CASS. CIV. 2e, 2 février 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6755
CASS. CIV. 2e, 2 février 2017 : pourvoi n° 15-28011 ; arrêt n° 152
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Vu l’article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ; […] ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations, d’une part, que l’obligation faite aux assurés de payer les primes avait pour contrepartie l’obligation faite à l’assureur d’indemniser les assurés des pertes locatives subies antérieurement à la résiliation du contrat ainsi que, postérieurement à celle-ci, de prendre en charge la totalité des frais de procédure et d’assurer le suivi de la procédure jusqu’à son terme lorsque les conditions du contrat sont remplies, et, d’autre part, que les pertes pécuniaires liées aux défaillances postérieures à la résiliation ne trouvaient pas leur origine dans les impayés survenus pendant la période de validité du contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 15-28011. Arrêt n° 152.
DEMANDEUR à la cassation : Société anonyme de défense et d’assurance
DÉFENDEUR à la cassation : Société Nexity Lamy
Mme Flise (président), président. SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte du 28 novembre 2006, la société Guy Hoquet gestion, aux droits de laquelle est venue la société Nexity Saggel résidentiel, puis la société Nexity Lamy (la société Nexity), a souscrit auprès de la Société anonyme de défense et d’assurance (l’assureur) un contrat denommé « Locatio » pour le compte des propriétaires bailleurs dont elle gère les biens, afin de garantir la prise en charge des loyers, charges, taxes et indemnités d’occupation laissés impayés par des locataires ; que, par lettre recommandée avec avis de réception du 12 octobre 2010, la société Nexity Saggel résidentiel a résilié le contrat d’assurance pour le 31 décembre 2010, date à laquelle vingt-neuf sinistres régulièrement déclarés étaient en cours d’indemnisation par l’assureur qui a cessé, à compter du 1er janvier 2011, d’indemniser les bailleurs y compris pour les sinistres nés et déclarés antérieurement à la date de résiliation de la police en se prévalant des dispositions du contrat selon lesquelles la résiliation du contrat entraîne la cessation des indemnités ; que la société Nexity, agissant en qualité de mandataire des propriétaires assurés, a assigné l’assureur pour obtenir la prise en charge de vingt-sept sinistres, l’indemnisation de deux des sinistres ayant été poursuivie ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour condamner l’assureur à payer à la société Nexity les sommes de 222.800,73 euros et 75.183,74 euros après avoir relevé que le contrat prévoit que l’assureur s’engage à rembourser à l’assuré, par l’intermédiaire du souscripteur, les pertes successives faisant suite au non-paiement, total ou partiel, d’un terme de loyer hors taxes et charges, l’arrêt énonce, d’abord, qu’aux termes du contrat, le sinistre est défini comme étant « constitué par le non-paiement total ou partiel d’un terme de loyer [...] avant l’appel du loyer suivant », l’assureur garantissant « à l’assuré le remboursement des pertes pécuniaires subies du fait du non-paiement par le locataire des loyers, charges ...», qu’aux termes de l’article 3, « l’assureur s’engage à rembourser à l’assuré [...] les pertes pécuniaires successives telles que définies à l’article 2 ci-dessus. La durée de l’indemnisation est composée des défaillances successives. Elle ne peut excéder 24 mois de quittancement à compter du premier terme impayé, ce dernier correspondant à la première défaillance. En cas de résiliation du présent contrat, la prise en charge des loyers, [...] cessera immédiatement. Toutefois, si une assignation à l’initiative de l’assureur a été signifiée au locataire antérieurement à ladite résiliation, l’assureur prendra en charge la totalité des frais de procédure [...] et assurera le suivi de la procédure jusqu’à son terme », que l’article 5 stipule que les indemnités cesseront à la résiliation du contrat ; qu’ensuite, l’arrêt relève que c’est en application de ces clauses qu’il n’y a pas lieu d’interpréter que l’assureur a interrompu à la date d’effet de la résiliation le paiement des indemnités pour les assurés dont le sinistre était survenu avant la résiliation du contrat et poursuivi l’indemnisation des bailleurs au profit desquels une procédure avait été engagée ; qu’enfin, il retient que le versement par les assurés des primes pour la période qui se situe entre la prise d’effet du contrat et son expiration a pour contrepartie la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit durant cette période et en déduit que les articles 3 et 5 des conditions générales du contrat selon lesquels le versement des indemnités cesse immédiatement en cas de résiliation du contrat, y compris pour les sinistres déjà réalisés et déclarés, doivent être réputés non écrits dès lors qu’ils aboutissent à priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’une