CASS. COM., 15 mars 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6785
CASS. COM., 15 mars 2017 : pourvoi n° 15-17053 ; arrêt n° 354
Publication : Legifrance
Extrait : « Mais attendu que, saisie d’une demande fondée sur une pratique de prix discriminatoires entre acheteurs de même catégorie constitutive d’une pratique restrictive de concurrence, la cour d’appel a relevé que la loi du 4 août 2008 a supprimé l’interdiction des pratiques discriminatoires en abrogeant l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce ; que par ce seul motif, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer les recherches inopérantes invoquées par la première branche dès lors qu’une telle pratique ne constitue pas une soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties, ni celles, inutiles, invoquées par la sixième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 MARS 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 15-17053. Arrêt n° 354.
DEMANDEUR à la cassation : Société Mi Cayito
DÉFENDEUR à la cassation : Société Andrade Distribution
Mme Mouillard (président), président. SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2015), que la société Andrade Distribution (la société Andrade), ayant livré au cours des années 2009 et 2010, en qualité de grossiste, des fruits et légumes à la société Mi Cayito, exploitant un fonds de commerce de restauration, l’a assignée en paiement de factures impayées ; que cette dernière a demandé reconventionnellement des dommages-intérêts pour pratiques discriminatoires ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Mi Cayito fait grief à l’arrêt du rejet de sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que si la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a, modifiant l’article L. 442-6 du code de commerce, supprimé la prohibition per se des pratiques tarifaires discriminatoires, elle a laissé subsister dans ce texte les dispositions prévoyant qu’« engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. […] », et la même loi a ajouté au texte un cas de responsabilité civile tenant au fait, par tout producteur, commerçant ou industriel, « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ; que de surcroît, ces cas de responsabilité civile sont distincts de celui, prévu par le même article du code de commerce, applicable au fournisseur s’étant abstenu de communiquer ses conditions générales de vente à un acheteur en ayant fait la demande pour l’exercice d’une activité professionnelle ; qu’en l’état de la demande indemnitaire formée par l’acheteur, que celui-ci fondait sur deux griefs pris, le premier, d’une absence de communication par le fournisseur de ses conditions générales de vente, et le second, du caractère disproportionné des prix pratiqués par le fournisseur à son égard, comparativement à ceux pratiqués à l’égard d’un autre restaurant concurrent, et du déséquilibre significatif en résultant dans les droits et obligations des parties, la cour d’appel, qui a examiné le premier grief mais qui, sur le second, s’est bornée à viser la suppression législative de l’interdiction des pratiques discriminatoires et n’a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée sans ambiguïté par les conclusions susmentionnées de l’acheteur, si ce dernier ne s’était pas vu imposer des prix manifestement disproportionnés à la valeur des produits fournis et créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et si ces faits n’engageaient pas la responsabilité civile du fournisseur, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce ;
2°/ qu’en relevant d’office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de ce que les pratiques de discrimination bénéficiaient de l’exemption automatique du règlement nº 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, lorsque le fournisseur avait une part de marché inférieure à 30 %, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le règlement d’exemption susvisé n’a pas pour objet ni pour effet de rendre licites tous les accords verticaux d’achat ou de vente de biens ou de services et l’exemption ne couvre pas ceux qui comportent des restrictions de nature à restreindre la concurrence et à porter préjudice aux consommateurs, le règlement disposant en particulier que « l’exemption […] ne s’applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d’autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet : / a) de restreindre la capacité de l’acheteur de déterminer son prix de vente […] » ; qu’en retenant au contraire que l’exemption s’appliquerait indistinctement à toutes les pratiques de discrimination tarifaire, la cour d’appel a violé les articles 2 et 4 du règlement (UE) nº 330/2010 de la commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ;
4°/ que pour affirmer qu’aurait été « parfaitement justifiée » la différence de traitement tarifaire entre la société Mi Cayito et un autre restaurant exploité par une société Le Chansonnier, le fournisseur se prévalait, non pas d’une hypothétique différence de situation entre les deux restaurants sous le rapport de leur activité, de leur taille ou de la nature et de la quantité des marchandises achetées - les écritures du fournisseur comportant même la mention de ce que celui-ci avait « appliqué des prix différents pour des mêmes produits » -, mais seulement de prétendus retards réitérés de la société Mi Cayito dans le paiement de ses fournitures et de l’ancienneté de la relation contractuelle entre le fournisseur et la société Le Chansonnier ; qu’en l’état de cette absence de contestation du fournisseur sur la similarité de la situation des deux restaurants en ce qui avait trait à leur activité, à leur taille et à la nature et à la quantité des marchandises achetées, la cour d’appel, qui a néanmoins regardé ce point comme contesté pour en déduire la prétendue absence de discrimination subie par la société Mi Cayito, a modifié l’objet du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;
5°/ qu’en relevant d’office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de ce que la société Mi Cayito n’aurait pas démontré se trouver dans la même situation que la société Le Chansonnier concernant son activité et ses approvisionnements, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
6°/ qu’en ne recherchant pas, comme l’y avait invitée la société Mi Cayito, si nonobstant toute qualification relevant des pratiques restrictives de concurrence visées au code de commerce, la différenciation tarifaire pratiquée ne caractérisait pas une exécution de mauvaise foi, par le fournisseur, de la convention qui les liait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134, alinéa 3, du code civil ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que, saisie d’une demande fondée sur une pratique de prix discriminatoires entre acheteurs de même catégorie constitutive d’une pratique restrictive de concurrence, la cour d’appel a relevé que la loi du 4 août 2008 a supprimé l’interdiction des pratiques discriminatoires en abrogeant l’article L. 442-6-I-1° du code de commerce ; que par ce seul motif, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer les recherches inopérantes invoquées par la première branche dès lors qu’une telle pratique ne constitue pas une soumission à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties, ni celles, inutiles, invoquées par la sixième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mi Cayito aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Mi Cayito
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR débouté la société Mi Cayito, acheteur de fruits et légumes pour les besoins du restaurant par elle exploité, de sa demande en dommages et intérêts contre la société Andrade Distribution, grossiste fournisseur desdits fruits et légumes ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE la société Andrade Distribution était un grossiste en fruits et légumes à Rungis ; qu’au cours des années 2009 et 2010, la société Andrade avait livré à la société Mi Cayito, exploitant d’un restaurant à Paris, des fruits et légumes ; que diverses factures étaient restées impayées, la société Mi Cayito prétendant avoir fait l’objet de discriminations tarifaires par rapport à un restaurant concurrent ; que la société Andrade avait alors vainement mis en demeure la société Mi Cayito de lui régler la somme de 4.373,41 euros ; que c’était dans ces conditions que le 3 mai 2011, la société Andrade avait assigné la société Mi Cayito devant le tribunal de commerce de Paris, afin d’obtenir le règlement des factures impayées ; que celui-ci avait fait droit à ses demandes mais rejeté la demande reconventionnelle de la société Mi Cayito pour discrimination ; que sur la demande de dommages-intérêts de la société Mi Cayito pour pratiques discriminatoires : la société appelante soutenait que la société Andrade aurait vendu des fruits et légumes identiques à la même période, dans les mêmes quantités, à des prix différents aux sociétés Mi Cayito et Le Chansonnier ; qu’elle demandait à titre de dommages intérêts le paiement de la somme de 9 616 € correspondants à la surfacturation de 72 % dont elle aurait été victime ; que la société Andrade Distribution soutenait que les différenciations tarifaires pratiquées étaient justifiées ; mais que la loi du 4 août 2008 (n° 2008-776) avait supprimé l’interdiction des pratiques discriminatoires (ancien texte de l’article L. 442-6-I-1º du code de commerce) à compter de son entrée en vigueur, soit le 5 août 2008 ; qu’à compter du 5 août 2008, donc, la discrimination, en droit commercial, n’était plus interdite en soi ; que, par ailleurs, les pratiques de discrimination