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CASS. CIV. 1re, 8 février 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 8 février 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 15-21528
Décision : 17-182
Date : 8/02/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:C100182
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 182
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6766

CASS. CIV. 1re, 8 février 2017 : pourvoi n° 15-21528 ; arrêt n° 182

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 8 FÉVRIER 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 15-21528. Arrêt n° 182.

DEMANDEUR à la cassation : M. X. - Société Le Sou médical

DÉFENDEUR à la cassation : Société Clinique vision laser des Alpes

Mme Batut (président), président. Maître Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 27 novembre 2006, M. X., chirurgien exerçant son activité à titre libéral, a réalisé, au sein de la société Clinique vision laser des Alpes (la clinique) une intervention au laser destinée à remédier à la presbytie dont était atteinte Mme Y. ; qu’à la suite de cette intervention, la patiente a présenté une infection nosocomiale dont la prise en charge a été assurée par M. X. jusqu’à ce qu’elle soit hospitalisée en urgence, le 22 décembre 2006, au centre universitaire de Grenoble, au sein duquel il a été pratiqué successivement deux greffes de la membrane amniotique ; qu’après avoir sollicité une expertise en référé, Mme Y. a assigné en responsabilité et indemnisation la clinique et la société Covea Risks, assureur, ainsi que le praticien et appelé en déclaration de jugement commun la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours ; que la société Covea Risks ne garantissant pas la responsabilité civile de la clinique a été mise hors de cause ;

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen, ci-après annexé :

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

 

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique ;

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que le dommage consécutif à une perte de chance correspond à une fraction des différents chefs de préjudice subis qui est déterminée en mesurant la chance perdue et ne peut être égale aux atteintes corporelles résultant de l’acte médical ; qu’en présence de coresponsables dont l’un répond du dommage corporel et l’autre d’une perte de chance, il ne peut être prononcé une condamnation in solidum qu’à concurrence de la partie du préjudice total de la victime à la réalisation duquel les coresponsables ont l’un et l’autre contribué ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour juger M. X. responsable in solidum avec la clinique du dommage survenu à Mme Y. et le condamner in solidum à payer à celle-ci une indemnité en réparation de son préjudice corporel et à rembourser à la caisse ses débours, l’arrêt relève que le praticien est responsable des suites de l’infection et que sa prise en charge a fait perdre une chance à Mme Y. de stopper l’infection en cours et ses graves conséquences ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

 

Sur le deuxième moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour retenir l’existence d’un préjudice d’agrément, fixer son étendue et condamner M. X., in solidum avec la clinique, à payer à Mme Y. une indemnité de 7.000 euros de ce chef, l’arrêt relève, par motifs adoptés, qu’elle présente une perte de la vision binoculaire et du relief, une gêne pour le travail à l’écran et une difficulté pour conduire, notamment la nuit, et, par motifs propres, que le préjudice d’agrément ne peut être sérieusement discuté, quelle que soit l’activité pratiquée ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice d’agrément est celui qui résulte d’un trouble spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés ;

 

Et sur la demande de mise hors de cause :

Attendu qu’il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA venant aux droits de la société Covea Risks, dont la présence devant la cour d’appel de renvoi n’est pas nécessaire à la solution du litige ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

Met hors de cause les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit M. X. responsable in solidum avec la clinique du dommage survenu à Mme Y., en ce qu’il le condamne in solidum avec la clinique à payer à Mme Y. une indemnité en réparation de son préjudice corporel et à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère une somme en remboursement de ses débours et en ce qu’il alloue à Mme Y. une indemnité de 7.000 euros au titre du préjudice d’agrément, l’arrêt rendu le 12 mai 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne Mme Y. aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-sept.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par Maître Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X. et la société Le Sou médical

