CA GRENOBLE (ch. com.), 18 mai 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6870
CA GRENOBLE (ch. com.), 18 mai 2017 : RG n° 17/00760
Publication : Jurica
Extrait : « La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par SYSTÈME U est recevable comme étant présentée dans un écrit distinct et motivé. Elle sera rejetée à défaut de respecter les conditions de fond exigées cumulativement.
En effet, la disposition de l'article L. 442-6-III applicable au litige, spécialement dans son alinéa 2 prévoyant l'action de l'autorité publique, a déjà été déclarée conforme à la constitution par la décision du Conseil constitutionnel susvisée du 13 mai 2011, posée dans le litige au fond, sans que SYSTÈME U puisse invoquer un autre principe constitutionnel (le principe d'égalité) en tant que changement de circonstance de droit ou un changement de circonstance de fait. La question ne présente donc pas un caractère nouveau.
Elle est en outre dépourvue de caractère sérieux, dès lors que SYSTÈME U entend déférer au conseil constitutionnel l'examen de l'interprétation à faire de la réserve d'interprétation du 13 mai 2011, qui ressort plutôt du pouvoir du juge du fond - auquel elle s'impose - relativement à l'appréciation des modalités de mise en œuvre de l'information aux tiers. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 18 MAI 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/00760. Question prioritaire de constitutionnalité du 13 février 2017, suivant déclaration d'appel du 7 juin 2012 d'une décision (R.G. n° 07J70079) rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE en date du 28 mars 2012.
APPELANTE :
SA SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître G. de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Maître A. du cabinet R., avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMÉ :
Monsieur LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES
représenté conformément aux dispositions de l'article R.470-1-1 du Code de Commerce par Monsieur N., Directeur régional des entreprises, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) AUVERGNE RHONE ALPES, [...], Représenté par Monsieur B. de la DIRECCTE AUVERGNE RHONE ALPES, entendu
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Dominique ROLIN, Président de Chambre, Madame Fabienne PAGES, Conseiller, Madame Anne-Marie ESPARBES, Conseiller,
Assistées lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.
MINISTÈRE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et représenté lors des débats par monsieur R., substitut général, qui a fait connaître son avis.
DÉBATS : A l'audience publique du 12 avril 2017, Madame ESPARBÈS, conseiller, a été entendue en son rapport, Maîtres A. et monsieur B. ont été entendus en leurs conclusions et en leur plaidoirie et observations, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Le 19 mars 2007, le ministre chargé de l'économie a fait assigner la société SYSTÈME U devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Valence pour voir juger ses pratiques commerciales à l'égard d'un fournisseur de la Drôme à savoir l'Union des vignerons des côtes du Rhône (UVCDR) concernant des fournitures d'études marketing et statistiques facturées en 2005 et 2006 contraires à l'article L. 442-6 du code de commerce comme étant manifestement disproportionnées au regard de la valeur des services rendus.
SYSTÈME U a notamment soulevé une question prioritaire de constitutionnalité que le tribunal de commerce de Romans sur Isère (nouvellement compétent) a par jugement du 8 décembre 2010 transmise à la cour de cassation (arrêt du 8 mars 2011), qui l'a communiquée au conseil constitutionnel.
Par décision du 13 mai 2011, le conseil constitutionnel a considéré que « Sous la réserve énoncée au considérant 9 [relatif à l'information des parties sur l'introduction d'une telle action initiée par l'autorité publique], le second alinéa du paragraphe III de l'article L.442-6 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, est conforme à la constitution ».
Par jugement du 28 mars 2012, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a, en constatant notamment que l'UVCDR a été préalablement informée de l'action du ministre le 2 avril 2007, fait droit aux demandes du requérant fondées sur l'obtention par SYSTÈME U d'un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur des services rendus et l'abus par SYSTÈME U de sa puissance d'achat, et en conséquence, a prononcé la nullité de la clause relative à la rémunération des services, condamné SYSTÈME U à restituer l'indu (730.113 euros) ainsi qu'au paiement à une amende civile de 1.500.000 euros pour trouble à l'ordre public économique.
Appel a été interjeté par SYSTÈME U par acte du 7 juin 2012 (RG n°12/2494).
Après que les parties aient reçu un avis du greffe du 3 janvier 2017 fixant la date de plaidoirie de l'affaire au 12 avril 2017 avec clôture envisagée au 16 février 2017, SYSTÈME U a saisi la cour d'un moyen d'inconstitutionnalité le 13 février 2017 (RG n°17/760) en soutenant que le ministre n'a pas tiré les conséquences de la décision du conseil constitutionnel dès lors qu'il n'aurait délivré l'information que par courrier destiné à l'UVDCR adressé le 16 décembre 2016.
