CA TOULOUSE (2e ch.), 7 décembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6601
CA TOULOUSE (2e ch.), 7 décembre 2016 : RG n° 16/02774 ; arrêt n° 728
Publication : Jurica
Extrait : « Le premier fondement invoqué par la SARL Pharmacie de la Croix Verte, à savoir les dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 § 5 du code de la consommation relatives aux clauses abusives est inapplicable en l'espèce, le contrat ayant été conclu par la SARL Pharmacie de la Croix Verte pour les besoins de son activité professionnelle, de telle sorte que celle-ci ne peut être qualifiée de non professionnel et a fortiori de consommateur.
L'article L. 442-6-I-2° du code de commerce permet quant à lui d'engager la responsabilité du producteur, commerçant ou industriel soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. […] Cette situation ne peut être évitée, selon les termes du contrat, que si le locataire accepte, aux termes des 30 premiers mois du contrat de fourniture et maintenance, de conclure un nouveau contrat de maintenance de 42 mois avec un nouveau matériel financé par un nouveau contrat de financement. Ces constatations suffisent à démontrer que l'obligation de paiement édictée au terme des 30 mois crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce qu'elle contraint le partenaire de la SA Pharmagest Interactive à souscrire un nouveau contrat sous peine de payer un an de loyers. […]
La sanction édictée par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce n'est pas la nullité de la clause, mais l'obligation pour son auteur de réparer le préjudice subi. En l'espèce, celui qui en résulte pour la SARL Pharmacie de la Croix Verte est le montant de cette sanction prévue par le contrat. Dès lors la SA Pharmagest Interactive, tenue de réparer ce préjudice, ne peut qu'être déboutée de ses demandes, les dommages-intérêts qu'elle doit opérant une compensation complète avec les sommes dues au titre du contrat. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/02774. Arrêt n° 728. Décision déférée du 11 avril 2016 - Tribunal de Commerce de CASTRES - R.G. n° 2015000132
APPELANTE :
SA PHARMAGEST INTERACTIVE
Représentée par Maître Françoise B. de la SCP B. P. B. R. A., avocat au barreau de CASTRES
INTIMÉE :
SARL PHARMACIE DE LA CROIX VERTE
Représentée par Maître Bruno L. de la SCP M. S. A.-L. L. B., avocat au barreau de CASTRES
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Ph. DELMOTTE, Conseiller faisant fonction de président, et M.P. PELLARIN, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : P. DELMOTTE, conseiller faisant fonction de président, M.P. PELLARIN, conseiller, M. SONNEVILLE, conseiller
Greffier, lors des débats : C. LERMIGNY
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par P. DELMOTTE, conseiller faisant fonction de président, et par C. LERMIGNY, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 22 avril 2011, la SARL Pharmacie de la Croix Verte a conclu avec la SA Pharmagest Interactive un contrat de fourniture et maintenance de matériel informatique avec solution Rentpharm. Elle a en même temps signé un contrat de location longue durée de 30 mois auprès de la SAS Healthlease, moyennant un loyer HT de 825 euros HT, avec un différé d'échéances de 6 mois. Le matériel a été livré par la SA Pharmagest Interactive le 2 mai 2011.
La SARL Pharmacie de la Croix Verte a résilié le contrat de fourniture et maintenance le 19 septembre 2013, résiliation contestée par la SA Pharmagest Interactive qui invoquait une durée de contrat de 42 mois à compter du 2 novembre 2011, soit jusqu'au 1er mai 2015.
La SA Pharmagest Interactive a obtenu une ordonnance d'injonction de payer du président du tribunal de commerce de Castres en date du 18 novembre 2014 à laquelle la SARL Pharmacie de la Croix Verte a régulièrement formé opposition.
Par jugement du 11 avril 2016, le tribunal de commerce de Castres a déclaré l'opposition recevable et, statuant à nouveau, condamné la SARL Pharmacie de la Croix Verte à payer à la SA Pharmagest Interactive la somme principale de 2.231,16 euros, outre celle de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et l'a condamnée aux dépens.
La SA Pharmagest Interactive a interjeté appel de cette décision le 1er juin 2016.