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué : D’AVOIR déclaré M. X. responsable des suites de l’infection nosocomiale, de l’avoir jugé responsable, in solidum avec la Clinique vision laser des Alpes, du dommage survenu à Mme Y., de l’avoir condamné, in solidum avec la clinique, à payer à Mme Y. la somme de 48.200 €, de l’avoir condamné, in solidum avec la clinique, à payer à la Caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère, site de Vienne, la somme de 57.598,61 € avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2009, ainsi que celle de 1.028 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE ses interventions postopératoires et la circonstance, non discutée, qu’il n’a pas prescrit de collyre adapté la veille de l’intervention puis lors des consultations postérieures, n’a pas effectué les prélèvements nécessaires, n’a pas sollicité d’avis extérieur autorisé devant la persistance des symptômes, a indiscutablement fait perdre une chance à Martine Y. de stopper l’infection en cours et ses graves conséquences ; que la distinction entre les conséquences des responsabilités de la clinique du fait de l’article L. 1142-1, I et du Dr X. dont la distinction structurelle est mal caractérisée justifie, alors qu’un protocole est intervenu le 10 novembre 2010, pour faire supporter au Dr X. comme à la clinique les conséquences pécuniaires de la responsabilité de plein droit de la clinique, pour faute du Dr X., une condamnation in solidum ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1) ALORS QU’en se bornant à affirmer que les manquements de M. X. dans le suivi postopératoire avaient fait perdre une chance à Mme Y. de stopper l’infection et ses conséquences, sans expliquer en quoi la prescription de collyres, la réalisation de prélèvements et la sollicitation d’un avis extérieur auraient pu faire obstacle au développement de l’infection, la cour d’appel a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE des motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; qu’en énonçant néanmoins, pour condamner M. X. à réparer l’intégralité du préjudice subi par Mme Y. à la suite de l’infection nosocomiale contractée à la Clinique vision laser des Alpes, que « la distinction entre les conséquences des responsabilités de la clinique du fait de l’article L. 1142-1 I et du Dr X. dont la distinction structurelle est mal caractérisée justifie, alors qu’un protocole est intervenu le 10 novembre 2010, pour faire supporter au Dr X. comme à la clinique les conséquences pécuniaires de la responsabilité de plein droit de la clinique, pour faute du Dr X., une condamnation in solidum », la cour d’appel s’est déterminée par des motifs inintelligibles, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE M. X. et le Sou médical soutenaient que la clause du protocole transactionnel du 10 novembre 2010 relative au « contentieux de Madame Y. » était abusive et nulle ; qu’en se bornant néanmoins à relever, pour condamner M. X. in solidum avec la Clinique vision laser des Alpes à réparer l’intégralité du préjudice subi par Mme Y., qu’un protocole était intervenu le 10 novembre 2010 entre M. X. et la clinique, sans répondre aux conclusions du chirurgien et de son assureur invoquant la nullité et le caractère abusif de la clause litigieuse du protocole, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

4) ALORS QUE, subsidiairement, lorsque le préjudice en rapport avec la faute réside dans une perte de chance, la réparation allouée ne peut représenter qu’une fraction de la perte à laquelle la victime a été exposée ; qu’en condamnant néanmoins M. X., in solidum avec la Clinique vision laser des Alpes, à réparer l’intégralité du dommage causé à Mme Y., après avoir pourtant constaté que le comportement du chirurgien aurait seulement fait perdre une chance à la patiente de stopper l’infection en cours et ses graves conséquences, ce dont il résultait que le préjudice réparable par M. X. correspondait seulement à une fraction du dommage subi par Mme Y., la cour d’appel a violé l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.

 

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué : D’AVOIR fait droit à la demande de Mme Y. en réparation de son préjudice d’agrément à hauteur de la somme de 7.000 €, d’avoir par suite condamné M. X., in solidum avec la clinique, à payer à Mme Y. la somme de 48.200 €, de l’avoir condamné, in solidum avec la clinique, à payer à la Caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère, site de Vienne, la somme de 57.598,61 € avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2009, ainsi que celle de 1.028 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS PROPRES QUE le préjudice d’agrément ne peut être sérieusement discuté, quelle que soit l’activité pratiquée ; que, toutefois, l’expert relève que des gestes chirurgicaux auxquels Mme Y. se refuse et auxquels on ne peut bien évidemment la contraindre permettraient de le réduire ; qu’il a été justement fixé à la somme de 7.000 € ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le préjudice d’agrément [est] lié, selon la demande, à la perte de la vision binoculaire et du relief, privation de la possibilité de poursuivre la pratique du tennis, gêne pour le travail à l’écran, difficultés pour conduire, notamment de nuit ; que la pratique antérieure du tennis ne résulte d’aucun justificatif (pas de licence sportive produite, ni de justification de l’adhésion à un club, ni ne résulte des attestations produites) ; que le surplus est établi, ce qui justifie une indemnisation à hauteur de 7.000 €, compte tenu de l’importance des chefs de préjudices éprouvés qui impactent directement la vie quotidienne ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; qu’en relevant néanmoins, pour caractériser le préjudice d’agrément de Mme Y., que ce préjudice ne pouvait être sérieusement discuté, quelle que fût l’activité pratiquée, et était lié à la perte de la vision binoculaire et du relief, à la gêne pour le travail à l’écran et aux difficultés pour conduire, considérant ainsi qu’il résultait des troubles ressentis par Mme Y. dans ses conditions d’existence, cependant qu’il ne pouvait être établi que par l’impossibilité pour la patiente de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs à la suite de l’intervention qu’elle avait subie, la cour d’appel a violé l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.

 

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué : D’AVOIR fait droit à la demande de Mme Y. en réparation de son « préjudice annexe » à hauteur de la somme de 3.000 €, d’avoir par suite condamné M. X., in solidum avec la clinique, à payer à Mme Y. la somme de 48.200 €, de l’avoir condamné, in solidum avec la clinique, à payer à la Caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère, site de Vienne, la somme de 57.598,61 € avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2009, ainsi que celle de 1.028 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS PROPRES QUE la réparation du préjudice annexe a été justement fixée par le premier juge à la somme de 3.000  € ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE préjudices annexes : principalement déplacements pour soins et expertises : 3.000 € ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QU’en se bornant à relever, pour allouer à Mme Y. la somme de 3.000 €, que cette dernière avait subi des préjudices annexes consistant principalement en des déplacements pour soins et expertises, sans indiquer sur quelles pièces elle se fondait pour affirmer que Mme Y. avait effectivement supporté des frais de déplacement d’un montant de 3.000 €, la cour d’appel a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile.