CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 17 septembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 6794
CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 17 septembre 2015 : RG n° 14/07861
Cassé par Cass. civ. 1re, 29 mars 2015 : pourvoi n° 15-27231 ; arrêt n° 442 ; Cerclab n° 6793
Publication : Jurica
Extrait : « Que s'il est tout autant constant que le contrat de prêt litigieux s'analyse en un acte strictement interne dès lors que les parties sont domiciliées en France, de nationalité française ou immatriculée dans ce pays et que le bien financé est situé en France, l'indexation en question ne contrevient aucunement aux prohibitions rappelées ci-dessus dans la mesure où elle est en relation directe avec l'activité de la société prêteuse, établissement bancaire qui fait par profession commerce d'argent et doit comme en l'occurrence emprunter sur les marchés internationaux de devises pour prêter à ses clients, les établissements financiers n'ayant pas pour pratique de prêter sur leurs fonds propres ;
Qu'il s'ensuit que la clause d'indexation des remboursements sur la variation du taux de change euro/franc suisse comprise dans le contrat de prêt conclu le 3 juillet 2009 par Monsieur X. avec la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE est régulière et parfaitement licite de sorte que la décision entreprise qui déclare cette clause non écrite et substitue au taux conventionnel celui légal doit être infirmée, la demande additionnelle de Monsieur X. aux fins de remboursement par la banque prêteuse des sommes versées par ses soins au titre des intérêts conventionnels, d'indemnité de conversion ou des frais de change devant être rejetée comme mal-fondée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/07861. Jugement (R.G. n° 14/04032) rendu le 21 octobre 2014, par le Tribunal de Grande Instance de LILLE.
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social : [adresse], Représentée par Maître Sylvie REGNIER, avocat au barreau de DOUAI, Assistée de Maître METAIS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville] - de nationalité Française, demeurant : [adresse], Représenté par Maître Anne POLICELLA, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 16 juin 2015 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Benoît PETY, Conseiller, Hélène BILLIERES, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :
Monsieur X. a conclu le 22 mai 2009 avec la SCI Le Michel Ange un contrat de vente en l'état futur d'achèvement portant sur l'acquisition d'un appartement T3 situé à LYON, opération à visée de défiscalisation et portant sur un bien locatif d'un montant de 176.200 euros.
Pour financer cette acquisition, Monsieur X. a accepté le 3 juillet 2009 une offre de prêt HELVET IMMO qui lui a été soumise par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, prêt libellé en francs suisses (monnaie de compte) pour un montant de 270.231,77 francs et pour une durée de 25 ans, le taux d'intérêts étant fixé à 3,80 % l'an. Ce prêt était cependant remboursable en euros (monnaie de paiement). Le montant des mensualités était ainsi fixé à 855,73 francs suisses durant les 15 premiers mois compte tenu d'un différé de remboursement du capital, puis de 1.440,95 francs suisses durant 285 mois. Deux comptes internes ont ainsi été ouverts pour la gestion de ce prêt, l'un en euros, l'autre en francs suisses.
La parité euro/franc suisse a connu une forte évolution postérieurement à l'acceptation de l'offre de prêt puisque cette parité est passée de 1 euro/1,5110 franc suisse le 17 juin 2009 à 1 euro/1,0960 franc suisse en août 2011, ce qui a eu pour conséquence d'augmenter considérablement la durée du prêt mais aussi le montant du capital à rembourser.
Considérant que la banque prêteuse avait eu recours de façon illégale à une clause de monnaie de compte libellée en devise étrangère et avait de la sorte manqué à son obligation d'information, Monsieur X. a fait assigner par exploit du 26 février 2014 la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE devant le tribunal de grande instance de LILLE aux fins de voir cette juridiction dire illicite la clause du prêt prévoyant l'indexation du taux d'intérêts sur l'évolution de la parité euro/franc suisse, à titre subsidiaire dire que la banque a manqué à son obligation d'information envers l'emprunteur, en toute hypothèse dire cette clause non écrite, substituer au taux d'intérêt contractuel celui légal en cours au jour de la décision attendue et ce à compter de la conclusion du prêt, enfin condamner l'établissement bancaire à lui verser une indemnité de procédure de 3.000 euros.
Par jugement réputé contradictoire du 21 octobre 2014, le tribunal de grande instance de LILLE a déclaré non écrite la clause d'indexation des remboursements sur la variation du taux de change des monnaies euro et franc suisse, dit que le remboursement du prêt souscrit par Monsieur X. devait être affecté d'intérêts au taux légal à compter du 10 août 2009, enfin condamné la banque prêteuse à verser à Monsieur X. une indemnité de procédure de 3.000 euros.
La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a interjeté appel de cette décision. Elle demande par voie d'infirmation à la cour de débouter Monsieur X. de toutes ses demandes, de dire licite la clause d'indexation des remboursements sur la variation du taux de change des monnaies euro et franc suisse, de dire que le prêt souscrit par Monsieur X. doit être exécuté dans les conditions convenues entre les parties et de condamner Monsieur X. à verser à la banque appelante une indemnité de procédure de 10.000 euros.
La banque maintient que Monsieur X. a fait le choix d'un prêt en francs suisses en toute connaissance de cause et après avoir reçu une information complète, claire et précise. A ce sujet, il est acquis que le contrat souscrit par l'emprunteur doit être remboursé au moyen d'échéances fixes en euros, la variation du taux de change n'impactant pas le montant des mensualités mais pouvant raccourcir ou augmenter dans la limite de cinq années la durée de l'amortissement du prêt. Ainsi Monsieur X. continue de verser la même somme mensuelle mais il avait la possibilité de convertir le prêt en euros au bout de trois ans, ce qu'il n'a pas fait. L'emprunteur n'est donc pas lié de manière irrévocable au franc suisse. A ce jour, Monsieur X. continue de rembourser son prêt en francs suisses mais il bénéficie d'un taux d'intérêts de 2,66 % l'an, c'est-à-dire d'un taux beaucoup plus intéressant que celui mentionné dans l'offre (3,80 % l'an). Le montant de la mensualité n'a par ailleurs pas changé.
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE entend ensuite critiquer le visa par le premier juge des articles L. 112-1 et L. 112-4 du Code monétaire et financier. Le premier de ces textes n'est en l'espèce nullement méconnu puisque si les périodes d'option sont triennales, elles sont sans rapport avec le fonctionnement du contrat hors période d'option, l'emprunteur payant des échéances mensuelles, un nouveau taux de change s'appliquant à chaque échéance. Le taux de change est celui connu deux jours ouvrés avant l'arrêté de compte si bien que la période de variation du taux, mensuelle, n'est pas supérieure à la durée elle aussi mensuelle qui s'écoule entre chaque paiement d'une échéance. En outre, si l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier pose le principe selon lequel l'indexation automatique de biens ou de services est interdite, la banque prêteuse invoque l'article L. 112-2 dudit code pour soutenir que l'indexation dans les contrats internes est autorisée lorsque l'indice choisi présente un lien avec l'activité de l'une des parties. L'établissement prêteur assure d'abord que le contrat litigieux respecte les dispositions d'ordre public relatives à la monnaie ayant cours légal en France. En effet, l'offre de prêt fait bien ressortir l'euro comme « monnaie de paiement ». La clause de « monnaie de compte » est assimilable à une clause d'indexation puisque le franc suisse est choisi en tant que monnaie de compte. L'article L. 112-2 du Code monétaire et financier soumet la validité de cette clause d'indexation à l'existence d'une relation directe avec l'objet de la convention ou avec l'activité de l'une des parties, ces deux conditions n'étant pas cumulatives. Le fonctionnement du prêt HELVET IMMO souscrit par Monsieur X. induit nécessairement une opération portant sur les marchés internationaux de devises si bien que la clause de monnaie de compte stipulée dans l'offre en devises étrangères a bien un lien avec l'activité de BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE. C'est en ce sens que se prononce la Cour de cassation dès lors que l'une des parties au contrat de prêt est banquier ou financier. Plusieurs juridictions de première instance suivent cette appréciation et le cas du jugement du tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND du 3 juin 2014 correspond en cela à une décision isolée et de surcroît erronée en ce qu'elle qualifie d'artificiel le visa des francs suisses et prétend que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne serait qu'une banque de dépôt et de crédit sans lien avec les marchés de devises. Cela est contesté par le prêteur qui rappelle qu'il y a bien un intérêt qui s'attache à viser un taux en franc suisse et un taux en euro, le premier étant souvent comme en l'espèce plus intéressant que le second. Par ailleurs, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne prête pas d'argent sur ses fonds propres si bien qu'elle doit obligatoirement s'approvisionner pour prêter sur les marchés internationaux de divises.