résiliation opérée pour le compte de l’ensemble des bailleurs et à créer un avantage illicite, comme dépourvu de cause, au profit du seul assureur ayant perçu sans contrepartie les primes ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations, d’une part, que l’obligation faite aux assurés de payer les primes avait pour contrepartie l’obligation faite à l’assureur d’indemniser les assurés des pertes locatives subies antérieurement à la résiliation du contrat ainsi que, postérieurement à celle-ci, de prendre en charge la totalité des frais de procédure et d’assurer le suivi de la procédure jusqu’à son terme lorsque les conditions du contrat sont remplies, et, d’autre part, que les pertes pécuniaires liées aux défaillances postérieures à la résiliation ne trouvaient pas leur origine dans les impayés survenus pendant la période de validité du contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a débouté la société Nexity Lamy de sa demande de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 29 septembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;
Condamne la société Nexity Lamy aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la Société anonyme de défense et d’assurance la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix-sept.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la Société anonyme de défense et d’assurance
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué D’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il avait condamné la Sada à garantir dans leur totalité les 27 sinistres déclarés par la société Nexity et ce, jusqu’à leur terme, et à payer à la société Nexity la somme de 222.800,73 €, sauf à préciser que l’indemnisation due au titre des 27 sinistres déclarés par la société Nexity avant la résiliation du contrat d’assurance, se ferait dans les limites des plafonds contractuels de prise en charge des loyers, et D’AVOIR, ajoutant audit jugement, vu l’évolution du litige, condamné la Sada à payer à la société Nexity la somme supplémentaire de 75.183,74 €, représentant les indemnités dues au 5 mai 2015 ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE sur l’interprétation des clauses litigieuses, le contrat liant les parties et portant sur la garantie des loyers, charges et taxes impayés définissait le sinistre comme étant « constitué par le non-paiement total ou partiel d’un terme de loyers hors charges et taxes avant l’appel du loyer suivant » ; que l’article 3 intitulé « durée de la garantie » était ainsi rédigé : « L’assureur s’engage à rembourser à l’assuré, par l’intermédiaire, du souscripteur, les pertes pécuniaires successives telles que définies à l’article 2 ci-dessus. La durée d’indemnisation est composée des défaillances successives. Elle ne peut excéder 24 mois de quittancement à compter du premier terme impayé, ce dernier correspondant à la première défaillance. En cas de résiliation du présent contrat, la prise en charge des loyers, charges et taxes et indemnités d’occupation dus par le locataire cessera immédiatement. Toutefois si une assignation à l’initiative de l’assureur a été signifiée au locataire antérieurement à ladite résiliation, l’assureur prendra en charge la totalité des frais de procédure dans les limites contractuelles et assurera le suivi de la procédure jusqu’à son terme. Le commandement de payer signifié avant la résiliation fera également l’objet d’un règlement » ; que cette clause énonçait clairement qu’après la date d’effet de la résiliation du contrat aucune indemnité n’était plus due par l’assureur ; qu’il en était de même de l’article 5 du même contrat qui stipulait que les indemnités cesseraient à la résiliation du présent contrat ; qu’il n’y avait donc pas lieu à interprétation de ces dispositions ; que c’était en application de ces clauses que la Sada avait interrompu à la date d’effet de la résiliation le paiement des indemnités pour les assurés dont le sinistre était survenu avant la résiliation du contrat, et poursuivi l’indemnisation des bailleurs au profit desquels une procédure avait déjà été engagée par l’assuré ; que, sur la validité des clauses litigieuses, l’assurance souscrite par la société Nexity au profit des bailleurs dont elle administrait les biens était une assurance de dommages ; qu’un risque déjà réalisé au moment de la souscription du contrat d’assurance ne pouvait être assuré ; que les conditions générales du contrat excluaient d’ailleurs à l’article 9 la garantie par le contrat du non-paiement des loyers par un locataire qui ne serait pas à jour de ses loyers au moment de la date de prise d’effet du contrat ; que les bailleurs dont le sinistre avait déjà été déclaré avant la résiliation du bail, aucune procédure n’ayant encore été engagée par l’assureur, ne pouvaient donc obtenir la garantie d’un autre assureur ; que ces mêmes assurés se voyaient dénier par ces clauses toute indemnisation après la résiliation du contrat alors même qu’ils ne pouvaient être couverts