CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 28 février 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6763
CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 28 février 2017 : RG n° 15/02961
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Le contrat signé le 15 novembre 2011 stipule expressément dans ses conditions particulières qu'il est conclu pour une durée fixe, indivisible et irrévocable de 48 mois et il n'existe aucune contestation sur la qualité des prestations réalisées par la société Futur Digital, qui s'était obligée à créer un site internet, à assurer la gestion du nom de domaine, l'adresse e-mail, l'hébergement du site et son référencement sur les principaux moteurs de recherche et le module de statistiques. Ainsi, M. X., dont l'obligation à paiement des échéances avait toujours comme cause l'exécution par la société Futur Digital de ses propres obligations, ne pouvait considérer le contrat comme caduc par défaut d'objet, ni le résilier unilatéralement pour un motif dépendant de sa seule volonté, à savoir l'arrêt de ses activités professionnelles, sauf à payer la totalité des loyers convenus le 15 novembre 2011. »
2/ « En l'espèce, le moyen tiré de la violation de l'article L. 442-6 du code de commerce, qui ne pouvait d'ailleurs être soumis en première instance qu'au tribunal de grande instance de Bordeaux (juridiction désignée par l'annexe 4.2.2 prévue par l'article D. 442-4 précité) et non au tribunal d'instance de Libourne, ne pouvait donc être contestée en cause d'appel devant la cour d'appel de Bordeaux. En application des textes précités, et de l'article 125 du code de procédure civile, il convient de constater le défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de Bordeaux et de déclarer M. X. irrecevable en sa demande de dommages-intérêts fondée sur ce moyen. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/02961 (Rédacteur : Jean-Pierre FRANCO, conseiller). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 avril 2015 par le Tribunal d'Instance de LIBOURNE (R.G. n° 11-14-532) suivant déclaration d'appel du 13 mai 2015.
APPELANT :
M. X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représenté par Maître M. substituant Maître Hélène O., avocats au barreau de LIBOURNE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2015/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
INTIMÉE :
SAS YTREZA
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [adresse], représentée par Maître Marc D. de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 janvier 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Jean-Pierre FRANCO, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Michèle ESARTE, président, Jean-Pierre FRANCO, conseiller, Catherine BRISSET, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Pour les besoins de son activité professionnelle d'artisan en métallerie, serrurerie et installation de structures métalliques, M. X. a conclu le 15 novembre 2011 avec la société Futur Digital un contrat de licence d'exploitation de son site internet en s'engageant à payer 48 échéances mensuelles de 170 euros HT soit 203,32 euros TTC.
Après cessation de son activité au 31 décembre 2012, et radiation du répertoire des métiers au 1erfévrier 2013, M. X. a sollicité la résiliation du contrat par courrier de son conseil en date du 4 février 2013. Il a cessé de payer les échéances à compter de mars 2013.
La société Ytreza, cessionnaire du contrat, a procédé à sa résiliation par courrier recommandé du 17 décembre 2013 après mise en demeure infructueuse et a obtenu du juge d'instance de Bordeaux le 11 juin 2014 une ordonnance enjoignant à M. X. de lui payer la somme de 6.912,88 euros à titre principal, au titre du solde du contrat.
Statuant sur opposition à l'injonction de payer, le tribunal d'instance de Libourne a, par jugement en date du 15 avril 2015, condamné M. X. à payer à la société Ytreza la somme de 6.997,08 euros avec intérêt au taux légal à compter de la décision, et a rejeté le surplus des demandes.
Dans des conditions de régularité non contestées, M. X. a relevé appel de ce jugement le 13 mai 2015 et dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 31 juillet 2015, il demande à la cour :
- de réformer le jugement,
A titre principal :
- de constater de que le contrat a été conclu pour les besoins de son activité artisanale, à laquelle il a mis fin le 31 décembre 2012,
- de débouter en conséquence la société Ytreza de l'ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire :
- de constater que le contrat litigieux crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,
- de condamner en conséquence la société Ytreza à lui payer une somme équivalente à celle à laquelle il a été condamné,
- d'ordonner la compensation,
En tout état de cause, de condamner la société Ytreza au paiement d'une indemnité de 1.500 euro en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait principalement valoir :
- que le contrat est caduc pour disparition de son objet, en l'absence d'activité professionnelle depuis le 31 décembre 2012,
- que la durée de 48 mois prévue au contrat créait un déséquilibre entre les droits et obligations des parties.