La société prêteuse ajoute que si Monsieur X. croit pouvoir faire état de la recommandation ACP, il s'agit toutefois d'un texte qui est entré en vigueur le 1er octobre 2012, c'est-à-dire postérieurement à l'octroi du prêt HELVET IMMO.
Quant au nouvel article L. 312-3-1 du Code de la consommation, il a été introduit dans ce code par l'article 54 de la loi du 27 juillet 2013 entrée en vigueur le 28 juillet 2013. Il n'est donc pas plus applicable en l'occurrence.
La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE maintient également qu'elle a respecté envers Monsieur X. l'intégralité de ses obligations et devoirs professionnels, à commencer par son devoir de mise en garde de l'emprunteur dont l'objet demeure le risque d'endettement excessif de ce dernier lors de l'octroi de crédit, à supposer au demeurant que l'emprunteur ne soit pas un cocontractant averti. L'information relative au taux de change n'entre donc pas dans le champ d'application de ce devoir de mise en garde et Monsieur X. n'invoque aucunement un risque d'endettement excessif au regard de ses capacités financières lors de l'acceptation du prêt HELVET IMMO. La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE assure qu'elle a bien étudié les éléments transmis par l'emprunteur et apprécié ainsi ses revenus et charges pour considérer que l'offre en question n'engendrait aucun risque d'endettement excessif.
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait également état de ce qu'elle a scrupuleusement respecté son devoir d'information envers l'emprunteur. En effet, l'offre de prêt litigieuse informe de manière explicite et intelligible que l'emprunteur a souscrit un prêt en francs suisses, qu'il doit régler ses échéances en euros et que les échéances payées en euros sont converties en francs suisses pour amortir son crédit. Par ailleurs, le paiement d'échéances fixes en euros et la possibilité d'un allongement de la durée d'amortissement impliquent nécessairement un risque d'augmentation de la contre-valeur en euros du capital restant dû en francs suisses, ce dont l'emprunteur est averti en lisant l'offre de prêt. Il est encore indiqué dans l'offre que l'amortissement du prêt HELVET IMMO est soumis à la variation du taux de change euros contre francs suisses. Enfin, en signant l'offre, l'emprunteur accuse réception de ce qu'il a pris connaissance de l'offre et de ses annexes ainsi que du plan d'amortissement, et qu'il confirme ses déclarations rappelées au début de l'offre tout en se disant informé que le prêt comporte des opérations de change pouvant avoir un impact sur son plan de remboursement. La banque ajoute à toutes fins qu'elle est allée au-delà de ses obligations puisque l'offre comporte une notice dans laquelle est détaillée une simulation chiffrée présentant les conditions et modalités de variations du taux d'intérêt appliqué au contrat et ses conséquences. Monsieur X. a donc pu, au vu de cette notice, comparer les conditions relatives à l'amortissement de son prêt et s'apercevoir qu'en cas de variation du franc suisse de 1,511 à 1,4310 contre 1 euro, la durée d'amortissement du prêt était allongée de 24 mois et le coût du crédit majoré d'environ 24.900 euros. La même simulation en cas de dépréciation cette fois du franc suisse était aussi mentionnée dans l'offre.
Ainsi, aucune faute n'est utilement opposable à la banque prêteuse. Monsieur X. n'apporte pas du reste la preuve d'un quelconque préjudice, lequel ne peut être exprimé qu'en termes de perte de chance réelle, certaine et sérieuse. Dans la mesure où l'intéressé revendique une somme indemnitaire de 70.000 euros, ce qui est supérieur à la différence entre le prétendu coût du prêt HELVET IMMO et le coût d'un crédit en euros à taux fixe au même taux d'intérêt que celui stipulé dans l'offre litigieuse, son action ne pourra prospérer. La perte dont il se plaint est de fait en lien avec la crise financière survenue postérieurement à l'octroi du prêt et que la banque ne pouvait sérieusement envisager, la chute de l'euro étant difficilement prévisible dans un contexte d'évolution du cours de cette monnaie faisant apparaître une réelle stabilité depuis sa création en 1999.