Par conclusions notifiées par R.P.V.A le 5 août 2016, la SA Pharmagest Interactive sollicite l'infirmation du jugement, et demande :
* que la SARL Pharmacie de la Croix Verte soit condamnée à lui payer les sommes :
- de 990 euros au titre de la facture n° F051571176Y du 7 mai 2014, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 31 mai 2014, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051572142Y du 5 juin 2014, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 30 juin 2014, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051585749Y du 7 juillet 2014, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 31 juillet 2014, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051587030Y du 6 août 2014, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 31 août 2014, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051588122Y du 4 septembre 2014, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 30 septembre 2014, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051601838Y du 6 octobre, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 6 octobre 2014, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051603037Y du 6 novembre 2014, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 6 novembre 2014, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051604202Y du 4 décembre 2014, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 4 décembre 2014, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051618135Y du 13 janvier 2015, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 13 janvier 2015, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051619024Y du 5 février 2015, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 5 février 2015, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051619999Y du 5 mars 2015, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 5 février 2015, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce ;
- de 990 euros au titre de la facture n° F051633821Y du 7 avril 2015, portant intérêt à trois fois le taux légal à compter du 5 février 2015, outre 40 euros de frais de recouvrement conformément aux articles L. 441-6 l’alinéa 12 et D. 441-5 du Code de Commerce.
* que soit ordonnée la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
* que la SARL Pharmacie de la Croix Verte soit condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu'aux dépens incluant le coût de la procédure d'injonction de payer, dont distraction au profit de son conseil selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par R.P.V.A le 27 septembre 2016, la SARL Pharmacie de la Croix Verte demande :
- au principal la nullité du contrat pour dol et le rejet des demandes de la SA Pharmagest Interactive,
- à titre subsidiaire, la condamnation de la SA Pharmagest Interactive au paiement de la somme de 12.360 euros de dommages-intérêts correspondant aux sommes réclamées, pour non-respect par la SA Pharmagest Interactive de ses engagements sur la gratuité de la maintenance, la compensation des créances et en conséquence le rejet des demandes de la SA Pharmagest Interactive,
- à titre plus subsidiaire, la nullité du contrat et le débouté de la SA Pharmagest Interactive, en raison de la nullité de la clause prévoyant la poursuite du contrat pendant 12 mois à son expiration, comme abusive et dépourvue de cause,
- très subsidiairement, le rejet des demandes compte tenu de l'acceptation de la résiliation notamment suivant lettre de la SA Pharmagest Interactive en date du 5 février 2014,
- plus subsidiairement, la limitation des sommes dues à 1.288,80 euros, correspondant aux sommes dues jusqu'au 22 octobre 2014,
- le rejet de la demande de la SA Pharmagest Interactive au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation, sur ce fondement, à une indemnité de 3.500 euros ainsi qu'aux dépens, comprenant ceux de la procédure d'injonction de payer.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en nullité du contrat pour dol :
Le contrat conclu le 22 avril 2011 entre la SA Pharmagest Interactive et la SARL Pharmacie de la Croix Verte prévoit la livraison, l'installation et la maintenance d'un matériel que la pharmacie loue, pour les besoins de son activité professionnelle, auprès d'un partenaire financier. L'article 6 des conditions générales relatif à la maintenance précise qu'il est conclu pour une durée de 42 mois, la maintenance étant assurée à titre gratuit pendant 30 mois, et qu'à l'issue de cette période, le client qui n'aurait pas opté pour le renouvellement de son matériel dans le cadre d'un nouveau financement sera tenu de payer au titre de la maintenance de son matériel une redevance égale au loyer mensuel versé au partenaire financier durant les trente mois de la location. Les conditions particulières ajoutent que le client peut à l'issue de 30 mois de location bénéficier d'un matériel neuf moyennant la signature d'un nouveau contrat de 42 mois avec la SA Pharmagest Interactive et d'un nouvel accord de financement, à défaut de quoi le contrat se poursuit jusqu'à son terme, la maintenance étant alors facturée pour les 12 derniers mois.
C'est à tort que la SARL Pharmacie de la Croix Verte soutient qu'il lui avait été promis la maintenance gratuite pendant toute la durée du contrat. Les documents que lui avait transmis le commercial de la SA Pharmagest Interactive la veille de la signature font référence face à la case « maintenance » de la solution « Rentpharm 30+12 » « ci-dessous gratuite », puis, en dessous « maintenance gratuite pendant 30 mois ». Le calcul manuscrit de l'économie réalisée par cette maintenance gratuite est bien effectué sur trois ans (214,80 x 3 = 644,40 euros). Il n'y a donc pas eu de mensonges dans les informations fournies la veille de la signature.
Sur la demande en dommages-intérêts pour non-respect de l'engagement de gratuité :
Le constat qui précède conduit à retenir que le représentant de la SA Pharmagest Interactive n'a pas pris l'engagement de fournir une maintenance gratuite sur une durée de 42 mois.
Sur la nullité de la clause stipulant le paiement de la maintenance au-delà de 30 mois :
Le premier fondement invoqué par la SARL Pharmacie de la Croix Verte, à savoir les dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 § 5 du code de la consommation relatives aux clauses abusives est inapplicable en l'espèce, le contrat ayant été conclu par la SARL Pharmacie de la Croix Verte pour les besoins de son activité professionnelle, de telle sorte que celle-ci ne peut être qualifiée de non professionnel et a fortiori de consommateur.
L'article L. 442-6-I-2° du code de commerce permet quant à lui d'engager la responsabilité du producteur, commerçant ou industriel soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
L'examen des deux contrats qui ont été soumis en même temps à la signature de la SARL Pharmacie de la Croix Verte, et qui sont interdépendants, puisqu'il est fait expressément référence aux modalités du contrat de financement dans le contrat de fourniture et maintenance, révèle :
- que sauf dénonciation expresse par le locataire 180 jours avant le terme, manifestant son intention de restituer le matériel, le contrat de location financière, d'une durée de 30 mois, se poursuit par tacite reconduction par durées de 12 mois, aux mêmes conditions et sur la base du dernier loyer,
- qu'ainsi, en application de l'article 6 du contrat de fourniture et de maintenance, si le locataire ne résilie pas le contrat de location à son terme, il devra régler, pour les douze mois restants du contrat de maintenance, un montant équivalant au double du loyer (loyer dû à la SA.S Healthlease et redevance de même montant pour la maintenance, due à la SA Pharmagest Interactive), et que s'il résilie le contrat de location, il est tenu à la restitution du matériel, de sorte que la maintenance est privée de cause.
Cette situation ne peut être évitée, selon les termes du contrat, que si le locataire accepte, aux termes des 30 premiers mois du contrat de fourniture et maintenance, de conclure un nouveau contrat de maintenance de 42 mois avec un nouveau matériel financé par un nouveau contrat de financement.
Ces constatations suffisent à démontrer que l'obligation de paiement édictée au terme des 30 mois crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce qu'elle contraint le partenaire de la SA Pharmagest Interactive à souscrire un nouveau contrat sous peine de payer un an de loyers.
La SA Pharmagest Interactive soutient qu'à l'issue du contrat de location, le matériel a été laissé à la disposition du client. Cela peut être effectivement le cas, mais cela ouvre le droit au bailleur de prétendre au paiement des loyers, le contrat se poursuivant.
La sanction édictée par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce n'est pas la nullité de la clause, mais l'obligation pour son auteur de réparer le préjudice subi. En l'espèce, celui qui en résulte pour la SARL Pharmacie de la Croix Verte est le montant de cette sanction prévue par le contrat. Dès lors la SA Pharmagest Interactive, tenue de réparer ce préjudice, ne peut qu'être déboutée de ses demandes, les dommages-intérêts qu'elle doit opérant une compensation complète avec les sommes dues au titre du contrat.
En application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est alloué à la SARL Pharmacie de la Croix Verte l'indemnité fixée au dispositif de cette décision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré.
Déboute la SA Pharmagest Interactive de ses demandes à l'encontre de la SARL Pharmacie de la Croix Verte et la condamne à payer à cette dernière une indemnité de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la SA Pharmagest Interactive au paiement des dépens en ce compris les frais de la procédure d'injonction de payer.
Le greffier, Le président,