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 12 juillet 2016, la société Ytreza sollicite la confirmation pure et simple du jugement et réclame en outre paiement d'une indemnité de 2.000 euro pour frais irrépétibles.
Elle souligne à titre préalable que le contrat de licence d'exploitation de site Internet, qui constitue une location financière, comporte bien sa signature et son cachet,
- qu'elle a acheté le site Internet afin de permettre à M. X. de soulager sa trésorerie,
- que l'objet du contrat n'est pas affecté par la cessation d'activité du client, celle-ci constituant un événement dont il a la maîtrise exclusive,
- qu'il n'existe aucun déséquilibre au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2017.
Par notes en délibéré en date des 9 et 15 février 2017, dont la production avait été sollicitée par la cour, les parties se sont opposées à ce que la juridiction soulève d'office son incompétence en ce qui concerne l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 - M. X. n'a plus maintenu devant la cour son moyen de défense tiré de l'absence de lien contractuel avec la société Ytreza.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a relevé, à juste titre, que conformément à l'article 1 des conditions générales, le contrat de licence d'exploitation conclu entre M. X. et la société Futur Digital avait été cédé à la société Ytreza, dont la signature figure d'ailleurs au contrat, en qualité d'établissement cessionnaire.
2 - Le contrat signé le 15 novembre 2011 stipule expressément dans ses conditions particulières qu'il est conclu pour une durée fixe, indivisible et irrévocable de 48 mois et il n'existe aucune contestation sur la qualité des prestations réalisées par la société Futur Digital, qui s'était obligée à créer un site internet, à assurer la gestion du nom de domaine, l'adresse e-mail, l'hébergement du site et son référencement sur les principaux moteurs de recherche et le module de statistiques.
Ainsi, M. X., dont l'obligation à paiement des échéances avait toujours comme cause l'exécution par la société Futur Digital de ses propres obligations, ne pouvait considérer le contrat comme caduc par défaut d'objet, ni le résilier unilatéralement pour un motif dépendant de sa seule volonté, à savoir l'arrêt de ses activités professionnelles, sauf à payer la totalité des loyers convenus le 15 novembre 2011.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté ce moyen.
3 - En troisième lieu, se fondant expressément sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, M. X. soutient que le contrat créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, puisque la même situation de cessation partielle ou totale d'activité du client ouvrait au professionnel une faculté de résiliation de la convention (en application de l'article 16.2), alors que cette même faculté lui était interdite en qualité de locataire.
Mais il convient de relever qu'en application des disparitions d'ordre public des articles L. 442-6 dernier alinéa et D. 442-4 alinéa 2 du code de commerce, la cour d'appel de Paris a seule compétence pour connaître des appels formés contre les décisions des tribunaux de grande instance statuant sur l'application de l'article L. 442-6.
En l'espèce, le moyen tiré de la violation de l'article L. 442-6 du code de commerce, qui ne pouvait d'ailleurs être soumis en première instance qu'au tribunal de grande instance de Bordeaux (juridiction désignée par l'annexe 4.2.2 prévue par l'article D. 442-4 précité) et non au tribunal d'instance de Libourne, ne pouvait donc être contestée en cause d'appel devant la cour d'appel de Bordeaux.
En application des textes précités, et de l'article 125 du code de procédure civile, il convient de constater le défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de Bordeaux et de déclarer M. X. irrecevable en sa demande de dommages-intérêts fondée sur ce moyen.
4 - En application de l'article 1134 ancien du code civil applicable en la cause, et des dispositions de l'article 16.3 du contrat, la société Ytreza est fondée à solliciter paiement des échéances mensuelles échues avant la résiliation (soit 1.829,88 euros), et des échéances qui auraient dû lui être réglées jusqu'au terme du contrat, soit 5.067,20 euros, outre 100 euros au titre de la clause pénale que le tribunal a réduit à juste titre en raison de son caractère manifestement excessif.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la société Ytreza la somme de 6.997,08 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 15 avril 2015.
5 - Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles, de sorte que les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Échouant en son recours, M. X. supportera les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Vu les articles L. 442-6 et D. 442-4 du code de commerce et l'article 125 du code de procédure civile,
Constate que la cour d'appel de Bordeaux est dépourvue de pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'appel interjeté par M. X., en ce qui concerne sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce,
Déclare M. X. irrecevable en cette demande,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d'instance de Libourne en date du 15 avril 2015,
Y ajoutant,
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Michèle ESARTE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,