bénéficiaient de l’exemption automatique du règlement d’exemption nº 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, lorsque le fournisseur avait une part de marché inférieure à 30 % ; que les ventes dont s’agissait dataient de 2009-2010 ; qu’il n’était pas démontré que la part de marché de la société Andrade soit supérieure à 30 % sur un marché pertinent ; qu’au surplus, la société Mi Cayito ne démontrait pas avoir été victime de discrimination ; qu’en effet, ne pouvaient être considérées comme discriminatoires que les différenciations tarifaires appliquées à des opérateurs de taille identique et placés dans la même situation, qui achetaient les mêmes marchandises, à la même période et dans des quantités comparables ; que la société Mi Cayito se contentait d’alléguer des différenciations tarifaires unitaires, sans démontrer se trouver dans la même situation que la société Le Chansonnier ; qu’elle serait donc déboutée de sa demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point (arrêt, pp. 2 et 3) ; que les commandes de fruits et légumes avaient été passées par la société Mi Cayito à la société Andrade Distribution pendant 25 mois, jusqu’au début de l’année 2011 et que la société Mi Cayito passait les commandes par téléphone et que la société Andrade Distribution lui envoyait, préalablement à la commande, les tarifs par télécopie et que le montant des commandes s’élevait à 23.000 € ; que la société Mi Cayito exposait qu’elle s’était aperçue, au début de l’année 2011, que les prix pratiqués par la société Andrade Distribution étaient nettement supérieurs à ceux facturés par celle-ci à un autre restaurant, qu’elle estimait que la société Andrade Distribution avait ainsi commis une faute et lui avait causé un préjudice ; que la société Andrade Distribution ne contestait pas que les prix facturés à la société Mi Cayito étaient plus élevés que ceux pratiqués envers l’autre restaurant mais soutenait qu’elle n’avait, pour autant, commis aucune faute et contestait la différence de prix de 72 % alléguée par la société Mi Cayito et, en conséquence, le quantum du préjudice s’élevant à la somme de 9.616 € sur cette base ; qu’il était notoire que le prix des fruits et légumes pouvaient évoluer dans de grandes proportions en très peu de temps et que, de plus, il existait des différences de prix importantes entre les différentes quantités d’un même produit, qu’en conséquence, la comparaison des prix supposait que les deux acheteurs aient acheté des produits identiques au même moment et que, de plus, l’échantillon observé soit représentatif sur le plan statistique de la totalité des ventes ; qu’en tout état de cause, la réparation d’un éventuel préjudice était prévue par l’article L. 442-6 du code de commerce qui disposait : « I. - Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : … 9° De ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l’article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l’exercice d’une activité professionnelle » ; que la responsabilité de la société Andrade Distribution était, selon la société Mi Cayito, engagée au visa de l’article L. 441-6, qui prévoyait : « I. - Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale. Elles comprennent : - les conditions de vente ; - le barème des prix unitaires ; - les réductions de prix ; - les conditions de règlement » ; que ces deux articles n’imposaient pas au fournisseur de communiquer, de sa propre initiative, avant toute transaction, ses conditions générales de vente à l’acheteur, mais disposaient, au contraire, que l’acheteur devait en faire la demande au vendeur ; qu’il était constant qu’au cours des 25 mois de la relation contractuelle, la société Mi Cayito n’avait fait aucune demande de cette nature à la société Andrade Distribution, qu’il en résultait que les conditions requises pour l’engagement de la responsabilité et le droit à réparation du préjudice invoqués par la société Mi Cayito n’étaient pas remplies ; que le fait que la société Andrade Distribution indiquait ne pas avoir établi de conditions générales de vente était, au vu de ces articles, sans effet ; qu’en conséquence, la demande de dommages et intérêts de la société Mi Cayito était mal fondée (jugement, pp. 4 et 5) ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE si la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a, modifiant l’article L. 442-6 du code de commerce, supprimé la prohibition per se des pratiques tarifaires discriminatoires, elle a laissé subsister dans ce texte les dispositions prévoyant qu’« engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. […] », et la même loi a ajouté au texte un cas de responsabilité civile tenant au fait, par tout producteur, commerçant ou industriel, « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ; que de surcroît, ces cas de responsabilité