par le nouveau contrat ; qu’ainsi que l’avait retenu le tribunal de commerce, il en résultait qu’une telle disposition rendait quasiment impossible la résiliation du contrat d’assurance souscrit collectivement pour plusieurs bailleurs, le mandataire qui souscrivait et gérait collectivement ces contrats ne pouvant sans faute priver certains de ses mandants du contrat qui les garantissait ; qu’au surplus ces assurés avaient versé des primes pour la période qui se situait entre la prise d’effet du contrat et son expiration ; que ce versement avait pour contrepartie la garantie des dommages qui trouvaient leur origine dans un fait qui s’était produit pendant cette période ; qu’il s’ensuivait que ces clauses aboutissaient à priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’une résiliation opérée pour le compte de l’ensemble des bailleurs par le gestionnaire des biens, dont la Sada rappelait qu’il était un professionnel de l’immobilier, ce que n’étaient pas les assurés, et à créer un avantage illicite, comme dépourvu de cause, au profit du seul assureur ayant perçu sans contrepartie les primes ; que les articles 3 et 5 des conditions générales du contrat selon lesquels le versement des indemnités cessait immédiatement en cas de résiliation du contrat, y compris pour les sinistres déjà réalisés et déclarés, devaient donc être réputées non écrites ; que l’équilibre du contrat qui reposait sur le paiement de primes pour les sinistres survenus pendant sa période d’effet, n’en était pas atteint (arrêt, pp. 6-7) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D’UNE PART, QUE la cause de l’obligation d’une partie à un contrat synallagmatique, tel un contrat d’assurance, consiste dans l’obligation contractée par l’autre ; que la cour d’appel avait constaté que l’article 3 des conditions générales du contrat d’assurance litigieux, portant garantie des risques de la location immobilière, stipulait notamment que l’assureur s’engageait à rembourser à l’assuré les pertes pécuniaires causées par la défaillance du locataire et que, selon ce même article et l’article 5 desdites conditions générales, cette indemnisation cessait en cas de résiliation de ladite police ; qu’il résultait de telles constatations que ne pouvaient être réputées non écrites lesdites stipulations, comme privant de contrepartie l’obligation faite à l’assuré de payer les primes d’assurance, dès lors que ladite obligation avait pour contrepartie l’obligation faite à l’assureur d’indemniser l’assuré des pertes locatives subies antérieurement à la résiliation de ladite police d’assurance ; qu’en réputant au contraire non écrites lesdites clauses, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1131 du code civil ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU’ainsi que l’arrêt l’avait lui-même retenu, l’article 3 des conditions générales de la police d’assurance énonçait « clairement qu’après la date d’effet de la résiliation du contrat aucune indemnité n’[était] plus due par l’assureur », de sorte que la contrepartie au paiement par l’assuré des primes, qui avait été convenue avec l’assureur, consistait dans une indemnisation de l’assuré, en cas de sinistre, jusqu’à la date de la résiliation et non postérieurement à celle-ci ; qu’en retenant néanmoins que la contrepartie convenue entre les parties consistait dans une garantie des dommages trouvant leur origine dans un fait qui s’était produit pendant cette période – garantie impliquant une indemnisation au titre de ces dommages pour la période postérieure à la résiliation – et non dans une indemnisation limitée à la période antérieure à cette résiliation, la cour d’appel a méconnu la loi des parties et violé l’article 1134 du code civil ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE l’absence de cause de l’obligation d’un assuré au paiement des primes ne peut être établie par une hypothétique impossibilité de conclure, postérieurement à la résiliation de la police d’assurance, un nouveau contrat ; qu’en retenant, pour réputer non écrite les clauses susmentionnées de la police d’assurance litigieuse, qu’elles rendaient quasiment impossible la résiliation par le souscripteur, en ce qu’il ne lui serait plus possible d’obtenir la couverture du risque auprès d’un autre assureur, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à établir une prétendue absence de cause de l’obligation de l’assuré, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1131 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE ne peut être réputée non écrite, pour défaut de cause, qu’une clause qui n’a pas été la cause impulsive et déterminante de l’engagement ; qu’en s’abstenant néanmoins de vérifier, pour juger non écrites pour défaut de cause les dispositions litigieuses des articles 3 et 5 des conditions générales de la police d’assurance, si ces dispositions n’avaient pas été la cause impulsive et déterminante de l’engagement de l’assureur, la cour d’appel a violé l’article 1172 du code civil.