* * *
Monsieur X. demande pour sa part la confirmation pure et simple du jugement entrepris. Il sollicite en outre la condamnation de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui rembourser l'ensemble des sommes versées par ses soins au titre des intérêts conventionnels excédant les intérêts au taux légal, de l'indemnité de conversion ou des frais de change. A titre subsidiaire, il demande à la juridiction du second degré de condamner la banque prêteuse à lui verser la somme indemnitaire de 70.000 euros pour manquement à ses obligations de mise en garde et d'information. Il forme en tout état de cause une demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles à concurrence de 6.000 euros.
Monsieur X. expose, au visa des dispositions de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier, qu'une obligation monétaire due à terme ne peut être affectée d'un mécanisme contractuel faisant varier le montant en fonction de l'évolution d'un indice tel qu'une devise. Par principe, la cause d'un prêt prévoyant son indexation sur l'évolution de la parité euro/franc suisse est donc illicite. Ainsi, dans les contrats purement internes, la loi interdit la fixation de la créance en monnaie étrangère. En l'occurrence, le prêt a été conclu entre une personne physique de nationalité française, résidant en France, et un établissement bancaire de droit français pour l'acquisition d'un bien immobilier situé en France si bien que la clause d'indexation est sans lien avec l'objet du contrat ou l'activité de l'une des parties, d'où son caractère illicite. C'est en ce sens que le tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND a été amené à statuer par jugement du 3 juin 2014. Et c'est dans cette direction que s'est poursuivie l'évolution législative. La loi du 26 juillet 2013 a introduit un nouvel article L. 312-3-1 dans le Code de la consommation énonçant que les emprunteurs ne peuvent contracter des prêts libellés en devise étrangère remboursables en monnaie nationale que s'ils perçoivent des revenus ou possèdent un patrimoine dans cette devise. Ainsi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré non écrite la clause d'indexation du prêt sur le taux de change euro/franc suisse. Le taux d'intérêt contractuel sera également réputé non écrit et il importera de lui substituer celui légal à compter de la conclusion du contrat. La Banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE devra par ailleurs rembourser l'ensemble des sommes versées par l'emprunteur chaque mois au-delà du remboursement du capital emprunté.
A titre subsidiaire, Monsieur X. reproche à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE des manquements notables à ses devoirs de mise en garde et d'information de l'emprunteur. En effet, en faisant reposer le coût du prêt sur la fluctuation du taux de change euro/franc suisse, la banque prêteuse a fait peser un risque important sur son cocontractant. Il lui fallait donc attirer de manière spécifique l'attention de l'emprunteur sur les conséquences d'un renchérissement du franc suisse par rapport à l'euro sur le coût du crédit. Or, ni l'offre de prêt ni ses annexes ne contiennent les informations suffisantes sur de telles conséquences. Le mécanisme du prêt est certes décrit dans l'offre, mais ce n'est qu'en page 38 qu'apparaît une information relative aux opérations de change dans le cadre de la gestion de ce contrat. Cette information est donc reléguée en fin d'acte et la typographie employée est strictement la même que pour le reste de l'offre si bien que l'attention de l'emprunteur, qui n'a eu aucun contact avec le banquier compte tenu de l'intervention d'un intermédiaire, n'est pas particulièrement attirée sur le risque de change contrairement aux recommandations de l'Autorité de Contrôle Prudentiel. Ce ne sont pas les deux simulations mentionnées dans l'offre qui peuvent compenser cette carence s'agissant d'hypothèses sans aucune commune mesure avec la chute depuis 2009 de l'euro par rapport au franc suisse. La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a sciemment minimisé le risque de change pour inciter Monsieur X. à contracter. Elle a ainsi manqué à son obligation de conseil et même à son devoir de loyauté dans le cadre de la conclusion du prêt. En outre, bien avant la conclusion du prêt, le taux de change avait déjà connu des évolutions nettement supérieures à celles apparaissant dans les simulations contractuelles.
Monsieur X. ajoute que le paragraphe de l'offre sur le remboursement du crédit, dans sa partie relative à l'amortissement du capital, se contente d'indiquer que l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels, cet amortissement ayant été moins rapide ou plus rapide selon l'évolution du taux de change. A aucun moment, le prêteur ne fait donc état du risque d'augmentation du capital exprimé en euros en dépit des remboursements opérés par l'emprunteur.
L'emprunteur considère en outre que la banque prêteuse a méconnu son devoir de mise en garde à son égard. Monsieur X. précise qu'au jour de la conclusion du prêt, il occupait un poste de praticien hospitalier. Il n'a donc aucune compétence particulière en matière de produits financiers de sorte qu'il est bien un emprunteur non averti. Or, le devoir de mise en garde s'exerce chaque fois que la conclusion d'un prêt fait naître pour l'emprunteur un risque d'endettement excessif. Ce risque existait bien en l'espèce compte tenu de l'indexation du prêt sur un taux de change par définition volatile. Il revenait à la banque prêteuse d'appréhender ce risque bien réel dans la mesure où, au 10 mars 2015, le capital restant dû par l'emprunteur s'élève à 228.830,71 euros pour un capital emprunté de 176.000 euros, Monsieur X. s'acquittant de ses mensualités depuis près de six ans.
Monsieur X. rappelle que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a été mise en examen en avril 2013 pour des pratiques commerciales trompeuses dans le cadre de la commercialisation de ses prêts HELVET IMMO.
L'emprunteur fait enfin état de son préjudice engendré par le manquement d e la banque à ses devoirs et obligations, soit la perte de chance pour lui de contracter un autre type de prêt sans risque de change. Il assure que s'il a avait pu bénéficier d'une information complète sur les risques inhérents au prêt HELVET IMMO, et notamment sur le risque de voir le capital restant dû en euros augmenter en dépit des remboursements opérés, il n'aurait assurément jamais contracté ce prêt. L'intéressé évalue sa perte de chance à la somme de 70.000 euros.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur le caractère prétendument illicite de la clause d'indexation des remboursements sur la variation du taux de change euro/franc suisse :
Attendu que l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier énonce en son premier alinéa que « sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article L. 112-2 et des articles L. 112-3, L. 112-3-1 et L. 112-4, l'indexation automatique des prix des biens ou de services est interdite » ;
Que l'article L. 112-2 dudit code précise que « dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties […] » ;
Attendu en l'occurrence qu'il est constant que le contrat de prêt litigieux conclu entre Monsieur X. et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait explicitement référence à deux monnaies, soit l'euro comme monnaie de paiement et le franc suisse comme monnaie de compte en l'espèce étrangère, cette référence devant de fait s'analyser en une indexation de l'obligation à remboursement de l'emprunteur sur le taux de change de l'euro contre le franc suisse ;
Que s'il est tout autant constant que le contrat de prêt litigieux s'analyse en un acte strictement interne dès lors que les parties sont domiciliées en France, de nationalité française ou immatriculée dans ce pays et que le bien financé est situé en France, l'indexation en question ne contrevient aucunement aux prohibitions rappelées ci-dessus dans la mesure où elle est en relation directe avec l'activité de la société prêteuse, établissement bancaire qui fait par profession commerce d'argent et doit comme en l'occurrence emprunter sur les marchés internationaux de devises pour prêter à ses clients, les établissements financiers n'ayant pas pour pratique de prêter sur leurs fonds propres ;
Qu'il s'ensuit que la clause d'indexation des remboursements sur la variation du taux de change euro/franc suisse comprise dans le contrat de prêt conclu le 3 juillet 2009 par Monsieur X. avec la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE est régulière et parfaitement licite de sorte que la décision entreprise qui déclare cette clause non écrite et substitue au taux conventionnel celui légal doit être infirmée, la demande additionnelle de Monsieur X. aux fins de remboursement par la banque prêteuse des sommes versées par ses soins au titre des intérêts conventionnels, d'indemnité de conversion ou des frais de change devant être rejetée comme mal-fondée ;
Sur le manquement allégué de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à son devoir de mise en garde :
Attendu qu'il est acquis que tout prêteur professionnel, qui accorde à un client non averti un concours financier, doit au préalable se faire transmettre tous renseignements sur la situation personnelle de son cocontractant ainsi que sur sa situation pécuniaire afin de vérifier sa capacité exacte de remboursement et le mettre en garde le cas échéant contre tout risque d'endettement excessif ;
Attendu en l'espèce que si les éléments de la cause ne permettent aucunement de présumer une quelconque compétence de Monsieur X., praticien hospitalier, en matière de recours au crédit bancaire si bien que l'intéressé sera réputé emprunteur non averti, il ne peut être négligé au vu de l'offre que la banque s'est fait communiquer les éléments utiles sur la situation de son client, le propos de ce dernier ne relevant du reste aucunement du devoir de mise en garde ;