Le président de la chambre a défixé le dossier de fond pour qu'il soit statué préalablement sur la question prioritaire de constitutionnalité à l'audience du 12 avril 2017.
Par ses secondes conclusions portant question prioritaire de constitutionnalité, SYSTÈME U centrale nationale a demandé à la cour de :
- constater qu'elle soulève de manière régulière (article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067) le moyen tiré de ce que l'interprétation de l'article L. 442-6 III du code de commerce tel que complété par la réserve d'interprétation du conseil constitutionnel du 13 mai 2011 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution et plus précisément au principe d'égalité devant la loi au travers duquel le principe du double degré de juridiction et le respect des droits de la défense doivent être respectés,
- constater que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée porte sur une disposition applicable au litige dont est saisie la cour d'appel,
- de constater que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée porte sur une disposition qui n'a pas été déjà déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du conseil constitutionnel dans des circonstances identiques, c'est-à-dire notamment au regard du principe d'égalité devant la loi,
- de constater que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée présente un caractère sérieux,
- en conséquence,
- de prononcer un sursis à statuer et transmettre à la cour de cassation dans les délais et conditions requis, la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
« L'interprétation faite de l'article L. 442-6 III du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la réserve de conformité issue de la décision n° n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011 ayant imposé au ministre d'informer les parties au contrat dont il poursuit la nullité, de l'introduction de l'instance, en tant qu'elle permet au ministre de l'économie de ne délivrer cette information qu'à hauteur d'appel, privant ainsi les créanciers de cette information du double degré de juridiction, est-elle contraire au principe d'égalité au droit à un recours effectif et aux droits de la défense, tels qu'ils sont définis aux articles 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que par l'article 66 de la constitution ».
Par ses conclusions en réponse, le ministre de l'économie et des finances représenté par M. N. directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne-Rhône-Alpes a, au visa notamment des deux décisions du conseil constitutionnel n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011 et 2016-542 QPC du 18 mai 2016, demandé à la cour :
- de juger que l'article L. 442-6 III du code de commerce contesté par la question prioritaire de constitutionnalité posée par SYSTÈME U a déjà été déclaré conforme à la constitution dans les motifs et dispositifs de deux décisions du conseil constitutionnel,
- de juger qu'il n'existe aucune circonstance de fait ou de droit de nature à justifier un nouvel examen de cette question,
- de juger que la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux,
- en conséquence,
- de constater que les conditions subordonnant le renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation ne sont pas remplies,
- de débouter SYSTÈME U de sa demande de sursis à statuer et de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation,
- de condamner SYSTÈME U à 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- et de réserver les dépens.
Le procureur général a, par voie de conclusions du 12 avril 2017 communiquées aux parties, dit n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité et n'y avoir lieu à sursis à statuer.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par SYSTÈME U est recevable comme étant présentée dans un écrit distinct et motivé.
Elle sera rejetée à défaut de respecter les conditions de fond exigées cumulativement.
En effet, la disposition de l'article L. 442-6-III applicable au litige, spécialement dans son alinéa 2 prévoyant l'action de l'autorité publique, a déjà été déclarée conforme à la constitution par la décision du Conseil constitutionnel susvisée du 13 mai 2011, posée dans le litige au fond, sans que SYSTÈME U puisse invoquer un autre principe constitutionnel (le principe d'égalité) en tant que changement de circonstance de droit ou un changement de circonstance de fait.
La question ne présente donc pas un caractère nouveau.
Elle est en outre dépourvue de caractère sérieux, dès lors que SYSTÈME U entend déférer au conseil constitutionnel l'examen de l'interprétation à faire de la réserve d'interprétation du 13 mai 2011, qui ressort plutôt du pouvoir du juge du fond - auquel elle s'impose - relativement à l'appréciation des modalités de mise en œuvre de l'information aux tiers.
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu à renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation, de sorte que la demande de sursis à statuer est rejetée.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Juge recevable le moyen d'inconstitutionnalité soulevé par SYSTÈME U,
Au fond, le rejette,
Dit n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation,
Rejette la demande de sursis à statuer présentée par SYSTÈME U,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Réserve les dépens.
SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame COSNARD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président