civile sont distincts de celui, prévu par le même article du code de commerce, applicable au fournisseur s’étant abstenu de communiquer ses conditions générales de vente à un acheteur en ayant fait la demande pour l’exercice d’une activité professionnelle ; qu’en l’état de la demande indemnitaire formée par l’acheteur, que celui-ci fondait sur deux griefs pris, le premier, d’une absence de communication par le fournisseur de ses conditions générales de vente (cf. conclusions d’appel de la société Mi Cayito, pp. 4 et 5), et le second, du caractère disproportionné des prix pratiqués par le fournisseur à son égard, comparativement à ceux pratiqués à l’égard d’un autre restaurant concurrent, et du déséquilibre significatif en résultant dans les droits et obligations des parties (cf. conclusions de la société Mi Cayito, pp. 5 à 9), la cour d’appel, qui a examiné le premier grief mais qui, sur le second, s’est bornée à viser la suppression législative de l’interdiction des pratiques discriminatoires et n’a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée sans ambiguïté par les conclusions susmentionnées de l’acheteur, si ce dernier ne s’était pas vu imposer des prix manifestement disproportionnés à la valeur des produits fournis et créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et si ces faits n’engageaient pas la responsabilité civile du fournisseur, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce ;
ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QU’en relevant d’office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de ce que les pratiques de discrimination bénéficiaient de l’exemption automatique du règlement nº 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, lorsque le fournisseur avait une part de marché inférieure à 30 %, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TROISIÈME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le règlement d’exemption susvisé n’a pas pour objet ni pour effet de rendre licites tous les accords verticaux d’achat ou de vente de biens ou de services et l’exemption ne couvre pas ceux qui comportent des restrictions de nature à restreindre la concurrence et à porter préjudice aux consommateurs, le règlement disposant en particulier que « l’exemption […] ne s’applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d’autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet : / a) de restreindre la capacité de l’acheteur de déterminer son prix de vente […] » ; qu’en retenant au contraire que l’exemption s’appliquerait indistinctement à toutes les pratiques de discrimination tarifaire, la cour d’appel a violé les articles 2 et 4 du règlement (UE) nº 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées ;
ALORS, EN QUATRIÈME LIEU, QUE pour affirmer qu’aurait été « parfaitement justifiée » la différence de traitement tarifaire entre la société Mi Cayito et un autre restaurant exploité par une société Le Chansonnier, le fournisseur se prévalait (cf. conclusions de la société Andrade Distribution, p. 8, in fine, p. 9), non pas d’une hypothétique différence de situation entre les deux restaurants sous le rapport de leur activité, de leur taille ou de la nature et de la quantité des marchandises achetées – les écritures du fournisseur comportant même (p. 8, antépénultième alinéa) la mention de ce que celui-ci avait « appliqué des prix différents pour des mêmes produits » –, mais seulement de prétendus retards réitérés de la société Mi Cayito dans le paiement de ses fournitures et de l’ancienneté de la relation contractuelle entre le fournisseur et la société Le Chansonnier ; qu’en l’état de cette absence de contestation du fournisseur sur la similarité de la situation des deux restaurants en ce qui avait trait à leur activité, à leur taille et à la nature et à la quantité des marchandises achetées, la cour d’appel, qui a néanmoins regardé ce point comme contesté pour en déduire la prétendue absence de discrimination subie par la société Mi Cayito, a modifié l’objet du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, EN CINQUIÈME LIEU, QU’en relevant d’office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de ce que la société Mi Cayito n’aurait pas démontré se trouver dans la même situation que la société Le Chansonnier concernant son activité et ses approvisionnements, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, EN SIXIÈME LIEU, QU’en ne recherchant pas, comme l’y avait invitée la société Mi Cayito (conclusions, p. 9, p. 11), si nonobstant toute qualification relevant des pratiques restrictives de concurrence visées au code de commerce, la différenciation tarifaire pratiquée ne caractérisait pas une exécution de mauvaise foi, par le fournisseur, de la convention qui les liait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134, alinéa 3, du code civil.