisé (article 5), d'animer le réseau, d'assister le franchisé, d'organiser une convention nationale (5.3.1) des réunions régionales, de faire des communications internes (5.3.3), de superviser et animer les points de vente (5.4), assurer des formations de perfectionnement (5.5), de faire bénéficier le franchisé de toutes les techniques permettant l'amélioration de l'exploitation de la chaîne et le renom de la marque, d'assurer la publicité par des communications au niveau locale et nationale ; qu'il s'agit ici pour lui d'assurer l'avantage concurrentiel proposé par le contrat de franchise à ses franchisés,
que la société Jardiland justifie avoir assisté ses cinq franchisés qu'elle a visités à plusieurs reprises au cours des années précédant la fin du contrat, leur faisant des remarques sur la tenue des magasins, prodiguant des conseils, des rappels sur la législation pour l'exploitation de l'animalerie, la tenue des registres, l'hygiène, faisant alors état de son savoir-faire ; qu'elle justifie leur avoir proposé le logiciel de gestion de l'approvisionnement, avoir fait des communications internes ; qu'elle a organisé des réunions régionales en 2010, 2011 et 2012, auxquelles les sociétés exploitant sous enseigne Vive le Jardin ont pu participer ; que le franchiseur a fait réaliser au cours de ces années des prospectus publicitaires concernant les enseignes «Florevie» et «Vive le Jardin» ;
que l'article 5 du contrat de franchise précise que l'évolution et le progrès peuvent rendre nécessaire la suppression des services que doit le franchisé, après concertation avec un Conseil d'Orientation, structure de concertation dont font partie des membres désignés par les franchisés et la direction du groupe Jardiland ; que le compte rendu du Conseil d'Orientation du 13 janvier 2010 précise en page 4 : « Durant toute la durée de validité des contrats d'affiliation « Vive le jardi n», les supports de communication, tracts, catalogue etc. continuent d'exister... », « Il est à nouveau noté que c'est à la demande des Vive le Jardin que les campagnes de communication nationale et la collecte de la redevance de communication nationale ont été suspendues en 2010. Doit s'y substituer une communication locale intensifiée. Les animateurs de la franchise reviendront régulièrement sur ce point auprès des magasins concernés», en page 6, au titre « Animation des enseignes » : « Pour 2010, il est décidé de supprimer les 0,5 % consacrés à la publicité nationale. En contrepartie, il est fortement conseillé aux magasins de reporter ce budget sur la communication locale et d'investir en masse sur les opérations commerciales», « Site internet Vive le Jardin : maintien et animation du site en 2009, validation de ne plus investir en 2010 sur le site Vive le Jardin », page 6, au chapitre PAC 2010 : « Collaboration maximale de la franchise et des supports métiers pour animer les trois noms d'enseignes : Jardiland, Vive le jardin et L'Esprit Jardiland »,
que ces orientations décidées lors du Conseil d'Orientation ne peuvent être contestées par les sociétés du groupe Le B. qui étaient représentées en leur qualité de franchisés au sein de ce conseil ; que la suppression de la publicité nationale s'est ainsi accompagnée d'un renforcement de la publicité au niveau local qui incombe selon l'article 5-8-2 du contrat au franchisé, lequel, en contrepartie, ne payait plus la redevance pour la publicité nationale à partir de l'année 2010 ; qu'il doit être observé à cet égard que le réseau Vive le Jardin est associé à un concept de proximité ; qu'aucune faute contractuelle ne peut être reprochée à la société Jardiland sur ce point ;
que pour la formation au perfectionnement, qu'il apparaît que par les visites et réunions, celle-ci a été assurée au cours de l'exécution du contrat,
qu'enfin, rien ne permet de constater que la réorganisation du réseau décidée par Jardiland a perturbé la jouissance de la marque pendant l'exécution du contrat,
Considérant qu'il n'est pas justifié que la société Jardi Enseigne n'a pas rempli ses obligations contractuelles ;
Sur les marques de distributeur :
Considérant que l'article 6.1.2 du contrat de franchise précise que le franchiseur s'engage à présenter à la vente un assortiment des produits MDD suffisamment représentatif de l'enseigne du réseau ; que ce même texte ajoute que la liste des produits à marque d'enseigne de distributeur pourra évoluer, pour tenir compte du marché et de l'évolution de la concurrence et que le franchiseur pourra modifier la liste, l'augmenter ou retirer certains produits ; que la société Jardi Enseigne conteste ainsi peu sérieusement qu'elle n'avait aucune obligation sur ce point ; que les sociétés du groupe Le B. se plaignent de la disparition des MDD Vive le Jardin dès l'année 2010 ce que la société Jardi Enseigne ne conteste pas réellement, soutenant que les sociétés du groupe Le B. ont profité des MDD Jardiland ; que si un élément de l'identité du réseau peut être affecté par une telle disparition, il s'avère que les sociétés du groupe Le B. font état d'un préjudice sans relation avec la suppression de ces MDD dès lorsqu'elles ne démontrent pas en quoi les MDD Vive le Jardin leur permettaient de réaliser des marges plus attrayantes que les marques de distributeur Jardiland dont elles ont largement profité ; que par conséquent, leur demande de réparation d'un préjudice sans relation avec la suppression des MDD Vive le jardin doit être rejetée ;
Considérant que les appelantes n’ont pas démontré les manquements de la société Jardiland qui pouvait réorganiser son réseau comme elle l'entendait, qui a respecté ses obligations contractuelles vis à vis de ses franchisés Vive le Jardin et a assuré aux appelantes les avantages concurrentiels,
Considérant que les demandes formées par les cinq sociétés seront rejetées,
Sur le non-respect des taux d'approvisionnement et sur la déloyauté :
Sur l'obligation d'approvisionnement :
Considérant que la société Jardiland reproche aux sociétés du groupe Le B. de ne pas avoir respecté leur obligation d'approvisionnement de 80 %, exposant qu'elles se sont approvisionnées à hauteur de 58 % sur les années 2008, 2009 et 2010, de sorte qu'il peut être dit que 21 % des achats ont eu lieu hors référencement, privant le franchiseur de sa rémunération de 1,5 % ; que le manque à gagner est de 149.292 Euros,
Considérant que les sociétés du groupe Le B. exposent qu'aucune pièce ne vient étayer cette allégation,
Mais considérant que le contrat d'affiliation précise (article 3) que l'affilié ne peut effectuer des achats à des fournisseurs non référencés que dans quelques hypothèses bien précisées, et « en tout état de cause, l'affilié est libre d'effectuer 20 % de ses achats auprès des fournisseurs de son choix, à condition que les produits achetés auprès de ces fournisseurs ne nuisent pas à l'image de marque du réseau et se situent dans la famille de produits faisant partie du concept du réseau »,
Considérant que le seul document qui établit des pourcentages d'approvisionnement des sociétés du groupe Le B. se trouve dans une pièce 39 ; que celle-ci intitulée « attestation commissaire aux comptes sur les informations financières préparées par Jardiland Enseignes SAS dans le cadre de l'article 3.1 du contrat d'affiliation » fait référence à une pièce non décrite dans son contenu de sorte que le document inséré dans cette pièce 39, qui émane de M. Y. DGA Administration et Finances et établit les parts d'achats référencés par les franchiseurs des magasins de Mr LE B. sur les années 2008, 2009 et 2010, ne peut être tenu pour probant ; que les autres documents produits par Jardi Enseignes récapitulent les avantages commerciaux pour les différents sites du groupe LE B. et ne sont pas utiles à la démonstration qu'a entendu faire Jardiland,
Considérant que le manquement reste allégué,
Sur la violation du devoir de loyauté et de confidentialité art 9 du contrat :
Considérant que Jardiland fait valoir que les sociétés du Groupe Le B. ont coopéré avec des tiers extérieurs en leur communiquant des informations confidentielles sur les prix, et ont tenté de négocier directement avec les fournisseurs alors que les contrats étaient en cours,
Considérant que les sociétés appelantes font valoir que ce manquement n'est pas justifié par la pièce produite qui est à usage interne du groupe Le B., qui ne donne aucune information sur les conditions tarifaires de Jardiland,
Mais considérant que ce reproche n'est étayé par aucune pièce produite aux débats, que ce manquement reste allégué,
c) Sur les remises fournisseurs.
Considérant, selon les appelantes, que l'intimée a détourné de 2008 à 2012 sous une appellation « part centrale » la somme de 53.632.720 euros de remises fournisseurs sur les 160.376.011 euros qui devaient contractuellement revenir aux affiliés, alors que le contrat d'affiliation impose « à la société JARDI ENSEIGNES de reverser à la société affiliée la totalité des remises, rabais, ristournes consenties sur volume et/ou objectif, versées par les fournisseurs référencés au titre des achats de produits effectués, ou des services correspondant à une prestation en magasin rendus par la société affiliée » ; que les articles 2 et 5 du contrat ne sont pas respectés ; qu'elles rappellent que Jardiland doit rendre compte de la gestion de son mandat de négociation auprès des fournisseurs ; qu'elle ajoute que les chiffres, les communiqués de Jardiland sont « flous » et que les justifications proposées ne sont pas probantes (rémunération des services qu'elle rendrait aux fournisseurs dont la contrepartie n'est pas connue, rémunération perçue deux fois) et que l'expertise « amiable » n'a pas été utile,
Considérant que la société Jardiland expose que, selon le contrat d'affiliation, les services de coopération commerciale précisés dans une « convention de coopération commerciale » avec le fournisseur en application de l'article L. 441-7 du code de commerce sont directement assurés par la société Jardiland en sa qualité de centrale - notamment l'organisation de salons professionnels - et donnent lieu à une rémunération qui n'est nullement disproportionnée aux services rendus, qu'il ne s'agit pas de services accomplis par les magasins eux-mêmes de sorte qu'il n'y a pas de sommes à reverser aux franchisés,
Mais considérant que le contrat d'affiliation précise :
article 2.1 : « Centrale d'achat et de référencement » :
La société Jardi Enseignes sélectionne pour le compte de la société affiliée une collection complète de produits pour les jardineries, établie en fonction de l'expérience qu'elle a acquise au cours des années passées.
Dans ce cadre, elle a négocié auprès des fournisseurs les conditions d'approvisionnement des produits composant la collection et remet à la société affiliée une liste complète des fournisseurs référencés, laquelle mentionne outre les noms et les adresses des fournisseurs, les conditions d'achat obtenues par la société Jardi Enseignes, ainsi que les rémunérations que ces fournisseurs versent à la société Jardi Enseignes.
A la clôture de chaque exercice comptable, et si l'affilié en fait la demande, la société Jardi Enseignes lui fournira une attestation du commissaire aux comptes certifiant i) le montant global des avantages commerciaux (remises, ristournes, coopération commerciales, prestations de services, etc....) perçus par la société Jardi Enseignes de la part de l'ensemble des fournisseurs, pour l'ensemble du réseau, intégré ou non....ii) la conformité au présent contrat de la répartition de l'ensemble des avantages perçus entre les affiliés intégrés ou non, et la centrale, iii) le montant effectivement versé à l'affilié, iv) le montant conservé par la centrale d'achat et de référencement.....
La société Jardi Enseignes s'engage à négocier les meilleures conditions commerciales et coopération commerciale auprès des fournisseurs pour le compte des affiliés franchisés au réseau Jardiland et elle garantit qu'ils bénéficieront des mêmes conditions commerciales que celles des affilés intégrés du groupe Jardiland.
article 2.2 prestations de services accessoires :
En complément de sa mission de centrale d'achat et de référencement, la société Jardi Enseignes assurera au profit de la société affiliée diverses prestations accessoires et notamment : la mise à disposition des résultats des autres affiliés... la réalisation de deux visites par an au point de vente de l'affilié..., l'assistance téléphonique ponctuelle, l'organisation annuelle, la tenue de groupe de travail, ‘la présentation des affiliés auprès des organismes professionnels, la liste n'étant pas exhaustive,
article 2.3 prestations complémentaires :
Outre les prestations accessoires visées à l'article 2.2, la société Jardi Enseignes proposera à la société affiliée des prestations complémentaires faisant l'objet de facturations spécifiques....
article 4 Rémunération de la société Jardi Enseignes :
...
article 4.2 : redevances :
En contrepartie des prestations accomplies par JE et visées à l'article 2.1 et 2.2, la société affiliée versera à la société Jardi Enseignes une redevance annuelle fixe..., une redevance variable annuelle....
article 4.3 :
L'ensemble des prestations complémentaires visées à l'article 2.3 est facturé au cas par cas selon un devis accepté préalablement par l'affilié...
article 5 Reversement des remises de fournisseurs :
La société Jardi Enseignes reversera à la société affiliée la totalité des remises, ristournes consenties sur volume et/ou objectif, versées par les fournisseurs référencés au titre des achats de produits effectués, ou des services correspondant à une prestation en magasin rendus par la société affiliée. De ces sommes, la société Jardi Enseignes pourra déduire, à titre de complément de rémunérations supplémentaires, une somme égale à 1,5 % du montant des achats ayant servi d'assiette aux RRR et rémunérations de services, mais à la condition que la société affiliée bénéficie d'un montant de RRR et rémunérations de services au moins égale à celui perçu par Jardi Enseignes »,
Considérant que les questions posées à la cour sont de deux ordres : la « part centrale » devait-elle être ou non prélevée sur le montant des RRR avant leur redistribution aux affiliés « N'est-elle pas disproportionnée aux services rendus »,
Considérant pour répondre à la première question, que les termes du contrat d'affiliation permettent de constater que la centrale agit en qualité de mandataire pour le compte de ses affiliés vis-à-vis des fournisseurs,
que les termes de l'article 2 du contrat n'excluent pas dans les prestations fournies par la centrale au titre de la négociation générale des conditions d'approvisionnement avec les fournisseurs les services de coopération commerciale qui donnent lieu à rémunération de la part des fournisseurs («rémunération que ces fournisseurs versent à Jardi Enseignes» ce qui est ici appelé «part centrale») ; que ces prestations fournies aux fournisseurs qui sont des services rendus par la centrale aux affiliés dans le cadre de sa mission de centrale d'achats et de référencement, donnent lieu à rémunération de la part des affiliés, par le biais de la redevance mensuelle prévue à l'article 4.2 ;
que la centrale agit en qualité de mandataire des affiliés lorsqu'elle propose des services aux fournisseurs et que son rôle ne se conçoit pas autrement qu'en cette qualité,
qu'il n'y a pas lieu de contester le droit à rémunération au titre de la coopération commerciale qui est légitime si bien évidemment les services rendus par la centrale aux fournisseurs sont justifiés et proportionnés aux services effectivement rendus ; que toutefois, si les accords-cadres précisent quels sont parmi les services proposés, ceux qui sont proposés au nom et pour le compte des distributeurs (affiliés), rien ne permet de dire que la teneur de ces contrats était connue par ces derniers ; que par ailleurs, le calcul de la « part centrale » est réalisé au regard du montant des achats des affiliés, ce qui exige pour le moins des investigations réelles pour justifier les soustractions opérées par la société Jardiland ;
qu'il y a lieu de constater que les affiliés rémunèrent la centrale pour ces mêmes services par le versement des redevances prévues en article 4.2 ; qu'aucune autre rémunération n'est envisagée sinon dans l'article 4.3 pour services complémentaires ; que très exceptionnellement dans l'article 5, une «rémunération supplémentaire» est possible pour la centrale, dans l'hypothèse où les RRR et rémunérations de l'affilié sont au moins égales à celles de Jardiland ; que les dispositions relatives à la rémunération complémentaire de la centrale précisée par l'alinéa I in fine de l'article 5 n'apportent aucune explication convaincante dans un sens différent, s'agissant au contraire de la seule exception au principe du reversement intégral des remises, rabais et ristournes consentis par les fournisseurs aux affiliés qui a lieu lorsque le montant des RRR et rémunération de services versés par les fournisseurs aux affiliés représente une somme supérieure à 3 % de leurs achats,
que l'expertise amiable ne se prononce pas, ne faisant que constater qu’au vu des données fournies par Jardiland, les contrôles très limités qu'elle a pu réaliser ne donnent pas lieu à relevé d'anomalies significatives...,
qu'il apparaît par conséquent que la société Jardiland ne peut soustraire, comme elle y a procédé, la « part centrale » aux RRR dues aux affiliés, qui doit être réintégrée aux sommes à reverser aux affiliés,
Considérant que la réponse à la seconde question n'a pas d'intérêt pour les affiliés, sinon pour les fournisseurs et éventuellement le Ministre de l'Economie, des Finances et du Numérique comme la loi le prévoit dans l'article L. 442-6 III du Code de commerce ; que pour ce qui les concerne, les affiliés doivent pouvoir vérifier les informations qui lui sont données par la centrale conformément aux dispositions du contrat d'affiliation et savoir pour quel montant exact les sommes versées par les fournisseurs au titre des «services de coopération» ont été prises en compte, en l'espèce à tort, pour le calcul des RRR à reverser aux affilés ;
qu'en effet, selon l'article 2 du contrat d'affiliation, la centrale, en tant que mandataire des affiliés doit remettre à ses mandants les conditions d'achat qu'elle a obtenues, ainsi que les rémunérations que ces fournisseurs lui ont versées ; que la société Jardiland doit fournir ainsi les renseignements qu'elle s'est engagée contractuellement à donner ; que cependant, selon les termes du rapport d’expertise amiable en date du 21 juin 2012 réalisée après un travail sur une dizaine de fournisseurs et sur trois ans, les experts Messieurs C., L. et N. ont conclu que « la présentation de l'avoir de rétrocession n'est pas assez transparente, qu'il est quasiment impossible pour le franchisé de vérifier les informations. » et que seul l'examen du grand livre comptable de la société Jardiland et de la balance générale permettrait de vérifier quel est le montant exact des sommes versées par les fournisseurs à la centrale ; qu'en outre, Jardiland a donné des chiffres différents de ceux que son commissaire aux comptes a certifiés ;
que pour donner une solution à la demande en paiement faite par les sociétés du groupe Le B. au titre des RRR, il y a lieu de désigner un expert qui aura pour mission, non de dire le droit, mais de préciser le montant des sommes effectivement engagées au titre de la coopération commerciale par la centrale et le montant des sommes perçues en rémunération par la centrale de la part des fournisseurs, et ce, afin donner à la cour les éléments de calcul des sommes dont fait état la société Jardiland qui doivent être reversées aux affiliés, de préciser les méthodes de répartition des sommes à reverser aux affiliés au titre des RRR et d'en donner le montant,
Considérant il convient d'ordonner une expertise ; qu'il peut être fait droit en l'état partiellement à la demande de provision des appelantes dont la créance n'est pas dans son principe sérieusement contestable ; que la société Jardiland versera aux sociétés Gamba et Iguela une somme de 50.000 Euros chacune, et aux sociétés Gardem, Ozouri et Ogoue celle de 100.000 Euros chacune à ce titre,
Sur le dépôt au greffe des comptes sociaux et des rapports des commissaires aux comptes pour les exercices de 2006 à 2011 :
Considérant que la société Jardiland ne justifie pas avoir déposé au greffe du tribunal de commerce ses comptes sociaux et les rapports du commissaire aux comptes conformément aux termes de l'article L. 232-21 du Code de commerce, qu'il y a lieu de lui ordonner de le faire pour la période concernant le litige, soit pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour :
CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés au titre des réparations de divers préjudices liés à l'exécution du contrat ainsi que celles de la société Jardi Enseigne au titre des manquements à l'obligation d'approvisionnement, de confidentialité et de loyauté,
Pour les RRR, INFIRME le jugement,
DIT que la société JARDILAND ENSEIGNES doit reverser aux sociétés GARDEM, OZOURI, OGOUE, IGUELA, GAMBA la totalité des remises, rabais et ristournes consenties sur volume et/ou objectif versées par les fournisseurs référencés au titre des achats de produits effectués ou au titre des services correspondants à une prestation en magasin rendus par les dites sociétés,
DIT que la société JARDILAND ENSEIGNES ne peut diminuer la part des remises ristournes de fin d'année et rémunérations de services à reverser aux franchisés affiliés en s'attribuant pour les années 2008 à 2012 une somme sous l'appellation « part centrale »,
ORDONNE une expertise
COMMET pour y procéder Monsieur L.n [...], tel : [...] fax : [...] port : [...] avec mission de :
- De prendre connaissance des conventions d'affiliation signées par les sociétés du groupe Le B. et Jardi Enseignes, de toutes les conventions passées entre la société JARDI ENSEIGNES et les fournisseurs du réseau VIVE LE JARDIN/JARDILAND du premier janvier 2008 au 31 décembre 2012, d'entendre tout sachant qu'il jugera utile de rencontrer, se rendre en tous lieux et se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission (comptes sociaux, comptabilité de la société Jardiland notamment),
- De dire si les sommes perçues par JARDILAND ENSEIGNE en « part centrale » correspondent à des rémunérations de services effectivement rendus par JARDI ENSEIGNES aux fournisseurs en sa qualité de centrale,
- De dire si JARDILAND ENSEIGNES dans ses négociations avec les fournisseurs n'a pas transféré en «part centrale» à son profit une partie des RFA et des rémunérations de services devant revenir aux magasins franchisés,
- De dire si la « part centrale » prélevée par JARDILAND ENSEIGNE a amputé ou non et si oui de combien, la part des avantages commerciaux globaux alloués par les fournisseurs au réseau des magasins VIVE LE JARDIN,
-De préciser les méthodes de répartition et d'établir les comptes de reversement des RFA et des rémunérations de services entre les sociétés GARDEM, OZOURI, OGOUE, IGUELA et GAMBA et JARDILAND ENSEIGNES, selon le résultat de ses investigations,
DIT que la provision à valoir sur les honoraires de l'expert est fixée à 20.000 Euros et sera avancée par les sociétés GARDEM, OZOURI, OGOUE, IGUELA et GAMBA
DIT que les sociétés devront consigner cette somme au plus tard au service de la régie d'avances et de recettes de la cour avant le 15 juillet 2016,
RENVOIE à l'audience de mise en état du 13 septembre 2016 pour vérifier que la consignation a été faite,
CONDAMNE la société Jardi Enseignes à payer aux sociétés Gamba et Iguela une somme de 50.000 Euros chacune, et aux sociétés Gardem, Ozouri et Ogoue celle de 100.000 Euros chacune à titre de provisions sur les RRR,
ORDONNE à la société Jardiland de déposer au greffe du tribunal de commerce les comptes annuels, les comptes consolidés, le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés éventuellement complétés de leurs observations sur les modifications apportées par l'assemblée qui leur ont été soumis,
SURSEOIT à statuer pour le surplus des demandes des sociétés au titre des RRR,
SURSEOIT à statuer sur les demandes relatives aux indemnités pour frais irrépétibles,
RÉSERVE les dépens.
Le Greffier La Présidente
Vincent BRÉANT Françoise COCCHIELLO