Qu'en effet, le mécanisme décrit dans le contrat de prêt litigieux établit que toute évolution du taux de change euro/franc suisse défavorable à l'emprunteur n'augmente pas le montant de ses mensualités, lesquelles sont fixes ;
Qu'une telle évolution a donc pour conséquence d'augmenter le montant du capital restant dû et ainsi, compte tenu du montant invariable de chaque échéance mensuelle, d'augmenter la durée d'amortissement du prêt d'un délai maximum de 5 ans ;
Qu'en cela, la charge mensuelle d'une telle évolution défavorable ne varie pas, la capacité de remboursement de l'emprunteur restant la même ;
Que le manquement de la banque au devoir de mise en garde, devoir qui s'apprécie au jour de l'octroi du crédit et non pendant l'exécution du contrat, n'est donc pas démontré et aucun principe de réparation d'un quelconque préjudice ne peut à ce titre être arrêté, Monsieur X. étant en cela débouté de sa demande indemnitaire ;
Sur le manquement allégué de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à son devoir d'information :
Attendu que Monsieur X. reproche à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de ne l'avoir pas utilement informé des conséquences exactes du risque de change inhérent au prêt HELVET IMMO proposé par cet établissement financier ;
Attendu que l'examen de l'offre de prêt litigieuse enseigne que cet acte comprenait les indications suivantes :
* en page 1 : le montant du crédit est exprimé en francs suisses, ce qui correspondant au montant du financement en euros du projet et des frais de change relatifs à l'opération de change du montant du crédit en euros qui seront prélevés lors du déblocage des fonds au notaire,
* en page 2 : le crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises. Cet emprunt en francs suisses permet à l'emprunteur de bénéficier du taux d'intérêt défini par ce contrat,
* en pages 2 et 3 : dès la réception de l'acceptation de l'offre, le prêteur ouvre un compte interne en euros et un autre en francs suisses au nom de l'emprunteur pour gérer son crédit, ces comptes ne constituant pas des comptes de dépôt,
* en page 3 : le prêt objet de l'offre est un prêt en francs suisses. Ne s'agissant pas d'une opération de crédit international, les versements assurés par l'emprunteur au titre du prêt ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses. En conséquence, il est expressément convenu et accepté que les frais de change occasionnés par les opérations décrites font partie intégrante des règlements en euros et des opérations de changement de monnaie de compte, frais sans lesquels le prêt n'aurait pas été octroyé en francs suisses. En acceptant la présente offre, l'emprunteur accepte les opérations de change de francs suisses en euros et d'euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit tels que précisés au sein de l'offre. Le montant du prêt, qui comprend les frais de change relatifs à l'opération de change du montant du crédit de francs suisses en euros est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,5110 francs suisses. Ce taux est invariable jusqu'au déblocage complet du crédit de sorte que le montant du financement en euros est arrêté définitivement. Le tableau d'amortissement joint à l'offre a été établi sur la base de ce même taux de change,
* en page 4 : les opérations de change suivantes seront réalisées par le prêteur au cours de la vie du crédit :
- la conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes du crédit. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant l'arrêté de compte,
- la conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses en cas d'exercice d'une des deux options définies à l'article 'Options pour un changement de monnaie de compte',
- la conversion en francs suisses du remboursement en euros en cas de remboursement anticipé total ou partiel du crédit. Le taux de change applicable à toutes les opérations de change intervenant au cours de la vie du crédit sera le taux de change de référence, publié sur le site Internet de la Banque Centrale Européenne. Les frais de change appliqués à chaque opération de change sont égaux à 1,50 % toutes taxes comprises du montant à convertir,
* en page 5 : l'amortissement du capital du prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels, après paiement des charges annexes, selon les modalités définies au paragraphe 'Opérations de change' :
- s'il résulte de l'opération de change une somme inférieure en francs suisses exigibles [phrase mentionnée en gras dans l'offre], l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti d'une échéance du crédit sera inscrite au solde débiteur du compte interne en francs suisses,
- s'il résulte de l'opération de change une somme supérieure à l'échéance en francs suisses exigible [également en gras dans l'offre], l'amortissement du capital sera plus rapide et l'emprunteur remboursera plus rapidement son crédit,
- à chaque 3e anniversaire du premier règlement au titre du crédit, le taux d'intérêts sera révisé et l'emprunteur en sera avisé un mois à l'avance. Sur la base des sommes restant dues sur le compte en francs suisses, de la durée résiduelle initiale du crédit et du nouveau taux d'intérêt applicable, sera déterminé un nouveau montant d'échéance théorique en francs suisses. Cette nouvelle échéance sera alors convertie en euros pour obtenir un nouveau montant de règlement mensuel théorique en euros. Si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, le montant des règlements en euros restera néanmoins inchangé, la durée du crédit étant raccourcie et l'emprunteur remboursera le crédit plus rapidement. Dans l'hypothèse inverse, l'augmentation des règlements en euros sera établie de manière à permettre de régler le solde du compte sur la durée résiduelle initiale du crédit majorée de cinq années,
* en page 8 : le taux d'intérêt initial est de 3,80 % l'an et sera fixé et appliqué pendant les 3 premières années, suivant le premier versement du crédit. A la fin de la période, à défaut de choisir l'une des deux options (option pour un changement de monnaie de compte en euro à un taux fixe ou à un taux révisable), le taux d'intérêt du crédit sera calculé sur la base de la moyenne mensuelle du taux SWP francs suisses 3 ans du mois civil précédant l'application du nouveau taux du prêt. Cette révision a une incidence sur la composition de l'échéance et donc sur l'évolution du solde du compte ;
Que ces différents aspects étaient repris de manière concrète dans des simulations chiffrées jointes à l'offre en pages 36, 37 et 38, et plus spécifiquement en page 38 pour établir l'impact d'une variation du taux de change initial sur le coût total du crédit et la durée de celui-ci ;
Que la circonstance que ces simulations ne correspondent pas aux proportions préconisées par l'Autorité de Contrôle Prudentiel est totalement indifférente dès lors que les recommandations adoptées par cette autorité ne l'étaient pas encore lorsque la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a accordé à Monsieur X. le prêt aujourd'hui querellé, les dispositions de la loi du 26 juillet 2013 sur l'interdiction de toute stipulation en devise étrangère dans des actes sans lien avec ladite devise n'étant par définition pas applicables au présent prêt conclu courant juillet 2009 ;
Que la consultation par l'emprunteur des deux simulations jointes à l'offre (cas d'appréciation du franc suisse par rapport à l'euro et cas de dépréciation) permettaient à Monsieur X. de saisir le mécanisme d'augmentation ou de diminution du capital restant dû, et donc d'allongement ou au contraire de raccourcissement du délai d'amortissement de ce capital, les mensualités restant d'un montant invariable ;
Qu'enfin, Monsieur X. s'est vu remettre par la banque prêteuse un accusé de réception et d'acceptation de l'offre de crédit qu'il a signé et par lequel il déclare avoir pris connaissance de l'offre et de ses annexes et avoir été informé que le crédit comportait des opérations de change pouvant avoir un impact sur son plan de remboursement, l'offre lui ayant été remise le 22 juin 2009, son acceptation étant du 3 juillet suivant ;
Qu'il est donc acquis que la banque a respecté son devoir d'information de son cocontractant sans que ce dernier puisse utilement lui reprocher la moindre faute, Monsieur X. devant également être débouté de sa demande indemnitaire à ce titre ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que l'équité ne justifie pas l'indemnité de procédure arrêtée par le premier juge en faveur de Monsieur X. qui sera débouté de sa prétention à cette fin, la décision dont appel étant aussi infirmée de ce chef ;
Que cette même considération commande d'arrêter en cause d'appel au profit de la banque poursuivante une indemnité pour frais irrépétibles de 3.000 euros, le débiteur de cette somme étant lui-même débouté de sa propre demande indemnitaire à cette même fin ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Prononçant à nouveau,
Déclare licite et régulière la clause d'indexation sur la variation du taux de change euro/franc suisse des remboursements du prêt souscrit le 3 juillet 2009 par Monsieur X. auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;
Dit n'y avoir lieu à substitution du taux légal au taux conventionnel mentionné dans ce prêt ;
Déboute Monsieur X. de sa demande d'indemnité de procédure en première instance ;
Condamne Monsieur X. aux entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Déboute Monsieur X. de toutes ses demandes indemnitaires et de remboursement d'intérêts, d'indemnité de conversion ou de frais de change ;
Condamne Monsieur X. à verser en cause d'appel à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE une indemnité pour frais irrépétibles de 3.000 euros ;
Condamne Monsieur X. aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Sylvie REGNIER, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER