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CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 6 décembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 6 décembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 5
Demande : 15/11512
Décision : 2016/384
Date : 6/12/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/06/2015
Numéro de la décision : 384
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6600

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 6 décembre 2016 : RG n° 15/11512 ; arrêt n° 2016/384

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant qu'il s'en évince, que le vol - dont l'assureur ne remet pas en cause la réalité (page 6, 4ème § de ses conclusions) - est défini au contrat comme la soustraction frauduleuse du bien assuré commise avec effraction et, dès lors, l'énumération des conditions matérielles auxquelles l'assureur soumet la reconnaissance de l'effraction du véhicule, dans l'hypothèse où le véhicule est retrouvé après le règlement de l'indemnité ne constitue pas une exclusion de garantie mais une condition de celle-ci ;

Considérant cependant, que sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement, comme en l'espèce, limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors, d'une part, qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre et que, d'autre part, le mode de preuve restrictif et qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules ainsi imposé aux consommateurs contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 (devenu R. 212-2) du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, (devenu L. 212-1) sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;

Que contrairement à ce que soutient l'assureur, il n'existe aucune réciprocité dans cette clause, qui vient restreindre la preuve que doit rapporter l'assuré, victime d'un vol et dès lors, il convient d'en constater le caractère abusif et de réputer non écrites les dispositions citées ci-dessus en ce qu'elles imposent à l'assuré dont le véhicule est retrouvé, de rapporter la preuve de l'effraction par des indices matériels limitativement énumérés (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) ;

Considérant que recherchant à voir répéter un paiement indu, la MACIF supporte la charge de la preuve d'un paiement par erreur … »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 6 DÉCEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/11512. Arrêt n° 2016/384 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 janvier 2015 - Tribunal d'Instance de SAINT OUEN - R.G. n° 11-13-112.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], Représenté par Maître Vincent R. de l'AARPI GRV Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, Assisté de Maître Pascale B., avocat au barreau de PARIS, toque : A571

 

INTIMÉE :

MACIF (MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERÇANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET DES SALARIES DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège, N° SIRET : XX, Représentée par Maître Frédérique E., avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, Assistée de Maître Vanessa R., avocat au barreau de BOBIGNY, toque : PB04

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, Monsieur Christian BYK, Conseiller, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 8 février 2012, M. X. a déposé une plainte pour le vol survenu la veille dans la soirée, de son véhicule Peugeot 407 immatriculé XX. Il a déclaré le sinistre auprès de son assureur la MACIF et a été indemnisé, le 2 mars 2012, à hauteur de la somme de 5.350 euros représentant la valeur vénale de sa voiture déduction faite de la franchise contractuelle.

Le 26 octobre 2012, les services de police ont informé M. X. de la découverte de son véhicule, que la MACIF a fait examiner par son expert, le 21 novembre 2012. Dans son rapport, le technicien relève que le barillet gauche ne fonctionne plus et que la portière avant a été écartée, en déduisant qu'une intrusion dans le véhicule était possible ; qu'il ajoutait qu'il n'y avait « aucune trace d'effraction sur la colonne de direction et son antivol », que le véhicule a pu être mis en route avec la clé qui lui était présentée et que dans ces conditions, il ne « voyait pas comment celui-ci avait pu être déplacé ».

C'est dans ce contexte, que le 11 décembre 2012, la MACIF a, en vain, mis en demeure M. X. de rembourser l'indemnité versée faute de preuve d'une effraction sur les organes de direction, puis par actes des 23 et 26 juillet 2013 et des 24 et 28 janvier 2014, a engagé une action devant le tribunal d'instance de Saint-Ouen.

Par jugement du 16 janvier 2015, le tribunal d'instance de Saint-Ouen a condamné M. X. à payer à la MACIF la somme de 5.350 euros correspondant au remboursement de l'indemnisation indue avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2012, celle de 553,56 euros au titre des frais de gardiennage exposés, celle de 173,24 euros au titre des frais d'expertise outre la somme de 3,99 euros par jour à compter de la décision et jusqu'à la reprise du véhicule ou sa destruction. L'assureur était également autorisé à détruire le véhicule à défaut de sa reprise par son propriétaire dans les quinze jours du remboursement de l'indu et M. X. était condamné au paiement d'une indemnité de procédure de 800 euros ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 9 juin 2015, M. X. a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 avril 2016, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et sous divers dire et juger reprenant ses moyens, de déclarer que la clause litigieuse fixant les conditions de garantie lui est inopposable et de condamner la société MACIF à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 mai 2016, la société MACIF demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner M. X. à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 octobre 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant que M. X. relève que les dispositions conventionnelles qui lui sont opposées sont inscrites dans des conditions générales dont il n'est pas justifié qu'elles ont été portées à sa connaissance, ce que la MACIF a d'ailleurs admis, lors de l'audience de plaidoiries ; qu'il en déduit qu'elles ne lui sont pas opposables, ajoutant que le débouté de l'intimée s'impose d'autant plus que la clause, sur laquelle elle fonde la limitation de sa garantie, constitue une clause abusive, invoquant les dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation sur lesquelles le conseiller de la mise en état avait invité les parties à conclure, par un bulletin en date du 16 février 2016 ;

Que la MACIF lui oppose les dispositions contractuelles qui instituent les conditions de sa garantie, disant que l'expert a constaté l'absence de forcement de la direction ; qu'elle ajoute que la clause concernée n'a ni pour objet ni pour effet de limiter les moyens de preuve de l'effraction dont disposent les parties au contrat et qu'au surplus, cette clause s'applique de manière identique aux deux parties, de sorte qu'elle ne crée aucun déséquilibre entre elles ;

 

Considérant que M. X. produit les conditions particulières de sa police d'assurance qui énoncent que celles-ci « complètent et personnalisent les conditions générales qui vous ont été remises » (sans plus de précision) et les conditions générales produites aux débats par l'assureur ne contiennent aucune référence mais dans ses écritures, M. X. ne conteste nullement qu'il y a eu, lors de la souscription, remise de conditions générales ; que dès lors, il lui appartenait, au regard de la loyauté qui doit présider au débat judiciaire, de les produire afin que la cour puisse constater que ses relations avec son assureur étaient soumises à des dispositions conventionnelles autres que celles invoquées par ce dernier, la cour ne pouvant pas faire le constat que le document remis par l'assureur lors de la souscription ne correspond pas à la police produite aux débats ;

Considérant que l'événement garanti, au titre de l'article 5-A-1 (vol total du véhicule) des conditions générales est :

- la disparition du véhicule assuré et de ses accessoires par : soustraction frauduleuse (article 311-1 du code pénal) (...)

- si le véhicule est retrouvé :

les détériorations du véhicule assuré et de ses accessoires, s'il est prouvé qu'il y a eu forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en état de fonctionnement ;

ce texte étant suivi, en page 28, de l'indication dans un encadré grisé : « attention le vol sans effraction du véhicule n'est pas garanti » ;

Que dans l'hypothèse de la découverte du véhicule volé, après le paiement de l'indemnité d'assurance, l'article 5-C stipule que le véhicule devient propriété de l'assureur et que « toutefois, si votre véhicule est retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) la garantie vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l'indemnité déjà versée » ;

Considérant qu'il s'en évince, que le vol - dont l'assureur ne remet pas en cause la réalité (page 6, 4ème § de ses conclusions) - est défini au contrat comme la soustraction frauduleuse du bien assuré commise avec effraction et, dès lors, l'énumération des conditions matérielles auxquelles l'assureur soumet la reconnaissance de l'effraction du véhicule, dans l'hypothèse où le véhicule est retrouvé après le règlement de l'indemnité ne constitue pas une exclusion de garantie mais une condition de celle-ci ;

Considérant cependant, que sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement, comme en l'espèce, limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors, d'une part, qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre et que, d'autre part, le mode de preuve restrictif et qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules ainsi imposé aux consommateurs contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 (devenu R. 212-2) du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, (devenu L. 212-1) sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;

Que contrairement à ce que soutient l'assureur, il n'existe aucune réciprocité dans cette clause, qui vient restreindre la preuve que doit rapporter l'assuré, victime d'un vol et dès lors, il convient d'en constater le caractère abusif et de réputer non écrites les dispositions citées ci-dessus en ce qu'elles imposent à l'assuré dont le véhicule est retrouvé, de rapporter la preuve de l'effraction par des indices matériels limitativement énumérés (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) ;

Considérant que recherchant à voir répéter un paiement indu, la MACIF supporte la charge de la preuve d'un paiement par erreur or, le cabinet d'expertise qui a examiné le véhicule a constaté que le barillet gauche ne fonctionnait plus et que la portière avant avait été écartée, en déduisant qu'une intrusion dans le véhicule était possible, ce qui suffit à établir l'effraction accompagnant le vol dont l'assureur avait admis qu'il était suffisamment prouvé puisqu'il avait spontanément versé l'indemnité d'assurance ;

Considérant que la MACIF, qui échoue dans la preuve qui lui incombe, doit être déboutée de sa demande de restitution de l'indemnité d'assurance, la décision déférée devant être intégralement infirmée, l'assureur ne pouvant mettre à la charge de l'assuré des frais de gardiennage pour un véhicule dont il était devenu propriétaire en exécution des stipulations de sa police ou répéter les frais de l'expertise amiable diligentée à sa demande ;

Considérant, enfin, que la demande de dommages et intérêts de M. X. pour procédure abusive n'est soutenue par aucune argumentation tendant à démontrer tant la faute que le préjudice qui en résulterait ; que le juge n'ayant pas à suppléer à la carence d'une partie dans l'allégation des faits propres à établir le bien-fondé de sa réclamation, cette demande sera rejetée, la décision déférée devant également être confirmée sur ce point ;

Considérant que la MACIF partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et devra rembourser les frais irrépétibles exposés par de M. X. devant les premiers juges et devant la cour ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Saint-Ouen en date du 16 janvier 2015 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la MACIF de ses demandes ;

Déboute M. X. de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la MACIF à payer à M. X. la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposées en première instance et en cause d'appel ;

Condamne la MACIF aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LA PRÉSIDENTE